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France : une « tradition » curative, le développement de la prévention

à l’aune de la théorie des « capabilités » de A Sen)

1. France : une « tradition » curative, le développement de la prévention

Les dispositifs de prévention pure s’organisent au sein même du système éducatif) : - Concernant les élèves en difficulté, une loi d’orientation de 2005 a été mise en place dans le but d’organiser un « programme personnalisé de réussite éducative » (PPRE). Ce programme est proposé aux parents de l’élève en difficulté par le chef d’établissement. L’objectif de ce dispositif est la prévention des difficultés scolaires, notamment en empêchant les redoublements. Ce dispositif est personnalisé et vise à assurer une certaine continuité au parcours scolaire de l’élève.

- Pour les élèves en difficulté scolaire, il existe également, dans le système éducatif français, la possibilité de découvrir le monde professionnel et ces formations lors du secondaire I. En effet, des classes de découverte professionnelle de 6 heures (DP6), destinées aux élèves de 4ème, peuvent aider les élèves à s’orienter en connaissance de cause et à faire des choix. Il s’agit d’une classe de « remotivation scolaire » avec une représentation valorisante des métiers. Même si l’objectif est de remotiver les élèves et d’aider leur orientation, il faut

90 Ce chapitre a été élaboré par Noémie Olympio (LEST, Aix en Provence).

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Dans la mesure où la notion de qualification dépend d’une définition quasi-sociétale propre à chaque modèle éducatif.

164 toutefois noter le caractère contraignant (et donc une certaine restriction des opportunités réelles de l’individu) qu’il existe à l’occasion de l’affectation à de telles classes.

- A la rentrée 2008, on observe l’apparition d’un programme DIMA (dispositif d’initiation aux métiers en alternance) : il s’agit, pour les élèves de 15 ans, d’une possibilité de découvrir

un ou plusieurs métiers par une formation en alternance durant une année. A la fin de cette

formation DIMA, le jeune peut soit reprendre le collège (ou cursus en formation initiale sous statut scolaire) soit signer un contrat d’apprentissage. Ainsi il y a donc une possibilité d’une année de réflexion concernant l’orientation, qui est réversible. Ce dispositif peut donc permettre d’augmenter les possibilités réelles et contribuer à ce que l’orientation soit en peu plus choisie (en connaissance de cause) que subie.

- On observe également dans ce système éducatif un développement de l’apprentissage, avec la volonté d’augmenter le nombre d’apprentis dans le cadre du Plan pluriannuel de cohésion sociale. Ce dispositif doit permettre d’augmenter les possibilités de choix scolaire (notamment pour les individus démotivés par des programmes généralistes). Or, dans les faits, le niveau de formation des apprentis augmente et en 2006, seuls 40% des entrants en apprentissage étaient sans qualification (OCDE, 2009).

Encadré 1

Théorie des « capabilités » et éducation

La théorie d’Amartya Sen vise à apprécier la liberté réelle qu'a une personne de choisir entre plusieurs modes de vie. Les « capabilités » d'un individu représente l'ensemble des libertés lui permettant d'augmenter sa qualité de vie. Une distinction fondamentale est opérée entre accomplissements (ou « functionings ») et liberté d'accomplir. Les premiers représentent ce qui a été effectué par l'individu, comme par exemple un niveau d'éducation atteint. Les libertés d'accomplir sont les possibilités de choisir entre différentes options, elles représentent les « capabilités » des individus. Pour une formation donnée, une différence majeure est ainsi établi entre la suivre par choix véritable ou par contrainte ; n’évaluer que la situation des personnes (ou leurs « accomplissements ») n’indique pas si elles avaient au départ le même espace de choix. Ainsi « l’ensemble des capabilités » d’un individu reflète, dans l’espace des accomplissements, la liberté qu’une personne a de choisir entre différentes possibilités et plus largement manières de construire sa vie. Le choix devient essentiel, il rend l’individu responsable. En d’autres termes, cette théorie ne considère pas que le fait qu'un individu sorte du système éducatif sans qualification soit une situation injuste en soi, ce qui sera qualifié de tel, c’est que la personne n’ait pas eu d’autre choix que d’être dans cette situation de non qualification. A ce titre, est primordiale la possibilité réelle pour les individus de convertir des ressources en « capabilités » à accomplir : le cœur de la théorie des « capabilités » est de différencier liberté formelle et liberté réelle pour un individu de mener la vie qu'il a des raisons de préférer. En regard, l’action publique doit s'assurer que les ressources qu'elle a mises en place pour favoriser l’égalité des chances sont convertibles en possibilités réelles (« capabilités ») pour les individus. Un système éducatif « capacitant » (voir Verhoeven, Orianne et Dupriez, 2007), doit avoir pour objectif d’élargir les possibilités réelles des individus afin de leur permettre de choisir librement le parcours de formation qu’ils auraient des raisons de préférer. L’éducation pourrait alors contribuer à les situations de « préférences adaptatives », dans lesquelles un individu se résigne à sa condition, s’adapte à une situation de privation et finit par s’en satisfaire.

