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EN QUÊTE DE RENOUVEAU ARTISTIQUE1

Dans un numéro spécial dédié à l’Art nouveau régional, n’est-il pas paradoxal de consacrer quelques pages au Heimatstil, une architecture longtemps dénigrée par la critique et souvent présentée comme étant aux antipodes des courants novateurs du tournant des XIXe et XXe siècles. Et pourtant, l’architecture appelée aujourd’hui Heimatstil2 rencontre un succès phénoménal à cette époque, en raison de sa modernité, de sa simplicité et de son adéquation aux besoins contemporains de renouveau.

Durant toute la période où Charles L’Eplattenier enseigne à l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds (1897-1914), au moment de la création du Cours supérieur d’art et de décoration (1905), puis de la Nouvelle section (1911) et pendant l’existence des Ateliers d’art réunis (1910-1916), les constructions Heimatstil fleurissent de tous côtés, les localités neuchâ-teloises connaissant un développement sans précédent3. L’institution chaux-de-fonnière n’est pas en reste, puisqu’elle soutient les étudiants engagés dans la conception et la réalisation de quatre habitations (fig. 1), qualifiées aujourd’hui de Style sapin, l’expression chaux-de-fonnière de l’Art nouveau4. Parmi leurs commanditaires, ils comptent leur professeur et des représentants du patronat horloger, personnalités difficiles à qualifier de rétrogrades5. Contre toute attente, une des futures têtes de file du

1 Etoffées sur les sujets ayant trait à l’Art nouveau, les thèses avancées ici à propos du Heimatstil ont déjà paru dans Claire PIGUET, « Renouveau et SAVEUR LOCALE en architecture : le Heimatstil à Neuchâtel », dans Elisabeth CRETTAZ-STÜRZEL, Heimatstil : Reformarchitektur in der Schweiz 1896-1914, Frauenfeld, 2005, vol. 2, pp. 182-203.

2 En l’absence de définition communément acceptée en français, nous emploierons le terme Heimatstil jusqu’à la Première Guerre mondiale, pour le différencier du régionalisme, un mouvement plus cosmopolite qui lui succède à partir des années 1920. Pour une approche à l’échelle de la Suisse et de l’Europe, voir CRETTAZ-STÜRZEL2005.

3 L’inventaire de cet important corpus de constructions est en cours ; ce chapitre s’appuie par consé-quent sur les exemples publiés au début du XXesiècle, complétés par les bâtiments bien documentés aujourd’hui.

4 Le courant Art nouveau développé par l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds est volontiers appelé Style sapin en raison du vocabulaire décoratif et stylistique spécifique élaboré par Charles L’Eplattenier et ses élèves. Ces derniers délaissent progressivement le langage Art nouveau cosmopolite, au profit de formes, de volumes et de mouvements directement inspirés par l’univers végétal et animal régional, et en particulier toutes les déclinaisons offertes par le ... sapin jurassien. Nous nous bornerons à évoquer ses liens avec l’architecture, une publication générale faisant la synthèse des connaissances sur le sujet :

COLLECTIF, Une expérience Art nouveau, le Style sapin à La Chaux-de-Fonds, 2006.

5 Il s’agit d’une part de Charles L’Eplattenier (Pouillerel 2 en 1902-1904) et d’autre part de Louis-Edouard Fallet (Pouillerel 1 en 1906-1907), d’Ulysse-Jules Jaquemet (Pouillerel 8 en 1908) et d’Albert Stotzer (Pouillerel 6 en 1908). Voir Jacques GUBLER, Inventaire suisse d’architecture 1850-1920 (INSA), La Chaux-de-Fonds 3, Berne, 1982, pp. 155-159 et 196-197.

Mouvement moderne, Charles-Edouard Jeanneret (futur Le Corbusier) apporte à ces projets une contribution significative, en compagnie de René Chapallaz, jeune architecte nyonnais, récemment établi à Tavannes.

