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4. Notions théoriques appliquées

4.3 Théorie moderne du portefeuille

4.3.4 Frontière efficiente

En se basant sur le tableau précédent, on se rend compte qu’il est possible de composer un portefeuille d’actions à partir d’une multitude de combinaisons de titres et en fonction de la pondération qui leur est donnée. Dans l’exemple précédent, on serait capable de générer de nombreux portefeuilles à partir des 3 titres, Bombardier, Loblaw et Royal Bank of Canada, en les combinant et en affectant à chaque fois un niveau de pondération différent.

Toutefois, comme chaque portefeuille est caractérisé par les critères de rentabilité espérée et de risque, on peut déjà admettre que l’ensemble des compositions ne serait pas optimal. En effet, selon la théorie de Markowitz, il existe deux types de

portefeuilles, les portefeuilles dominants ou efficients et les portefeuilles dominés ou non efficients. Un investisseur raisonné devrait donc détenir un portefeuille efficient qui offre le niveau de rentabilité espérée le plus élevé en fonction du niveau de risque déterminé, ou inversement, le risque le plus faible selon un niveau de rentabilité espérée défini d’avance. On rappellera que deux des hypothèses du modèle stipulent que premièrement, les investisseurs se basent sur le critère rentabilité espérée-risque et dans un deuxième temps, qu’ils sont averses au risque et qu’ils cherchent à maximiser leur utilité espérée. Ces deux hypothèses corroborent avec le choix de l’investisseur à sélectionner un portefeuille efficient selon les couples rentabilités-risques.

Lorsqu’on dessine sur un graphique en nuage de points l’ensemble des portefeuilles réalisables, on constate qu’ils sont relativement dispersés et représentent une surface lorsqu’ils sont constitués de plus de deux titres. Dans la situation où les portefeuilles sont composés à partir de deux titres, la zone de dispersion ressemble à une droite ou à une courbe et non à une surface :

Figure 8

Simulation de 500 portefeuilles composés des actions Bombardier et

Loblaw

Figure 9

Simulation de 500 portefeuilles composés des actions Bombardier,

Loblaw et RBC

Source : outil de composition de portefeuilles (COURVOISIER, 2012)

Ces exemples permettent d’introduire le fonctionnement de la frontière efficiente. La frontière efficiente se décrit comme étant l’ensemble des portefeuilles optimaux qui appartiennent à l’espace de tous les portefeuilles qu’il est possible de concevoir à partir

des titres sélectionnés. Bien sûr, lorsque l’on construit un portefeuille formé de deux

actions, la frontière efficiente équivaut à la courbe ou la droite des portefeuilles qu’il est possible de concevoir, à partir de ces deux mêmes titres.

La forme de la frontière efficiente dépend du niveau de corrélation qu’il existe entre les titres. Comme le montre la figure suivante, lorsque le coefficient de corrélation entre deux titres se rapproche de 0, la forme de la frontière efficiente est une courbe. Cependant, si le coefficient de corrélation est de -1, la frontière efficiente prend l’apparence d’une droite coudée formée de deux segments, alors que si le coefficient de corrélation est de +1, elle est représentée par une simple droite. On relèvera aussi qu’il est possible de générer un portefeuille sans risques dans la situation où la corrélation est de -1 et que le segment de droite inférieur regroupe des portefeuilles dominés par ceux du segment supérieur. Pour une même volatilité, on pourrait donc obtenir une rentabilité supérieure.

La corrélation permet d’obtenir un effet de diversification, à l’exception du cas où elle est égale à 1. Dans notre exemple avec les trois titres canadiens, elle s’en rapproche,

mais elle n’est pas exactement égale à 1, ce qui permet d’obtenir un léger effet de

diversification. On notera qu’il n’est pas possible d’éliminer totalement le risque, sauf

lorsque le coefficient de corrélation est égal à -1. Dans la réalité, il est déjà extrêmement difficile de trouver des titres corrélés négativement, alors il semble pratiquement impossible d’en trouver qui le sont parfaitement.

Figure 10

Forme de la frontière efficiente entre deux titres

Source : image modifiée par COURVOISIER (2012), provenant de BERK (2011)

On constate ainsi que dans notre exemple de portefeuille, il existe une corrélation

positive proche de +1 entre chacun des titres19. Cela est dû à la façon dont les

prévisions ont été établies. Si l’on reprend le tableau des scénarios, on remarque que quel que soit le cycle (crash, croissance nulle, boom, etc.), les titres évoluent dans le même sens. Ils ont ainsi le même comportement, ce qui a amené la frontière efficiente à s’apparenter à une droite. Cette constatation est largement visible sur la figure de la simulation des 500 portefeuilles composés de 2 titres et l’on peut également la deviner sur celle de la simulation de 500 portefeuilles composés de 3 titres.

