• Aucun résultat trouvé

Des événements qui concernent bien souvent la vie quotidienne hors ACM

PARTIE III – DES RÈGLES DE VIE POUR PROTÉGER LES JEUNES

2. Des événements qui concernent bien souvent la vie quotidienne hors ACM

Les centres de vacances peuvent être des lieux où des situations extrêmement violentes (malnutrition, maltraitance, mal être…) vécues par les jeunes se révèlent (Chauvin, 2008) et les jeunes animateurs sont souvent pris au dépourvu. En effet, les ACM sont un lieu et un moment propices à la libre parole et aux confidences des jeunes vers des adultes qu’ils considèrent comme proches et sensibles. Ainsi comme nous l’avons déjà expliqué, nombreux sont les jeunes qui racontent que ni trop jeunes, ni trop vieux, « les animateurs, on peut leur parler comme à des adultes, sans que ce soit des parents ». Par conséquent, ceux-ci recueillent parfois malgré eux des confidences sur le quotidien familial des jeunes.

Ces moments très personnalisés et privilégiés qui permettent de libérer la parole des jeunes sont peu anticipés par les animateurs et ce, d’autant qu’ils sont peu expérimentés. Cette dimension est en effet peu voire pas abordée dans le cadre des formations BAFA.

« Le travail sur la maltraitance y compris sexuelle est basé sur les textes et sur les obligations faites du côté de l’éducateur, là où il est … Le signaler, et de signaler au sens où c’est dit. Enfin quand on peut le travailler, moi ce qui peut-être dit, alors là auprès des animateurs j’y crois pas cinq minutes même si c’est fait ; pour avoir mesuré l’effet. C’est-à-dire que, on peut parler de n’importe quoi à des animateurs en BAFA, tant qu’ils l’auront pas vécu ça n’existe pas. Donc après ce qui peut se passer ça tiendra certainement du directeur, comment il a réagi face à une situation, et comment il a indiqué, ou comment il a… initié la relation éducative par rapport à ça avec les animateurs. Au niveau du directeur c’est un travail sur la maltraitance et on peut dire, très banal, très classique, mais il peut se passer ailleurs, c’est-à- dire heu : un signalement et pas d’attitude d’enquête ou d’interrogation… la mise à distance et le signalement le plus rapide possible… Et après, bon après la difficulté sur le terrain, on peut pas la mesurer hein : comment les gens vont faire. Mais dès qu’un gamin a parlé de quelque chose et généralement, sur les exemples qu’on a, le problème est moins sur des signalements d’événements vécus pendant le séjour, qu’ils sont une donnée d’éléments vécus en dehors du séjour, et là où ils parlent ils mettent effectivement les animateurs en difficulté. »

[Formateur BAFA, BAFD]

Les récits de violences subies dans le cadre familial sont des moments marquants pour les animateurs comme pour les directeurs. Ils parlent alors d’un sentiment d’impuissance puisque d’une part les faits se sont déroulés dans la sphère privée et d’autre part parce qu’ils ne sont pas du tout formés à faire face à ces situations. La vie en communauté, le fait de partager le quotidien facilite et accélère la parole et la confiance que les jeunes peuvent avoir dans les adultes. Au bout de quelques jours parfois, ils parlent de leurs parents

décédés, de leurs difficultés à l’école, d’une engueulade avec leur meilleur.e ami.e ou encore des violences qu’ils subissent au collège. Ce n’est pas pour autant que cela est aisé à gérer par les animateurs, souvent pris au dépourvu et peu formés pour faire face aux attentes de ces jeunes. Par exemple, une jeune fille qui raconte le décès de sa mère à une animatrice, souhaitant partager sa peine et son chagrin.

« Des enfants, des jeunes, qui me disaient qu’un de leurs parents était décédé par exemple. Je me rappelle d’une petite qu’avait, quand on était partis en colo, qu’avait mis une photo sous son oreiller et quand je suis allée, quand je suis partie lui dire bonne nuit elle m’a sortie la photo, et elle m’a dit : voilà, c’est maman, elle est morte y a pas longtemps, voilà, et puis elle se mettait à pleurer, voilà c’était très très dur pour elle, voilà… »

[Julia, 24 ans, animatrice]

