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Géomètre et physicien

Dans le document Introduction à la philosophie Idées (Page 90-98)

« Supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. »

(Disc. de la Méthode.)

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Afin de ne pas me perdre dans des résumés qui n'expliqueraient rien, je considérerai seulement deux exemples, qui n'offrent point de difficultés supérieures, et qui sont propres à faire voir ce que c'est que l'esprit cartésien devant la nature. Premièrement, en sa Dioptrique, Descartes veut comprendre comment se peut représenter la déviation de la lumière, soit par réflexion, soit par réfraction. Il suppose une bille lancée ; toutefois ce n'est point sur cette hypothèse que je veux attirer l'attention, mais plutôt sur l'analyse même de ce mouvement, supposé que la bille rencontre, soit un obstacle dur qui la renvoie, soit un obstacle faible qui seulement la ralentit. Voici l'analyse, pour laquelle il n'est pas besoin de figure. Dans la première supposition, la bille rencontre un obstacle dur, c'est-à-dire tel qu'il puisse changer la direction, mais non pas la vitesse, du mouvement. Cet obstacle est plan ; selon l'entendement, il ne peut être autre ; et, bien mieux, le plan ne peut faire obstacle qu'à un mouve-ment qui le rencontre normalemouve-ment ; une telle rencontre est la perfection de la rencontre ou, si l'on veut, un tel obstacle est la perfection de l'obstacle.

Observez comment le géomètre éclaire la mécanique en y transportant sa constante méthode, qui détermine toujours le fait par l'idée. La rencontre étant ainsi définie, l'obstacle étant parfaitement dur, et le mouvement ne pouvant qu'être renvoyé, il est clair qu'il le sera selon la normale même, puisque, tout étant égal autour de la normale, il n'y a pas de raison pour que la bille, elle-même parfaitement ronde, soit déviée d'un côté plutôt que de l'autre. Ce genre de raisonnement étonne toujours ceux qui ne savent point penser l'idée dans l'image. Mais voici une autre invention de géomètre, et d'immense portée.

Considérons le cas où la bille rencontre obliquement le plan. Qu'est-ce à dire,obliquement ? Cela ne peut être défini par le plan, car, par rapport au plan, je ne vois que deux directions qui ne soient pas ambiguës ; le mouve-ment normal au plan le rencontre absolumouve-ment ; le mouvemouve-ment parallèle au plan ne le rencontre absolument pas. C'est à ces deux mouvements qu'il faut ramener le mouvement oblique, et il suffit pour cela de supposer, à la place du mouvement oblique, deux mouvements ensemble, l'un normal au plan, l'autre parallèle. Il est traité du premier comme il a été dit plus haut, et, quant à l'autre mouvement, puisqu'il ne rencontre jamais le plan, il doit seulement être conti-nué le même, en direction et en vitesse. La recomposition des deux, après la rencontre, donne aisément le tracé du mouvement réfléchi, et la loi d'égalité entre l'angle d'incidence et l'angle de réflexion. J'insiste sur le procédé de décomposition, employé maintenant si souvent qu'on n'y pense plus guère. Ce que j'y trouve de hardi, et bien propre à distinguer l'entendement de l'imagina-tion, c'est qu'en un sens la bille rencontre le plan, en un sens non ; et c'est ce qu'on ne comprendra point si l'on ne sait pas ce que c'est qu'un plan.

