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5 Résultats de l’enquête récit-parcours

5.2 Mouvements, liaisons et logiques

5.2.1 Les formes des parcours : étendue, voies et limites

5.2.1.1

L’étendue et les passages

Le regroupement de tous les parcours a été établi pour présenter une perspective globale des tendances qui se dessinent. Les résidants interrogés habitent différents quartiers de la ville et sont assez dispersés sur le territoire (Figure 8). Ceci était un facteur important à

considérer pour obtenir un échantillon diversifié. Dans les formes générales, on remarque une accumulation de cheminements dans le centre et une forme d’extension des parcours vers l’extérieur de ce centre. Cette caractéristique des cheminements s’apparente à la logique radioconcentrique sur laquelle la ville s’est développée à partir des années 1960. On peut y distinguer trois grandes zones distinctes: premièrement le noyau commercial villageois, deuxièmement les quartiers résidentiels centraux à l’extérieur de ce centre et troisièmement, les composantes plus éloignées, qu’elles soient naturelles (ex. : les terres agricoles ou le Parc national) et/ou anthropiques (ex. : le quartier industriel et les nouveaux développements aux limites de Saint-Bruno). Il faut également mentionner que les Montarvillois interrogés ne sont pas beaucoup sortis de la ville. Mentionnons ici que deux premiers essais préalables ont été effectués pour expérimenter la méthode des récit- parcours, soit un à Sainte-Rose (Laval) et l’autre à Saint-Hubert (Longueuil). Lors de ces essais préliminaires, les cobayes ont effectués de grandes distances et se sont aventurés bien au delà des frontières de leur ville. Par exemple, de Saint-Hubert nous sommes allés à Saint-Lambert, Brossard et Greenfield Park. Une interprétation possible de ce confinement à Saint-Bruno pourrait être attribuable au fait que les autoroutes 20 et 30, la route 116 et le mont Saint-Bruno représentent des limites importantes dans la morphologie de la ville. Également, le milieu habité est encerclé de terres agricoles qui pourraient également contribuer à un effet de distance par rapport aux autres villes. Ceci pourrait expliquer l’effet de forte concentration des parcours au centre et d’extension vers l’extérieur sans toutefois trop s’éloigner des frontières de la ville.

La carte des passages (Figure 9) illustre à l’aide d’une mesure de fréquence, cette double tendance à la centralisation et à l’extensivité des formes de parcours. La place du village et ses alentours atteignent des sommets avec plus de 14 passages. Au village sur le boulevard Montarville, on enregistre en moyenne entre 8 et 14 passages. Les autres axes primaires et centraux (ex. : Rabastalière, Seigneurial, Boucherville et Clairevue) sont largement fréquentés (de 4 à 14 passages). Dans les rues secondaires des quartiers résidentiels, on enregistre entre 1 et 4 passages. On ne sort pas beaucoup de la ville, mise à part une petite entrée à Sainte-Julie, le contournement de rangs agricoles vers l’arrondissement de Saint-Hubert et un dépassement du côté de Saint-Basile. Pour analyser la forme des parcours, un répertoire sommaire des voies a été créé, classifiant

celles-ci en axes principaux, boucles, voies secondaires, chemins sans issues et traverses (Figures 10, 11, 13, 14 et 15).

Figure 9_Fréquence des parcours empruntés par les résidants. 40

5.2.1.2 Les voies

Tel qu’il a été mentionné, on enregistre un taux élevé de déplacements sur les grands axes. Quatre grands axes nord-est se dessinent : Seigneurial, Rabastalière, Clairevue et une section de la route 116 (Figure 10). Du côté nord-ouest, il y a les boulevards Boucherville, Montarville et Roberval. On peut également faire une différence entre les axes de destination et les axes de transit. L’axe Boucherville favorise uniquement la transition, ainsi que les axes Montarville et Clairevue du côté nord-ouest. Les axes Rabastalière et Montarville au sud-est, bien qu’empruntés pour transiter, sont également des axes de destination menant vers des secteurs patrimoniaux de haute valeur. Seigneurial, Boucherville, Montarville et Clairevue sont les portes d’entrée de la ville et de communication avec le secteur au sud de la 116. Ces axes constituent l’ossature même des cheminements. Étonnamment, les axes autoroutiers (la 30 et la 20) sont tout simplement absents des parcours.

Figure 10_Forme des parcours : axes principaux, Saint-Bruno-de-Montarville

Rattachées à cette ossature, deux grandes boucles se dessinent dans les parcours (Figure 11). La boucle incluant le Sommet-Trinité offre plusieurs alternatives. On aboutit à la 116 ou la traverse jusqu’au Boulevard Grand pour revenir à Saint-Bruno soit par l’entrée Boucherville ou l’entrée Seigneurial. Par contre, la direction prise pour faire la boucle est est toujours la même. Le Sommet-Trinité, étant un quartier en retrait et possédant des limites bien déterminées, son entrée et sa sortie occupent une signification importante.

Figure 11_Forme des parcours : boucles, Saint-Bruno-de-Montarville

La deuxième grande boucle côtoie le secteur agricole des villes voisines, en passant par le quartier industriel de Saint-Bruno. Par les axes principaux, les boucles permettent de s’éloigner du centre-ville et d’y revenir. Ainsi, elles permettent un mouvement de va et vient en cercle, ce qui fait appel à une ritualisation et à une certaine poétique dans les parcours. En ce sens, les boucles permettent d’augmenter la vitesse de conduite, laissant défiler et s’ouvrir les paysages dans un ordre qui fait sens aux yeux des résidants. Par exemple, la boucle passant par le Sommet-Trinité fait place à des vues exceptionnelles avant de redescendre vers la route 116. Dans le sens inverse, les vues ne sont pas aussi prenantes (Figure 12) :

R Ça s’appelle la Côte puis regardez si c’est merveilleux [vue depuis le Sommet- Trinité vers Saint-Basile]!