Schéma 1. Des ressources à la liberté d'être et de faire

Schéma repris de Bonvin et Farvaque (2007)

Ressources et droits formels Capabilités ou libertés réelles Accomplissements effectifs (« functionings »)

165 - Les interventions de la mission générale d’insertion se situent à mi-chemin entre prévention et réparation. Ses activités ont pour but de prévenir le décrochage scolaire en organisant un suivi individualisé des élèves à risque. Mais la MGI peut également faciliter le retour dans

une formation qualifiante et diplômante grâce à des méthodes pédagogiques personnalisées

telles que des sessions d’information et d’orientation ou des modules de re-préparation d’examen par alternance. Il faut noter un bilan mitigé pour ce dispositif, un cinquième des individus restant tout de même sans solution à l’issue des entretiens (OCDE,2009)

Les dispositifs qui sont davantage de l’ordre du curatif sont plus anciens et plus diversifiés. L’objectif ici est surtout d’offrir des possibilités de qualification professionnelle une fois que l’individu est sorti du système éducatif (pour les jeunes sortis du système éducatif sans au moins un diplôme de niveau CITE3b) avec un accent marqué pour la voie de l’alternance :

- Il existe une possibilité d’un crédit de formation individualisé pour les jeunes dont l’objectif général est de proposer différentes actions de formation agréées et des mesures d’accompagnement aux jeunes de 16/25 ans sans qualification en vue de l'obtention d'une qualification de niveau V.

- Lorsque les jeunes ont quitté le système éducatif sans qualification, ils ont également la possibilité d’accéder à un dispositif qui s’intitule « Les écoles de la deuxième chance » . Il s’agit d’une initiative européenne dont le but est de proposer aux jeunes sans qualification une formation en alternance allant d’une étape de détermination à une étape de reconnaissance des acquis professionnels (par le biais d’une certification reconnue) avec un suivi personnalisé. Il s’agit là d’une piste d’action intéressante à développer (qui combine une ressource : une formation et un facteur de conversion pour rendre la ressource efficace : un suivi personnalisé)

- Un des principaux dispositifs pour permettre aux jeunes de se qualifier (ou de se re- qualifier) est le contrat de professionnalisation. Il s’agit d’un contrat très proche du contrat d’apprentissage qui vise une formation en alternance débouchant sur une certification professionnelle reconnue. Ce dispositif semble alors ouvrir une seconde chance de formation qualifiante aux individus. Malheureusement dans les faits ce dispositif profite davantage aux individus déjà qualifiés et diplômés et en 2006 seuls 9% des embauches de jeunes en contrat de professionnalisation concernaient des jeunes sans qualification (OCDE, 2009).

- L’ancienne ANPE (désormais pôle emploi) et les missions locales jouent un rôle important dans les mesures de retour à la formation et/ou à l’emploi. Dans le cadre du retour en formation des non-qualifiés, le principal dispositif est sans doute le CIVIS renforcé (Contrat

d’insertion dans la vie sociale92) spécifiquement conçu pour les personnes n’ayant pas

atteint la dernière année de BEP ou de CAP. L’objectif est de proposer sous 3 mois une

solution adaptée à la situation de l’individu (un contrat en alternance, une formation professionnalisante, un emploi etc.). La moitié des personnes en CIVIS renforcé sont des NEET. Il faut noter que les taux d’accès à une formation sont assez faibles et que les taux d’accès à l’emploi sont en principe d’autant plus élevés que le niveau du jeune à l’entrée du dispositif est bon. Par ailleurs il est assez inquiétant d’observer que la première prise en contact est plus tardive pour les non-qualifiés (donc pour la population cible du CIVIS

renforcé), en effet 27% entrent en contact avec la mission locale 3 ans après la sortie du

système éducatif (OCDE, 2009).

- Il existe des possibilités de formation ciblée, c’est le cas du PACTE (Parcours d’accès aux

carrières territoriales, hospitalières et de l’Etat) qui est un contrat de droit public de un ou

deux ans pour les jeunes non-qualifiés, qui alterne période de formation et activité dans un

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166 service public. Or ce dispositif ne concernerait que 566 entrées en 2008 (données provisoires) et les recrutements dans la fonction publique sont extrêmement limités (OCDE 2009).

- Il existe également des dispositifs spécialisés pour les populations dites « fragiles » . On notera par exemple ici les dispositifs dans les Zones Urbaines Sensibles (même s’ils concernent davantage les jeunes diplômés). Il existe également un dispositif semi-résidentiel

d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle pour les jeunes de 18 à 22 ans

qui propose une éducation civique et comportementale ainsi qu’une formation générale et professionnelle dans des centres fonctionnant sous le régime de l’internat. Malheureusement leurs difficultés scolaires commencent généralement tôt, avant le collège et pour 40% des volontaires il s’agit surtout d’une remise à niveau des fondamentaux scolaires. En 2008, 22 sites accueillaient 2007 volontaires (OCDE, 2009).

2. L’Allemagne : prévention et réparation autour de la formation professionnelle qualifiante