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XXXV 1/ Notice biographique sur Francesco Robortello 135

5/ Un Art poétique aristotélisé ?

Le commentaire robortellien, original dans sa forme, se signale encore par la présence marquée, en son sein, de références à la Poétique d’Aristote. M. T. Herrick rappelle, dans l’introduction de l’ouvrage qu’il consacre à la fusion d’Aristote et d’Horace dans les commentaires à l’Art poétique du XVIe siècle, que beaucoup d’humanistes considéraient alors qu’Horace s’était inspiré de la Poétique et de la Rhétorique d’Aristote pour son épître201, bien que la recherche contemporaine n’ait pu établir aucun lien direct entre le poème horatien et les traités aristotéliciens202.

200 « Nostra quidem aetate praeterquam quod portentosa, qualia descripta sunt superius, uidere est multorum poemata, illud quoque magna est reprehensione dignum, quod uulgo faciunt mali poetae, qui cum grande aliquod poema epopoeicum, qualis Homeri Ilias est et Odyssea, de magnis rebus gestis sibi scribendum proponant […]. » (Ibidem, p. 15-16.)

201 « Although modern scholarship finds no direct connection between the Ars poetica and the Poetics, sixteenth-century scholars agreed that Horace was following Aristotle’s theories as formulated in the Poetics and Rhetoric. » (M. T. Herrick, The Fusion of Horatian and Aristotelian Criticism, 1531-1555, Illinois Studies in Language and Literature, Vol. 32, N°1, University of Illinois Press, Urbana, 1946, p. 3.)

202 Qu’il soit possible d’établir des parallèles entre certains passages de l’Art poétique et de la Poétique ou de la Rhétorique d’Aristote, c’est un fait indéniable. Mais Aristote n’est pas seul, et l’on reconnaît

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Pensant reconnaître dans l’Épître aux Pisons certaines des théories exposées dans la Poétique, ou, du moins, certaines thématiques communes, Robortello s’est donc efforcé d’établir des parallèles entre les deux œuvres. Nous les avons répartis en huit sections203 :

La narration dans l’épopée

Robortello rapproche les vers 42-45 de l’Art poétique de la Poétique 1459a, 17-29 : les actions de l’épopée ne doivent pas être exposées ou racontées dans l’ordre où elles ont été accomplies.

La métrique

Robortello effectue un parallèle entre les vers 73-74 de l’Art poétique, consacrés à l’épopée et au vers héroïque, et la section 1459b de la Poétique dans laquelle Aristote formule la nécessité d’user de l’hexamètre pour l’épopée. Par ailleurs, le paraphraste rapproche aussi les vers 79-82 de l’Art poétique où Horace évoque l’ïambe, de la section 1448b de la Poétique où Aristote dit de l’ïambe qu’il est, à l’origine, le vers de l’invective. Robortello rapproche aussi ce passage de la section 1449a de la Poétique, où Aristote explique que le mètre ïambique est

aussi, entre autres, quelques idées platoniciennes, ainsi que des références à la tradition rhétorique latine issue de Cicéron. Toutefois, en ce qui concerne les sources théoriques de l’épître, il est possible que, pour l’essentiel, Horace se soit inspiré d’un écrivain hellénistique du IIIe siècle av. J.-C. : Néoptolème de Parion. Cette hypothèse s’est longtemps appuyée sur une scolie de Porphyrion qui, dans son commentaire, affirmait qu’Horace s’était inspiré des préceptes de Néoptolème pour composer l’Art poétique : « in quem librum congessit praecepta Neoptolemi de Arte poëtica, non quidem omnia, sed eminentissima. Primum praeceptum est περὶ τῆς ἀκολουθίας. » (Q. Horatii Flacci de Arte Poetica cum antiquissimorum grammaticorum Helenii Acronis et Porphirionis commentariis admixtis interdum Terentii Scauri scoliis, Bâle, 1555, p. 238). Certains des préceptes de Néoptolème ont été conservés dans le traité Des poètes du philosophe Philodème de Gadara. Les fragments du traité peuvent laisser penser qu’Horace a puisé chez Néoptolème. La lecture de Philodème permet de savoir que Néoptolème recommandait l’unité et la cohérence, comme le fait Horace aux vers 1-23 et au vers 152 de l’Art poétique. Par ailleurs, Néoptolème demandait au poète de savoir unir savoir-faire (technè) et puissance (dunamis), ce qui rappelle les vers 408-411, où Horace traite, en même temps, des notions d’ars et d’ingenium. Il semble aussi que Néoptolème ait déclaré que le poète devait, par ses œuvres, participer à l’instruction morale de son public, tout en le charmant, comme le prône Horace aux vers 99-100, 333-334 et 343-344. Toutefois, il faut noter qu’aucun de ces préceptes n’était propre à Néoptolème, et que l’on trouvait des idées comparables, tirées de sources grecques, chez les auteurs romains. (Au sujet des sources théoriques de l’Art poétique, voir A. Laird, « The Ars Poetica » in The Cambridge Companion to Horace, edited by Stephen Harrison, Cambridge University Press, 2007, p. 132-143.)

