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QUE FAIT LE TROISIÈME ? »1

Réflexions sur quelques cages d’escalier du canton de Neuchâtel Franchir le seuil...

On le sait bien, puisque Julio Cortazar a jugé utile d’y consacrer un mode d’emploi2, rien n’est moins simple que de monter un escalier, mais on ne se trouve pas pour autant dans la position extrême de l’un des personnages de Buzzati qui le voit se réduire sous ses pas pour n’être plus qu’une marche molle et suspendue dans le vide3. On peut alors, tout à loisir, admirer durant son ascension, quelques-uns des décors qui l’ornent du sol au plafond, puisque, aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est dans cet espace qui est « à tous et à personne »4 que se concentre, en particulier au tournant des XIXe et XXe siècles, une bonne part de l’ornementation du bâtiment.

Pourquoi inventorier des cages d’escalier ?

Si les recensements architecturaux que le canton de Neuchâtel a réalisés depuis 1986 sur l’ensemble de son territoire ont permis de réunir une importante masse documentaire sur le bâti des localités, laquelle est en passe d’être complétée par l’inventaire exhaustif du domaine rural, ils ont également conduit aux constatations suivantes :

– La réglementation défend préférentiellement l’aspect extérieur, l’enve-loppe ou le volume des immeubles, ignorant souvent l’intérêt de leur substance interne. Des aspects sensibles représentant le goût d’une

1 Titre librement inspiré de la comptine suivante : le jeu du « petit cochonnet » est un jeu éminem-ment français, il se joue à trois, non pas Troyes en Champagne, ni Troie en Asie mineure, mais trois en chiffres romains. Le premier prend la lance et la boule, le deuxième prend la boule et la lance, que fait le troisième ?

2 Julio CORTAZAR, « Instructions pour monter un escalier », Cronopes et Fameux, Paris, Gallimard, 1977, pp. 24-25.

3 Dino BUZZATI, « Le Rêve de l’escalier », Le Rêve de l’escalier, nouvelles, Paris, Robert Laffont, 1971, pp. 7-13. Henry HAVARDrappelle fort à propos que la condition première de l’escalier est la sécurité :

« Sans elle, les autres deviennent illusoires. Comment pourrai-je, en effet admirer une décoration de bon style, si mes regards sont absorbés par la contemplation des marches, et mon esprit par la crainte de me rompre le cou. Or, pour que la communication soit sûre, il faut que l’escalier soit clair, pas trop rapide, il faut en outre que ses marches soient régulières, et suffisamment larges pour que le pied porte en plein. » (L’Art dans la maison : grammaire de l’ornement, Paris, Libr. illustrée : E. Rouveyre, [vers 1885], p. 290.

4 Georges PEREC, La Vie Mode d’Emploi, Paris, Hachette, 1978, p. 19.

époque sont ainsi transformés, gommés, faisant disparaître en même temps les savoir-faire qui les informaient. La législation sur la protection du patrimoine architectural risque de cette façon de favoriser une forme de « façadisme » et ce risque est d’autant plus important, en termes quantitatifs, qu’il touche davantage le tissu urbain ordinaire, les monuments exceptionnels étant généralement mieux protégés. Car l’engouement décoratif qui prévaut au tournant des XIXeet XXesiècles ne s’exprime pas seulement dans des bâtiments « exposés » et/ou presti-gieux (gares, musées, hôtels, écoles, usines...) mais dans les immeubles de rapport, les casernes locatives parfois les plus modestes.

– Il convient d’appréhender l’architecture à travers des composantes qui, à l’instar de la lettre volée d’Edgar Poe, échappent à l’observateur, ou bien en raison d’un phénomène d’accoutumance visuelle, ou bien par le fait même de leur « excessive évidence »5.

– Pour conserver ou réparer, il faut connaître, raison pour laquelle les trois villes du canton se sont dotées d’inventaires complémentaires des cages d’escalier de certains de leurs immeubles. La Chaux-de-Fonds fait œuvre de pionnière en réalisant, en 1989 déjà, un inventaire des cages d’escalier dans le cadre d’une politique de réhabilitation urbaine6. En 1997, la commune du Locle décide d’établir un inventaire des cages d’escalier destiné à compléter son recensement architectural effectué entre 1991 et 19927. Consciente du décalage réglementaire entre l’extérieur et l’intérieur des immeubles, la ville de Neuchâtel décide à son tour, en octobre 2001, de se munir d’un outil qui complète et dépasse le recensement architectural pour identifier et connaître quelques-unes des composantes ornementales des bâtiments. Dans tous les cas, ces études participent, aux yeux des autorités et de l’édilité, d’un effort d’information afin de faire (re)connaître que, dans une construction, l’habillage présente souvent autant d’intérêt que la tectonique, que la substance intérieure peut mériter autant d’attention que les façades et la volumétrie8.