Le paradoxe se retrouve également dans le camp opposé, puisque l’architecte genevois Henry Baudin, l’un des rares théoriciens du Heimatstil, se distance clairement de l’Art nouveau, mais intègre les villas chaux-de-fonnières dans son catalogue d’habitations récemment construites en Suisse, un ouvrage fondamental pour le mouvement.

Heimatstil ou Style sapin, dans quelle catégorie faut-il placer ces réalisations ? Les différents mouvements sont-ils aussi éloignés que le veut la critique ?

Un siècle plus tard, les recensements architecturaux du canton de Neuchâtel ne dénombrent pas d’exemples d’architecture strictement Art nouveau, contre des centaines d’édifices Heimatstil, parmi lesquels un bon nombre sont ornés de vitraux, de ferronneries ou de menuiseries aux accents Art nouveau tant cosmopolite que régional6. Cette imbrication des

6 Il faut également mentionner les revêtements de sol, les stucs, ainsi que les décors peints (façades, avant-toits, cages d’escalier, etc.) dont l’existence est fréquemment mise en danger par les travaux d’entretien ou de modernisation.

Fig. 1. La Chaux-de-Fonds, villa Fallet, 1906-1907, par René Chapallaz, Charles-Edouard Jeanneret et le Cours supérieur de l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds (Photographie : SPMS).

vocabulaires artistiques donne a posteriori raison à l’architecte vaudois Charles Melley. En 1904, ce dernier s’insurgeait contre le cosmopolitisme de l’Art nouveau et l’exubérance de ses réalisations, mais il n’hésitait pas à reconnaître son apport et allait même jusqu’à en recommander l’utilisation en décoration intérieure7.

Souvent présentés comme des tendances antinomiques, le Heimatstil et l’Art nouveau entretiennent des relations étonnamment étroites et complexes, tout au moins à leurs débuts. Ils partagent en effet le souci de se démar-quer des poncifs et des exigences formelles académiques du XIXesiècle, en régénérant fondamentalement la façon de bâtir et l’approche des arts appliqués8. Ils diffèrent toutefois quelque peu sur la manière d’y parvenir.

En complément des études consacrées au Style sapin, se pencher sur le Heimatstil neuchâtelois permet donc de nuancer l’histoire des avant-gardes au tournant des XIXe et XXesiècles et de donner une image plus étoffée du foisonnement des mouvements cherchant à renouveler l’architecture et les arts décoratifs dans notre région, ainsi qu’à intégrer le « beau » au quotidien.

La tradition au service de la modernité

A notre grande surprise, l’étude détaillée de quelques édifices Heimatstil a révélé que les principaux qualificatifs avancés par les architectes et les commanditaires en faveur de ces constructions mélangeaient des notions aussi diverses qu’authenticité, rationalité, simplicité, beauté, coût modéré, style historique, helvétique ou rustique, caractère du pays, rupture avec les habitudes, nouveauté, etc. De telles valeurs tranchent avec l’étiquette d’architecture archaïsante, massive et conservatrice dont ont été longtemps et a posteriori affublés ces bâtiments. Malgré l’ampleur du corpus, il s’agit d’une expression architecturale mal connue – à la fois trop proche et trop éloignée dans le temps.

7 « Le modern style n’aura pas fait œuvre inutile puisqu’il a affranchi l’artiste de formules décoratives surannées en lui permettant de donner un cachet plus personnel à son œuvre, mais il est bon de le ramener aux justes limites qu’il n’aurait jamais dû franchir, c’est-à-dire à la décoration intérieure, aux parties accessoires des façades, la menuiserie et la ferronnerie, et surtout aux arts industriels où il a produit d’excellents résultats. » Charles MELLEY, « Modern style et traditions locales », Bulletin technique de la Suisse romande (BTSR), 1904, p. 73 et 75.

8 « D’une manière générale l’architecture de la villa et de la maison de campagne s’est trop longtemps ressentie de l’enseignement académique ; se bornant sans cesse à copier les grandes ordonnances du style classique, les architectes nous ont donné des œuvres stéréotypées, froides, symétriques et conventionnelles.