203 Voir A. Le Touze, « Aristote chez Horace : la Poétique dans la paraphrase à l’Art poétique d’Horace de Francesco Robortello », in Francesco Robortello. Réception des Anciens et Construction de la Modernité, sous la direction de M. Bouquet, Sergio Cappello, C. Lesage, M. Magnien, PUR, Rennes, 2020, p. 137-149. (Nous reprenons ici partiellement notre article.)

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celui qui imite le mieux le rythme de la conversation, ainsi que de la section 1447b où Aristote explique que c’est l’imitation et non le mètre qui fait le poème.

Les personnages

Dans les vers 114-130, Horace aborde la question de la convenance et de la constance des caractères. Robortello rapproche ce passage de la section 1454a où Aristote indique qu’il faut que le poète s’assure de composer des caractères conformeset constants. Robortello renvoie à nouveau à cette section dans le passage de la paraphrase consacré aux vers 317-322 de l’Art poétique. Le commentateur renvoie aussi aux sections 1451b et 1453a, dans lesquelles Aristote mentionne les personnages anciens et nouveaux. Il rapproche, par ailleurs, les vers 153-178, qui traitent des mœurs propres à chaque âge de la vie, de la Rhétorique II, 12-14.

L’usage du paralogisme

Robortello opère un rapprochement entre les vers 151-152 de l’Art poétique, où Horace vante la perfection avec laquelle Homère réussit à mêler le vrai et le faux, et le passage de la section 1460a de la Poétique consacré au paralogisme.

Le deus ex machina

Robortello rapproche la section 1454b des vers 191-192, où il est dit que le deus ex machina est à éviter.

Le chœur

Les vers 193-201 de l’Art poétique, consacrés au chœur, sont mis en parallèle avec la section 1456a de la Poétique.

Le drame satyrique

Les vers 220-250 de l’Art poétique, qui traitent du drame satyrique, sont rapprochés de la section 1449a où Aristote explique que la tragédie tire son origine du drame satyrique.

La comédie ancienne

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Les vers 281-284 de l’Art poétique, consacrés à la comédie ancienne, renvoient sans doute à la section 1449a, où Aristote dit que la comédie était peu en faveur.

M. Magnien souligne que si les insertions aristotéliciennes pratiquées par Robortello sont significatives dans le développement de sa paraphrase, elles ne submergent toutefois pas le discours horatien, contrairement à ce qui peut se constater chez d’autres commentateurs :

« Alors que la paraphrase couvre vingt-quatre pages imprimées dans l’édition originale, les renvois à Aristote se concentrent plutôt sur une dizaine d’entre elles […] et concernent un nombre de chapitres limités de la Poétique (sept, les plus sollicités étant les chapitres 4 et 15).

Ces relevés, dans leur sécheresse, montrent qu’à la différence de certains de ses successeurs comme Pigna et surtout Luigini ou encore Maggi, Robortello n’entend absolument pas faire passer l’ensemble des hexamètres horatiens sur le lit de Procuste aristotélicien.204 »

