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Comportement au jeune âge : prise et transferts d’eau

CHAPITRE I : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

I.1. Matériaux pour la protection et la réparation des surfaces en béton

I.1.3. Comportement des composites mortier-polymère

I.1.3.2. Comportement au jeune âge : prise et transferts d’eau

Transfert d’eau et influence de l’épaisseur

Dès la mise en œuvre, la quantité d’eau présente dans les mortiers diminue par deux phénomènes : l’évaporation au contact de l’atmosphère, et la succion par le substrat poreux. Ces phénomènes interviennent en même temps que l’hydratation des matériaux, pouvant de ce fait occasionner une compétition pour la disponibilité en eau au jeune âge (i.e. lors des vingt-quatre premières heures suivant la mise en œuvre).

19 Lorsqu’un mortier est appliqué sur un substrat, des échanges d’eau plus ou moins importants interviennent selon la nature du support, comme le montre la Figure I.14, issue de l’étude de Détrichet et al. [DETR84]. Dans cette étude, un mortier avec un ratio E/C égal à 0,65 est mis en œuvre dans différentes conditions : (a) sur un substrat non poreux (SNP) et avec une évaporation négligeable ; (b) sur un substrat non poreux (SNP) avec une évaporation possible via la surface libre du mortier ; (c) sur un substrat poreux (SP) avec une évaporation possible via la surface libre du mortier. Dans le cas (a), la quantité d’eau présente reste constante et inférieure au ratio E/C initial du fait de la remontée de l’eau de ressuage à la face libre du mortier. Le cas (b) met en évidence l’influence d’une évaporation de l’eau, dont les effets sont visibles à partir de 6h après le malaxage du mortier. Cet effet se manifeste par une diminution significative de la teneur en eau (avec un E/C qui diminue de moitié au bout de deux jours de cure). Enfin, dans le cas (c), il est clair que durant les six premières heures suivant le malaxage, c’est le phénomène de succion qui prédomine. En effet, dans ce cas, une diminution significative de la quantité d’eau est visible dès le début de la cure et peut être attribuée à la succion par le substrat (par comparaison avec la courbe du cas (b)). La succion de l’eau par le substrat poreux se fait tant que les capillaires du mortier mis en place sont plus gros que ceux du support existant avec lequel il est en contact. À ce stade, la quantité d’eau a déjà diminué de moitié. Ensuite, le séchage se poursuit jusqu’à atteindre un plateau commun au cas (b).

Figure I.14 – Évolution des échanges d’eau dans le mortier [DETR84]

Figure I.15 – Profils de teneur en eau dans l’épaisseur de mortiers sans (MA) et avec polymères (MB) [AMBA08]

La prise en compte des phénomènes de dessiccation est indispensable dans la mesure où ils peuvent fortement gêner l’hydratation des matériaux cimentaires [AMBA09, KHEL02]. De plus, de récentes études ont mis en évidence un impact inégal de ces phénomènes selon l’épaisseur de l’échantillon. Par exemple, sur la Figure I.15 sont représentés les profils de teneur en eau dans des mortiers en fonction de la profondeur [AMBA08]. Ces résultats sont présentés pour des mortiers réalisés à base de ciment portland (MA) et des mortiers à base de ciment Portland auxquels de l’EVA en poudre est incorporé (MB). Ces échantillons ont les mêmes E/C de départ, et ont un séchage autorisé uniquement via la face supérieure. Cette étude permet de constater la présence de gradients de teneur en eau au sein des matériaux : un front de séchage existe et implique un impact plus important sur les profondeurs les plus faibles (10 premiers centimètres à partir de la surface de séchage). Cette observation est faite aussi bien dans les cas de mortiers non modifiés que dans les cas de composites mortier-polymère. Cela implique une hydratation plus faible du matériau au voisinage de la surface de séchage, et donc des différences de propriétés du matériau une fois durci

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en fonction de la profondeur [AMBA09, KHEL98]).

