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Formes et effets de la concurrence aux emplois de la recherche publique

Section 2. Epreuves, barrières d’entrée et concurrences dans la recherche publique

3 Formes et effets de la concurrence aux emplois de la recherche publique

Sur le chemin qui mène aux emplois permanents de la recherche publique, les épreuves se succèdent après la soutenance. C’est aussi durant le parcours scolaire, c’est-à-dire pendant la thèse que s’exerce la concurrence entre les prétendants. Ainsi, il existe des barrières d’entrée dans le champ que les doctorants doivent surmonter afin de réaliser leur projet professionnel. Ici, le poids du capital scientifique est déterminant. Les doctorants en tant qu’agents relativement dominés n’ont pas d’autres choix que d’accumuler certaines formes de capitaux scientifiques pour intégrer les emplois permanents. Cependant, ces capitaux sont rares et ne sont pas accessibles à tous.

a Le capital scientifique.

Le concept se définit difficilement alors qu’il prend une place prépondérante dans le champ de la recherche publique. Dans les travaux qui s’intéressent aux productions scientifiques, les publications sont le plus souvent citées. Pourtant, l’interprétation que fait Bourdieu du capital scientifique en fait un objet beaucoup plus complexe qui ne peut pas se résumer à ce simple output. En effet, le capital scientifique regroupe l’ensemble des productions, c’est-à-dire les actes, les méthodes, les publications, les procédures, les expériences de recherche… etc. La thèse en tant qu’acte de recherche en constitue une forme. Les méthodes utilisées et les concepts scientifiques mobilisés dans la thèse ne sont pas neutres et ils indiquent une prise de position permettant de se distinguer dans le champ. La façon dont se déroule la thèse, son financement, sa durée, les expériences de recherche endurées sont aussi des formes de capitaux. Bourdieu définit le capital scientifique de la manière suivante :

« un ensemble de propriétés qui sont le produit d’actes de connaissance et de reconnaissance accomplis par les agents engagés dans le champ scientifique et doté de ce fait

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des catégories spécifiques qui leur permettent de faire les différences pertinentes, conformes au principe de pertinence constitutif du nomos du champ. » (Bourdieu, 2002, p. 110)

ou encore c’« est une espèce particulière de capital symbolique, capital fondé sur la connaissance et la reconnaissance. Pouvoir qui fonctionne comme une forme de crédit, il suppose la confiance ou la croyance de ceux qui subissent parce qu’ils sont disposés à accorder crédit, croyance » (Bourdieu, 2002, p. 110).

Les productions scientifiques révèlent des prises de position qui permettent de se distinguer scientifiquement. Ainsi, « exister scientifiquement, c’est avoir quelque chose en plus selon les

catégories de perception en vigueur dans le champ, c’est-à-dire pour les pairs (“avoir apporté quelque chose”). C’est se distinguer par un apport distinctif » (Bourdieu, 2002, p. 110). Bourdieu poursuit :

« Dans l’échange scientifique, le savant apporte une “contribution” qui est reconnue par des actes de reconnaissance publique tels que notamment la référence comme citation des sources de la connaissance utilisée. C’est dire que le capital scientifique est le produit de la reconnaissance des concurrents (un acte de reconnaissance apportant d’autant plus de capital que celui qui l’accomplit est lui-même plus reconnu, donc plus autonome et plus doté de capital). » (Bourdieu 2002, p. 110)

La reconnaissance par les pairs s’avère importante car elle permet de délimiter les périmètres du champ lui-même. Comme l’indique Bourdieu :

« La reconnaissance par les pairs qui caractérise le champ tend à produire un effet de fermeture. Le pouvoir symbolique scientifique ne peut s’exercer sur le commun que s’il a été ratifié par les autres savants – qui contrôlent tacitement l’accès au “grand public”, à travers notamment la vulgarisation. » (Bourdieu, 2002, p. 113)

Dans cette perspective, les choix entrepris en début de thèse (sujet, corpus théorique, outils utilisés et directeur de thèse) sont primordiaux. Le choix du directeur de thèse, en tant que rapport entre un client et un patron, affirme aussi la reconnaissance scientifique par un pair, il est donc central. En effet, comme le rappelle Bourdieu en utilisant le concept de « visibility »,

« la valeur différentielle du capital scientifique s’exprime dans un nom propre connu et reconnu, distingue son porteur du fond indifférencié dans lequel se confond le commun des chercheurs anonymes. » (Bourdieu, 2002, p. 110).