Si Robortello ne s’acharne pas à instaurer un parallèle entre la quasi totalité des vers de l’Art poétique et la Poétique d’Aristote, c’est parce qu’il ne considère pas le poème horatien comme un décalque du traité grec, que ce soit sur le plan de la composition, comme il l’annonce dans le préambule à la paraphrase, ou sur le plan du contenu. L’Art poétique n’est pas l’adaptation en vers latins de la Poétique d’Aristote. En revanche, il est clair que le commentateur considère que certains des préceptes énoncés par Horace, ou certaines des thématiques abordées dans l’épître, sont tirés, ou du moins, fortement inspirés, de la Poétique (et de la Rhétorique). Ainsi, ce n’est que lorsque les thématiques horatiennes semblent à Robortello naturellement correspondre aux thématiques aristotéliciennes qu’il intègre à l’Art poétique des références tirées de la Poétique. De plus, Robortello commente l’intégralité de l’Art poétique et n’omet aucun passage sous prétexte qu’on ne peut lui faire correspondre aucun équivalent aristotélicien. On est donc loin de ce que fait Maggi, par exemple, qui qualifie les passages de l’Ars ne partageant aucune thématique commune avec la Poétique de digressiones

204 Voir M. Magnien, « Aristotéliser Horace ? La Paraphrasis in librum Horatii … de Arte poetica de Francesco Robortello (1548) », in « Non omnis moriar », Die Horaz-Rezeption in der neulateinen Literatur vom 15. bis zum 17. Jahrhundert / La réception d'Horace dans la littérature néo-latine du XVe au XVIIe siècle / La ricezione di Orazio nella letteratura in latino dal XV al XVII secolo, (dir.) M. Laureys, N. Dauvois, D.

Coppini, 35.1, OLMS, Hildesheim, 2020, p. 336.

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et en expédie le commentaire205. Robortello voit, semble-t-il, dans les références aristotéliciennes qu’il ajoute à l’épître, un moyen d’enrichir cette dernière, et il est clair que, pour lui, ces apports doivent toujours respecter le cadre horatien.

Concernant les renvois à Aristote pratiqués par Robortello, il faut, par ailleurs, noter que ces derniers sont tout autant, si ce n’est même plus, des renvois aux Explicationes à la Poétique. Il faut, en effet, avoir à l’esprit que l’Aristote cité dans la paraphrase est un Aristote robortellisé, ce qui produit parfois des ajouts étonnants, dans lesquels on peine à reconnaître la Poétique. L’impact sur le texte horatien de cette Poétique robortellisée apparaît nettement dans la partie de la paraphrase consacrée aux vers 220-250, et qui traite du drame satyrique.

Robortello peine à véritablement identifier le genre scénique désigné par Horace au vers 235 de l’Art poétique206. Il considère qu’Horace désigne, dans ce vers, des « récitations satyriques » qui étaient intégrées aux tragédies pour délasser les spectateurs207. Or, à l’origine de cette confusion, se trouve une interprétation abusive, par Robortello, du passage de la Poétique où Aristote explique qu’une fois affranchie de ses origines satyriques, la tragédie prit de l’ampleur208, et il est assez difficile de comprendre avec précision l’interprétation des vers 220-224 par Robortello si l’on ne se refère par aux Explicationes. Il faut, de surcroît, noter que la lecture du court traité sur la satire, publié en appendice aux Explicationes, éclaire elle aussi la lecture de la paraphrase des vers 220-250. Robortello y reprend les notions exposées dans les Explicationes et apporte des précisions sur le genre de la satyra, qu’il compare à celui de la comédie, notamment209. La paraphrase à l’Art poétique n’est donc pas un simple appendice

205 Les passages de l’Art poétique qualifiés par Maggi de « digressions » sont nombreux. Ainsi dit-il, par exemple, au sujet des vers 60-72, qui traitent du renouvellement des mots : « Haec pars, quoniam digressio est, nullum in Aristotele locum sibi correspondentem habet », et il se contente de synthétiser le contenu des 12 vers en trois lignes de commentaire (In Horatii librum de arte poetica interpretatio, p. 337).

Plus loin, lorsqu’il s’agit de commenter les vers 419-443, qui évoquent les flatteries auxquelles succombent les hommes riches et puissants qui se targuent d’être poètes, Maggi écrit : « Hoc quoque loco digrediens Horatius, adulatores maxime uitendos monet, et separandos ab iis, quibus propositum est omnia efficere, nihilque praetermittere, quod ad bonum poetam pertinere possit, propterea non est quod aliquod simile in Aristotele quaereretur. » (Ibidem, p. 367.) On peut encore citer en exemple le commentaire aux vers 453-476, consacrés au poète furieux et sur lesquels s’achève l’Art poétique, où Maggi dit : « Digressio est, qua in malos inuehitur poetas ; quos quidem et reprehendit et uelut satyricus irridet, atque ob id nihil est huiusmodi in Aristotele quaerendum. » (Ibidem, p. 369.)