5 « Avez-vous jamais remarqué – écrit Edgar Poe – que les enseignes et les affiches à lettres énormes échappent à l’observateur par le fait même de leur excessive évidence ? » (Edgar Allan Poe, La Lettre volée, Paris : Larousse, 1999 [1845], p. 127). Lorsque la soussignée relevait la mosaïque d’une usine du Locle, tous les ouvriers rencontrés alors affirmèrent ne l’avoir jamais vue, quand bien même ils s’essuyaient chaque matin les pieds dessus !

6 Le catalogue de cet inventaire est consultable à la Section d’urbanisme, passage Léopold-Robert 3, 2300 La Chaux-de-Fonds.

7 Voir Nadja MAILLARD, Accès, passage, distribution, Le Locle, Service technique, 1998. Répertoire et rapport consultables au Service technique, Hôtel-de-Ville 1, 2400 Le Locle.

8 Voir Nadja MAILLARD, Seuils et passages, Neuchâtel, Section de l’urbanisme, 2003. Répertoire et rapport consultables à la Section de l’urbanisme, faubourg du Lac 2, 2000 Neuchâtel.

Au tournant des XIXe et XXe siècles

Faut-il rappeler que cette période de rupture entre l’âge dit classique et l’époque contemporaine, où le recours massif à l’ornementation artistique connaît son apogée, est marquée par la modernisation des infrastructures techniques, l’augmentation des exigences en matière d’hygiène, l’automati-sation des techniques, l’arrivée de nouveaux matériaux et l’amélioration de leurs performances. Faut-il rappeler encore que cette époque est celle qui voit se multiplier les expositions – universelles, nationales, régionales – qui s’accompagnent d’une production jusqu’alors inégalée de publications : traités sur l’aménagement artistique de l’intérieur bourgeois, manuels des techniques décoratives, recueils de modèles9et d’ornements qui procèdent d’une volonté encyclopédique de rassembler tous les motifs connus et imaginables et contribuent à diffuser l’idée d’un « art domestique ».

On pourrait assigner plusieurs pôles symboliques à cette période, qui montreraient qu’elle s’amplifie ou se rétrécit en fonction des critères que l’on retient pour la qualifier. Comme points théoriques, je retiens, par exemple, 1875, date de l’inauguration du Palais Garnier10, pièce maîtresse de l’éclectisme et 1908, date de la parution de Ornament und Verbrechen [Ornement et crime] d’Adolf Loos11, anathème dans lequel l’auteur condamne le décor, l’adventice, le superficiel entendu comme superflu. De la surenchère ornementale à la simplification des formes et au rejet du décor, qui, radicalisés, donneront le courant minimaliste, c’est ce que résume, en somme, la fable de l’architecte persan Djemschid qui s’exprime d’abord par des architectures débordantes d’émaux, d’ornements et de couleurs, avant de découvrir la plénitude de la blancheur, le jeu de la

9 La prolifération des publications traitant des arts décoratifs signale une politique combative de conquête d’un marché encore profondément traditionnel. Owen JONES, Grammar of Ornament (1856), dans lequel l’auteur suggère les moyens d’utiliser les plantes comme source d’inspiration à adapter pour l’ornementation. Christophe DRESSER, The Principle of Design (1870). Aloïs RIEGL, Stilfragen (1893) dans lequel l’auteur retrace l’apparition et le développement du système d’ornementation végétal. Eugène GRASSET, La Plante et ses applications ornementales (1896-1900, feuilleton mensuel). Alphonse MUCHA

publie ses Documents décoratifs dans lesquels il propose des dessins de ferronnerie adaptés d’illustrations de plantes (1902). Maurice PILLARD-VERNEUIL, Etude de la plante. Son application aux industries d’art.

Pochoir, papier peint, étoffes (1907).