On reconnaît enfin aujourd’hui qu’une des premières qualités de l’artiste – et de l’architecte surtout – c’est non de copier et de recopier, mais d’être de son temps, mais de créer, rajeunir, adapter, moderniser.

On a donc abandonné les frontons, les colonnes et les péristyles pour revenir, après quelques errements, à un sentiment plus vrai, basé sur une inspiration libre de toute école. » Henry BAUDIN, Villas & maisons de campagne en Suisse, Genève-Paris, 1909, p. XXVI.

Le malentendu est vraisemblablement né de l’importance accordée à l’enveloppe extérieure des constructions au détriment de l’examen du plan, de la distribution des locaux, ainsi que du choix et de la mise en œuvre des matériaux. Les éléments qui renvoient à l’architecture ancienne ou vernacu-laire distraient par exemple le spectateur des dimensions souvent monumen-tales des édifices, de l’articulation mouvementée des volumes, des façades reflétant la distribution intérieure, de l’importance des surfaces vitrées, de la cohabitation du béton armé avec des matériaux indigènes, ainsi que de la présence de locaux à la pointe de l’hygiène ou de la modernité, comme une salle de bain dans un chalet de montagne ou un « cinématographe » dans une école primaire. Loin de revenir simplement à une tradition locale ou ancienne, le Heimatstil cherche ainsi des solutions architecturales nouvelles et rationnelles, en réaction à l’épuisement des modèles historiques habituels, à l’uniformisation et au cosmopolitisme de la fin du XIXe siècle.

Il propose des programmes architecturaux en écho aux mutations qui secouent alors la société. Au niveau de l’enveloppe extérieure, il peine par contre à assumer pleinement une modernité en rupture totale avec le passé et se démarque de la plupart des tendances contemporaines par son attachement à un héritage historique et à des traditions régionales.

A ses débuts, le Heimatstil neuchâtelois véhicule un éventail de valeurs beaucoup plus large qu’un simple repli identitaire. Peu doctrinal, le mouvement répond apparemment aux besoins d’un large panel de commanditaires, à en juger par l’ampleur du corpus bâti dans ce style.

A la recherche d’une identité La quête neuchâteloise

A la fois canton suisse et principauté prussienne depuis 1815, la région neuchâteloise traverse de nombreux bouleversements politiques, écono-miques et sociaux au XIXe siècle. L’année 1848 marque la fin de l’Ancien Régime et la mise en place d’un gouvernement républicain. L’essor démo-graphique et l’industrialisation sont importants, même si le développement urbain reste modéré par rapport à d’autres cités européennes. « Sans être saisi de cette fièvre de démolition que connaissent certaines villes suisses, Neuchâtel voit cependant d’année en année, son ancienne physionomie se modifier. »9 La Chaux-de-Fonds et surtout son plan en damier cristallisent l’essentiel des critiques de l’époque.

9 La Patrie suisse (PS), 434, 11 mai 1910, p. 120.

L’essor des mouvements patrimoniaux laisse percer le caractère déroutant, parfois même menaçant, de cette évolution qui a paradoxalement aidé à définir et renforcer l’identité régionale. Emergeant au début du XIXesiècle déjà, la sensibilité neuchâteloise en matière historique et culturelle se déve-loppe régulièrement, avec l’apparition de collections privées, des premiers musées et des bibliothèques, la fondation de l’Académie, la remise en valeur du tombeau des comtes de Neuchâtel, etc. A partir des années 1860, les initiatives pour la connaissance et la sauvegarde du patrimoine local se multiplient : création de la Société d’histoire et d’archéologie, fouilles dites lacustres, restauration de bâtiments anciens, instauration d’une loi sur la protection des monuments historiques, développement d’une Ecole d’art, etc.10. Les publications prolifèrent, qu’elles soient entièrement dévolues aux préoccupations patrimoniales ou qu’elles relaient le sujet parmi d’autres thèmes11. Bénéficiant des progrès de la photographie et de l’imprimerie,

10 Voir Claire PIGUET, « Dites-nous quels sont les bâtiments que vous conservez et nous vous dirons qui vous êtes », Revue historique neuchâteloise (RHN), 1-2, 2004, pp. 33-58. INSA La Chaux-de-Fonds, Andreas HAUSER, INSA Le Locle, 6, Berne, 1991 et Claire PIGUET, INSA Neuchâtel 7, Berne, 2000.

