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Le commentaire du grammairien Francesco Filippo Pedemonte130, édité par son élève Puresius, est imprimé à Venise en 1546. Il est précédé d’une dédicace au cardinal Ranuce Farnèse. C’est un commentaire assez long qui adopte la forme traditionnelle du commentaire humaniste : le texte horatien est divisé en quarante-deux parties en-dessous desquelles viennent s’insérer les explications de Pedemonte. Ce commentaire se distingue néanmoins

129 Commentaria in Artem poeticam Horatii.

130 Francesci Philippi Pedimontii ecphrasis in Horatii Flacci artem poeticam. On sait peu de choses sur Pedemonte (ou Piedimonte). Humaniste et poète, né dans la première moitié du XVIe siècle à Caserte, il est essentiellement connu pour son commentaire à l’Art poétique d’Horace. Il existe peu d’études de ce commentaire. La plus complète est celle de B. Weinberg (A History of Literary Criticism in the Italian Renaissance, Vol. I, The University of Chicago Press, Chicago, 1961, p. 111-117).

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des autres par les titres attribués à chaque partie par le commentateur : « De idea concipienda », « Non esse a materia discedendum », « De stilo », « De uariando poemate », « De totius operis perfectione » …

Comme les commentaires des prédécesseurs de Pedemonte, l’ekphrasis de ce dernier est très marquée par les traités de rhétorique de Cicéron et Quintilien, par le commentaire du Pseudo-Acron et par Donat. Cependant, elle se distingue de ceux-ci car elle est le premier commentaire italien à faire un abondant usage de la Poétique d’Aristote, addition qui permet parfois au commentateur de proposer des interprétations originales et novatrices de l’Ars.

Pedemonte voit, par exemple, dans les vers 1-13 de l’Art poétique une sorte d’évocation métaphorique de la théorie des idées platoniciennes et explique qu’il faut que l’artifex conçoive bien en esprit la forme de sa future création avant que d’entreprendre son travail, méthode valable pour tous les arts, mais en particulier lorsqu’il s’agit de peindre, de façonner et de sculpter, activités qui, comme le note Aristote, procèdent, à l’image de la poésie, de l’imitation. Ainsi le commentateur fait-il fusionner la théorie aristotélicienne de la mimèsis et la théorie platonicienne des formes imitatrices des idées, introduisant un nouvel axe analytique dépassant la traditionnelle application des notions rhétoriques d’inuentio et de dispositio aux premiers vers de l’épître.

Comme l’indique Weinberg131, dans le commentaire de Pedemonte132, les très nombreuses références aristotéliciennes ne viennent pas remplacer les références rhétoriques traditionnelles, mais s’additionnent à ces dernières pour enrichir le corpus rhétorique et grammatical traditionnel dans lequel les commentateurs précédents sont allés puiser. Au final, la structure appliquée par Pedemonte à l’épître ne diffère pas de manière fondamentale de celles conçues par les autres commentateurs.

Quelle a été l’influence de ces commentaires sur celui de Robortello ? Ce dernier ne nous ayant transmis que très peu d’informations sur la composition de la paraphrase et ne citant que très peu ses sources dans cette dernière, il est très difficile de le savoir. Il

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presque. On sait qu’il a lu, au moins en partie, le commentaire de Landino, puisqu’il mentionne le Florentin dans les Explicationes pour critiquer durement son commentaire à la cinquième épître du premier livre des Épîtres d’Horace133. Par ailleurs, dans les Annotationes, il fait l’éloge de Parrasio, qui était le précepteur d’Alciat, et le qualifie de vir doctissimus134, il n’est donc pas impossible qu’il ait consulté son commentaire. En ce qui concerne les autres commentateurs, on ne peut qu’émettre des suppositions encore plus hasardeuses. Certes, il est possible d’effectuer des parallèles entre la paraphrase de Robortello et les commentaires qui l’ont précédée, et de leur trouver des développements similaires, mais ces commentaires exploitant tous un fonds commun de références (à commencer par les scolies d’Acron et de Porphyrion), ces rapprochements ne prouvent pas grand-chose. Quant à la présence d’Aristote chez Willich et Pedemonte, elle ne suffit pas, à elle seule, à démontrer que Robortello avait lu leurs ouvrages, étant donné qu’il était plongé dans les Explicationes à la Poétique au moment où il a composé sa paraphrase. Sur le plan de la forme, le seul commentaire qui puisse être comparé à celui de Robortello est celui de Gaurico, car c’est la seule paraphrase de la liste. Bien sûr, c’est une paraphrase plus courte, au contenu théorique beaucoup plus léger (ne serait-ce que parce que Gaurico ne cite pas la Poétique), mais on peut se demander si Robortello n’aurait pas trouvé l’idée du format de son commentaire dans le petit livre de l’auteur du De Sculptura.

IV La paraphrase à l’Art poétique de Francesco Robortello

133 « Landinus Horatii interpres turpiter lapsus est in hoc loco », Francisci Robortelli Vtinensis in librum Aristotelis De arte poetica explicationes, Florence. p. 307, Bâle p. 268-269.

134 « Tibi uero gratulor, Alciate, quod Ianum Parrhasium uirum doctissimum a pueritia nactus fueris praeceptorem. Nunquam enim tua scripta lego quin mihi illius recordatio uiri occurat, adeo diligentis ac perspicacis in ueterum locis emendandis atque explanandis. At utinam illius scripta non interiissent, aut aliquo in loco compressa non laterent. Scio enim multa illum scripsisse, praeterea, quae extant, ad expurgandos et illustrandos ueteres authores Graecos ac Latinos (…). Homines qui ignorant talem praeceptorem tibi a pueritia contigisse, admirantur postea quantum etiam in hoc studiorum genere ualeas. Ego qui id scio, nec miror et laetor, quia tui tuaeque gloriae studiosissimus sum. Te igitur oratum uelim ut me in tuorum numerum amicorum libenter ascribas, neque posthac irrites uel tecte uel palam, sed patiaris aequo animo ut, quae de literis sentio, proferam. Mihi tecum decertare non est animus, sed si perges me aculeis istis tuis pungere, non desistam tamen ab instituto meo scribendi, et cogar praeterea mei honoris posthac curam aliquanto maiorem suscipere. », (Liber secundus Annotationum p. 275-76). (Voir S. Poujade-Baltazard, Francisci Robortelli Vtinensis in librum Aristotelis De arte poetica explicationes, p. XXXVI.)

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