10 Dans La Gazette des Beaux-Arts (II, 1875, p. 442), Charles Garnier, affublé du néologisme peu gracieux d’« oseur », est présenté comme l’artiste qui « a rendu un très grand service à l’art décoratif » par Ed. DIDRON. Dans la livraison de janvier 1885, on peut lire : « M. Ch. Garnier n’en reste pas moins le véritable promoteur de la mosaïque en France, car ce sont les écrits et les travaux d’architecture de ce maître qui ont décidé le gouvernement et le parlement [à créer un atelier d’Etat en 1875]. M. Garnier avait conçu le projet grandiose de couvrir de mosaïque le plafond de la salle de l’Opéra ; il dut se borner à la voûte de l’avant-foyer » (GERSPACH, « La mosaïque à l’Exposition de l’Union centrale des arts décoratifs«, Gazette des Beaux-Arts 1885, p. 63).

11 Adolf LOOS, Ornement et crime et autres textes, Paris, Payot & Rivages, 2003 [1908], 278 p.

lumière pure sur les volumes12. Mais les bornes de cette période pourraient être aussi 1867-1929, dates des expositions de Paris et de Barcelone...

Le canton de Neuchâtel connaît durant cette période un essor constructif sans précédent. Dans la seule ville de La Chaux-de-Fonds, 1200 immeubles sont construits de 1890 à 1910. En 1879 déjà, le prési-dent de la Société des ingénieurs et architectes relève cette croissance à l’occasion de l’assemblée générale réunie à Neuchâtel. S’adressant à ses confrères, l’ingénieur G. de Pury dit en effet :

« Si [quelques-uns d’entre vous] avaient eu l’occasion de parcourir il y a trente ans telle ou telle partie du canton, et s’ils y retournaient aujourd’hui, ils trouve-raient dans chaque localité des preuves de l’activité déployée par les Neuchâtelois pendant cette période. Construction de nouvelles routes, établissement des voies ferrées, amélioration du régime des cours d’eau, construction de bâtiments publics divers, et d’un nombre presque illimité de bâtiments particuliers (...) Nous avons vu que, pendant les vingt dernières années seulement, il a été construit 2000 nouveaux bâtiments dans le canton, non compris ceux qui ont été reconstruits à la suite d’incendies ou en remplacement de constructions plus anciennes. Malgré le grand nombre de bâtiments publics que nous venons de mentionner, c’est l’industrie privée qui a produit la plus large part de cette augmentation (...) Ce qui a donné un certain essor à l’industrie du bâtiment dans le canton, c’est la formation des sociétés de construction. Ces sociétés sont de deux sortes. Les unes, organisées à peu près comme les maisons de commerce ordinaires composées de quelques associés opérant sous leurs noms, ont construit des bâtiments dont le nombre et l’importance était nécessairement limité [sic] par les mises de fonds et le crédit des intéressés. Les autres, constituées sous forme de sociétés anonymes avec émission d’actions et souvent d’obligations, disposent en général de ressources considérables, puisque, pour plusieurs d’entre elles, le fonds capital s’élève à Fr. 1 000 000.–.

Depuis l’année 1853 à aujourd’hui, le Grand Conseil a sanctionné les statuts de onze sociétés de construction [...] Trois de ces sociétés, dont une à Neuchâtel, une à La Chaux-de-Fonds et une au Locle, avaient pour but spécial la construction de maisons ouvrières. »13

Afin de présenter une partie du matériel rassemblé par les inventaires des trois villes, je fais mienne la thèse selon laquelle le XIXe siècle voit le remplacement progressif du produit artisanal, coûteux et limité en nombre,

12Voir Jean BAYET, Architecture et poésie, Paris, Armand Colin, 1936, pp. 185-193. Je procède ici de manière schématique, mais il faudrait analyser dans le détail comment ce parti a pris forme progres-sivement depuis Ornament in Architecture de Louis SULLIVAN(1892) jusqu’à Minimum de John PAWSON (2000), en passant par Ornement et Crime de LOOS(1908) et Vers une architecture de LECORBUSIER (1923), pour ne citer que les textes canoniques sur lesquels le minimalisme prend appui.

13« L’activité neuchâteloise dans le domaine de la construction pendant les trente dernières années.