11 Louis REUTTER, Fragments d'architecture neuchâteloise aux seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, 3 vol., Neuchâtel 1879-1914 ; Philippe GODET, Neuchâtel pittoresque, Genève, 1901 et Philippe GODET et T. COMBE, Neuchâtel pittoresque, vallées et montagnes, Genève, 1902 ; différents ouvrages d’Auguste Bachelin, etc.

Fig. 2. Neuchâtel, cantine du Tir fédéral, 1898, par Paul Bouvier (Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel). (Reproduction : SPMS).

les ouvrages historiques du tournant des XIXe et XXe siècles regorgent d’illustrations et permettent pour la première fois la constitution et la diffusion d’un corpus de modèles en matière d’architecture neuchâteloise.

A partir de 1893, Edouard Quartier-la-Tente entreprend par exemple la publication d’une « étude détaillée de nos communes »12. Sans sombrer dans le passéisme, il encourage ses lecteurs à « apprendre à aimer notre petite patrie en faisant apprécier les bienfaits du passé, les ressources et les progrès du présent »13.

Un mouvement d’envergure nationale

Malgré la récente adhésion du canton à la Confédération, l’identité neuchâteloise ne se définit jamais aux dépens de l’entité suisse. Au tournant des XIXe et XXe siècles, les notions de cohésion nationale et de caractère cantonal sont développées et mûries par une multitude d’organismes et de manifestations, sans lien direct avec l’architecture, à l’image des Expositions nationales de Genève (1896) et de Berne (1914) ou, à Neuchâtel, de la célébration du Cinquantenaire de la République et de l’organisation du Tir fédéral en 1898. De telles festivités offrent de multiples occasions de contact, ainsi qu’un stimulant brassage d’idées. Le Village suisse – une étonnante synthèse de l’architecture traditionnelle suisse créée pour l’Exposition nationale de Genève – connaît par exemple un retentissement considérable auprès des visiteurs. Marquant de façon tangible l’imaginaire de la population en matière d’architecture helvétique, il joue un rôle prépondérant dans la genèse du Heimatstil.

L’un de ses auteurs, le Neuchâtelois Paul Bouvier se forge rapidement une réputation d’« architecte plein d’imagination et fervent admirateur de nos trésors d’architecture suisse. [...]»14. Malgré une formation académique, il aspire à « un style helvétique inspiré par les constructions les plus originales de nos cantons »15 et jette un jalon inédit dans l’affirmation d’une ligne nationale, tout en insistant sur l’importance de faire évoluer l’architecture et non de la figer.

Fort de son succès, Paul Bouvier poursuit dans la même veine à Neuchâtel à l’occasion du Tir fédéral de 1898, « la cantine était exquise de simplicité, de fraîcheur et de goût (...). Le pavillon des prix [fig. 2], un

12Edouard QUARTIER-LA-TENTE, Le Canton de Neuchâtel, revue historique et monographique des communes du canton de l’origine à nos jours, Neuchâtel, 1893, p. 3.

13QUARTIER-LA-TENTE1893, p. 4.

14André LAMBERT, « L’architecture contemporaine dans la Suisse romande, Genève », Schweizerische Bauzeitung (SBZ), 22 novembre 1902, p. 276.

