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Formulation auto-cohérente des forces correctives

Dans le paragraphe précédent, nous avons calculé les forces correctives, qu’elles soient de relaxation électrique ou hydrodynamique, en supposant leur indépendance l’une envers l’autre. Pour être précis, nous avons supposé que δFrel n’influence ni δFrelni δFhyd. Nous avons aussi supposé que δFhyd n’influence pas δFrel. Ce faisant, il y a un risque de sur-corrections. Supposons que le système soit très concentré ; les corrections hydrodynamiques et de relaxation électrique peuvent alors devenir grandes. Les fonctions de corrélation totale utilisées garantissent que l’amplitude d’aucune des deux ne devienne plus grande que l’amplitude du terme principal. Ainsi, ei + αrel

i ou ei+ αhydi restent du signe du ei. Toutefois, si les deux corrections sont indépendantes, la somme de leurs amplitudes peut dépasser l’amplitude du terme principal. Comme les corrections ont un signe opposé à celui du terme principal, ei+ αrel

i + αhydi peut avoir un signe différent de ei. Autrement dit, les mobilités électriques, et donc la conductivité, peuvent s’inverser, et l’inversion de la conductivité est clairement non physique. Une manière simple de coupler les deux corrections existe dans le cas de la conductivité à deux espèces ioniques [20]. Comment coupler les deux corrections de manière auto-cohérente pour les systèmes à trois espèces ioniques ? cela n’a jamais été fait, à ma connaissance, ni pour l’acoustophorèse, ni pour la conductivité.

7.2.1 | Principe de la procédure de bouclage

La procédure de bouclage doit traduire un phénomène physique, et non être un simple artifice mathématique "pour éviter que ça diverge". Elle intervient à deux niveaux, dans le calcul de la correction hydrodynamique et dans le calcul de la force de relaxation électrique. Toute force qui s’applique sur un élément de solution met en mouvement cet élément de solution. Ainsi, la force de relaxation électrique met en mouvement un élément de solution, mais pas la correction hydrodynamique, car la correction hydrodynamique n’est pas une vraie force, mais un incrément de vitesse. Ainsi, les forces à considérer pour le calcul de la correction hydrodynamique sont : la force d’inertie d’entraînement, la pression et la force de correction électrique qu’elles engendrent, la force électrique, et la force de correction électrique qu’elle engendre. La force de friction, et la correction hydrodynamique qui en dépend, n’interviennent pas, car la friction de l’ion sur l’eau est compensée par la friction de l’eau sur l’ion, et elle ne peut donc mettre en mouvement un élément de solution. L’équation7.7 devient :

δvhydi

j

Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques 86 ce qui permet de définir les αhyd et βhyd ainsi :

αhydi = kBT D0 i Ø j nj[ej + αrelj ]Hij (7.66) et βihyd = kBT D0 i Ø j nj[ ˜mj+ βjrel]Hij (7.67) Pour la correction de relaxation, deux approches sont possibles, et reviennent au même. La première est de considérer que ce qui crée la force de relaxation électrique, c’est la différence de vitesse entre les ions. Or cette différence de vitesse vient de la vitesse de chaque ion par rapport à l’eau, et la vitesse d’un ion vient de l’ensemble des forces qui s’appliquent sur lui. Les ions sont mis en mouvement par les forces d’inertie d’entraînement, de pression, électrostatique, de relaxation électrique et hydrodynamique.

Lors du calcul de la force de relaxation à l’aide de l’eq. 7.27, l’expression de Aji eq. 7.28 peut donc être écrite :

Aji= D0 i kBTkiD0j kBTkj D0 i + D0 j (7.68) avec

ki = [ei+ αreli + αihyd]E − iω[ ˜mi+ βirel+ βihyd]veau (7.69) Ces termes injectés dans les calculs se conservent, et modifient les équations 7.54 et 7.55:

LEij = [ej+αrel j hydj ]D0 j kBT[ei+αrel i hydi ]D0 i kBT bij nieinjej (7.70) Lvij = [m j+βrel j jhyd]D0 j kBT[mi+βrel i hydi ]D0 i kBT bij nieinjej (7.71) Ces LE et Lv modifiés interviennent dans les expressions des forces de relaxation, à savoir les équations 7.59 7.60 7.61, et donc dans les αrel et βrel.

