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Gérer sa petite vie sans les parents

PARTIE II – ÉVÉNEMENTS, INCIDENTS, ACCIDENTS

3. Gérer sa petite vie sans les parents

Le processus d’autonomisation de l’enfance s’explique avec la reconnaissance de l’enfant lui-même, en tant qu’individu. Aujourd’hui, l’enfant apprend à construire son monde et à vivre dedans, de nouvelles normes régissent les comportements familiaux où sont valorisées l’autonomie et l’indépendance. Ce que l’on retrouve également dans les projets pédagogiques des colonies de vacances fréquentées par des jeunes de 12 ans et plus : aider les jeunes à gagner en autonomie. Le temps de la colonie de vacances est marqué par des temps d’activités (sportives et/ou culturelles) et des temps de vie quotidienne. Il s’agit pour les jeunes d’apprendre à se prendre en main, le taux d’encadrement ne permettant d’ailleurs fort heureusement pas d’avoir un animateur derrière chaque jeune !

« Après en colo, voilà [les parents] savent, y a un anim, au minimum y a un animateur pour 12 enfants, ou 12 jeunes. On peut pas être derrière chacun, donc c’est aussi leur apprendre à s’autogérer, à savoir préparer leurs affaires, ranger la chambre voilà, y a aussi, donc du coup sur l’individu lui-même et tout autour du collectif. »

[Julia, 24 ans, animatrice]

En colonie de vacances, les jeunes ont l’occasion d’expérimenter une vie sans leurs parents. Ces séjours sont la chance d’une « confrontation entre pairs, si importante pour les enfants et si prégnante pour les préadolescents et les adolescents, mais dans des espaces protégés. Ils offrent enfin à des jeunes l’opportunité de parler avec des adultes, qui ne sont ni des parents ni des enseignants, qui sont dans une attitude bienveillante et auprès desquels les jeunes ne sont pas ceux de la performance scolaire » (Bier, 2011, p. 42).

« Ici, tout ce qui se passe ici, ça reste ici [rires]. Alors les parents bon ils me font confiance aussi. Mais je pense pas qu’ils s’imaginent qu’on a le droit de sortir jusqu’à 1h du matin en ville, sans adulte ! C’est pour ça aussi que c’est bien les colos… tu fais ta petite vie tranquille, sans les parents. Les anims eux ils comprennent ce qu’on veut parce qu’ils sont encore jeunes… Donc ils nous font confiance pour sortir le soir. Après si y’a un problème, on sait qu’on pourra plus sortir. »

[Océane, 16 ans]

« Ce soir, on a quartier libre après le repas, donc de 22h à minuit et demi à peu près. […] La règle qu’a donnée le directeur, c’est qu’il faut qu’on soit minimum 3, jamais quelqu'un tout seul au cas où, maximum 8 pour éviter les histoires… bon ça on le fait pas trop… on est souvent plus… et puis faut toujours qu’on est tous nos portables sur nous avec de la batterie. On a les numéros des animateurs si y’a un problème on appelle. Du coup, on peut faire ce qu’on veut pendant ce temps là, ils nous font confiance. Après c’est pareil, on n’a pas le droit de fumer du… du… enfin voilà et

qu’ils fassent les comptes après et vérifier que tout le monde est rentré. »

[Arthur, 15 ans]

En colonie de vacances, les jeunes peuvent contourner une partie des règles familiales et amicales et profitent de ce temps pour desserrer les contraintes qui les entourent au quotidien. Certains développent une sorte de deuxième « moi » au sein de la colo où ils s’essayent à une autre définition d’eux-mêmes :

« Jamais j’aurais pu mettre une robe comme ça en vrai. Ici c’est différent… on peut essayer et personne nous juge. C’est plus simple. Il y a moins de règles à suivre et les animateurs nous font pas trop de remarques. […] Je crois même que les animateurs nous poussent à changer, quand ils organisent des soirées déguisées… c’est pour ça aussi ! Derrière c’est pour qu’on arrive à rire de nous-mêmes alors qu’au collège c’est pas possible. » [Adjoua, 14 ans]

La colonie de vacances offre un espace de liberté beaucoup plus grand que dans le quotidien. Lors de l’enquête de terrain, nous avons assisté aux premières sorties nocturnes de plusieurs adolescents qui n’étaient jamais sortis entre jeunes le soir. Si une partie d’entre eux pensent que leurs parents ne cautionneraient pas forcément cette liberté, ils s’accordent tous à dire que « ce qui se passe en colo reste en colo » et regrettent déjà le retour dans le milieu familial (même en vacances) où ils retrouveront la contrainte de sortir le soir avec leurs parents, jusqu’à des heures considérées comme « non tardives ». Ces temps, diurnes ou nocturnes, qui sont sous la gestion des jeunes les marquent, dans la mesure où ils l’interprètent, à juste titre, comme une marque de confiance pour gérer leur vie.

« En colo, on a fait une sortie en ville un soir jusqu’à 23h, les animateurs nous ont donné un rendez-vous et après on faisait ce qu’on voulait – bon pas des bêtises hein [rires] – c’était trop bien. C’était la première fois que j’étais entre jeunes… qu’on pouvait faire ce qu’on voulait de notre petite vie !

Q : Alors, vous avez fait quoi pendant ce temps à vous ?

On a marché, puis on a mangé des glaces, on a fait du shopping dans les magasins de souvenirs, mais comme on n’avait pas assez d’argent, ben on a rien acheté ! C’était trop bien. Ensuite on est parti s’asseoir sur un banc… on a parlé en regardant les gens passer, on faisait des commentaires sur les gens, je sais ça se fait pas trop de se moquer mais… Franchement c’était trop bien [rires] »

4. Partager des moments chargés d’émotion : la force de l’entre soi