I Wow!

R Regardez si c’est beau! Tu descends ici là puis… quand il y a beaucoup de neige l’hiver il faut vraiment qu’il y ait beaucoup d’abrasifs parce que ça descend! Ça descend! [rires]

I Ah oui hein! [rires]

R Regardez si c’est beau. C’est de toute beauté. Mais ce que vous voyez, vous voyez du Carignan, vous voyez du Saint-Basile…

I Et les terres dans le fond.

R Ah oui ah ben là c’est loin ça je ne pourrais pas vous dire où c’est ça là. Ah oui c’est loin ça là là!

I Donc c’est un peu un quartier entre deux villages dans le fond?

R Absolument, c’est le quartier de la montagne on pourrait dire. (R06 – 099:107)

Figure 12_Vue du Sommet-Trinité avant de redescendre vers la route 116 (photo : Bergeron, 2010).

Les voies secondaires constituent le tissu connecteur entre les différents lieux de la ville. Elles se concentrent principalement de part et d’autre du boul. Montarville et près de la montagne (Figure 13). Ici il convient de préciser qu’au moment des parcours, le boulevard de Montarville était en réfection, ce qui occasionnait de la circulation de transit dans les rues adjacentes et des détours involontaires via les axes secondaires. On remarque que

les cheminements sont très concentrés au niveau du centre et qu’ils ne s’étendent pas beaucoup. Les résidants y cheminent presque strictement au départ et au retour de leur parcours, à l’exception des quartiers près de la montagne et des axes secondaires à l’intérieur ou à proximité du village, qui représentent des lieux de destination en soi. C’est

une tendance à l’évitement des quartiers résidentiels avec leurs rues secondaires « labyrinthiques » qui se dessine et qui le plus souvent n’attirent pas l’attention des

résidants.

Figure 13_Forme des parcours : axes secondaires, Saint-Bruno-de-Montarville

Les culs-de-sac ont une signification élevée dans les parcours (Figure 14). En considérant que l’aller-retour est redondant et que le cul-de-sac s’avère souvent inefficace en terme de

fluidité des parcours, il est associé à une signification particulièrement importante, voire à un rituel – ils permettent l’arrivée à une destination fortement valorisée. Ils sont également des voies de découverte. En ce sens, les deux chemins sans issue les plus parcourus permettent une entrée dans la montagne et ont une signification particulière. Du côté du rang des 25, une barrière nous a empêchés de nous y infiltrer et les résidants étaient déçus. En revanche, le chemin à l’extrémité de la rue Rabastalière n’est pas censé être accessible à tous en voiture et presque la moitié des résidants ont décidé d’y faire malgré tout, une incursion. Cette transgression en cul-de-sac a permis de s’infiltrer au cœur de la nature. Elle souligne l’importance de ce lieu naturel hautement valorisé. Plusieurs résidants ont affirmé qu’il n’était pas question de terminer le parcours sans avoir vu cet aspect de Saint-Bruno. Les petits culs-de-sac quant à eux mènent vers des lieux de destination spécifiques tels que la gare de train, le centre Marie-Victorin et vers la route 116 où un nouveau développement de condos attire l’attention des résidants.

Figure 14_Forme des parcours : cul-de-sacs, Saint-Bruno-de-Montarville

Enfin, les traverses sont également importantes (Figure 15). Elles représentent des liens ou des ligaments dans le tissu urbain. Il y a, d’une part, des traverses entre les grands axes parallèles nord-est, dont une pour accéder au quartier industriel et l’autre près de la montagne. D’autre part, des traverses importantes permettent de lier le quartier au sud de la route 116 au reste de la ville. On remarque à cet effet que celle-ci marque une barrière importante dans la réalité de Saint-Bruno.

Figure 15_Forme des parcours : traverses, Saint-Bruno-de-Montarville

En somme, les résultats sur les formes de parcours permettent d’affirmer la prépondérance du centre par rapport aux quartiers résidentiels centraux. La majorité des

déplacements se concentrent sur les axes principaux. Par ailleurs, l’analyse permet de comprendre que par des formes en boucles et en culs-de-sac, le mouvement s’apparente à un rituel ; le sens, la direction, la séquence des paysages devient importante, faisant place, sur le passage, à des vues prenantes. Il est également important de s’attarder aux lieux non fréquentés. Les axes autoroutiers ainsi que le secteur des promenades sont complètement évités. Aussi, rares sont les cheminements dans le secteur agricole. Deux résidants seulement ont entrepris le rang des 25 ainsi que la boucle du côté des villes voisines pour en apprécier cet aspect. Le secteur au sud de la 116, ainsi que certaines composantes du Parc national (vergers, carrière, mont de ski) sont également délaissées. On peut donc dire que la majorité des cheminements sont concentrés au village et dans la montagne puis s’étendent au travers des grandes artères. Les rues des quartiers résidentiels sont souvent évitées ; on a du mal à s’y retrouver. De manière générale, les cheminements s’apparentent à la forme radioconcentrique de la ville.