L'exemple de la réfraction fait encore mieux paraître, peut-être, cette force d'esprit. On suppose maintenant que la bille traverse un plan, comme serait une toile tendue, en perdant seulement quelque chose de sa vitesse ; et l'on retrouve ici encore, par la même analyse du mouvement oblique, ce mouve-ment parallèle qui ne rencontre pas du tout la toile. Ici l'imagination ne peut point du tout se substituer à l'entendement, parce qu'une partie du mouvement semble rester d'un côté de la toile ; aussi j'ai vu que des esprits, que je croyais géomètres, résistaient ici, disant que cette analyse est fausse, et ne réussit que par hasard. Toujours est-il qu'en suivant les définitions, on arrive très simplement, par la recomposition des deux mouvements, l'un qui a perdu de sa vitesse, et l'autre qui s'est continué le même, à déterminer les angles d'incidence et de réfraction d'après le rapport des vitesses dans les deux milieux. Laissant de côté le problème d'optique qui mènerait fort loin, je veux seulement que le lecteur admire ici cette hardiesse du géomètre qui décide que l'obstacle plan traversé, quelle qu'en soit la nature, ne peut diminuer la vitesse du projectile que selon la normale au plan ; ce n'est pourtant que refuser les effets qui ne résultent point de la définition du plan. Aucun exemple n'est plus propre à faire comprendre ce que c'est qu'une idée et ce que c'est qu'un événement. Au sujet des actions et réactions entre un fluide et un plan résistant, problème que le moulin à vent proposait déjà, on a assez dit que nul ne sait exactement ce qui se passe dans le heurt oblique de l'air contre la toile tendue ; c'est qu'aussi une toile tendue n'est pas un plan ; c'est que l'air s'attache de mille manières aux inégalités de la surface, et qu'il y rebondit ; c'est que la pression même déforme la surface. On essaie donc des milliers de fois, et le succès vaut connaissance. Or, ce genre de connaissance est celui que Descartes refuse toujours, et jusque dans la mathématique, où les trouvailles heureuses des praticiens devancent quelquefois la démarche assurée du vrai

géomètre. La méthode, qui prescrit d'aller du simple au complexe, impose au contraire de reconstruire, selon des définitions, un événement théorique qui s'expliquera entièrement par elles. Et la question est seulement de savoir ce qui arrivera selon l'idée. L'écart entre l'idée et l'événement révélera d'autres conditions, qu'il faudra définir de façon qu'elles puissent entrer dans le problème. Cette marche assurée, que la géométrie nous enseigne, est trop souvent oubliée dès qu'il faut choisir entre pouvoir et savoir. Or, il ne manque pas de praticiens infidèles, et dans la mathématique même. C'est ainsi que, faute d'avoir assez réfléchi, et en géomètre, sur cet exemple simple, on admettra, comme il faut bien, mais on admettra sans savoir pourquoi, que toute pression contre un plan est normale au plan. C'est le propre des esprits faibles, de présenter comme une supposition arbitraire mais qui réussit, une idée qu'ils ne savent plus former. L'arrogant pragmatisme résulte en réalité de ce que l'imagination remplace par de simples procédés les idées de l'entende-ment. J'ai choisi ces deux exemples parce que l'idée qui leur est commune, de remplacer une oblique par ces projections sur deux axes bien déterminés, outre qu'elle couvre toute notre mécanique et toute notre physique, est l'idée mère de la géométrie analytique, immortelle invention de Descartes.

La théorie de l'aimant, que l'on trouve dans les Principes, fera paraître ensemble le géomètre et l'homme des tourbillons. Descartes s'est d'abord présenté à lui-même toutes les expériences connues sur le rapport des aimants aux aimants et des aimants à la terre. Portons seulement notre attention sur ceci qu'un aimant libre, au voisinage d'un aimant fixé, se tourne jusqu'à ce que les pôles de nom contraire soient en regard l'un de l'autre et le plus près possible l'un de l'autre. Où notre philosophe se garde de reconnaître quelque attraction ou répulsion à distance, mais aperçoit les effets d'un flux invisible de particules, d'abord sortant d'un des aimants et ne pouvant entrer dans l'autre, mais le heurtant et détournant, puis, quand les pôles de nom contraire sont en regard, passant aisément de l'un dans l'autre, ce qui les maintient en cette position et même les rapprocherait. Je passe sur les détails, mais je retiens l'invention propre au géomètre ; ce sont ces parties cannelées, c'est-à-dire tournées en vis, dont il y a deux espèces, dont les unes se vissent à droite et les autres à gauche, ce qui permet, les unes ne pouvant jamais passer dans les canaux qui conviennent aux autres, de concevoir un double flux circulant en deux sens à l'intérieur de la terre, sortant chacun par un des pôles, con-tournant la terre avant de rentrer dans l'autre, et traversant les aimants en ce parcours. On remarquera que la différence de ces deux espèces de particules est géométrique et qu'elle répond pour l'entendement à cette dualité des pôles qui est le principal fait de l'aimant. Il est vrai aussi que cette condition ne suffit pas, et qu'il faut encore supposer, dans les conduits des métaux, de petits obstacles pliables, plus souples dans le fer, plus rigides dans l'acier et la pierre d'aimant, et qui, une fois couchés dans un sens par un premier passage, gênent ou même empêchent tout à fait le passage en sens inverse. Tout cela supposé, qui revient à des chocs et des rencontres, il faut reconnaître que les paradoxes de l'aimant sont tous expliqués, les parties cannelées circulant bien plus aisément dans l'aimant, l'acier et le fer que dans l'air, où, au contraire, elles sont en partie rebutées, en partie déformées et usées, en partie renvoyées, ce qui explique le double flux à l'intérieur de l'aimant et autour ; où nos physiciens doivent reconnaître le principal de leurs pensées là-dessus, et peut-être toutes, s'ils veulent bien, encore cette fois, tirer l'idée hors de l'image.