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À l’instar du capital strictement universitaire, l’accumulation du capital scientifique est lente, prend du temps et les investissements des chercheurs :

« dépendent tant dans leur importance (mesurable par exemple en temps consacré à la recherche) que dans leur nature (et en particulier dans le degré de risque assumé) de l’importance de leur capital actuel et potentielle dans le champ (selon un processus dialectique qui s’observe dans tous les domaines de la pratique). » (Bourdieu, 2002, p. 110)

Conformément à la théorie, la structure du champ scientifique se caractérise par une répartition inégale du capital. Enjeux de lutte, sa distribution détermine le rapport de force entre les producteurs de science et leur position dans le champ. Ainsi « la maîtrise d’une quantité (donc

d’une part) importante de capital confère un pouvoir sur le champ, donc sur les agents moins dotés (relativement) en capital (et sur le droit d’entrée dans le champ) et commande la distribution des chances de profit. » (Bourdieu, 2002, p. 70). Les doctorants et les docteurs en

tant que nouveaux entrants dans le champ et relativement moins dotés en capital scientifique sont temporairement dans une position relativement dominée par rapport à d’autres agents du champ. Pour eux, selon leur position dans le champ, ils s’orientent vers des stratégies de succession (placements sûrs) ou de subversion visant à renverser l’ordre scientifique établi (placement infiniment plus risqué).

Pour les producteurs de science ayant une position relative dominante, les stratégies sont différentes puisqu’il s’agit de conserver une place dans le champ. En premier lieu, l’un des principes fondamentaux est d’imposer les barrières d’entrée dans le champ. En effet ils « sont

en mesure d’imposer, souvent sans rien faire de cela, la représentation de la science la plus favorable à leurs intérêts, c’est-à-dire la manière “convenable”, légitime, de jouer et les règles du jeu, donc de la participation au jeu. » (Bourdieu, 2002, p. 73) Dans ce sens, les producteurs

de science dominants

« imposent de facto comme norme universelle de la valeur scientifique des productions savantes les principes qu’ils engagent eux-mêmes consciemment ou inconsciemment dans leurs pratiques, notamment dans le choix de leurs objets, de leurs méthodes. Ils sont constitués en exemples, en réalisation exemplaire de la pratique scientifique, en idéal réalisé, en normes faites hommes ; leur propre pratique devient la mesure de toutes choses, la bonne manière de faire qui tend à discréditer les autres manières. » (Bourdieu, 2002, p. 124)

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En second lieu, cette stratégie ne suffit pas pour assurer leur position dominante, ils doivent aussi contrôler les organes de diffusion des biens scientifiques permettant ainsi de contrôler au mieux ces barrières à l’entrée du champ scientifique. Ainsi,

« l’ordre scientifique englobe l’ensemble des institutions chargées d’assurer la production et la circulation des biens scientifiques (revue scientifique, académie, prix… etc.) en même temps que la production et la circulation des producteurs (ou des reproducteurs) et des consommateurs de ces biens ; c’est-à-dire au premier chef le système d’enseignement. » (Bourdieu, 1976, p. 96)

Les stratégies visant à contrôler les organes de diffusion de la science permettent par « la

sélection qu’elles opèrent en fonction des critères dominants » de consacrer

« les productions conformes aux principes de la science officielle, offrant ainsi continûment l’exemple de ce qui mérite le nom de science, et exercent une censure de fait sur les productions hérétiques soit en les rejetant expressément, soit en décourageant purement l’intention de publication par la définition du publiable qu’elles proposent » (Bourdieu, 1976, p. 96)

Le système d’enseignement est

« seul capable d’assurer à la science officielle la permanence et la consécration en l’inculquant systématiquement (habitus scientifique) à l’ensemble des destinataires légitimes de l’action pédagogique et, en particulier à tous les nouveaux entrants dans le champ de production proprement dit. » (Bourdieu, 1976, p. 96)