L’absence des parents, de la famille et des amis, lorsqu’elle se ressent, est mise en mots par les jeunes. Ils cherchent alors bien souvent à décrire leurs sentiments et l’absence qu’ils vivent, et c’est parfois dans ces occasions qu’ils évoquent leur quotidien et se racontent. Parmi les moments les plus propices aux récits on peut citer le coucher et les temps calmes de la journée, mais également les temps de randonnée, où il s’agit de marcher, de se dépasser. Les discussions qui démarrent bien souvent sur des futilités aboutissent parfois à des récits plus intimes. Si les professionnels de l’animation s’accordent à dire que d’énormes progrès ont été réalisés par les services spécialisés dans l’accompagnement et la prévention de ces situations tragiques (Chauvin, 2008), il n’empêche qu’un certain nombre des animateurs rencontrés nous ont fait part de leurs difficultés à faire face à ces situations.

a. Ne pas être seul pour gérer un signalement… ou la difficulté du travail en équipe

« Après [les animateurs] ont une idée, ils ont une image de la responsabilisation qui est au-delà du réel. Parce que très rapidement ils se pensent responsables de tout. C’est-à-dire, d’un seul coup, l’animateur quand il est en formation y a pas de directeur hein, il est tout seul. »

[Formateur BAFA, BAFD]

Partager des valeurs, des règles

La question des relations entre animateurs est primordiale et structurante. Quand les possibilités de dialogue entre animateurs ne se maintiennent pas, l’organisation risque fort

enquête de terrain le confirme, ce qui fait « tenir » une colo, c’est la qualité des relations entre enfants (ou jeunes) et animateurs. Si cet élément manque, le reste ne peut pas s’effectuer.

« L’animateur ou l’animatrice qui est confronté à des situations de cet ordre-là en l’occurrence, on peut espérer ou on peut dénoncer, si ça n’est pas le cas, comme tu l’évoquais il n’est pas tout seul, il est dans une équipe et que la question… Enfin c’est pas que un hasard si on met en avant la question du travail en équipe, du projet d’équipe, des modalités de travail en équipe, donc des espaces de paroles, d’échanges dans l’équipe… »

[Formateur BAFA, BAFD]

Être directeur, c’est aussi être animateur, mais c’est surtout avoir le souci du bien-être des enfants et des jeunes, des animateurs et le souci du bon déroulement de la colo. Cela implique parfois de repréciser, de réexpliquer certains points de fonctionnement ou d’accompagner les animateurs qui sont en difficulté. « Si on ne peut modifier le groupe d’animateurs, il ne reste plus qu’à pallier le manque de relations par le renforcement de l’organisation et, par exemple, à faire en sorte que toutes les tâches de la journée à venir soient réparties pour que l’on obtienne une apparence de cohérence » souligne Jean Houssaye en tant que directeur de centre et chercheur.

Il n’est pas toujours simple d’expliquer aux animateurs que ce qu’ils font n’est pas toujours adapté.

Conclusion

Chaque colonie de vacances est unique, de même que les souvenirs qu’elle laisse. Chaque groupe construit en effet une histoire qui lui est propre pendant la période de son séjour. Malgré les remarques fréquentes sur la qualité de la nourriture, sur la propreté des sanitaires ou encore le manque d’eau chaude dans les douches, les jeunes que nous avons rencontrés sont dans une très grande majorité contents d’être/d’avoir été en colo. Même si, lorsqu’on les écoute, ils ont un certain nombre de remarques et d’observations parfois négatives à faire (notamment à l’occasion des « Purs moments de vérité »), il n’empêche que dans l’ensemble ils s’accordent avec les animateurs pour dire qu’il fait bon vivre en colo.

Un « bon » groupe, au sens d’un groupe qui partage des valeurs communes et dans lequel les relations entre jeunes mais aussi entre jeunes et animateurs sont intenses, peut se former dès le voyage de départ et se maintenir jusqu’aux larmes du retour. Il peut aussi se construire au fur et à mesure, l’essentiel étant qu’il se forme. Le cas échéant, les motivations des jeunes comme celles des animateurs sont moins prégnantes, et même, en cas de groupe « mou », elles peuvent entraîner la démotivation de l’équipe d’animation qui parvient difficilement à faire « semblant » en comblant les vides.

Si, comme le dit Jacques Chauvin, « l’offre de séjours est d’une richesse extraordinaire, qui permet à chacun de satisfaire ses envies », force est de constater qu’un nombre non négligeable de jeunes rencontrés n’avaient pas connaissance du type de séjour dans lequel ils étaient inscrits. Sport, théâtre, cirque, autant de thèmes qui concernent les séjours et dans lesquels ils se trouvent envoyés par leurs parents. C’est ainsi l’occasion d’interroger la place et le rôle des jeunes dans le choix du séjour, puis de comprendre l’investissement de ces mêmes jeunes au cours du séjour. Pourtant les discours des animateurs comme ceux des jeunes se rejoignent sur l’importance d’associer les jeunes en amont du séjour et de l’impliquer dans ses futures vacances de manière à lui permettre de se les approprier.