206 « Satyrorum scriptor amabo »

207 « Nam inseri coeperunt satyricae recitationes, quod hac de causa uidetur factum. Spectatores tragicarum rerum, quae seuerae sunt et atroces, imitatione et recitatione saepe defatigabantur. » (Paraphrasis, p. 142.)

208 Poétique IV, 1449a, 19-21. (Voir Paraphrasis, note 1 p. 139.)

209 Voir Paraphrasis, note 1 p. 151.

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aux Explicationes. C’est une réécriture augmentée d’Horace qu’il faut replacer au sein du réseau théorique reliant entre eux chacun des ouvrages de poétique figurant dans le recueil de Robortello. De fait, c’est la lecture des Explicationes, plus encore que celle de la Poétique, qui éclaire le sens de la paraphrase (et c’est ce que nous avons tenté de montrer dans nos notes de commentaire souscrites à la paraphrase).

Enfin, si la paraphrasis nous donne à voir un Horace aristotélisé, il faut noter que cette aristotélisation n’est pas intégrale. En effet, Aristote est, par exemple, totalement absent du commentaire robortellien dans la paraphrase des vers 323 à 476 (soit presque un tiers de l’Art poétique). De plus, bien qu’Aristote soit l’un des seuls auteurs théoriques à être nommés et cités par Robortello210, il est loin d’être le seul à alimenter le commentaire. Un examen détaillé de la paraphrase permet de détecter de multiples références aux traités de rhétorique latins. Ainsi reconnaît-on, ou pense-t-on reconnaître, des références à la Rhétorique à Herennius, à Cicéron, à Quintilien. À titre d’exemple, citons le passage de la paraphrase consacré aux vers 26-27, où Robortello aborde la question de l’ornatus, qui nous semble inspiré du traité De l’orateur III, 25 et, au même endroit, le « nullos ostentat lacertos, neque uenas, neque ossa, neque neruos » du commentateur, qui semble lui venir de l’Institution oratoire et de la Rhétorique à Herennius211. On trouve encore des références marquées à De l’orateur III et à l’Institution oratoire I, 5 dans la paraphrase des vers 46-51, où Horace traite des uerba212. Plus loin, dans la paraphrase des vers 312-316, où Robortello aborde la question des différentes sortes d’amour et d’amitiés, les références qui viennent à l’esprit du lecteur sont multiples. On pense, pour l’amitié, à l’Aristote de l’Éthique à Nicomaque, à Cicéron (De l’amitié, Des devoirs), à Sénèque (Lettres à Lucilius) et, pour l’amour, à Platon (Le Banquet, Phèdre), Plutarque (Dialogue sur l’amour) et Athénée (Deipnosophistes)213.

Le point commun que partagent toutes ces références est qu’elles sont implicites : Robortello, qui cite systématiquement, et précisément, ses sources, dans les Explicationes,

210 Cicéron est nommé (aux côtés de Lucrèce) comme innovateur de langue (Paraphrasis, p. 47) et comme modèle de l’orateur (Ibidem, p. 207). Son traité L’Orateur est cité (quoique Robortello désigne l’ouvrage par une formule assez peu claire : « quod Cicero de optimo oratorum sermonis genere loquens ») en référence au style moyen (Ibidem, p. 153). Robortello fait, en outre, référence à l’Onomasticon de Julius Pollux au sujet du quatrième personnage au théâtre (Ibidem, p. 125) et mentionne le grammairien Aristarque de Samothrace, parfait exemple de « pierre à aiguiser ». (Ibidem, p. 177.)

211 Voir Paraphrasis, p. 25-26, pour une analyse détaillée du passage dans les notes.

212 Ibidem, p. 41-48.

213 Ibidem, p. 183.

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masque en grande partie les textes qui ont nourri sa paraphrase (tout ce qui n’est pas Aristote, à quelques exceptions près). Pourquoi un tel choix ? Il est probable que Robortello n’ait pas voulu étouffer le propos de l’Art poétique, dont il souhaitait restituer l’ordo mirus et l’oratio perpetua214 par sa paraphrase, sous une avalanche de citations qui auraient encombré et dénaturé la pensée horatienne. En outre, s’il cite souvent la Poétique, c’est certainement parce que le texte est encore relativement mal connu à l’époque où il compose la paraphrase et les Explicationes : il est donc nécessaire de fournir au lecteur les références au traité d’Aristote. En revanche, les traités de Cicéron, la Rhétorique à Herennius, l’Institution oratoire, les ouvrages de Sénèque et de Platon, toutes ces sources qu’il ne signale pas explicitement sont enseignées dans les écoles et les universités, et sont censées faire partie du bagage de tout lettré digne de ce nom. Il est donc fort probable que Robortello, un homme qui, rappelons-le, juge indignes d’être qualifiés de savants ceux qui ne maîtrisent pas le grec, ait considéré qu’il était inutile de référencer explicitement tout autre ouvrage que la Poétique.