Des stratégies entre agents relativement dominants ou dominés dans le champ découlent plusieurs propositions. Les premiers imposent des barrières d’entrée dans le champ de la recherche publique. C’est eux qui fixent les règles du jeu. Exiger des doctorants de financer leur thèse, de publier dans des revues à comité de lecture ou de connaître des expériences postdoctorales apparaît comme autant de barrières à l’entrée dans le champ. Pour les doctorants, ces critères s’imposent à eux dès lors qu’ils souhaitent faire carrière dans la recherche publique. De fait, la concurrence sur le chemin agit dès l’entrée en thèse puisque le poids du capital scientifique est important dans la réussite de carrière (Gemme et Gingras, 2006).

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b Barrières à l’entrée et chemin de dépendance aux emplois permanents de la recherche publique.

Quelles formes prennent les capitaux valorisables dans le champ de la recherche publique ? Ce qui se passe avant la soutenance c’est-à-dire pendant le parcours scolaire est primordial puisque certaines conditions de réalisation de la thèse favoriseraient l’entrée dans le champ de la recherche publique. Cependant, l’espace n’est pas homogène et uniforme, les chances d’accéder dans le champ sont liées à des caractéristiques intrinsèques et incorporées au champ. Développer ou avoir « un habitus scientifique » signifie que les agents agissent « conformément

à des intentions conscientes et calculées, selon les méthodes et des programmes consciemment élaborés » (Bourdieu, 2002, p. 78). La notion d’habitus dans le champ scientifique est

importante, car elle permet de comprendre pourquoi le champ n’est pas uniforme et surtout de saisir les différences disciplinaires.

En effet contrairement à la théorie mertonienne qui analyse les activités scientifiques, Bourdieu considère le champ scientifique comme un espace qui n’est pas unifié. Il existe des différences selon les espaces du champ que l’on peut réduire sous la dénomination de « sous-champ ». La structuration et le fonctionnement des aires diffèrent selon que l’on considère un laboratoire universitaire, un centre de recherche publique… etc. L’approche la plus unifiante et systématisante de cette proposition est de considérer les différences par disciplines. Bourdieu explique que la discipline est un élément structurant du fonctionnement de l’univers. En effet, « Chaque discipline (comme champ) est définie par un nomos particulier, un principe de vision

et de division, un principe de construction de la réalité objective irréductible à celui d’une autre discipline » (Bourdieu, 2002, p. 103). Ainsi, dans chaque spécialité, il existe un illusio différent,

le jeu, les enjeux et les croyances dans le jeu diffèrent selon le domaine d’appartenance. Comment caractériser les disciplines au sein du champ scientifique ? Les disciplines ont des frontières relativement strictes et identifiables. Une discipline :

« est définie non seulement par des propriétés intrinsèques, mais par des propriétés qu’elle doit à sa position dans l’espace (hiérarchisé) des disciplines. Parmi les principes de différenciation entre les disciplines, un des plus importants est l’importance du capital de ressources collectives qu’elle a accumulé, et, corrélativement, l’autonomie dont elle dispose à l’égard des contraintes externes, politiques, religieuses ou économiques. ». (Bourdieu, 2002, p. 131)

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« La discipline est un champ relativement stable et délimité, donc relativement facile à identifier ; elle a un nom reconnu scolairement et socialement (c’est-à-dire qui est présent notamment dans les classifications des bibliothèques comme la sociologie par opposition à la “médialogie” par exemple) ; elle est inscrite dans des institutions, des laboratoires, des départements universitaires, des revues, des instances nationales et internationales (congrès) des procédures de certification des compétences, des systèmes de rétribution, des prix. ». (Bourdieu, 2002, p. 128)

Les frontières entre disciplines sont à la fois bien proscrites, mais aussi poreuses avec d’autres puisque :

« Les frontières de la discipline sont protégées par un droit d’entrée plus ou moins codifié, strict et élevé, plus ou moins marqué, elles sont parfois l’enjeu de luttes avec des disciplines voisines. Il peut exister des intersections entre les disciplines, certaines, vides, certaines, pleines, qui offrent la possibilité d’extraire des idées et des informations d’un nombre et d’un éventail plus ou moins grand de source. » (Bourdieu, 2002, p. 130)

La structuration et le fonctionnement des disciplines diffèrent selon les relations qu’elles entretiennent avec d’autres espaces comme le champ économique. La place et les liens qu’entretiennent laboratoires universitaires et centres de recherche publics expriment aussi des différences disciplinaires importantes sur le fonctionnement des « espaces locaux » ou des « sous champs ».