Je veux donner un regard aussi, mais sommairement, à la théorie de l'arc-en-ciel, que Descartes conduisit aussitôt à la perfection, par une vue purement géométrique. L'arc-en-ciel devait être, pour le physicien, le phénomène de choix, par ces cercles qu'il trace dans l'apparence, et qui avertissaient énergi-quement et devaient réveiller l'esprit géomètre. Il suffit de découvrir que l'angle de réfraction dépend des couleurs pour expliquer ces cercles colorés dont la perfection est d'abord miraculeuse. Et cet exemple était propre à faire saisir la différence entre ce qui paraît et ce qui est, puisque deux hommes ne voient jamais en même temps le même arc-en-ciel. J'ai voulu faire entrevoir, en ces raccourcis, que, parmi tant d'observateurs scrupuleux, Descartes est peut-être le seul qui, devant les merveilles du monde, soit resté strictement fidèle à l'esprit.

Idées. Introduction à la philosophie (1939) Troisième partie : Descartes

VI

L'animal

« Car il n'y a en nous qu'une seule âme, et cette âme n'a en soi aucune diversité de parties ; la même qui est sensitive est raisonnable, et tous ses appétits sont des volontés. »

(Tr. des Passions.)

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Ici éclate la puissance de l'esprit, et cette force de refus qui lui est propre.

Car croire que notre chien pense, sent, et veut, c'est notre lot, comme c'est notre lot de croire que le poids de cette boule de plomb est en elle. Et même il faut dire que l'apparence de reproche ou de prière dans les yeux d'un animal familier est parmi les plus touchantes, et réellement impossible à vaincre tout à fait. Aussi l'on peut parier que le lecteur rejettera avec une sorte de colère le célèbre paradoxe de l'animal machine, tel qu'il est présenté dans le Discours.

C'est qu'il n'est fondé ici que sur des raisons extérieures, et qui paraîtront toujours faibles, si l'on ne fait pas attention que les difficiles méditations du philosophe concernant la chose pensante et la chose étendue conduisaient là tout droit et y conduiront toujours. Mais c'est une occasion aussi d'estimer -à son juste prix le sévère entendement, car c'est l'idée d'humanité qui se montre ici, et qui se sépare. Une charité, si l'on ose dire, qui va jusqu'à l'animal, sera toujours faible, par ceci que la sympathie ainsi étendue, et encore fortifiée par le jugement de l'esprit, ne dispense point l'homme d'exercer sa puissance de