Pour écrire les équations 7.68à 7.71, l’hypothèse intuitive "la relaxation dépend des vitesses relatives" a été faite. Ce résultat peut être retrouvé de manière formelle. En effet, dans l’équation 7.20, les termes veau(r2)∇2f0

ji(r1, r21) + veau(r1)∇1f0

ij(r2, r12) avaient été considérés comme nuls, car la longueur d’onde est grande devant la longueur de Debye. Toutefois, la vitesse locale de l’eau comprend trois termes. Un premier terme dû à l’onde acoustique, et qui effectivement disparaît des calculs car il ne varie que peu avec la position. Un deuxième, dû à la présence de l’ion i en 2 pour la vitesse de l’eau en 2, et qui est dû à la correction hydrodynamique : il reste dans les calculs, et conduit à la présence par la suite des αhyd et βhyd. Un troisième, dû à la contribution spécifique de l’ion j présent en 1, en plus de l’effet général de l’ion i présent en 2 : ce terme,

condui-87 Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques sant à des calculs complexes, est négligé, mais est a priori plus petit que le terme précédent.

L’inclusion des termes de relaxation vient de l’équation 7.19 :

Kji(r1, r21, t) = ki(r2) + eiδEi(r1, r21, t) − ei2Ψj(r1, r21, t) (7.72) Le terme eiδEi(r1, r21, t) était négligé par Durand-Vidal dans la suite des calculs. Il

correspond au mouvement d’un ion sous l’effet de la déformation de sa propre atmosphère ionique. Il correspond donc à la force de relaxation électrique, dans le cadre du modèle primitif, et sa conservation donne les termes en αrel et βrel par la suite.

Dans notre nouvelle procédure de bouclage, les principales approximations dans l’établissement de l’équation7.20sont donc de négliger la vitesse hydrodynamique locale, et de considérer que la la concentration locale en ions varie peu (l’approximation fij ≈ ninj).

La procédure de bouclage pourrait être analytique, au prix de calculs supplémentaires. En effet, il s’agit de résoudre un système linéaire à douze inconnues (trois αrel, trois αhyd, trois βrel et trois βhyd), ou plutôt deux systèmes à six équations et six inconnues, car le calcul des α est indépendant de celui des β. Une procédure de bouclage numérique a été privilégiée. Les corrections sont d’abord prises nulles. Ensuite, les corrections hydrodynamiques sont évaluées, à partir de l’ensemble des α et des β, ce qui crée un nouveau jeu de αhydet βhyd. Ensuite, les corrections de relaxation électrique sont calculées : les LE et Lv sont calculés, et ainsi un nouveau jeu de αrel et βrel en est déduit. Avec ce nouveau jeu, la correction hydrodynamique est calculée. Ce schéma est répété un nombre suffisant de fois. A chaque étape, l’écart entre la conductivité ou le potentiel acoustophorétique calculé à cette étape et la conductivité ou le potentiel acoustophorétique calculé en répétant le schéma un grand nombre de fois est divisé par cinq, ce qui indique une bonne convergence. Les formules utilisées dans le programme sont celles écrites plus haut. Le programme est en annexe de la thèse, les correspondances de notations détaillées au début de l’annexe.

7.2.2 | Effet de la procédure

L’effet principal de la procédure de bouclage est d’atténuer l’effet de l’ajout de la correction de relaxation, par rapport au cas où seule la correction hydrodynamique a été prise. La modification de la conductivité ou du potentiel acoustophorétique par l’ajout de la correction de relaxation est ainsi moins importante si une procédure de bouclage est appliquée que si aucune procédure de bouclage n’est appliquée (i.e. que si les deux corrections sont justes sommées). Le chlorure de baryum est choisi comme exemple, bien qu’il n’y ait que deux espèces ioniques, pour des raisons de simplicité. L’astuce utilisée pour utiliser le programme que j’ai écrit pour trois espèces ioniques est de considérer la moitié des chlorures comme une première espèce, et l’autre moitié comme une deuxième espèce. Je reporte sur la figure 7.1 les résultats obtenus par les différentes versions de la théorie

Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques 88 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Concentration (mol/L) 0 5 10 15 20 25 30 Conductivité (S/m) Avec bouclage Sans relaxation Sans bouclage Idéal