Comment intégrer l’ensemble de ces éléments dans une théorie plus générale sur la transition de la thèse à l’emploi permanent de la recherche publique ? Les possibilités d’intégration des docteurs dans les différents emplois ne sont pas les mêmes. Ainsi, la plus ou moins forte présence de liens entre laboratoires universitaires avec des centres de recherches publics ou des acteurs du champ économique explique les différences d’options qui s’ouvrent aux docteurs au moment d’entrée sur le marché du travail.

Dans le champ scientifique, les doctorants se distinguent relativement les uns des autres par leurs caractéristiques individuelles (âge, sexe), leurs origines sociodémographiques (origines sociales), leurs trajectoires scolaires (au moment de l’entrée dans l’enseignement supérieur et après), mais surtout par leurs conditions de réalisation de la thèse. Ces conditions101 s’expriment aussi bien par des différences matérielles (financement) positions dans les institutions (appartenance à tel type spécifique de laboratoires ou d’institutions), la discipline de la thèse,

101 Nous aurons l’occasion de développer plus en détail ces aspects du parcours de thèse dans le chapitre 3 de cette

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mais aussi selon les outputs de la thèse (originalité et reconnaissance du travail, publications, durée de thèse… etc.). D’autres aspects, par exemple le choix de l’encadrant, sont systématiquement oubliés par la littérature. Ces différences dans les conditions de réalisation du doctorat vont conditionner les disparités de probabilités d’accès car elles sont identifiables à autant de barrières d’entrée dans l’espace.

Si ces conditions sont difficiles à contrôler lorsqu’on observe la transition de la thèse à l’emploi permanent dans la recherche publique, il apparaît des invariants uniformes à l’ensemble de l’espace qui dessinent un chemin de « dépendance » (David, 1985) résultant de la diffusion du modèle généralisé de la « tenure track ». Ainsi, malgré les différences disciplinaires qui caractérisent l’appartenance à un sous-champ, la présence au sein du chemin à épreuves du contrat doctoral, des publications et du postdoctorat semble maintenant déterminante.

Dans un article récent (Bonnard, Calmand et Giret, 2016), nous avons étudié l’importance des barrières dans l’accès aux emplois de la recherche publique grâce aux données de l’enquête « Génération 2004, interrogation en 2007 des sortants du système éducatif en 2004 » du Céreq. Si notre approche, à l’époque, était assez éloignée du cadre théorique du champ de Bourdieu, elle nous permet de mettre en évidence des éléments relatifs à la structuration de ce champ. Ce travail analyse l’accès aux emplois de la recherche publique, le rôle des conditions de thèse dans ce processus et plus particulièrement le poids d’un « habitus scientifique » développé très tôt dans les trajectoires scolaires des docteurs. L’habitus scientifique est approché par des informations sur le projet professionnel déclaré au moment du baccalauréat. Par des analyses économétriques « probit modèle bivarié », nous montrons que cette variable joue significativement sur le fait que les jeunes poursuivent en doctorat une fois avoir été diplômés de master. Cependant, en tenant compte des effets d’endogénéité relatifs aux caractéristiques individuelles de la population qui déclare ce projet au moment du baccalauréat, nos estimations illustrent que, finalement ce projet n’a pas d’effet sur la poursuite ou non en doctorat. Ici, ce sont plutôt les variables sociodémographiques et les parcours scolaires qui jouent fortement sur l’accès au doctorat et l’accès aux conditions de thèse permettant l’intégration dans les emplois de la recherche publique. En 2004102, ce sont les jeunes ayant une origine sociale favorisée

(parents cadres), des parcours scolaires méritants (mention au baccalauréat, passage par une classe préparatoire) et universitaires (passage par une licence et M2 universitaire) qui ont le

102 Nous verrons dans le troisième chapitre de cette thèse que ces résultats peuvent être relativisés en adoptant une

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plus de chances d’avoir des conditions de réalisation de thèse valorisées dans l’accès aux emplois de la recherche académique.

