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Génération de souris chimères

Chapitre 1. Introduction

1.5 Caractérisation d’un phénotype embryonnaire

1.5.1. Génération de souris chimères

En science, le terme chimère réfère à un organisme formé d’au moins deux populations de cellules génétiquement distinctes. Une souris chimère est donc formée d’une combinaison de tissus ou

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d’organes de bagages génétiques différents. La génération de souris chimères est possible grâce à l’aptitude des cellules souches embryonnaires à contribuer à la formation de l’embryon avec les cellules de l’hôte. La transmission à la génération suivante est possible si les cellules souches embryonnaires ont contribué aux cellules germinales de l’embryon hôte (Babinet and Cohen- Tannoudji, 2000; Tanaka et al., 2009).

Figure 1-11. Modèle moléculaire de la formation du labyrinthe placentaire murin. Les S-TGC, SynT-I et les SynT-II sont trois types de trophoblastes qui dérivent de précurseurs distincts et déterminés dans le chorion préalablement à la morphogenèse du labyrinthe. Les cellules Hand1 positives à E9.0 et Ctsq positives à E12.5 sont des précurseurs des S-TGC, les cellules Syna positives se différencient en SynT-I et les cellules Gcm1/Synb/Cebpa positives en SynT-II. Plus spécifiquement, à E9.0 HAND1 est exprimé dans les cellules apicales bordant les sinus maternels, SYNA dans une couche de cellules juxtaposées et GCM1, CEBPA et SYNB dans les cellules basales en contact avec l’allantoïs. Gris pâle, allantoïs; Gris, chorion; Gris foncé, cône ectoplacentaire; Rouge, dérivés mésodermiques extraembryonnaires; Orange, cellules

Gcm1/Synb/Cebpa positives du chorion et présomptives des SynT-II; Verte, cellules trophoblastiques Syna positives et présomptives des SynT-I; Bleu, les cellules trophoblastiques sinusoïdales géantes

(S-TGC) Hand1 positives en cours de différenciation qui exprimeront plus tardivement Ctsq; SM; Sinus maternel. Figure adaptée de (Simmons et al., 2008a).

49 Figure 1-12. Polarité de la double couche de syncytiotrophoblastes chez la souris. Les SynTs sont des cellules hautement polarisées qui permettent le transport dirigé de nutriments et de gaz, ainsi que l’évacuation des déchets métaboliques entre les circulations sanguine maternelle et embryonnaire. Par exemple, les transporteurs de glucose GLUT-1 et GLUT-3 sont exprimés à la membrane apicale des SynT-I, GLUT-1 étant également exprimée à la membrane basale des SynT- II. De plus, la connexin 26 (Cx26) facilite également le transport du glucose et elle est exprimée entre les deux couches de SynTs, soit à la membrane basale des SynT-I et à celle apicale des SynT-II. Les transporteurs de monocarboxylate MCT1 et MCT4 sont exprimés spécifiquement et respectivement à la membrane apicale des SynT-I et basale des SynT-II.

Des cellules souches embryonnaires (ES) peuvent être isolées à partir de la MCI d’embryons de souris et peuvent être mises en culture (Evans and Kaufman, 1981; Martin, 1981). Ces cellules ES possèdent un potentiel de réplication quasi-illimité. Elles sont pluripotentes et donc aptes à se différencier en tous les types cellulaires de l’embryon in vivo (Beddington and Robertson, 1989). Par contre, elles ne contribuent que rarement au trophectoderme. Lorsque les cellules ES sont injectées dans un embryon de souris à un stade de développement précoce (<E3.5), elles s’agrègent aux cellules de l’hôte et contribuent à la formation de tous les tissus embryonnaires ce qui permet la génération d’une souris chimère (Babinet and Cohen-Tannoudji, 2000; Gardner and Brook, 1997). Il est possible de cibler des modifications dans l’ADN des cellules ES par recombinaison homologue (Capecchi, 1989; Smithies et al., 1985; Wong and Capecchi, 1986). Les cellules de mammifères possèdent les enzymes nécessaires permettant la recombinaison entre une séquence d’ADN exogène et sa séquence homologue présente dans le génome. Les cellules ES isolées et mises en culture peuvent donc être modifiées génétiquement par transfection d’un vecteur de ciblage porteur d’une mutation désirée. Les clones de cellules ES modifiées sont sélectionnés et isolés en culture (Babinet and Cohen-Tannoudji, 2000). Il est ainsi possible de cibler différentes modifications génétiques dans les cellules ES résultant par exemple en une perte de fonction génique ou en la

