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Délétion conditionnelle d’un gène

Chapitre 1. Introduction

1.5 Caractérisation d’un phénotype embryonnaire

1.5.2 Délétion conditionnelle d’un gène

L’inactivation conditionnelle d’un gène permet également de déterminer l’origine d’un phénotype. En effet, en générant des souris porteuses d’une mutation exclusivement dans un type cellulaire, par exemple dans les cellules de l’épiblaste, il est possible de discriminer si un phénotype est causé par des défauts affectant les tissus embryonnaires. Ce système d’inactivation conditionnelle est réalisé par le biais de la reconnaissance des sites LoxP par la recombinase CRE (Cohen-Tannoudji and Babinet, 1998). Il existe également le système impliquant la recombinase FLP qui reconnait des sites

Frt et qui fonctionne de façon analogue au système Cre-LoxP (Rodriguez et al., 2000). Par ailleurs, la

CRE recombinase a été utilisée dans plusieurs expériences dans le cadre de cette thèse et c’est donc ce système qui sera présenté.

La protéine CRE est une recombinase qui reconnait des séquences spécifiques de 24 pb nommés

LoxP (Kilby et al., 1993; Sauer and Henderson, 1988). Ces sites LoxP sont présents dans l’ADN du

bactériophage P1 mais absents du génome des animaux ou des plantes (Kuhn and Torres, 2002). Lorsque les sites LoxP sont orientés dans le même sens, la CRE reconnaît et recombine l’ADN double brin à ces sites. Suite à la ligation entre les deux extrémités, il en résulte une excision de la partie d’ADN interne. La fonctionnalité de la CRE recombinase dans les cellules eucaryotes et l’absence des séquences LoxP dans le génome de ces cellules sont deux propriétés du système

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Cre/LoxP qui permettent de cibler la délétion d’un gène d’intérêt in vivo chez la souris (Babinet and Cohen-Tannoudji, 2000; Kuhn and Torres, 2002; Sauer and Henderson, 1988).

Tout d’abord, il doit y avoir génération de souris porteuses d’un allèle dans lequel deux sites loxP bordent des séquences essentielles à la fonction d’un gène d’intérêt (Babinet and Cohen-Tannoudji, 2000). Les sites LoxP sont souvent inclus dans les introns afin d’éviter de perturber l’expression du gène d’intérêt. Cette modification génique s’effectue par recombinaison homologue dans les cellules ES. Cet allèle ainsi modifié par l’ajout de sites LoxP est nommé allèle flox. Par la suite, ces cellules ES servent à la génération de souris chimères afin d’établir une lignée de souris porteuses d’un allèle qui est conditionnel à l’activité de la CRE.

Parallèlement, le système Cre/LoxP exige la production d’une lignée de souris porteuses du gène de la Cre recombinase (Babinet and Cohen-Tannoudji, 2000; Cohen-Tannoudji and Babinet, 1998). La séquence codante de la Cre recombinase est insérée sous le contrôle d’un promoteur génique d’intérêt. Le choix du promoteur qui régulera l’expression de Cre est crucial. Ce promoteur doit être régulé spécifiquement dans le type cellulaire voulu et fortement afin d’envisager une bonne expression et activité de la CRE. Il est possible d’insérer les séquences codantes de la Cre recombinase sous le contrôle génique du promoteur endogène d’un gène d’intérêt (souris knock-in). Dans ce cas, l’insertion du gène de la Cre recombinase se fait par recombinaison homologue dans les cellules ES (Capecchi, 1989). L’utilisation de ces cellules ES modifiées servent à la génération de chimère et à l’établissement de la lignée de souris « knock-in ». Évidemment, il est nécessaire de s’assurer que la perte d’un allèle du gène d’intérêt par insertion des séquences de la Cre recombinase ne cause aucun phénotype seule ou en combinaison avec la mutation spécifique du gène étudié.

Il est également possible de produire une lignée de souris porteuses du gène de la Cre recombinase par transgenèse classique (Cho et al., 2009; Feng et al., 2004; Hofker and Breuer, 1998; Lewandoski, 2001). Dans ce cas, la séquence de la Cre recombinase est placée sous le contrôle d’un promoteur d’intérêt par clonage moléculaire. Ce vecteur d’expression est microinjecté dans le pronucléus mâle d’un oocyte fertilisé, avant la fusion avec celui femelle (Damert and Kusserow, 2003). Par la suite, ces œufs sont réimplantés dans l’utérus de femelles pseudo-gestantes. Un certain pourcentage (environ 5%) des bébés issus de ces gestations seront porteurs du transgéne,

