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la France vue par ses habitants »

Cette étude du corpus d’images et de textes réunis à l’occasion du concours Mon paysage au quotidien s’est princi- palement orienté sur une analyse du rôle social joué par le paysage dans les contributions.

On peut considérer qu’il s’agit là d’une « photographie » relativement fidèle du rapport des habitants au paysage, avec toutes les limites inhérentes à cette métaphore. Bien que la participation au concours constitue un reflet relativement fidèle de la population française, les effets de cadrages et les déformations dues en partie aux condi- tions de constitution du corpus (dispositif concurrentiel, support numérique, usage du média photographique) sont néanmoins à prendre en compte. Les résultats proposent des pistes de réflexions et d’analyses à poursuivre.

Un paysage familier

Le concours a été l’occasion de confronter la conception institutionnelle de la quotidienneté du paysage, orientée principalement autour d’un déterminant spatial de proximité, avec la compréhension qu’on fait les participants de cet énoncé.

Dans un premier temps on observe dans le corpus une forme de gradation de la relation spatiale au quotidien. Sans que cette dernière soit limitative, nous avons identifié ici une typologie de ce rapport de distance : le paysage «autochtones » (autour du domicile) ; le paysage «familier» (dans l’aire urbaine); le paysages «de l’occasion » (grandes distances).

Plus largement on note que la quotidienneté se traduit essentiellement par une forme d’appropriation, sans prise en compte des rapports de distances. Le paysage quotidien est avant tout un paysage que l’on connaît intimement avec lequel on entretient une relation symbolique. Ce sont donc autant les paysages de l’enfance que les paysages occasionnels de vacances. «Mon paysage quotidien» est finalement celui qui m’est familier avant d’être celui qui m’est proche. C’est un paysage en mouvement, changeant, c’est un paysage du présent comme du passé, mais c’est avant tout un paysage personnel, avec lequel j’établis une relation individuelle.

Un paysage patrimonialisé

Du fait du développement des politiques publiques françaises autour de la question du paysage depuis plus de trente ans, et de l’investissement des acteurs autour de la question de l’image et des représentations, il nous a semblé pertinent de questionner ici la perception de ces actions par les participants au concours du point de vue . Les politiques publiques influent-elles sur le regard des habitants ?

De façon générale, les mentions de la gestion durable des paysages sont quasi absentes dans les contributions. En effet, via l’analyse des photographies localisées dans les PNR d’Armorique et des Vosges, le contenu photogra- phique et textuel est déconnecté des politiques des PNR et notamment de leurs actions en matière de protection du paysage ordinaire. Dans le même sens, les outils de connaissance des paysages tels les Atlas de paysages ou l’Observatoire Photographique National du Paysage n’ont aucune répercussion visible sur les représentations sociales des participants particuliers. Quant à la notion d’écologie largement médiatisée, elle est rarement mobili- sée par les participants particuliers. Le paysage, s’il est perçu comme « bien commun », c’est avant tout à travers le prisme du patrimoine.

Cependant on remarque que les participants affectionnent les lieux ou sites qui sont régis par des politiques de protection paysagère et patrimoniale. Les photographies issues du concours sont une véritable promotion des paysages de l’exception. Une tendance forte qui semble avoir plusieurs origines, alliant les dispositifs publiques de mise en valeur des sites avec la puissance du marketing territorial faisant la promotion de leur « image ». La ville de Bordeaux apparaît ici comme un cas d’école extrêmement frappant : alors qu’elle semble invisible aux yeux de ses habitants en 1992 (concours Mon paysage, nos paysages), elle est portée aux nues par les participants du concours de 2013-2014. Ces derniers focalisent d’ailleurs sur le miroir d’eau, l’une des figures emblématiques les plus récentes de la ville.

Un paysage idéalisé

La représentation sociale du paysage est liée tout autant au déterminant territoriaux du paysage qu’à la manière dont celui-ci est conçue par les habitants. Autrement dit, la relation entretenue avec le paysage est tout autant physique que symbolique, et la part de l’imaginaire faisant ici pleinement partie de l’expérience vécue. L’analyse nous amène au constat de l’absence de marqueurs du quotidien et des modes d’habiter, au profit de représenta- tions ou illustrations d’une vision territoriale archétypale et conforme aux injonctions paysagères.

Les photographies ne figurent pas non plus les éléments pouvant être liés à la vie quotidienne de ces espaces : les activités sociales, les lieux de travail, la mobilité quotidienne, la famille, etc. Le choix des participants particuliers s’est tourné vers l’illustration d’une campagne « décor », d’un patrimoine historique, qui renvoie à une France avant tout rurale (champs, petits villages), et à un rapport au paysage empreint de romantisme (solitude, contemplation). Cette tendance forte comprend néanmoins une exception de taille lorsqu’il s’agit de territoire ne bénéficiant pas, ou peu, d’éléments susceptibles d’une telle valorisation, comme par exemple dans le cadre de la Seine-Saint-Denis ou des grands ensembles. On assiste alors à la mise en avant d’une qualité sociale du paysage, marqueur d’un certain « vivre ensemble ». Une perception qui reste toutefois l’œuvre d’une certaine forme d’idéalisation, soutenu cette fois par un récit historique et politique.

Le paysage, un outil pédagogique

Dans le cadre plus restreint de l’analyse du corpus des contributions de la catégorie scolaire, la question du paysage se présente avant tout comme un moyen pour travailler d’autres fins pédagogiques. En effet la participation au concours a par exemple été l’occasion de travailler à une forme d’appropriation de leur paysage quotidien par les élèves, une façon d’en découvrir les caractéristiques spatiales ou historiques. La démarche a été aussi et surtout l’occasion pour les enseignants d’aborder certains points du programme, notamment le développement durable.

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ANNEXES