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Généralités sur la réparation et la protection d’ouvrages en béton

CHAPITRE I : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

I.1. Matériaux pour la protection et la réparation des surfaces en béton

I.1.1. Généralités sur la réparation et la protection d’ouvrages en béton

Les matériaux pour la protection et la réparation de surfaces en béton sont mis en œuvre sur les substrats existants pour conserver ou rétablir leurs propriétés. Ainsi, dès leur application, des transferts d’eau ont lieu entre les matériaux et le substrat poreux d’une part (succion par le substrat), et le milieu extérieur d’autre part (évaporation) (Figure I.4). Il est donc important de comprendre le comportement de ce type de matériaux en lien avec les conditions environnementales. Dans cette optique, les paragraphes qui suivent s’intéressent tout d’abord aux caractéristiques (formulation et comportement) du matériau de réparation seul, puis à son comportement de l’état frais au jeune âge en tenant compte de la présence du support et des échanges possibles avec l’environnement extérieur.

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Figure I.4 – Représentation schématique des interactions possibles après la mise en œuvre d’un matériau de protection/réparation

I.1.1.1. Concept de protection et de réparation des matériaux cimentaires

Le patrimoine d’ouvrages d’art est aujourd’hui vieillissant, avec notamment un certain nombre d’ouvrages qui atteignent leur fin de vie. Ainsi, de plus de plus, les matériaux qui les composent, en particulier les matériaux à base de ciment, subissent des dégradations. De ce fait, les problématiques de maintenance et de réparation occupent désormais une place centrale dans le domaine de l’ingénierie civile. La préoccupation première des ingénieurs est de réaliser une réparation qui soit durable. Pour ce faire, il est très vite apparu que la seule mise en place d’un système de réparation dont les propriétés sont proches de celles du substrat d’origine n’est pas toujours la meilleure démarche à adopter. En effet, dans le cas d’ouvrages très fortement dégradés, l’application de ce postulat semble bien mal indiquée ; comme le montre le graphique de la Figure I.5, une mauvaise qualité du béton et une non prise en compte de l’environnement auquel le matériau est soumis représentent plus de 50% des causes de dégradation. Il a été montré qu’une grande majorité des réparations sont des échecs au bout de cinq à dix ans seulement. Dans la moitié des cas, un mauvais choix de technique ou de matériau de réparation est à l’origine de ces échecs (Figure I.6).

Figure I.5 – Principales causes de défauts et dégradation dans les constructions [COUR16a]

Figure I.6 – Principales causes des échecs des réparations en béton [COUR16a]

Dans les années 1990, de nombreux auteurs ont cherché à identifier les paramètres clés d’une réparation durable. Ils évoquent alors l’importance de la notion de compatibilité entre les matériaux

11 [COUR16b, DECT97, EMMO94, EMMO96, MORG96]. Emmons et Vaysburd [EMMO93] définissent la compatibilité comme étant « un équilibre des propriétés physiques, chimiques et électrochimiques et des dimensions entre un matériau de réparation et le substrat existant qui garantira que la réparation peut supporter toutes les sollicitations induites par les changements de volume et les effets chimiques et électrochimiques sans difficulté ni détérioration au cours d’une durée donnée ». Sur cette base, les principaux paramètres à prendre en compte dans le but de réaliser une réparation optimale ont été regroupés en vue d’une meilleure prise en compte de la compatibilité entre le matériau de réparation et le substrat existant. Outre les compatibilités chimique, électrochimique ou encore de perméabilité, l’importance de la compatibilité dimensionnelle entre les deux matériaux a été mise en évidence par ces auteurs (Figure I.7). Ainsi, de nouvelles exigences sont nées, afin d’obtenir des matériaux de réparation et de protection suffisamment souples pour pouvoir être compatibles avec le substrat existant.

Afin de répondre aux exigences posées par cette méthode, de nouveaux matériaux de réparation ont été développés. Plusieurs types de constituants chimiques sont ajoutés lors de la formulation de ces matériaux afin d’obtenir des propriétés spécifiques qui répondent aux attentes des maîtres d’ouvrage [NF1504-1] :

- Les additions : matériaux inorganiques finement broyés ;

- Les adjuvants : matériaux ajoutés lors du malaxage dans des quantités inférieures à 5% de la masse du ciment ;

- Les ajouts : produits autres que les additions et les adjuvants (plastifiants, accélérateurs de prise, retardateurs de prise, pigment, etc.).

