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3 Démarche méthodologique

3.6 Stratégie d’analyse des données

3.6.2 Cheminements

L’acte déambulatoire est un investissement spatial et dynamique. Une analyse de l’organisation des cheminements permet de comprendre les manières d’appréhender la ville, d’y circuler, de passer d’un lieu à l’autre. Analyser comment cheminent les résidants, c’est aussi comprendre l’organisation et la structure de la ville. Le parcours est à la fois spatial, un mouvement qui prend forme quelque part, mais il se déploie également dans le temps telle une histoire. L’analyse des cheminements prend en compte cette double dimension : la forme des parcours de même que les séquences de cheminement. Pour faciliter l’analyse, les parcours ont été tracés géographiquement sur la base d’une image satellite en plan, à partir des données du GPS (Annexe II). La morphologie des parcours individuels a été relevée et analysée sur la base de cette cartographie.

3.6.2.1

Analyse spatiale : étendue et formes des parcours

La morphologie des parcours concerne les caractéristiques liées à la forme des mouvements dans la ville. Pour les analyser, deux pistes ont été identifiées, l’étendue des parcours et les voies de circulation. La première a été mesurée sur la base d’une analyse cartographique de l’ensemble des cheminements. Les dix cheminements superposés ont permis de dégager les tendances générales de mouvements. Par exemple, ils ont permis d’y repérer les endroits de concentration et de dispersion des parcours. Par ailleurs, une carte du nombre de passages a été réalisée pour identifier les endroits qui étaient les plus investis et en revanche, ceux qui ne l’étaient pas.

L’analyse des voies s’inspire en partie de l’approche développée par Lynch (1976). Celui- ci a identifié cinq attributs physiques pour documenter l’image collective d’une ville : les voies, les limites, les quartiers, les nœuds et les points de repère (Lynch, 1976). Bien que la réalité apparaît plus complexe, cette perspective permet tout de même, en liaison avec d’autres méthodes d’analyse, d’explorer la composition spatiale de la ville. Dans la présente enquête, il faut dire que ce qui ressortait, de par la méthode employée, était le mouvement et la facilité et la difficulté de circuler dans la ville ainsi que la présence de limites spatiales. Les voies ont ainsi été identifiées dans l’analyse des cheminements pour aider à en comprendre la forme des parcours. Celles-ci sont un élément de structure majeure de l’organisation urbaine. Elles prédominent dans l’image que l’on se fait d’une ville (Lynch, 1976). De l’autoroute à la petite rue en cul-de-sac, elles forment le squelette de la ville. Pour les analyser, elles ont été déconstruites en : (1) axes principaux, (2) boucles, (3) voies secondaires, (4) culs-de-sac et (5) traverses. La superposition de ces 5 éléments a offert des indices intéressants sur la structure de la ville à partir du mouvement. Pour se faire, la superposition des tracés des parcours a été réalisée tout en portant une attention particulière à quelques passages d’entretiens qui faisaient référence à l’organisation de l’espace. Par ailleurs, un exercice de cartographie de la fréquence des passages a permis d’identifier les axes principaux et les axes secondaires.

3.6.2.2

Analyse temporelle : séquences et figures de cheminements

Mise à part l’analyse de la forme du mouvement, il convient également de comprendre les logiques qui dirigent les parcours. Pour ce faire, une double analyse a été effectuée sur les séquences et les figures de cheminement. Les séquences font référence à une suite ordonnée et chronologique de moments qui, en les juxtaposant, constituent le parcours. Les séquences ont été identifiées sur chaque parcours individuel et mises en commun par la suite pour évaluer s’il y avait des tendances similaires dans l’ordre chronologique des dix parcours. Cela permettait d’explorer si, par exemple, le fait de cheminer vers un lieu au début ou à la fin des parcours véhiculait un certain sens partagé. L’exercice a permis de dégager les tendances générales chez l’ensemble des résidants. En ce qui concerne les figures de cheminement, elles prennent appui sur la typologie proposée par Augoyard (1979) qui sont elles-mêmes inspirées des figures de style du discours (redondance, asyndète, symétrie). Les figures de cheminement, tout comme les figures de style de discours, sont une façon de s’exprimer, avec le mouvement plutôt que le récit. Les figures de cheminement proposées par Augoyard ont été adaptées et simplifiées en fonction des besoins de la présente analyse. S’en dégagent, par exemple, des figures telles que les retours, les bifurcations, les substitutions, les transitions, etc. (Tableau 4).

Tableau 4_Figures de cheminement de l’analyse des parcours (Source : Adaptée de Augoyard, 1979)

Pour interpréter les mouvements dans l’analyse des figures de cheminement, une attention particulière a été portée sur les discours par le biais d’une réécoute attentive de ceux-ci. En effet, les discours laissent souvent place aux logiques qui guident les cheminements des participants c’est-à-dire qu’il est arrivé souvent que les résidants

expriment leur logique cheminatoire en se parlant à soi-même, à voix haute ou en avisant la chercheure. Pour en donner un exemple, l’énoncé suivant permet de rendre compte à la fois d’un contournement à venir et d’une substitution: « Ah bien regarde on va pouvoir faire le tour mais là c'est particulier, le trafic, parce que le détour est ici » (R02 – 095). À partir de cet énoncé, il est possible de cartographier ainsi l’emplacement du contournement et d’une substitution occasionnée par un détour. Lorsque mises en commun, ces figures permettent de révéler les schèmes rythmiques et plus généralement les façons d’appréhender la ville par le mouvement.

Au final, l’analyse propose d’aborder deux différents types de données : les discours et les cheminements. Par l’étude des mots et des thèmes, elle vise à documenter les discours et à organiser les résultats de manière à dégager les manières d’aborder la ville de Saint- Bruno et ses lieux. L’analyse des cheminements, réalisée principalement à partir de la cartographie des tracés de parcours, permet à la fois de comprendre la forme et la logique du mouvement des habitants dans leur ville. Cette analyse vise à dégager les formes d’expériences spatiales qui appuient les discours, en fonction des regards et des mouvements des habitants.