défense et de conquête, ce qui, par un raisonnement familier à tous, mettra en question, l'humanité même. Au lieu qu'en suivant l'héroïque jugement carté-sien, c'est par notre force, et non par notre faiblesse, que nous aurons respect de l'homme. Je demande donc qu'usant de franchise avec lui-même, le lecteur renvoie ici la croyance à son rang, et qu'il ne pense point ici selon les rencontres, mais selon les vraies notions. Qu'il se remette donc en esprit l'opposition même de l'esprit et du corps. L'esprit est indivisible, et se montre aisément supérieur à toute immensité des choses, puisqu'il la dépasse aussitôt et sans peine ; le corps est au contraire absolument divisé, mais plutôt essen-tiellement division, et sans pensée aucune, ni rien qui y ressemble. Descartes devait donc refuser un sens quelconque à cette expression commune qu'une âme est dans un corps. Comment autrement ? Comment ce qui pense tous les corps et leurs différences, et leurs distances, et tous leurs rapports, serait-il enfermé dans les limites d'un corps ? Mais, plus rigoureusement encore, disons qu'en un corps, et par la notion même de corps, tout est en dehors et extérieur, jusque-là que la nature même d'un corps ne lui soit jamais inté-rieure ; tel est le principe du mécanisme. En sorte que, quand Descartes aurait voulu faire quelque exception pour les corps vivants, d'après leur structure et leurs étonnantes actions, il ne le pouvait point. Cette idée, sévèrement main-tenue, a assuré au philosophe plus de deux siècles d'avance en ces difficiles recherches sur la nature humaine, où nos propres passions nous bouchent la vue.

Il fallait donc considérer le mécanisme du corps vivant comme on fait l'aimant, où il faut remarquer qu'un enfant supposerait bien aisément des sympathies et des antipathies. Ce n'était que reconnaître, en quelque force vitale prétendue, ou en quelque âme végétative, encore une de ces qualités occultes, définies comme inhérentes au corps, et définies aussi d'après ce qu'il s'agit d'expliquer, comme est la vertu dormitive de l'opium, mais comme est aussi la chaleur dans le corps chaud, le poids dans la masse, et la masse elle-même, d'après le jugement des ignorants. Et il faut convenir que l'instinct, de nos jours, est encore pour beaucoup d'hommes une propriété inhérente aux corps vivants ; mais c'est peut-être qu'ils n'ont point surmonté d'abord réellement les difficultés de la physique, imaginant encore la chaleur comme un être migrateur qui passe d'un corps dans un autre. Descartes ne pouvait s'y tromper, attentif toujours à ce qu'il pensait dans chacune de ses pensées.

Mieux qu'aucun autre peut-être, et pour les siècles d'hommes à venir, il a séparé ce qui est sentiment dans la couleur, et l'a détaché de la chose, contre ce que le sentiment nous conseille, et même nous impose, disant que ce soleil, centre d'un tourbillon, d'où sont dirigées toutes ces pressions qui font lumière dans nos yeux, n'est que situation et régime de mouvement, sans cet éclat et cette chaleur que tous lui renvoient en leur hymne de gratitude. C'était ramener en nous plaisir et souffrance, et enfin toute l'âme en notre âme.

Pareillement, ne point vouloir chercher comment l'aimant attire l'aimant ou le repousse, mais chercher seulement quel est l'invisible tourbillon dont le choc et le remous pressent les aimants de côté et d'autre, n'est-ce point vaincre une apparence bien puissante, et nier ici énergiquement une sorte d'âme minérale ? L'âme des bêtes n'est point d'autre espèce. Penser l'amour et le désir en ces mouvements des bêtes, comme en n'importe quel mouvement, c'est ne rien penser. Homère disait que la flèche désire la blessure ; qui a vaincu tout à fait cette métaphore, il a vaincu toutes les autres, et toute mythologie. Dès que les corps vivants sont des corps, ils tombent sous la notion de corps, ils ne

