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CHAPITRE II - Cycle cellulaire, Capacité proliférative et Sénescence

3. Sénescence

3.1. Généralités sur la sénescence

La sénescence est l'état d'arrêt quasi irréversible du cycle cellulaire. Deux causes principales déterminent 2 types de sénescence : sénescence réplicative et sénescence prématurée.

3.1.1. Sénescence réplicative

La sénescence réplicative est la perte de capacité de division due à l'épuisement des télomères durant les précédents cycles de division.

Figure 49. Structure de l'ADN télomérique humain (gauche) et raccourcissement de télomères en fin de réplication (droite) (d'après Réactome book)

Les télomères sont des complexes protéines-ADN situés à l’extrémité des chromosomes linéaires et qui ont pour rôle de maintenir la stabilité du génôme (Figure 49). Chez l'homme, le télomère se compose des séquences riches en guanine TTAGGG de 2 à 30 kb. La formation d’une structure en lassot (T loop) à l’extrémité 3' des simples brins d'ADN, empêche son extension en double brin.

L'ADN télomérique est fixé par plusieurs facteurs protéiques qui régulent la longueur des télomères et protègent le chromosome contre la recombinaison non

homologue, contre le déclenchement des signaux de dommage de l'ADN et contre l'attaque nucléolytique.

L'attrition de l'ADN au niveau des télomères a lieu à la fin de la réplication de l'ADN ou quand la réplication est incomplète. Le raccourcissement des télomères à un stade critique déclenche un mécanisme de synthèse et de maintenance des répétitions télomériques par la télomérase (Figure 50). Cette enzyme est un complexe ribonucléoprotéique contenant un domaine transcriptase réverse, appelé télomerase réverse transcriptase (TERT) et un ARN modèle pour la génération des séquences 3' riche en G.

En absence de l'action de la télomérase, un « signal de détresse » est envoyé et la cellule sort du cycle cellulaire, correspondant à la sénescence réplicative.

Figure 50. Extension du télomère par la télomérase (d'après Réactome book)

3.1.2. Sénescence prématurée

Ce type de sénescence est appelé "prématurée" ou "accélérée" car la cellule perd la capacité de proliférer avant le raccourcissement des télomères (Joyce 2012). Elle est

souvent induite par le stress oxydatif provenant de multiples facteurs environnementaux.

La notion de stress oxydatif implique des dérivés réactifs de l'oxygène (ou espèces radicalaires de l’oxygène (ERO), reactive oxygen species, ROS, en anglais). Il s'agit des dérivés de l'O2 apparaissant sous l'effet d’agents physiques comme les rayonnements, des réactions chimiques et surtout enzymatiques.

Figure 51. Voie métabolique de l'oxygène et des espèces radicalaires de l’oxygène (ERO)(A) et origines (B, flèches rouges) et actions (B, flèches verts) des ERO sur différents compartiments cellulaires (Barouki 2006)

Origine : toute réaction impliquant l'O2 et un système réducteur de transfert d'électrons est susceptible de libérer des ERO, notamment la chaîne respiratoire, les activités enzymatiques comme NADPH oxydases au cours de l'inflammation et les cytochromes P450 au cours de la détoxication des xénobiotiques (Figure 51). Ainsi, dans une cellule, la mitochondrie, la membrane plasmique et le réticulum endoplasmique sont les sièges principaux de libération d'ERO.

Fonctionalité : en participant aux réactions d'oxydo-réduction qui induisent des cascades de signalisation, les ERO jouent un rôle physiologique important dans l'inflammation et l'équilibre entre la croissance, l'apoptose et la sénescence. D'autre part, la réactivité particulière des ERO peut mener à des propriétés toxiques importantes sur toutes les macromolécules cellulaires. Notamment, la génotoxicité des ERO consiste en l'oxydation des bases nucléiques, conduisant à la formation de 8-oxo-guanine qui est à l'origine des mutations géniques. L'ADN mitochondrial qui se situe à proximité de la chaîne respiratoire et n’est pas organisé en chromatine est donc particulièrement exposé à l'oxydation. Les ERO sont impliqués dans la maturation des protéines, surtout au niveau des acides aminés cystéines, méthionine et tyrosine, mais

peuvent aussi provoquer la carbonylation ou la dénaturation des protéines. Avec les acides gras insaturés, les ERO peuvent former de l'hydroperoxyde.

Le stress oxydant est défini comme le déséquilibre entre les systèmes oxydants et les capacités anti-oxydantes d'un organisme, d'une cellule ou d'un compartiment cellulaire (Figure 52).