Figure I.7 – Facteurs influant sur la durabilité d’une réparation [MORG96]

I.1.1.2. Formulation des matériaux de réparation et de protection

Une large variété de matériaux est disponible pour effectuer des opérations de réparation et de protection d’ouvrages à base de béton ou tout autre matériau cimentaire. De très nombreux systèmes consistent à incorporer aux mortiers des polymères, ceci permettant de modifier les propriétés intrinsèques des matériaux en profitant des propriétés des polymères. Dans ce contexte, différents types de polymères sont utilisés, et ce sous différentes formes :

- Les polymères solubles dans l’eau : généralement il s’agit de dérivés cellulosiques. Ajoutés en faibles proportions (ratio P/C n’excédant pas 3%), ils sont utilisés comme adjuvants essentiellement à des fins de modification de la rhéologie des mortiers, et pour leurs

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propriétés rétentrices d’eau [BRUM11, OHAM98].

- Les latex : il s’agit de particules de polymères en suspension dans une phase aqueuse.

- Les polymères sous forme de poudre redispersible : il s’agit de latex qui sont séchés par atomisation ou pulvérisation afin d’obtenir des poudres. L’utilisation de polymère sous la forme de poudre redispersible permet l’élaboration de produits prêts à l’emploi au sein desquels tous les composants secs sont dosés et mélangés.

Dans le cadre d’applications de réparation ou de protection des surfaces en béton, les polymères sont en général introduits à la base de mortier dans des proportions variant entre 5% et 20% par rapport à la masse de ciment [OHAM95]. Ces matériaux sont, dans la suite de cette étude, désignés par le terme « composites mortier-polymère » au sens de la norme NF EN 1504 ; c’est-à-dire qu’il s’agit de « mortiers hydrauliques modifiés par ajout de polymères additifs en quantité suffisante pour lui conférer des propriétés spécifiques ». Les polymères jouent donc un rôle prépondérant dans les systèmes de protection et/ou de réparation des matériaux cimentaires.

I.1.1.3. Conditions de mise en œuvre sur chantier

Les composites mortier-polymère sont le plus souvent mis en œuvre sur de faibles épaisseurs, généralement de l’ordre de quelques centimètres (et n’excédant pas 4cm), selon l’application ciblée. Du point de vue des normes et guides existants, peu de recommandations sont formulées quant aux conditions de mise en œuvre des composites mortier-polymère (préparation du support, conditions de température et d’humidité lors de la mise en œuvre, cure). De plus, lorsqu’elles existent, ces recommandations sont peu précises.

Relativement au support, il est recommandé d’enlever le béton endommagé, et de correctement nettoyer le support afin qu’il soit « exempt de poussières, de matériau décollé, de contaminants de surface, et de matières qui réduisent ou empêchent l’adhérence ou l’humidification par les matériaux de réparation » (tiré de NF EN 1504-1). Il est, de plus, recommandé que le support soit humidifié au préalable, en accord avec la notice technique fournie par le fabriquant [LCPC96].

Relativement aux conditions climatiques, il est recommandé d’éviter une application lorsque les températures peuvent occasionner des phénomènes de gel (températures négatives). Il est également recommandé d’éviter une application « en plein soleil, par vent desséchant, ou lorsqu’il y a des risques de gel » [LCPC96, STRR08].

Enfin, relativement à la cure à appliquer, le guide publié par le LCPC et le SETRA [LCPC96] recommande « un traitement de cure efficace […] pour éviter tout risque de dessiccation prématurée », assurée par le biais d’une « humidification permanente pendant quarante-huit heures ou l’utilisation d’une protection par feuille plastique parfaitement fixée ». Concernant la cure des produits de réparation et de protection, la norme NF EN 1504-10 [NF1504-10] renvoie quant à elle à la norme NF EN 13670 [NF13670]. Cette-dernière souligne qu’une cure naturelle n’est suffisante que lorsque « les conditions pendant toute la période requise pour la cure sont telles que le taux d’évaporation de la surface du béton est faible, par exemple dans le cas de brouillard, de pluie ou de forte humidité atmosphérique ». Dans le cas contraire, des méthodes de cure doivent être appliquées afin de permettre de « réduire le taux d’évaporation à la surface du béton, ou de maintenir celle-ci en état permanent d’humidité ». Parmi les méthodes de cure évoquées se trouvent :

13 des arrêtes afin d’éviter la dessiccation par courants d’air ;

- La mise en place de bâches humides sur la surface et la protection de ces bâches contre le dessèchement ;

- Le maintien de la surface du béton visiblement humide par l’apport d’une humidification appropriée ».

La durée de mise en place de ces méthodes de cure est évaluée en classant les matériaux par classe de cure (selon l’évolution des propriétés du béton dans la zone de surface). Ainsi, selon les températures, ces durées varient de 1 à 30 jours (cf. Annexe F de la norme NF EN 13670 [NF13670]). Au vue du manque de précision dont font état les normes et guides de recommandation quant aux conditions permettant une bonne mise en œuvre des composites mortier-polymère, il peut sembler difficile de garantir sur chantier une application de ces matériaux permettant l’atteinte des performances requises.