Un deuxième constat peut être fait au regard des résultats présentés dans la Figure I.15 : la présence de polymère permet d’obtenir des teneurs en eau plus importantes que dans le cas d’un mortier non modifié, pour des échéances similaires. Cette observation fait écho à de nombreux travaux qui mettent en évidence une amélioration de la rétention d’eau dans les mortiers modifiés avec des polymères [AFRI95, CAPE05, OHAM98, SAIJ95]. Les auteurs expliquent cela par les propriétés hydrophobes des polymères, et la formation de films de polymères imperméables qui empêchent les départs d’eau.

Prise et hydratation en présence de polymères

Dans un composite mortier-polymère, l’hydratation du ciment et la formation de films de polymère ont lieu de manière simultanée. Aussi, la durée de prise de ces matériaux s’en trouve modifiée. De nombreuses études ont été réalisées à ce sujet, avec différentes méthodes. Deux d’entre elles sont présentées par la suite : la méthode du prisomètre Vicat, et le suivi par calorimétrie isotherme. Le suivi de la prise avec le prisomètre Vicat, mis en œuvre par Marceau et al. [MARC12] pour trois formulations de composites mortier-polymère, montre qu’en présence de polymère, le temps de début de prise est retardé, que ce retard s’accroît avec le taux de polymères, et que ce retard varie d’un polymère à l’autre (Figure I.16). Ce même résultat est observé par Kong et al. [KONG15] qui réalisent un suivi par calorimétrie isotherme de formulations contenant un copolymère styrène-butyl acrylate : retard de l’ordre de 3h avec un ajout de 12% de polymères, contre un retard d’environs 4h relevé par Marceau et al. [MARC12] pour un ajout de 10% de polymère SA (Figure I.17). Deux hypothèses sont retenues pour expliquer ces retards lors de la prise :

- L’adsorption des polymères à la surface des grains de ciment (étape (b) de la Figure I.13) qui engendre une restriction au niveau de l’accès à l’eau pour les grains de ciment et inhibe la croissance des hydrates.

- La complexation des polymères avec les ions calcium présents dans la solution interstitielle qui conduit à une diminution de la formation de portlandite et d’ettringite [GOTO06, LARB90, PLAN08, SU91]. Des études portant sur la complexation en présence de polymères ont permis de mettre en évidence que la présence de charges dans les systèmes de stabilisation renforce la complexation des polymères [GOTO06, KONG16, WINN07].

Le suivi par calorimétrie met également en évidence une diminution de l’intensité du pic de dégagement de chaleur avec l’augmentation du taux de polymères. Pour Kong et al. [KONG15], l’adsorption du polymère à la surface des grains de ciment est là encore à l’origine de ce phénomène (Figure I.17). Il montre enfin que plus le polymère est chargé en surface, plus il aura tendance à s’adsorber à la surface des grains de ciment ; ce qui est en accord avec les résultats de Winnefeld et al. [WINN07].

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Figure I.16 – Temps de début de prise de différents composites mortier-polymère (E/C=0,5) [MARC12]

Figure I.17 – Courbes de calorimétrie de mortiers contenant des polymères à base de styrène acrylate [KONG15]

Ce retard de prise s’accompagne d’un ralentissement de la formation de portlandite, ce qui peut s’apparenter à une hydratation plus lente des composites mortier-polymère en comparaison d’un mortier ne contenant de polymères. Ce phénomène a notamment été observé par Ollitrault-Fichet et al. [OLLI98], qui ont comparé un mortier classique sans polymères (PFC) et un mortier contenant 10% en masse d’un polymère acrylique (PMC). Les deux mortiers ayant subi une cure à 23°C et 50% d’humidité, ils ont relevé la teneur en portlandite à plusieurs échéances (Figure I.18). Ils montrent que quelle que soit l’échéance, la quantité de portlandite formée en présence de polymères est plus faible que dans l’échantillon PFC. Ils expliquent cette observation par l’adsorption des polymères à la surface des grains de ciment, créant ainsi une membrane qui rend plus difficile l’accès à l’eau.

Figure I.18 – Évolution de la teneur en portlandite en fonction de la durée de cure [OLLI98]