• Aucun résultat trouvé

Certaines formes particulières de ir : vamos et vaya

Ir partage avec peu d’autres verbes une aptitude à fonctionner seul, à travers des formes spécifiques. En dehors de certaines formes de venir (venga) et de andar (anda), les formes vamos et vaya sont les seules dont on affirme souvent qu’elles « ne veulent rien dire de particulier », que ce ne sont que des « tics de langage », des muletillas comme disent les Espagnols, c’est-à-dire des outils purement rhétoriques au mieux, en bref, des outils conversationnels, par lesquels on ponctue son discours, mais qui ne sont porteurs d’aucune réelle information.

Cependant, si l’on accorde une importance au signifiant on ne peut admettre que des formes telles que vamos ou vaya ne soient porteuses d’aucune signifiance, et encore moins distinguer plusieurs va(ya)mos ou vaya selon qu’ils entrent dans une phrase ou qu’ils fonctionnent « seuls ».

« Vamos »

Nous commencerons par observer la forme vamos, si souvent utilisée dans le discours. Soit l’énoncé suivant :

– Vamos, no hay que perder los nervios. Éste no es lugar para tratar estas cosas.

Vamos a…

– No vamos a ningún sitio.

El Gran Wyoming, Te quiero personalmente, p. 182-183.

Une forme associative qui, comme on le voit clairement dans cet énoncé, peut être perçue comme un impératif ou comme une forme de présent, puisque comme le fait remarquer Ralph Penny, vamos est préférée à vayamos, autre forme qui n’est pas spécifiquement impérative.

Cette forme est souvent considérée comme un simple outil de discours, une

« muletilla ». Pourtant, rien, formellement, ne la différencie de ce qui est considéré comme la forme du présent, si ce n’est la ponctuation qui suit, le plus souvent une virgule, et plus largement une pause :

— …pero, ¿te arrepientes de tus pecados?

— Es que no tengo.

Ah, ¿no?, y a eso de esta tarde, ¿cómo lo llamas?

Yo le llamo comunicación multisensorial, pero vamos, para que nos entendamos, follar, padre.

El Gran Wyoming, Te quiero personalmente, p. 119.

Hay una ventana en el Castillo de Ponferrada que… vamos… no puedo expresar lo que es aquello.

Benito Pérez Galdós, Fortunata y Jacinta, Tomo I, p. 412.

Une façon, somme toute, d’associer son allocutaire à son discours, de lui en faire suivre le chemin, de solliciter son attention, sa participation interlocutive, de l’emmener dans son raisonnement.

Une actualisation, une demande de participation qui peut être vue comme un encouragement, une façon d’encourager à accomplir une action :

– Vamos, ve a la cama; es muy tarde y a lo mejor has de madrugar mañana.

Eduardo Mendoza, La verdad sobre el caso Savolta, p. 41.

Yo te haré el té… Vamos, vete vistiendo.

Benito Pérez Galdós, Fortunata y Jacinta, Tomo II, p. 350.

Tú bien puedes hacer caso de lo que yo te diga, pues tengo yo mucha linterna… amos359, que veo mucho.

Benito Pérez Galdós, Fortunata y Jacinta, Tomo I, p. 630.

Que la ponctuation soit emphatique, et cet encouragement prend des allures d’encouragement au « mouvement » :

PEDRO

¡Vamos!

Federico García Lorca, Mariana Pineda, Estampa Segunda, Escena VIII, p. 236.

Une incitation que l’on ne retrouve pas dans l’emploi d’une autre forme, vaya, utilisée elle aussi pour l’expression, entre autres, de l’impératif.

« Vaya »

L’espagnol a recours à une forme inactualisante qui sert dans le discours d’outil d’emphatisation :

– Vaya.

Eduardo Mendoza, La verdad sobre el caso Savolta, p. 57.

Vaya que de la noche a la mañana has aprendido unos términos y unos floreos de frases que me tienen pasmada…

Benito Pérez Galdós, Fortunata y Jacinta, Tomo I, p. 536.

…de présentation :

Vaya el primer endecasílabo.

Jorge Luis Borges, « Ejercicio de análisis », in El tamaño de mi esperanza, p. 110. [INTRO, ô 4 x]

359 Il s’agit bien de la forme tronquée de vamos, écart souligné dans cette édition de Fortunata y Jacinta au moyen d’italiques.

…ou d’exclamation dans des expressions figées : Vaya con el gatito –

Carlos Ruiz Zafón, El príncipe de la niebla, p. 32.

¡Vaya por Dios!

Benito Pérez Galdós, Fortunata y Jacinta, Tomo II, p. 41.

L’inactuel d’une opération aussi abstraite, qui ne dit rien de plus qu’une continuité sans cesse reportée, sous sa forme la plus indéterminée (qui sert à la fois aux première et troisième personnes et à la mise à distance de l’allocutaire que l’on vouvoie) permet donc l’expression d’une certaine surprise (« Vaya », « Vaya con el gatito », « ¡Vaya por Dios! »), d’une mise en attente de ce qui va venir, de ce qui va se dérouler (« Vaya el primer endecasílabo »).

Remarquons que no vayas est le pendant négatif de ve : MARIANA

¡No vayas! […]

FERNANDO

Vuestros ojos

son los que me dicen ¡vete!

No puedo verlos llorar. […]

Federico García Lorca, Mariana Pineda, Fragmento 2, Estampa Primera, p. 342.

Il peut néanmoins également signifier la simple recommandation : – Abriga la niña, no vaya a coger frío.

Juan José Millás, El desorden de tu nombre, p. 112.

Acuéstate ahora, no vayas a hacerte daño con un mueble, y no intentes verme.

Juan José Millás, El desorden de tu nombre, p. 166.

Acuérdate de las botas, no se me vayan a olvidar, acuérdate.

Antonio Soler, Las bailarinas muertas, p. 113.

No se vayan a asustar por tener tanto terreno para ustedes solos.

Juan Rulfo, « Nos han dado la tierra », in El llano en llamas, p. 38.

…et la négation peut parfois même être élidée – la préposition a l’est également, et semble se fondre dans la terminaison de la forme verbale360 :

MARIANA

Es mi anillo de mi boda; no se mueva, vaya pisarlo.

360 La nature poétique permet peut-être d’expliquer cet écart, nous ne disposons pas d’autres illustration de ce phénomène.

Federico García Lorca, Mariana Pineda, Estampa Segunda, Escena IX, p. 264.

Enfin, il nous faut rendre compte de l’une des seules formes spécifiquement impératives : ve.