reçoivent plus que le rapport extérieur, ou, si l'on veut, mécanique, et tout est dit. Il reste à expliquer la nutrition et le mouvement des vivants par la combinaison de parties plus ou moins ténues, plus ou moins mobiles, d'après cette idée directrice que la structure, le mouvement, la situation, devront rendre compte de tout. Descartes a poussé cette physiologie positive bien plus loin qu'on ne dit. Après Harvey, et dans un temps où cette découverte était livrée aux disputeurs, il a retrouvé la circulation du sang et décrit les valvules du cœur. S'il s'est trompé sur le mécanisme des battements du cœur, encore s'est-il trompé comme il faut, voulant expliquer l'issue brusque du sang par une dilatation due à la chaleur ; c'était toujours soumettre la biologie à la physique. Toutefois, parce qu'il n'a pas reconnu un muscle dans le cœur, et parce qu'il s'est représenté trop sommairement la contraction musculaire, c'est par là surtout que ses vues de physiologies sont dépassées. Pour le système nerveux, au contraire, où il y a plus à concevoir qu'à observer, il a dit le principal, expliquant assez bien, par la rapide et invisible circulation de corpuscules dans les nerfs, ce cheminement du choc depuis les sens jusqu'au cerveau, et, en retour, cette irradiation vers les muscles, selon des chemins qui dépendent de la situation à la fois et de la coutume, ce qui rend compte des réactions. Tel est, sommairement, l'animal machine.

L'homme machine en est une suite, et toute la théorie des passions, autant qu'elle dépend du corps humain, est conduite d'après cette supposition. Au vrai, la peur, la colère, les mouvements de l'amour, le rire, les larmes, font sentir à chacun de nous, de la façon la moins équivoque, que nos pensées sont liées, dans le fait, à des mouvements qui ne dépendent pas plus de nous que les mouvements de la vie. Que je tremble, que je fuie, que je m'irrite, que je frappe, cela ne requiert pas plus des motifs, des pensées, une volonté, que si la pupille de l'œil se rétrécit devant une vive lumière. On sait trop que le gouvernement de soi ne va pas sans de grandes difficultés, souvent même insurmontables ; et cela s'explique assez par l'intime dépendance qui nous joint à cet animal machine de forme humaine, lequel réagit d'abord comme il vit, et sans notre permission. Mais aussi on n'y doit supposer aucune malice, ni aucun genre d'âme inférieure, aucune pensée séparée et comme perdue, enfin rien de ce que l'esprit paresseux rassemble sous le nom d'inconscient Si l'on réfléchit sur cette doctrine, qui risque d'être toujours populaire, on y retrouvera une erreur aimée. L'animal fut longtemps adoré, par cette pensée qu'on lui supposait ; l'amitié que l'on ne peut toujours s'empêcher de montrer pour les animaux familiers est aussi une sorte de culte. Un penchant bien plus fort nous porte à supposer des pensées en notre semblable d'après ses actions ; toutefois le plus rapide examen fait comprendre qu'il faut en rabattre, et que la

L'homme machine en est une suite, et toute la théorie des passions, autant qu'elle dépend du corps humain, est conduite d'après cette supposition. Au vrai, la peur, la colère, les mouvements de l'amour, le rire, les larmes, font sentir à chacun de nous, de la façon la moins équivoque, que nos pensées sont liées, dans le fait, à des mouvements qui ne dépendent pas plus de nous que les mouvements de la vie. Que je tremble, que je fuie, que je m'irrite, que je frappe, cela ne requiert pas plus des motifs, des pensées, une volonté, que si la pupille de l'œil se rétrécit devant une vive lumière. On sait trop que le gouvernement de soi ne va pas sans de grandes difficultés, souvent même insurmontables ; et cela s'explique assez par l'intime dépendance qui nous joint à cet animal machine de forme humaine, lequel réagit d'abord comme il vit, et sans notre permission. Mais aussi on n'y doit supposer aucune malice, ni aucun genre d'âme inférieure, aucune pensée séparée et comme perdue, enfin rien de ce que l'esprit paresseux rassemble sous le nom d'inconscient Si l'on réfléchit sur cette doctrine, qui risque d'être toujours populaire, on y retrouvera une erreur aimée. L'animal fut longtemps adoré, par cette pensée qu'on lui supposait ; l'amitié que l'on ne peut toujours s'empêcher de montrer pour les animaux familiers est aussi une sorte de culte. Un penchant bien plus fort nous porte à supposer des pensées en notre semblable d'après ses actions ; toutefois le plus rapide examen fait comprendre qu'il faut en rabattre, et que la

Dans le document Introduction à la philosophie Idées (Page 90-98)