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Décider de faire un signalement

PARTIE III – DES RÈGLES DE VIE POUR PROTÉGER LES JEUNES

2. Décider de faire un signalement

Si dans les textes, les adultes ayant des jeunes sous leur responsabilité sont habilités à effectuer des signalements, cela n’est pourtant pas si évident sur le terrain. Les animateurs en stage BAFA ou les jeunes animateurs en poste ne se sentent pas toujours légitimes ni armés pour procéder à des signalements ; s’ils peuvent se sentir seuls face aux récits des jeunes qui racontent des événements qui se sont déroulés dans ou hors colo, ils ne savent

et la dimension d’« équipe », ce n’est pas la réalité rencontrée sur le terrain et les situations qui sont décrites par les animateurs.

« Il a pas à faire un signalement direct comme ça … ça passe toujours par toute l’équipe, le directeur, voire l’organisateur … et là il y a un signalement. Effectivement s’il y a signalement là à un moment donné il peut être re-sollicité ou interpellé sur le fait que c’est lui qui a déclenché ça, enfin qu’il a constaté, qui a eu la parole… »

[Michel, formateur BAFA, BAFD]

Le manque de temps, l’impression de devoir donner une réponse dans la minute à un problème parfois très complexe vont également en ce sens.

Lorsque le signalement concerne un animateur/adulte de la colonie, il est très lourd à prendre en charge par le directeur. En effet, la crainte que tout signalement d’attitude non conforme à ce que l’on attend dans le cadre d’un ACM puisse avoir des conséquences à vie sur cette personne agit comme une pression : « Et si je me trompais ? ». Un directeur raconte comment il a exclu un animateur sans faire de signalement pour lui laisser une dernière chance. Marquant que l’attitude n’était pas celle qui était attendue, il a toutefois considéré que les événements n’étaient pas « si graves » à long terme. L’histoire s’est soldée par une exclusion du séjour, le tout étant resté dans les fiches du directeur.

« Par exemple il y a des choses que je n’ai pas signalées et il n’empêche que je l’ai viré quand même l’animateur… mais je l’ai repris après, enfin des choses très compliquées mais… Y a des moments où un directeur sait quand même, on peut dire tout ce qu’on voudra… ou il sait pas mais il faut qu’il prenne une responsabilité ça ça s’implique pas, enfin quand on gère des gamins de 17 ans, c’est le cas de le dire, le fait de savoir qu’on va signaler, que si on signale il est mort… il est socialement mort heu… (grande inspiration)… C’est pas facile de se dire : c’est pas moi qui juge, moi je signale, j’ai fait mon boulot et je m’en lave les mains quoi, c’est quand même pas simple. »

[Directeur, Formateur BAFA]

Les textes voudraient que tous les faits déviants soient signalés, la réalité sur le terrain est plus complexe et la dimension humaine des relations dans une colo y est pour beaucoup. En cas de tension dans l’équipe d’animation, la gestion d’un accident ou d’un événement grave ou difficile se complique. Les difficultés de communication sont alors sensibles et les reproches du quotidien refont surface. Par exemple, lors de ce séjour où les animateurs faisaient corps face à un directeur peu investi dans sa fonction, et qui, après la chute d’un arbre sur la jambe d’une jeune fille, ont fait au plus pressé. D’après l’animatrice rencontrée, le rôle des animateurs est de garantir le bien-être physique et psychologique des jeunes. Et si elle a pris l’initiative d’informer les parents dans les moments qui ont suivi l’accident et

l’arrivée des pompiers, elle n’a pas pour autant fait le suivi du dossier après l’hôpital. La partie administrative étant à la charge du directeur. Julia n’a pas laissé de trace écrite de cet événement et doute que le directeur en ait laissé une trace.

« Moi j’ai fait le plus important, enfin, on a fait avec l’équipe le plus important : mettre la jeune en sécurité, l’emmener à l’hôpital, prévenir ses parents directement et heu voilà. Le plus important avait été fait, et être là pour elle dès le lendemain au réveil pour pas qu’elle soit toute seule et voilà. Nous on avait fait notre part du boulot quoi. Après tout ce qui est paperasses et tout c’est au directeur de le faire. »

[Julia, 24 ans, animatrice]

Les conflits entre enfants, entre animateurs, entre enfants et animateurs sont normaux. Encore faut-il que le climat de sécurité relationnelle soit effectif pour contribuer à les résoudre. Pour cela, des médiations doivent être mises en œuvre, c’est le rôle que peut (doit ?) jouer le directeur et le cas échéant l’organisateur du séjour. Au terme de la situation, c’est lorsque le climat de sécurité relationnelle n’est pas serein, que les causes à l’origine du conflit ne peuvent être considérées comme « normales » qu’une procédure de signalement est effectuée. Toutefois, en l’absence de définition claire du signalement, de ses objectifs et ses circonstances, il s’agit pour chaque professionnel (l’animateur puis le directeur puis l’organisateur) de considérer si la situation nécessite et/ou justifie de mettre en place une procédure de signalement. La subjectivité de la démarche et la procédure administrative souvent surestimée par les équipes de terrain font qu’une très grande partie des événements sont gérés à l’échelle de la colo, en interne, avec parfois l’intervention d’un tiers (organisateur) pour venir en aide et prendre le rôle de médiateur.

Néanmoins, dans un certain nombre de cas, des animateurs nous ont raconté avoir hésité ou réellement fait des remontées du terrain (autrement dit d’un événement survenu dans le cadre du séjour) au directeur voire du directeur à l’organisateur.

La question du signalement est également liée à l’âge des animateurs et des directeurs, la majorité d’entre eux est jeune, dès lors la légitimité de signaler un événement qui fait débat dans l’équipe n’est pas évidente.