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1. Introduction

1.3 Mémorandum sur la physique des radiations et leurs interactions avec le vivant

1.3.1 Génération des rayons X et acquisition de l’image radiologique

Les rayons X sont générés par un tube radiogène (aussi appelé fluoroscope) (Figure 1.6) situé sous le patient. Dans ce tube, un courant d’électrons (exprimé en milliampère, mA) est accéléré par une importante différence de potentiel (exprimée en kilovolt, kV) à partir d’une cathode et est dirigé vers une anode rotative de manière pulsatile. Ces électrons entrent alors en collision avec une cible composée d’un métal très dur (p.ex. tungstène) et perdent rapidement leur énergie cinétique, qui est émise sous la forme de chaleur (99%) et de photons (1%).

Deux types d’interactions entre les électrons incidents et les atomes du métal composant l’anode génèrent ces photons : le bremsstrahlung et la production de rayons X caractéristiques (Figure 1.7) (27).

La majorité des photons sont issus du phénomène de bremsstrahlung, qui signifie littéralement « radiation de freinage » en allemand (28). En passant près du noyau des atomes constituant l’anode, les électrons incidents subissent son attraction et perdent une grande quantité d’énergie cinétique, qui est émise sous la forme de photons. L’énergie des photons ainsi produits est égale à la perte d’énergie cinétique des électrons incidents en raison du principe de

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conservation d’énergie. De plus, la quantité d’énergie perdue par un électron incident (et transférée à un photon) est inversement proportionnelle à la distance entre ce dernier et le noyau. Or, les électrons ne passent pas tous à la même distance du noyau; ils ne subissent donc pas son attraction avec la même force. C’est pourquoi le phénomène de bremsstrahlung produit un spectre de photons d’énergies différentes, donc la valeur maximale ne peut dépasser celle de la tension de crête (différence de potentiel électrique) appliquée sur le tube radiogène (kilovoltage

peak, kVp) (Figure 1.7).

Le deuxième type d’interaction constitue la production de rayons X caractéristiques, qui survient lorsqu’un électron incident entre en collision avec un électron d’une des orbitales d’un atome de l’anode. Lorsque ce dernier est éjecté de l’atome, sa place est comblée par un électron d’une orbitale d’énergie supérieure. En se rapprochant ainsi du noyau atomique, cet électron perd de l’énergie, qui est émise sous la forme de rayons X « caractéristiques » à chaque élément du tableau périodique.

Le faisceau de photons ainsi formé est alors filtré. Cette filtration permet de retirer du spectre les photons de basse énergie (généralement sous les 30 keV) (Figure 1.7). Sous ce seuil, les photons n’ont pas suffisamment d’énergie pour atteindre et traverser un patient de taille moyenne, ce qui signifie qu’ils ne participent pas à la formation de l’image radiologique. Ils contribuent toutefois à la dose du patient et c’est pourquoi on cherche à les retirer du spectre via la filtration. Cette dernière est effectuée par une mince couche d’aluminium ou de cuivre (deux métaux ayant des coefficients d’atténuation intéressants à de basses énergies) directement appliquée à la sortie du tube.

Une fois filtré, le faisceau de photons est dirigé vers le patient et le traverse en perdant de l’énergie par un phénomène nommé atténuation (22). L’atténuation différentielle, ou modulation, du faisceau de rayons X selon les structures rencontrées (os, muscle, tissu adipeux, etc.) est proportionnelle à leur coefficient d’atténuation de masse (Figure 1.8) et est nécessaire à la formation d’une image contrastée (Figure 1.9). L’énergie perdue via le phénomène d’atténuation est proportionnelle à quatre facteurs : la densité, l’épaisseur et le numéro atomique des éléments formant le tissu rencontré, ainsi que l’énergie du faisceau de rayons X

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(22). Le degré d’atténuation varie donc selon la composition des tissus traversés. L’utilisation d’un produit de contraste exploite cette caractéristique physique des rayons X (28). Par exemple, un produit de contraste iodé (numéro atomique Z = 53) injecté dans les artères coronaires a un coefficient d’atténuation de masse plus élevé que les tissus environnants formés majoritairement de carbone (Z = 6) et accentue ainsi la différence naturelle entre les structures (Figure 1.8). Le squelette osseux, composé entre autres de calcium (Z = 20), a un coefficient d’atténuation de masse intermédiaire : il est plus élevé que les structures environnantes, mais moins que le contraste iodé.