Discours d’ouverture de la 28eassemblée de la Société suisse des ingénieurs et architectes, 18 août 1879, par G. de Pury, ingénieur, président de la Société », Musée Neuchâtelois (oct.-nov. 1879), pp. 232, 262, 263-264.

par des objets industriels, indéfiniment reproductibles grâce à une exécution mécanisée14. Pour l’illustrer, j’ai choisi quatre domaines techniques où cette substitution est manifeste et clairement lisible dans les vestibules et les cages d’escalier – soit les endroits où l’horizontalité sociale et la verticalité intime de l’immeuble entrent en contact – : le traitement des sols, les peintures décoratives, les menuiseries et la ferronnerie.

Mosaïque à la romaine

La fascination exercée par la mosaïque tient, sans doute, à ce qu’elle est un tout en morceaux, à ce qu’elle s’affirme entre deux pôles de tensions : celui de l’unité de l’ensemble représenté et celui de la pluralité discontinue de ses composants. Elle est, par conséquent, singularisée par la manière dont elle résout cette opposition interne. Du point de vue pratique, la mosaïque doit à la petitesse de ses tesselles une extrême plasticité ; elle s’applique aussi bien aux pavements qu’aux surfaces verticales ou aux voûtes, ou encore aux parties détachées de l’architecture ; de surcroît, elle se répare aisément.

La révolution technique introduite par Giandomenico Facchina (mosaïste frioulan, 1826-1903) avec les mosaïques de l’Opéra de Paris (architecte Charles Garnier, 1825-1898), ouvre progressivement la route à une mutation profonde de la nature même de la mosaïque15. Autrefois œuvre unique faite à la main, réalisée sur la base d’une technique artisanale hautement qualifiée, à partir de matériaux considérés comme nobles et à fort contenu esthétique, la mosaïque devient peu à peu une marchandise, exécutée en série par une main-d’œuvre peu qualifiée à partir de matériaux plus communs, voire de production industrielle.

Il est vraisemblable que la méthode adoptée pour les mosaïques réalisées vers la fin du XIXe siècle dans les cages d’escalier qui nous intéressent soit majoritairement celle développée par Facchina. Cette technique nouvelle appelée « mosaïque à l’envers », « méthode indirecte » ou encore « a rovescio » permet l’exécution en atelier, plutôt que sur le lieu même de la décoration.

Elle consiste à coller les tesselles à l’envers sur un support de papier, qui

14 La bibliographie traitant de ce thème est pléthorique, je ne cite ici que les références qui m’ont servi pour la rédaction de ce texte : Nikolaus PEVSNER, Les Sources de l’architecture moderne et du design, Paris, Thames & Hudson, 1993. François LOYER, Le Siècle de l’industrie, Genève, Skira, 1983 et Paris XIXesiècle : l’immeuble et la rue, Paris, Hazan, 1988. Bettina KÖHLER, « L’intérieur entre industrie et artisanat », dans Arthur RUEGG (dir.), Mobilier et intérieurs suisses au XXesiècle, Bâle, Boston, Berlin, Birkhäuser, pp. 33-61.

15 Voir Renato POLACCO, « Da San Marco a Santa Sofia di Costantinopoli ai cicli moderni di Parigi e d’Oriente », dans I colori della luce, Angelo Orsoni e l’arte del mosaico, Venezia, Marsilio, 1996, pp. 133-151.

est ensuite retourné et enlevé avec de l’eau au moment de la pose. Quelque temps après sa première application éclatante en France, la Semaine des constructeurs du 11 avril 1878 décrit les différentes phases d’exécution de la mosaïque à l’envers :

« On sait que les mosaïstes emploient de petits morceaux de marbre ou de pierres colorées, taillés en forme de cubes allongés, ou plutôt de troncs de pyramide quadrangulaire. Pour obtenir ces cubes, on a débité le marbre ou la pierre en tables d’un centimètre et demi d’épaisseur environ, puis un ouvrier, armé d’un marteau particulier en acier de première trempe [la marteline], coupe [sur un tranchet] dans ces tables les cubes dont une face au moins est régulière. La régu-larité de la taille est plus ou moins grande, selon le fini que l’on veut atteindre.