Figure 52. Réponse adaptative cellulaire par stress oxydant lié au déséquilibre entre les effets physiologiqes et délétères des espèces radicalaires de l’oxygène (Barouki 2006)

En effet, sous l'effet oxydant des ERO, les cellules sont capables de déclencher les mécanismes anti-oxydants. Tout d'abord, les ERO peuvent être neutralisés par les molécules de défense anti-oxydantes comme le Glutathion, les vitamines E et C, bilirubine, l'acide lipoïque, des enzymes comme la catalase, la superoxyde dismutase, la glutathion peroxydase, les peroxyrédoxines, etc. Si l'accumulation des ERO persiste, les cellules s'adaptent par l'induction des gènes codant des enzymes anti-oxydantes, des protéines chaperonnes, des enzymes impliqués dans la réparation de l'ADN etc., ou/et la répression des systèmes susceptibles de libérer des ERO (chaîne respiratoire, cytochromes P450, NADPH oxydase). Au stade ultime, les cellules peuvent être dirigées vers l'apoptose ou l'arrêt du cycle cellulaire déclenchant ainsi la sénescence prématurée.

D'autre part, le niveau de stress oxydant augmente avec l'âge. Cela est du à l'accumulation de stress chronique et l'échec des mécanismes de réparation et de maintien, induisant un taux croissant de cellules sénescentes (Thorin-Trescases et al. 2010).

3.1.3. Mécanismes d’arrêt du cycle cellulaire dans la sénescence

Au cours de la sénescence réplicative, l’érosion progressive des télomères jusqu’à un seuil critique où les télomères deviennent dysfonctionnels, active des protéines telles qu’ATM qui induit la phosphorylation de H2AX, un marqueur d'endommagement de l’ADN (Figure 53). De nombreuses protéines sont alors activées pour propager ce signal de dommage, dont p53 qui active p21, empêche la phosphorylation de Rb et bloque ainsi la prolifération cellulaire.

Au cours de la sénescence prématurée, l’activation de p38 MAPK induit aussi l’activation de la voie p53-pRb. L'inhibition du cycle cellulaire par p53 et p21 est suggérée comme transitoire, induisant la sur-expression de p16 qui maintien l'arrêt de croissance des cellules (Thorin-Trescases et al. 2010).

Figure 53. Activation des cascades de signalisation de la sénescence par différents stimulus (Thorin-Trescases et al. 2010), MAPK : mitogen activated protein kinase ; ATM : ataxia telangiectasia muté ; H2AX : histone de type H2AX ; pRb : protéine rétinoblastome phosphorylée

3.1.4. Marqueur de la sénescence

Les cellules sénescentes sont caractérisées non seulement par l'absence de division cellulaire, mais aussi par leur morphologie et par des changements de structures biochimiques et moléculaires spécifiques (Schmitt 2007). En culture in vitro, une cellule sénescente a habituellement une morphologie aplatie, vacuolisée avec un contour irrégulier. Concernant les changements biochimiques et moléculaires, la sénescence est marquée par une augmentation de l'activité SA-β-galactosidase

(SA-β-Gal), une sur-expression des inhibiteurs comme p21, p53, p16, PML (promyelocytic leukemia protein), p15, l'expression de γH2AX (marqueur de dommage à l’ADN). Au niveau de la chromatine, il s'agit de la formation de SAHFs (senescence associated heterochromatin foci), de la méthylation locale de la lysine 9 de l'histone H3 et du recrutement local de la protéine HP1.

En cas de sénescence prématurée, la présence du stress oxydatif peut être détecté par différents marqueurs de l'oxydation par les ERO, notamment les dialdéhydes, la 8-oxo-guanine (8-oxodG) appelé également 8- hydroxy-2'-deoxyguanosine (8-OHdG), les AGE (advanced glycation endproducts), la carbonylation des protéines, ou par l'induction des enzymes anti-oxydantes (Barouki 2006; Valavanidis et al. 2009).

Récemment, le laboratoire BiiGC a initié un travail avec le Service de Biologie Intégrative et de Génétique Moléculaire de l’Institut de biologie et de technologies de Saclay (iBiTec-S, CEA) portant sur un nouveau marqueur de sénescence. Il s’agit d’un anticorps dirigé contre le variant H2AJ des histones H2A, un variant très peu étudié mais pour lequel il existe une accumulation (justifié par la spectrométrie de masse, par le Western-blot et par l'immunomarquage) dans les cas de sénescence cellulaire avec dommage persistants à l'ADN (Figure 56).

En résumé, le rappel des mécanismes fondamentaux de la sénescence aide à caractériser l'état prolifératif de l'endothélium cornéen, et également à choisir les outils pour l'étudier.