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7.3 Exemple d’un nano-colloïde : le dodécatungstosilicate de potassium

7.3.2 Effet des corrections

Les corrections modifient à la fois le courant mécanique et la conductivité. Nous détaillons les différentes contributions au courant mécanique, en considérant le courant mécanique,sur la figure 7.4. Pour être précis, ce qui est tracé est le "numérateur" du potentiel acoustophorétique,qiniei D

0

i

kBT( ˜mi+ βrel

i + βihyd), qui est proportionnel au cou-rant mécanique. En vert, le numérateur calculé en l’absence de correction. C’est une droite ne passant pas par l’origine. En rouge, le numérateur calculé avec les corrections hydrodynamique, de relaxation électrique et la procédure de bouclage. En violet, le nu-mérateur, calculé avec les corrections, mais en ne tenant compte que des termes créés par la masse des ions. En magenta, le numérateur, calculé avec les corrections, mais en ne tenant compte que des termes créés par la masse du Keggin. Pour séparer ces deux contributions, dans le programme de calcul, l’astuce numérique suivante est employée : mettre des masses effectives nulles aux espèces autres que l’espèce d’intérêt. Ainsi, la courbe violette correspond au numérateur, donc au courant mécanique, créé par les masses effectives du chlorure et du potassium. Ce terme s’écrit :

 Ø i niei D 0 i kBT( ˜mi+ β rel i + βihyd)   ˜ mKeg=0 (7.73)

93 Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Concentration en KCl (mol/L) -2×10-6 -1×10-6 0 1×10-6 2×10-6 N umérateur (kg/(m*V*s)) Total, idéal

Total, avec corrections Terme dû au Keggin Terme dû au sel

Potentiel acoustophorétique du Keggin

K4SiW12O40, 2% massique, solution de KCl

Figure 7.4 |Différentes contributions au numérateur, lin-lin

Ce n’est pas le terme correspondant au mouvement du potassium et du chlorure. De même, la courbe magenta est la contribution de la masse du Keggin au numérateur, donc au courant mécanique. Ce terme s’écrit :

 Ø i niei D0 i kBT( ˜mi+ β rel i + βihyd)   ˜ mK+=0, ˜mCl−=0 (7.74) Ce n’est pas le terme porté par le seul mouvement du Keggin. Le numérateur total est la somme des contributions liées à toutes les masses, i.e. la courbe rouge est la somme des courbes violettes et magenta. La courbe magenta, donc la contribution au courant mécanique du Keggin, varie assez peu avec la concentration en sel, avec une amplitude diminuant légèrement. L’écart entre les courbes verte et rouge, et donc l’effet des corrections sur le courant mécanique, est modeste, et surtout présent à basse concentration. Le terme correctif principal porte sur l’interaction entre les espèces présentes à basse concentration, le Keggin et le potassium. Les interactions Keggin-Keggin sont plus fortes que les interactions Keggin-potassium, dans les calculs utilisés, du fait de la plus forte charge du Keggin. Cette interaction de répulsion entre les Keggins tend à diminuer le courant mécanique qu’ils créent. La courbe verte est une droite ne passant pas par l’origine. En effet, en l’absence de correction, le courant mécanique dû au Keggin seul ne dépend pas de la concentration en sel ajouté, car sa concentration est constante, et celui dû à K+

Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques 94 et à Cl doit être une fonction affine de la concentration en KCl (et non une fonction linéaire, car en l’absence de KCl ajouté, il y a les contre-ions potassium du Keggin).

Afin de mieux comprendre cela, la contribution dûe à la masse du Keggin écrite en terme de mouvement de chacune des espèces apparaît sur la figure 7.5. La contribution totale dûe à la masse effective du Keggin est en magenta, celle portée par le potassium est en marron, celle portée par le Keggin est en bleu et celle portée par le chlorure en jaune. La courbe en magenta est donc la somme des trois autres courbes. Les mouvements considérés sont ceux présents dans le courant mécanique, et ne tiennent donc pas compte de l’effet du champ électrique créé en solution. Autrement dit, quelle espèce porte, par son mouvement la contribution dûe à la masse du Keggin ? En l’absence de correction, cela ne peut être que le Keggin. En effet, en l’absence de correction, les α et les β sont nuls, donc

 Ø i niei D0 i kBT( ˜mi+ β rel i + βihyd)   ˜ mK+=0, ˜mCl−=0 = nKegeKeg D0 Keg kBT m˜Keg (7.75)