La taille des cubes est une opération qui demande beaucoup d’habitude et une grande précision ; elle est faite presque exclusivement, ainsi d’ailleurs que toutes les autres manipulations de la mosaïque, par des ouvriers italiens (...) du nord de Venise, et où se fait, plus que partout ailleurs la bonne éducation professionnelle des mosaïstes. Une fois la taille terminée, les cubes passent entre les mains d’autres ouvriers, auxquels le sentiment du dessin est indispensable, et qui sont chargés du montage, pour ainsi parler, de la mosaïque. Les ouvriers à qui incombe cette besogne ont devant eux un papier goudronné sur lequel sont tracées les lignes générales du dessin en double, pour marquer les épaisseurs, avec indication des tons. Le dessin est divisé en autant de parties que cela peut être nécessaire pour la commodité du travail ; on juxtapose les fragments après coup. Les ouvriers choisissent les cubes selon les couleurs voulues, en rectifient les dimensions [à la pince japonaise], s’il est nécessaire, et les ajustent sur le papier gris, suivant les lignes, en les posant sur la face la mieux taillée, par conséquent à l’envers.

Le papier est enduit d’une colle de froment très pure et adhère aux cubes suffisamment pour qu’on ne puisse pas enlever ces derniers sans le déchirer. Dans cet état, la mosaïque est terminée quant à ce qui concerne l’atelier ; il ne reste plus qu’à l’emballer et à l’expédier. Pour la pose sur place, on creuse le sol et on façonne une aire bien battue, à environ cinq centimètres au-dessous du niveau que devra avoir la mosaïque ; sur cette aire, on coule un ciment de brique pilée et bien tamisée et de chaux grasse ; puis sur le ciment, on applique les fragments de mosaïque, en appuyant suffisamment pour que le ciment pénètre dans les interstices qui séparent les culots des cubes, et s’y agrippe en faisant corps, par une prise assez rapide. Avant le séchage, on passe un rouleau compresseur en granit sur la surface du pavement, et l’on enlève le papier par un lavage à l’éponge.

Les cubes et le ciment ne font plus alors qu’un seul et même corps, bien compact et bien homogène, d’une résistance considérable à l’écrasement et à l’usure. La dernière opération consiste en un ponçage énergique à la meulière fine, après quoi la mosaïque a acquis toute sa valeur. »16

16Cité par Giovanna GALLI, L’art de la mosaïque, Paris, Armand Colin, 1991, pp. 70-71.

Permanence des gestes techniques, Oswald Pellarin, mosaïste à Genève, décrit son travail dans les années 1930 de la manière suivante :

« Les mosaïques étaient coupées dans nos ateliers. On posait les pièces en marbre de Carrare sur un socle en métal et on les tranchait à la marteline ; c’est un marteau avec une pointe effilée dont il fallait constamment retoucher le tranchant.

Il y avait des ouvriers qui passaient tout leur temps à trancher les marbres. Les toutes petites pièces de mosaïque à la romaine peuvent mesurer de deux millimètres sur deux à un centimètre sur un. Nous avons surtout travaillé avec des pièces, des tesselles, d’un centimètre et demi de côté. Une fois coupées, elles étaient collées, le bon côté contre un papier. On préparait la colle nous-mêmes, c’était délicat, il fallait une composition qui n’abîme pas le marbre et qui puisse ensuite se diluer dans l’eau. Sur le chantier, les ouvriers préparaient une chape de chaux, ciment et sable. La chaux était très importante, elle adoucissait la composition et ralentissait la prise. Ensuite, on appliquait les feuilles de papier sur lesquelles étaient collées les mosaïques et on tapait sur chaque pièce pour la faire entrer dans la chape.

Après, on mouillait le papier pour diluer la colle et on le retirait. Pour finir, on ponçait à la main en mouillant la mosaïque. On utilisait une pierre meule fixée au bout d’un manche ; on commençait avec une pierre assez rude pour terminer avec une très douce. Il fallait poncer jusqu’à ce que la surface devienne lisse comme un miroir, sinon vous aviez des crochets, c’est-à-dire qu’en tombant sur la mosaïque, la lumière fait des ombres (...) Quand le travail était terminé, on mettait un peu d’huile sur la mosaïque, ça lui donnait un brillant, mais les marbres gardaient leurs teintes, et ils peuvent les garder ainsi pour des centaines d’années. »17

Les mosaïques abondent dans le canton de Neuchâtel, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments publics ou privés où l’art du mosaïste s’exprime principalement sur le pavement des vestibules. Il convient ici de

Les mosaïques abondent dans le canton de Neuchâtel, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments publics ou privés où l’art du mosaïste s’exprime principalement sur le pavement des vestibules. Il convient ici de

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