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génération d’un allèle hypomorphe. De plus, il est possible de produire un vecteur de ciblage pour l’obtention d’une mutation dans lequel un ADNc d’intérêt est en phase avec la séquence codante d’un gène ciblé. Suivant la recombinaison homologue, l’allèle modifié exprime l’ADNc inséré à la place du gène endogène (allèle knock-in) (Acampora et al., 1999; Hanks et al., 1995; Malynn et al., 2000). Cette modification génétique permet par exemple dévaluer si les protéines codées par des gènes homologues possèdent des fonctions équivalentes.

Lorsque des cellules ES modifiées génétiquement sont agrégées à un embryon hôte, elles peuvent contribuer à la lignée germinale, et ainsi le génotype des cellules ES peut être transmis in vivo aux générations suivantes (Babinet and Cohen-Tannoudji, 2000; Thomas and Capecchi, 1987). Cette méthode est couramment utilisée afin de générer des lignées de souris mutantes.

Plusieurs types d’agrégations cellulaires sont possibles afin de générer des chimères selon l’hypothèse à tester. Par exemple, il est possible de générer des lignées de souris chimères afin de distinguer si une mutation engendre des défauts primaires affectant les tissus extraembryonnaires ou embryonnaires (Tanaka et al., 2009). Dans ce cas, la génération de souris chimères se fait par agrégation entre des cellules ES et un embryon hôte tétraploïde. Un blastomère tétraploïde est généré par électrofusion d’un blastomère à deux cellules. Lorsque des cellules ES sont agrégées à des embryons tétraploïdes, les cellules ES vont générer l’ensemble des tissus embryonnaires (Nagy et al., 1993). Les blastomères tétraploïdes, possèdent un potentiel développemental opposé aux cellules ES, c’est-à-dire qu’ils permettent la formation exclusive des trophoblastes et de l’endoderme extraembryonnaire (Kubiak and Tarkowski, 1985; Rossant and Cross, 2001; Tanaka et al., 2009; Tarkowski et al., 2005; Tarkowski et al., 1977). Tel que mentionné à la section 1.4.5, l’allantoïs dérive du mésoderme embryonnaire et, par conséquent les cellules ES permettront la dérivation des cellules endothéliales fœtales et des péricytes du placenta. Par contre, elles ne contribueront pas au développement du trophectoderme duquel dériveront les trophoblastes du placenta. Ainsi, en agrégeant des cellules ES mutantes pour un gène d’intérêt avec des embryons tétraploïdes, il est possible de déterminer si ce gène est requis pour le développement des tissus embryonnaires et/ou extraembryonnaires. Si une mutation engendre une mortalité embryonnaire causée par des défauts extraembryonnaires, l’agrégation entre des embryons tétraploïdes et des cellules ES mutantes permettra de corriger le phénotype (Figure 1-13 B). Par exemple, les embryons Mek1-/- décèdent

51 exclusivement de défauts trophoblastiques puisque des expériences d’agrégations tétraploïdes avec des cellules ES Mek1-/- permettent un développement placentaire normal et la survie embryonnaire

(Bissonauth et al., 2006). A contrario, si des embryons tétraploïdes agrégés à des cellules ES mutantes ne permettent pas de corriger le phénotype, il est possible de conclure que le phénotype placentaire est causé par un défaut embryonnaire primaire, donc affectant le mésoderme fœtal (Figure 1-13 C). A titre d’exemple, les mutants Lbp-1a décèdent de défauts placentaires, mais contrairement aux mutants Mek1, les expériences d’agrégations tétraploïdes avec des cellules ES

Lbp-1a-/- n’ont pas permis de corriger le phénotype (Parekh et al., 2004). Ainsi, il est possible de

conclure que Lbp-1a est requis dans l’allantoïs pour promouvoir la vascularisation placentaire. D’autre part, il est également possible qu’un gène soit requis à la fois dans les tissus d’origines embryonnaire et extraembryonnaire ce qui résulte en une correction partielle du phénotype.