Le terme dû au Keggin, porté par le potassium (courbe marron) s’écrit :

nK+eK+ D0 K+ kBT rel K++ βK+hyd)m˜K+=0, ˜mCl−=0 (7.76)

C’est donc, une fois multiplié par l’accélération de l’eau, le courant mécanique, dû à la masse du Keggin, porté par le mouvement de l’ion potassium. Le terme dû au Keggin, porté par le chlorure (courbe orange) s’écrit :

nCl−eCl− D0 Cl− kBT rel Cl−+ βCl−hyd)m˜K+=0, ˜mCl−=0 (7.77)

Un point remarquable est qu’avec l’augmentation de la concentration en sel, le terme dû au Keggin et porté par le Keggin (courbe bleue, nKegeKeg

D0

Keg

kBT ( ˜mKegrel

KegKeghyd)m˜K+=0, ˜mCl−=0) diminue en valeur relative, et les termes dûs au Keggin, portés par le sel augmentent. En effet, à haute concentration en sel, il y a un écrantage des interactions entre les Keggins, ce qui abaisse la diminution relative du courant porté par les Keggins. Les potassium sont nombreux à proximité du Keggin, ils sont entraînés par ce dernier, et comme leur charge est positive, ils contribuent par un courant positif au courant mécanique. Les chlorures sont "entrainés à l’envers", car ils sont peu nombreux à proximité des Keggins, et comme ils sont chargés négativement, ils contribuent également positivement au courant mécanique. La contribution des chlorures est nulle quand il n’y a pas de sel ajouté, car il n’y a en ce cas pas de chlorure.

C’est plutôt logique : les corrections portées par les autres espèces (K+,Cl) tendent à diminuer le courant mécanique dû à la masse d’une première espèce (Keggin). En effet, cette première espèce, en bougeant, emporte une partie de son atmosphère ionique, laquelle

95 Résultats nouveaux sur les systèmes à trois espèces ioniques 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Concentration en KCl (mol/L) -2×10-6 -2×10-6 -1×10-6 -5×10-7 0 N

umérateur (kg/(m*V*s)) Terme dû au Keggin

Dû au Keggin, porté par le potassium Dû au Keggin et porté par lui

Dû au Keggin, et porté par le chlorure

Potentiel acoustophorétique du Keggin

K4SiW12O40, 2% massique, solution de KCl

Figure 7.5 | Répartition de la contribution du Keggin, lin-lin

est de charge opposée à cette première espèce. L’atmosphère ionique étant constituée d’un défaut de co-ions Cl et d’un excès de contre-ions K+, les corrections portées par l’un et par l’autre sont de signes opposés au courant mécanique dû à la première espèce.

Cette étude sur le cas particulier de la solution de Keggin permet donc une compré-hension qualitative du phénomène d’acoustophorèse d’un nano-colloïde en présence de sel.

Chapitre 8

Application de l’acoustophorèse à

d’autres systèmes

L’acoustophorèse est une technique qui peut a priori être utilisée sur divers systèmes, y compris autres que les solutions ioniques et les suspensions colloïdales. Deux systèmes m’ont particulièrement intéressé, celui des liquides ioniques et celui des solutions micellaires. Ils ont été choisi en raison des orientations du laboratoire, qui travaille sur les liquides ioniques, et en raison du projet d’ANR, qui contient une partie sur les micelles.

8.1 | Acoustophorèse des liquides ioniques

Les liquides ioniques sont des sels fondus à température ambiante. Ils suscitent un grand intérêt, que ce soit chez les théoriciens, les expérimentateurs ou les industriels. Les théoriciens s’intéressent à leur structure, et essayent de prédire leurs propriétés, statiques ou dynamiques. Les expérimentateurs s’intéressent à leurs propriétés, notamment de solvatation, ou à leur usage pour le stockage d’énergie dans les supercondensateurs. Enfin, l’intérêt industriel vient de la chimie verte, et des procédés originaux par exemple en dessalement ont été proposés1. Sur ces liquides, il est possible de revenir à la base de l’acoustophorèse : la détermination de propriétés fondamentales des constituants d’un système. La détermination des volumes molaires des ions dans l’eau est aujourd’hui un exercice académique. En effet, il suffit de connaître le volume partiel du proton pour en déduire celui de tous les ions, les volumes partiels des sels étant connus. Pour les liquides ioniques, la question du volume du cation et de l’anion est ouverte, et l’acoustophorèse peut être une méthode pour déterminer cela.