Conductivité du chlorure de baryum BaCl2

Figure 7.1 | Conductivité du chlorure de baryum, lin-lin

analytique. En bleu, la conductivité calculée sans aucune correction, dite conductivité idéale. En rouge, la conductivité calculée avec la correction hydrodynamique, mais en négligeant l’effet de la relaxation. En vert, la conductivité calculée en tenant compte de la correction hydrodynamique et de la relaxation électrique, mais sans procédure de bouclage : cela correspond donc à la conductivité calculée avec la théorie de Durand-Vidal. En noir, la conductivité calculée en tenant compte de la correction hydrodynamique, de la relaxation électrique et de la procédure de bouclage. Pour faire ces calculs, les paramètres utilisés sont : diamètre (de Stokes) du baryum : 0,578 nm ; diamètre (cristallographique) du chorure : 0,362 nm ; constante de diffusion du baryum : 0,847 10−9m2.s−1; constante de diffusion du chlorure : 2,032 10−9m2.s−1. On constate d’abord, comme cela était déjà observé dans tous les travaux théoriques sur le transport dans les électrolytes, que la conductivité diminue quand les corrections sont prises en compte [13,20,21], la courbe bleue étant au dessus des trois autres courbes. De même, comme cela était déjà connu, la relaxation électrique et la correction hydrodynamique diminuent chacune la conductivité, la courbe rouge étant au dessus des courbes noires et vertes. Enfin, l’effet principal de la procédure de bouclage est de diminuer l’effet de l’inclusion de la relaxation électrique. En effet, quand la procédure de bouclage est faite, la conductivité est plus faible que s’il n’y avait que la correction hydrodynamique, la courbe noire étant en dessous de la courbe rouge, et plus forte que si les deux corrections sont simplement sommées, la courbe noire étant au dessus de la courbe verte. Dans ce cas du chlorure de baryum, la procédure de bouclage diminue de plus de moitié l’effet de l’inclusion de la relaxation électrique. La

89 Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques 1e-05 0.0001 0.001 0.01 0.1 1 Concentration (mol/L) 0 1×10-4 2×10-4 3×10-4 4×10-4 5×10-4 IVP (V/(m/S)) Avec bouclage Sans relaxation Sans bouclage Idéal

Potentiel acoustophorétique du chlorure de baryum

Figure 7.2 | Potentiel acoustophorétique du chlorure de baryum, lin-log

correction hydrodynamique est nettement plus grande que la correction de relaxation, l’écart entre les courbes bleue et rouge étant nettement plus important que l’écart entre les courbes rouge et verte.

Je reporte sur la figure7.2 le potentiel acoustophorétique obtenu par les différentes versions de la théorie analytique. Le code couleur est le même, avec en bleu le cas idéal, en rouge l’hydrodynamique comme seule correction, en vert avec les deux corrections sommées et en noir avec la procédure de bouclage effectuée. Les paramètres sont les mêmes, et des masses effectives, ˜mi = mi − ρVi, 160,8 g/mol pour le baryum et de 12,1 g/mol pour le chlorure ont été utilisées. On constate d’abord que les corrections n’interviennent pas à basse concentration, les quatre courbes étant confondues, et que les corrections sont responsables de l’évolution du potentiel acoustophorétique à haute concentration, la courbe bleue ne présentant d’évolution. On constate ensuite que les courbes noire et rouge sont confondues. Cela signifie que le potentiel acoustophorétique est le même s’il est calculé avec seulement la correction hydrodynamique, ou avec les deux corrections et la procédure de bouclage. En effet, utiliser la procédure de bouclage permet notamment de calculer la relaxation électrique en considérant les différence de vitesse réelles entre les différentes espèces. Il y a une différence de vitesse entre les anions et les cations dûe aux forces inertielles et de pressions liée à l’onde acoustique, et une différence de vitesse entre les anions et les cations dûe au champ électrique créé par l’onde acoustique. Ces deux différences de vitesse sont non-nulles, et les αrel et βrel sont aussi non nuls. Or le champ électrique est tel que la différence de vitesse qu’il induit compense la différence de vitesse

Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques 90 dûe aux forces inertielles et de pression. La sommes des forces de relaxation électrique sur un ion, αrel

i E− iωβrel

i veau, est donc nulle, et l’effet de la relaxation électrique sur le potentiel acoustophorétique est donc aussi nul. Si l’effet est nul, cela revient au même de ne pas inclure ces forces de relaxation, et donc de n’utiliser que la correction de relaxation. Ainsi, remarquer directement la nullité de la force de relaxation s’appliquant sur un ion est équivalent à faire la procédure de bouclage pour le calcul du potentiel acoustophorétique, mais pas pour le calcul de la conductivité. La courbe verte est distincte des courbes rouge et noire : inclure directement la correction de relaxation sans utiliser la procédure de bouclage modifie le potentiel acoustophorétique par rapport à ne pas l’inclure. Dans les deux figures 7.1et 7.2, les courbes noires sont plus proches des courbes rouges que des courbes vertes : cela signifie qu’il vaut mieux ne pas mettre la force de relaxation électrique que de la mettre sans procédure de bouclage, du moins dans le cas du chlorure de baryum.

7.3 | Exemple d’un nano-colloïde : le