53 c’est-à-dire de la séquence d’ADN Cre. Le mécanisme par lequel l’ADN s’intègre dans les chromosomes n’est pas bien connu mais le transgène s’intègre souvent en plusieurs copies à un même site (Cho et al., 2009). Les lignées de souris transgéniques obtenues doivent être validées afin de s’assurer que l’expression de la CRE est suffisante et spécifique au promoteur choisi. Il est donc essentiel de bien caractériser l’outil génétique avant de procéder à la délétion du gène d’intérêt

in vivo. En effet, l’établissement de souris transgéniques est un long processus et parfois les sites

d’intégration ou le choix du promoteur utilisé ne permettent pas une expression restreinte ou efficace de la CRE dans le type cellulaire désiré. De plus, il existe des sites LoxP cryptiques dans le génome qui causent des excisions artéfactuelles et qui peuvent interférer avec l’interprétation des résultats (Jeannotte et al., 2011; Li et al., 2014). Afin de s’assurer de la spécificité et de l’efficacité de la CRE, il est possible de croiser les souris transgéniques avec des souris rapporteuses (Figure 1-14). Ces souris rapporteuses permettent l’expression conditionnelle d’une protéine fluorescente ou d’une enzyme comme la β-galactosidase qui permet une réaction colorimétrique subséquente (Muzumdar et al., 2007; Soriano, 1999). Plus précisément, ces souris rapporteuses sont porteuses d’un allèle conditionnel puisqu’un codon stop ou des sites de polyadénylation bordés de sites LoxP sont situés entre un promoteur ubiquitaire et le rapporteur (Figure 1-14). Le locus Rosa26 est largement utilisé dans ces souris rapporteuses puisqu’il s’agit d’un promoteur ubiquitaire et fort et l’insertion de séquences exogènes dans le locus ne cause aucun phénotype (Figure 1-14). Lorsque ces souris rapporteuses sont croisées avec les souris transgéniques Cre, il est possible de caractériser l’expression et l’activité de la CRE recombinase. De plus, l’utilisation de lignées de souris transgéniques Cre de concert avec des souris rapporteuses permet des études de traçage cellulaire

in vivo chez des mutants d’intérêt afin de vérifier l’expression du promoteur génique choisit dans un

type cellulaire précis et donc d’identifier l’origine cellulaire (Nadeau et al., 2009).

Afin de permettre la délétion in vivo du gène d’intérêt, les souris porteuses de l’allèle flox sont croisées aux lignées de souris qui expriment la Cre recombinase dans le type cellulaire choisit. Chez les spécimens porteurs du gène de la Cre recombinase et de l’allèle conditionnel, l’allèle recombiné par la CRE est nommé allèle delta (Figure 1-15 A) (Friedel et al., 2011). Par exemple, la lignée de souris transgéniques Sox2Cre permet la recombinaison efficace et restreinte d’un allèle flox dès le stade épiblaste, et donc dans tout l’embryon en développement sans affecter le trophectoderme

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(Figure 1-15 A et B) (Hayashi et al., 2003). Ainsi, cette lignée de souris transgéniques permet d’inactiver un gène dans l’embryon tout en maintenant son expression dans les lignées

Figure 1-13. Expériences d’agrégations tétraploïdes afin de déterminer le site d’action d’un gène. A) Lorsqu’un embryon tétraploïde (bleu) est agrégé avec des cellules ES (orange), les lignées trophoblastiques dérivent de l’embryon tétraploïde (dégradé de bleu) alors que les tissus embryonnaires, incluant l’allantois placentaire, dérivent des cellules ES (orange). B) Si l’agrégation entre des cellules ES mutantes et des embryons tétraploïdes permet un développement placentaire normal, alors le défaut primaire associé à la mutation est au niveau des trophoblastes. C) Au contraire, si le développement placentaire ne se fait pas correctement, alors la mutation cause des défauts dans le développement des structures mésodermiques/vasculaires. Figure adaptée de (Rossant and Cross, 2001).

55 trophoblastiques. A titre d’exemple, l’utilisation de cette lignée de souris transgéniques Sox2Cre en combinaison avec les souris porteuses de l’allèle conditionnel Mek1 permet la survie des souris

Mek1/. Il a ainsi été possible de conclure que la mort embryonnaire engendrée par la perte de

MEK1 découle de défauts trophoblastiques primaires (Bissonauth et al., 2006).

A ce jour, de nombreuses lignées de souris transgéniques porteuses des séquences codantes du gène de la Cre recombinase ont été générées et permettent de diriger in vivo l’inactivation d’un gène dans des sites particuliers. Cette technique de délétion conditionnelle permet d’évaluer les effets cellules autonomes d’une mutation en ciblant l’inactivation spécifiquement dans certains types cellulaires, ce qui fournit une analyse très spécifique de la fonction d’un gène in vivo (Friedel et al., 2011). Par exemple, le placenta des embryons Mek1-/- est sous-développé et des défauts des

vascularisations maternelle et fœtale sont observés suggérant que plus d’un type cellulaire est affecté chez ces mutants (Bissonauth et al., 2006; Giroux et al., 1999b). En utilisant cette technique de délétion génique conditionnelle, il serait possible de vérifier la nécessité de MEK1 dans certains types cellulaires du placenta.

1.6 Implication de la voie ERK/MAPK dans le