De manière à illustrer une situation plus conforme à la réalité, la figure suivante représente la frontière efficiente qui a été calculée à partir des rentabilités historiques journalières des actions de Nestlé, ABB et Swatch, lors de la reprise économique de 2010 à 2011, qui a fait suite à la crise des subprimes.

Figure 11

Frontière efficiente pour les titres ABB, Nestlé et Swatch à partir des

données historiques journalières - 04.2010/04.2011

Source : outil de composition de portefeuilles (COURVOISIER, 2012)

Cette illustration correspond mieux à la forme courbée typique, de la frontière efficiente, qui est si souvent présentée dans les ouvrages de référence. Dans l’exemple de nos 3 titres canadiens, on se trouve dans une situation extrême où tous les titres sont parfaitement corrélés, mais cela vient de la faiblesse des estimations qui

ont été faites. Le but étant d’illustrer le modèle de Markowitz et non d’effectuer les

meilleures estimations. Cependant, l’exemple était particulièrement intéressant puisqu’il a permis d’introduire l’effet que la corrélation provoque sur la forme de la frontière efficiente.

Si l’on reprend la même période que pour les actions suisses précédentes et qu’on calcule la frontière efficiente pour nos trois titres canadiens depuis les rentabilités historiques réelles, tout en faisant abstraction des données obtenues jusqu’à présent, à partir du tableau des scénarios, on obtient la représentation suivante.

Figure 12

Frontière efficiente pour les titres Bombardier, Loblaw et Royal Bank of

Canada à partir des données historiques journalières - 04.2010/04.2011

Source : outil de composition de portefeuilles (COURVOISIER, 2012)

Avec les données historiques sur la période mentionnée, on retrouve la forme archée de la frontière efficiente. On peut donc réaffirmer que la forme atypique du premier graphique venait bel et bien de la qualité des estimations entrées dans notre tableau de scénarios.

En analysant ce graphique, on observe rapidement la position différente de ces titres. L’action Loblaw performe mieux que celle de Royal Bank of Canada et avec une volatilité plus faible, alors que le titre Bombardier est nettement plus volatile, mais offre une performance bien meilleure.

Les points mauves sur le graphique précédant ont été calculés à partir de la méthode de Monte-Carlo. Cette méthode basée sur des techniques probabilistes permet de mesurer rapidement un grand nombre de valeurs numériques. Dans le cadre du modèle de Markowitz, on utilise la méthode de Monte-Carlo pour simuler une multitude

de portefeuilles, dans le but d’obtenir un échantillon représentatif de l’espace qu’ils

décrivent. L’investisseur pourrait donc détenir n’importe lequel de ces portefeuilles,

même s’ils ne sont pas tous efficients. Pour obtenir cet échantillon, on agit

(100%) et on obtient un reste (80%). Pour le second titre, son poids est égal à la génération d’un nombre entre 0 et le reste (80%), par exemple 40%. Après, on soustrait au total (100%) l’addition des poids déjà attribués aux titres (20%+40%) afin d’obtenir un nouveau reste (40%). Ainsi de suite, on obtient un poids aléatoire pour chacun des titres composant le portefeuille. On peut donc simuler un très grand nombre de portefeuilles atteignables par l’investisseur, en répétant cette technique plusieurs fois.

Pour finir, voyons ensemble les formules mathématiques qui ont permis de calculer la frontière efficiente. Dans la version de base du modèle de Markowitz, il est supposé qu’il n’est pas possible d’effectuer d’achats ou de ventes de titres à découvert et que la liquidité est totalement investie dans le portefeuille.

On a ainsi le programme d’optimisation qui maximise la rentabilité du portefeuille ,

où représente la contrainte sur le niveau de risque qu’on attribue à la volatilité du

portefeuille : { } | | (∑ ∑ )

Puis, voici le programme d’optimisation qui minimise la volatilité du portefeuille , où

correspond à la contrainte sur le niveau de rentabilité affecté au portefeuille :

{ } (∑ ∑ ) | |

Il a été volontairement fait abstraction des démonstrations mathématiques et des nombreuses formules qui expliquent ces graphiques, pour deux raisons principales. Tout d’abord, étant donné que le sujet de ce travail ne se limite pas à la théorie de

Markowitz, le mémoire deviendrait bien trop long si on intégrait l’ensemble des formulations, puisqu’il existe des livres entiers qui y sont consacrés. La seconde raison est que l’étude mathématique a déjà dû être approfondie dans le cadre du développement de l’outil, ce qui évite ainsi de devoir réexpliquer l’ensemble, dans la mesure où cela démontre déjà une certaine maîtrise de l’aspect mathématique.