15Le Véritable messager boiteux de Neuchâtel (Mbx), 1941, p. 52.

petit bijou d’architecture suisse dans une situation incomparable devant le panorama du lac, de la ville, des montagnes du Jura (...). Au stand et à la ciblerie le pittoresque atteignait aussi le maximum (...) »16. Avec le collage de motifs qui oscillent entre pittoresque, style chalet et formes emprun-tées à différentes régions suisses, l’architecture participe à cette recherche d’identité sous la forme de multiples constructions temporaires, mais emblématiques pour toute une génération. De l’architecture éphémère aux réalisations permanentes, il n’y a qu’un pas, mais l’enjeu est de taille.

Quelles constructions mettre sous l’étiquette Heimatstil ? A la recherche de renouveau architectural

Au tournant des XIXeet XXesiècles, le métier d’architecte traverse « une période où l’art de construire subit une évolution considérable », comme en témoigne a posteriori la nécrologie de l’un d’eux17. « L'expérience personnelle de l'artiste ne suffit plus ; l'architecte doit se tenir à l'affût de

16 PS 127, 3 août 1898, p. 190.

17 Article nécrologique de l’architecte Ernest Prince, Mbx, 1937, p. 51.

Fig. 3. Fleurier, chalet Vaucher-Delacroix, 1881-1882. (Photographie : SPMS).

Fig. 4. Neuchâtel, rue Jacques-Louis-de-Pourtalès 8, 1887-1888, par Colomb & Prince. (Photographie : SPMS).

toutes les innovations résultant des découvertes scientifiques et des progrès de l'art de la construction, car tel hôpital, moderne il y a dix ans, ne l'est plus aujourd'hui. »18 Formés à Lausanne, à Zurich, en France

des innombrables revues spécialisées ou des jurys de concours, d’autant que les autorités n’hésitent pas non plus à faire appel à des architectes extérieurs au canton.

Bastion du néo-classicisme, mais région relativement peu touchée par l’historicisme et l’académisme « Beaux-Arts », Neuchâtel connaît les premiers balbutiements d’une remise en question des modèles usuels et d’un renou-veau architectural à partir des années 1880. Les architectes neuchâtelois commencent par puiser leur inspiration au corpus des manoirs anglais ou normands – villas Lambelet19à Neuchâtel, maison « La Morille » à Champ-du-Moulin20, villa Robert à Fontainemelon21. Ils s’essaient au chalet – pro-priétés de Chambrier à Bevaix22 et Delacroix-Vaucher à Fleurier (fig. 3)23 – et explorent le répertoire des styles historiques – immeuble Colomb &

Prince à Neuchâtel (fig. 4)24, synagogue à La Chaux-de-Fonds25 et halle industrielle Mauler à Môtiers26 –, sans oublier les approches

« archéologisantes » – maison Rousseau à Champ-du-Moulin (fig. 5)27.

18 C.T., « Hôpital des Cadolles à Neuchâtel », BTSR, 1915, p. 185.

19 Rue Saint-Nicolas 9, 1894-1895, par Colomb & Prince. Voir INSA Neuchâtel, p. 261.

20 Brot-Dessous, transformation d’un bâtiment déjà existant, 1900, par Louis-François Perrier.

Sources : Archives de l’Etat de Neuchâtel (AEN), Registre de l’établissement cantonal de l’assurance contre l’incendie (ECAI).

21 Rue du Verger 5, 1891, par Jean Béguin. Sources : AEN ECAI et archives privées (AP) Béguin.

22 Rue du Château 3, 1870-1872. Sources : AEN ECAI.

23 Rue du Temple 38, 1881-1882. Sources : AEN ECAI et archives communales (AC) de Fleurier.

24 Rue Pourtalès 8, 1887-1888, par Colomb & Prince. Voir INSA Neuchâtel, pp. 190-191, 254.

25 Rue du Parc 63, 1894-1896, par Richard Kuder (architecte à Zurich) et Gustave Clerc. Voir INSA La Chaux-de-Fonds, p. 193.