Lorsque les rayons X pénètrent un patient, ils peuvent soit le traverser ou être absorbés par les tissus via le phénomène d’atténuation. Les rayons absorbés contribuent à la dose du patient, tandis que ceux qui le traversent sont captés par le détecteur ou diffusés. Lorsqu’ils sont captés, les rayons X sont convertis en signal électronique, puis acheminés à un ordinateur chargé de générer une image radiologique digitale. La qualité, le contraste et la définition de l’image obtenue sont interprétés instantanément par l’ordinateur et sont à la base d’une boucle de rétroaction automatique qui calibre les différents paramètres d’acquisition (voltage, ampérage, filtration, etc.) afin d’obtenir l’image la plus nette en exposant le patient à un minimum de radiation. Parmi les paramètres d’acquisition, le courant (mA) influence l’intensité des rayons (nombre de photons émis) et la définition de l’image, tandis que la tension (kVp) influence le pouvoir pénétrant des rayons et le contraste de l’image obtenue.

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Figure 1.6 Appareil radiologique et tube radiogène

Appareil radiologique constitué d’un tube radiogène ou fluoroscope situé sous le patient. Un flux d’électrons est accéléré d’une cathode vers une anode rotative, où ils sont brusquement freinés. Près de 99% de leur énergie est diffusée en chaleur, le reste étant converti en photons (22). Ces derniers constituent le rayonnement X, qui est filtré à la sortie du tube radiogène afin d’éliminer les rayons inutiles à la génération de l’image diagnostique.

Adapté de la Figure 2.10 de (28).

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A B

Figure 1.7 Génération des rayons X et filtration du faisceau

(A) Génération des rayons X par le phénomène de bremsstrahlung. En s’approchant d’un noyau atomique (cercle rouge) de charge positive, un électron e d’énergie E1 et de vitesse v1 est attiré

vers ce dernier. Cette attraction lui fait perdre de l’énergie cinétique et le fait dévier de sa trajectoire. Cette perte d’énergie correspond à la différence entre l’énergie initiale (E1) et

l’énergie finale (E2) de l’électron et est émise sous la forme de rayonnement X de fréquence f

selon la relation de Planck-Einstein, où h est la constante de Planck : E = h×f

(B) Spectre de rayons X générés par le phénomène de bremsstrahlung et rayons X caractéristiques. Les courbes représentent la distribution du nombre de photons (intensité du faisceau) en fonction de leur énergie, exprimée en kiloélectronvolt (keV). La zone ombragée correspond à la portion du spectre constituée de photons de faible énergie qui n’ont pas d’intérêt diagnostique mais qui contribuent à la dose du patient : c’est pourquoi on cherche à les retirer du spectre via la filtration du faisceau. La courbe A représente le spectre de photons sans filtration, dont une quantité importante se situe sous les 30 keV. La courbe B représente le spectre filtré par du cuivre, qui absorbe les photons de faible énergie. Cela réduit la dose à la peau, mais aussi le contraste. Diminuer l’énergie maximale des photons (courbe C) améliore le contraste, mais diminue l’intensité du faisceau. Augmenter le courant du tube augmente le nombre de photons et l’intensité du faisceau (courbe D). Le spectre représenté par la courbe D produit des images de même qualité que la courbe A, mais à des doses réduites pour le patient. Figures et légendes adaptées de (27) et de (22).

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Figure 1.8 Coefficient d’atténuation de masse de l’iode et de tissus humains

Ce graphique représente les coefficients d’atténuation de masse de différents tissus humains et de l’iode, exprimés en cm2/g, en fonction de l’énergie des rayons X, exprimée en

kiloélectronvolt (keV). Pour une même énergie photonique, un tissu ayant un coefficient plus élevé (p.ex. os) absorbera davantage les rayons X que les tissus ayant un coefficient plus faible (p.ex. muscle ou tissu adipeux), ce qui permettra de générer une image contrastée. En effet, l’absorption différentielle du faisceau de rayons X par les différentes composantes d’un objet rend sa structure interne visible. L’utilisation de l’iode comme produit de contraste exploite cette propriété, son coefficient d’atténuation de masse étant plus élevé que les tissus humains avoisinants.

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Figure 1.9 Atténuation tissulaire et modulation du contraste de l’image radiologique

L’absorption différentielle du faisceau de rayons X par les différentes parties d’un objet rend sa structure interne visible sur l’image radiologique. Les photons constituant les rayons X sont représentés par des flèches. Dans l’exemple de gauche, les photons traversent l’objet sans être absorbés. Le faisceau de rayons X subit peu d’atténuation et l’image est transparente. L’exemple du centre illustre un objet où les photons sont absorbés de façon inégale par ses différents constituants. Il en résulte une image modulée ayant des propriétés diagnostiques. Dans l’exemple de droite, les photons sont presque tous absorbés par l’objet. Le faisceau de rayons X est fortement atténué de façon uniforme et l’image est opaque.

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