La paraphrase à l’Art poétique de Robortello s’avère donc être un ouvrage fort étonnant. Réécriture en prose de l’Épître aux Pisons, commentaire à Horace mêlant les références explicites à une Poétique robortellisée à un susbtrat critique implicite qui trouve sa source principale dans la rhétorique latine, elle est l’un des éléments constituants du projet poétique visé par Robortello lorsqu’il publie, en 1548, le volume contenant les Explicationes.

Partie intégrante du recueil, la paraphrase peut difficilement se lire indépendamment des Explicationes, dont la lecture éclaire souvent le sens du commentaire horatien. Est-ce la raison pour laquelle cette paraphrase n’a connu que deux éditions, celle de Florence et celle de Bâle ? C’est une possibilité, mais il est plus probable que la nature même de l’œuvre l’ait desservie. Les commentaires humanistes sont, en effet, des ouvrages dont le lectorat est, en large part, constitué d’écoliers, d’étudiants et de professeurs. C’est l’érudition déployée dans les gloses, le caractère encyclopédique des références, qui fait la valeur scolaire d’un commentaire, ce qui explique, entre autres, le très grand succès éditorial du commentaire à l’Art poétique d’Horace de Josse Bade. M. Magnien dit de la paraphrase de Robortello qu’elle fut une « tentative sans lendemain », et veut pour preuve de cet échec le fait qu’elle ne fasse,

214 Ibidem, p. 8.

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par exemple, pas partie de la grande édition horatienne publiée par Fabricius en 1555215. L’exemple n’est sans doute pas judicieusement choisi car le commentaire de Bade, qui est pourtant une référence majeure, n’y figure pas non plus. On peut toutefois soupçonné que la paraphrasis à l’Art poétique aurait détonné, par sa forme, au milieu des commentaires humanistes de format traditionnel du volume de Fabricius. Il est cependant amusant de constater que figurent dans l’édition de Fabricius trois des commentaires les plus influencés par les Explicationes et la Paraphrase de Robortello216. Même s’il est permis de croire que cette paraphrasis est une « entreprise sans lendemain », le legs théorique des travaux de Robortello sur la Poétique et l’Art poétique est, quant à lui, indéniable.

215 Voir M. Magnien, « Aristotéliser Horace ? La Paraphrasis in librum Horatii … de Arte poetica de Francesco Robortello (1548) », in « Non omnis moriar », Die Horaz-Rezeption in der neulateinen Literatur vom 15. bis zum 17. Jahrhundert / La réception d'Horace dans la littérature néo-latine du XVe au XVIIe siècle / La ricezione di Orazio nella letteratura in latino dal XV al XVII secolo, (dir.) M. Laureys, N. Dauvois, D.

Coppini, 35.1, OLMS, Hildesheim, 2020, p. 352.

216 O. Millet (« Les premiers traicts de la théorie moderne de la tragédie d’après les commentaires humanistes de l’Art Poétique d’Horace (1550-1554) », in Études françaises, vol. 44, n° 2, Université de Montréal, 2008, p. 11-31) et M. Bouquet (« Jason Denores / Jacopo Grifoli / Francesco Luisini: L’Art poétique d’Horace et la Poétique d’Aristote », in « Non omnis moriar », Die Horaz-Rezeption in der neulateinen Literatur vom 15. bis zum 17. Jahrhundert / La réception d'Horace dans la littérature néo-latine du XVe au XVIIe siècle / La ricezione di Orazio nella letteratura in latino dal XV al XVII secolo, (dir.) M. Laureys, N. Dauvois, D. Coppini, 35.1, OLMS, Hildesheim, 2020, p. 357-390) font tous les deux état, dans leurs articles, de l’impact des Explicationes et de la paraphrase à Horace sur ces trois commentaires.

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