26 AP-Mauler, correspondance entre Eugène Colomb et Louis Mauler, 1898-1899.

27 Claire PIGUET et Florence HIPPENMEYER, Champ-du-Moulin, Maison Rousseau, dépliant du Service cantonal de la protection des monuments et des sites, Neuchâtel, 1999.

Fig. 5. Brot-Dessous, maison « Rousseau » à Champ-du-Moulin, transformations 1885 et 1898, par Louis-François Perrier. (Photographie : SPMS).

Certains d’entre eux cherchent pourtant rapidement à s’affranchir des modèles d’inspiration extérieure, pour développer un langage régional plus spécifique.

En l’absence de textes fondateurs et de débats conceptuels, force est de constater que le Heimatstil à Neuchâtel n’est pas une architecture théorique, mais un mouvement qui s’alimente de réalisations pratiques. En 1901, c’est ainsi un homme de lettres plutôt qu’un architecte, Philippe Godet, qui exhorte ses lecteurs à s’inspirer « des modèles que nos père nous ont laissés »28, tout en refusant le plagiat : « Nous ne voulons pas que les maisons nouvelles soient de serviles copies de celles de nos ancêtres. »29Mû par le souci de « ne rien détruire inutilement »30, le journaliste et profes-seur met sa plume au service de différents mouvements de défense du patrimoine, sans pour autant être insensible aux aspirations de son époque.

« Parmi nos architectes, qui sera l’homme d’un talent à la fois pratique et hardi, tout ensemble novateur intelligent et admirateur respectueux du passé, qui renouera notre belle tradition locale en l’accommodant aux besoins actuels ? »31 Il exprime les fondements du Heimatstil : « Il y a dans la conciliation de ces deux exigences opposées : respecter le caractère de la contrée et répondre aux besoins d’une construction moderne, un programme des plus intéressants pour l’architecte. »32

Depuis quelques années déjà, les architectes Ernest Prince et Jean Béguin poursuivent un tel dessein ; en dépit de leur formation à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, ils sont les auteurs de nombreuses réalisations Heimatstil précoces et leur bureau peut être considéré comme l’un des fers de lance de cette tendance dans la région neuchâteloise. Leur notoriété dépasse même rapidement les frontières cantonales. Ils refusent le pastiche et entreprennent de renouer avec une tradition régionale. « MM. Prince &

Béguin se sont heureusement inspirés dans leurs villas des éléments que leur offrait l’ancien art local, sans faire de l’archéologie et tout en tenant compte des besoins et du confort moderne. »33Ils « ont, dans les domaines si variés du monument public, de la maison de rapport et de la villa, su créer des types pleins d’originalité et de distinction tout en conservant la couleur locale. »34

33André LAMBERT, « L’architecture contemporaine dans la Suisse romande, Neuchâtel », SBZ, 1904, p. 187.

34LAMBERT1904, p. 188.

A la recherche d’un nouveau cadre de vie

Un peu déstabilisés par la disparition de l’économie traditionnelle, et tirant leur gagne-pain du commerce et de l’industrie, la plupart des Neuchâ-telois se reconnaissent davantage dans le mythe du paysan-horloger que dans l'image de la ruralité idéalisée de la campagne. Malgré les profondes métamorphoses de la société, les agglomérations neuchâteloises se sont urbanisées en maintenant des liens étroits avec la nature. Le souci d’har-monie entre les constructions et le milieu environnant, valeur essentielle pour le Heimatstil, rencontre ainsi un écho favorable dans la région.

De petites dimensions, les trois principales villes du canton disposent d’un espace suffisant pour s’étendre. A l’exception de La Chaux-de-Fonds, elles ne comptent guère d’imposants immeubles de rapport, mais de larges

« ceintures » de villas avec jardins. A Neuchâtel par exemple, « l’accroissement s’est accompli d’une façon régulière, les nouveaux quartiers se sont ajoutés

« ceintures » de villas avec jardins. A Neuchâtel par exemple, « l’accroissement s’est accompli d’une façon régulière, les nouveaux quartiers se sont ajoutés

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