Figure 13 : Le chemin à épreuves pour l’accès aux emplois permanents de la recherche publique

C’est dans cette perspective que cet article apporte une contribution intéressante sur le sujet. En contrôlant les différences disciplinaires, les analyses concluent qu’il existe des invariants considérés comme des barrières d’entrée dans l’espace particulier des positions de la recherche publique. Ils sont généralisés à l’ensemble du champ. En contrôlant la probabilité d’accès à l’emploi des docteurs grâce à un modèle à double sélection, nous montrons que les docteurs qui ont eu accès aux contrats doctoraux, qui ont publié pendant leur thèse et qui ont effectué un séjour postdoctoral ont « toutes choses égales par ailleurs » plus de chances d’accéder dans les trois années qui suivent la soutenance de thèse aux emplois du champ scientifique de la recherche publique mais surtout de manière permanente. A la suite de l’ensemble de ces éléments, nous pouvons améliorer le schéma qui représente le chemin à épreuves aux emplois permanents de la recherche publique (cf. Figure 13 : Le chemin à épreuves pour l’accès aux emplois permanents de la recherche publique

c Concurrence, tensions au cours du chemin à épreuves.

Le poids du capital scientifique est central dans les poursuites de carrières dans la recherche publique. Il est rare et inégalement réparti entre les doctorants dans les débuts de carrières. Avant, pendant et après la thèse, une concurrence accrue s’exerce pour l’accès à ce capital scientifique. Inscription en thèse Accès au financement contrat doctoral Publications dans des revues à comité

de lecture Soutenance de thèse Expériences posdoctales Epeuves d'après thèse relatives à l'accès à l'emploi permanent dans la recherche publique : concours, recrutements ..etc.

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Dès le début de la thèse, les doctorants qui souhaitent intégrer la recherche publique doivent accéder au financement adéquat c’est-à-dire le contrat doctoral. C’est donc une véritable sélection qui s’opère puisqu’il constitue une ressource rare, son nombre est encadré et limité, il y a plus de prétendants que d’élus. Les vainqueurs de cette première étape sont placés dans les meilleures dispositions pour arriver le plus rapidement au bout du chemin. Ainsi, pour Moguérou (2003), le monitorat (accessible aux docteurs financés), par exemple, demeure un outil de sélection des individus jugés plus aptes par l’université à mener une carrière académique. Dans la même veine, selon Soulié (Soulié, 1996), les moniteurs sont désignés comme « les meilleurs », ils se retrouvent en situation de « poulain » d’un « mandarin ». Le critère de sélection se traduit dans les modalités d’accès aux financements institutionnels, les futurs doctorants sont obligés de préparer un dossier de candidature, ils passent des entretiens, ils sont évalués sur leur parcours scolaire d’avant la thèse.

Le poids de la concurrence et les tensions qui s’expriment pendant la thèse s’exercent dans l’injonction à publier et donc à attester de productions scientifiques pendant la thèse. Les publications scientifiques sont primordiales dans l’accès aux carrières de la recherche publique. Les analyses de Bonnal et Giret (2009) constatent les mêmes résultats et le fait d’avoir publié pendant sa thèse augmente les chances d’arriver plus rapidement à la stabilisation dans la recherche académique. Ces résultats confirment aussi ceux de Merton avec le concept de « visibility » qui considère que les publications seraient le moteur des promotions et récompenses des activités de recherche. Cependant une pression s’exerce autour de l’injonction à publier pendant la thèse qui peut être résumée par le slogan « publish or perish » apparu à la fin des années 1990 (Toft et Jaeger, 1998). Laetitia Gérard développe comment, au fil du temps, la signification de cette expression a évolué. Initialement, ce slogan désignait « qu’une

recherche qui ne faisait pas l’objet d’une publication (publish) était une recherche perdue pour la science (perish) parce qu’il n’y avait pas eu de partage de résultats » (Gérard, 2014, p. 53).

De nos jours, selon Gérard, il signifie plutôt que « l’absence de publications (publish) peut