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La formation à Sonatrach : un outil de transfert de technologie

Chapitre V. L’entreprise SONATRACH: un instrument étatique de transfert de technologie

5.2.2 La formation à Sonatrach : un outil de transfert de technologie

Durant le processus d’industrialisation de l’Algérie, la formation technologique a constitué un outil accompagnateur d’un processus. Pour Sonatrach, cela s’est concrétisé à travers l’IAP, Institut algérien du pétrole, créé le 29 Novembre 1965, par le décret présidentiel n° 65-269. Cet institut est né suite aux insuffisances du système éducatif supérieur de l’époque conjuguées à l’important essor du développement économique. Cet institut a été mis sous la tutelle du ministère de l’industrie et de l’énergie, et a eu pour mission :

- La formation professionnelle supérieure des ingénieurs

- La formation Industrie par le perfectionnement et le recyclage des ouvriers qualifiés et la maitrise.

- La recherche scientifique et technique dans le domaine l’exploration, l’exploitation des gisements et la transformation des hydrocarbures.272

L’IAP est une structure de formation pour développer les compétences et permettre la réalisation des performances de la ressource humaine technique de Sonatrach. Cet institut constitue, selon Chakib Khelil273, un lieu de capitalisation et

du transfert du know-how et des expériences nécessaires au développement et à la pérennité des entreprises du secteur de l’énergie274, donc c’est un moyen

d’accumulation et de valorisation des acquis de ce secteur. Sur le plan de la réalisation, cet institut, à la fin de 2013, avait formé 3300 ingénieurs 12500 techniciens supérieurs dans une vingtaine de spécialité Oil et Gaz275. La formation

272 Pour ces détails, on s’est référé au JORADP n° 99 du 03 décembre 1965 p1160, 1161, au site de l’IAP, www.iap.dz, le 13/06/2016, et à « Corporate brochure IAP 2003 ».

273 Chakib Khelil a été ministre de l’énergie et des mines de novembre 1999 à Mai 2010 et PDG par intérim de Sonatrach de mai 2001 à mai 2003.

274 Déclaration de Chakib Khelil, lors de l’inauguration du séminaire sur « L’expertise pétrolière », 26 juin 2006 à l’hôtel Mercure, Alger. In revue Energie et Mines, n° 6, p215. Novembre 2006.

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dispensée à l’IAP est, à ce jour, considérée comme une formation solide ; les cadre diplômés de cet institut technologique se sont vus plus tard occuper des responsabilités clés au niveau du secteur énergéticien en Algérie, et d’autres ont fait l’objet du phénomène de fuite de cerveaux et de transfert inverse de technologie vers les pays du Golf et des entreprises multinationales pétrolières de par le monde entier.

En se référant aux catalogues de formation et de séminaire de l’IAP et aux discours politiques et managériaux, on constate que :

- cet institut est inscrit dans une logique de formation pointue, et non pas dans un enseignement en général ;

- cet institut est au diapason des dernières méthodes de formation et des connaissances techniques des métiers cœurs et supports liés à l’exercice du domaine du pétrole et du gaz ; des techniques visent essentiellement le transfert du savoir-faire et tours de main et leur appropriation par l’apprenant dans son poste de travail, et ce en vue d’une meilleure performance par la contribution individuelle.

- Cet institut en tant que structure de formation pour le secteur de l’énergie en Algérie en général, et pour Sonatrach en particulier considère que l’homme est au cœur du transfert de savoir-faire par l’assimilation des méthodes, des process, des systèmes et des démarches liées aux changements techniques, fonctionnels et réglementaires que connaissent les métiers techniques du domaine pétrolier et gazier.

Le processus Formation constitue un élément de base de gestion de carrières, de la mobilité professionnelle pour les personnels d’une part, et une capitalisation de know-how pour l’entreprise d’autre part, permettant à cette dernière (l’entreprise)

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d’adopter, d’exploiter et de maîtriser les techniques et technologies afin d’être en phase avec l’environnement socio-économique national et international.

A titre d’exemple, Sonatrach, comme beaucoup d’autres grandes compagnies pétrolières et gazières internationales, consacre 5 à 6% de la masse salariale au volet Formation. Ce volet représente presque 40 millions de dollars par an276, et ceci afin

d’être en phase avec l’évolution technique et technologique sur le plan mondial. Pour cela, on s’est intéressé à la revue de littérature de cette entreprise pour savoir la place de la formation dans la politique de l’entreprise.

Le discours politique et celui de la gouvernance et du management stratégique de cette entreprise en témoigne : « (…) Les objectifs de ce séminaire

ainsi que les thèmes qui y seront développés se situent au cœur de nos

préoccupations car les ingénieurs et les spécialistes que vous formez seront nos futurs cadres et dirigeants. De la qualité de leur formation et des connaissances qu’ils acquièrent dépendra leur capacité à diriger ces ‘’ensembles humains complexes’’ que sont devenues aujourd’hui les entreprises »277. Ce discours de

Chakib Khelil lors du 1er séminaire régional nord-africain sur les sciences de l’ingénieur et l’enseignement en Technologie tenu à 23 septembre 2003 s’adressant aux acteurs de la formation supérieure et technologique présents à l’USTHB278, démontre la place centrale qu’occupent l’ingénieur et le technicien

dans la mise en œuvre des politiques industrielles, et notamment le volet de l’assimilation et de maitrise technologique.

276 Ce chiffre a été avancé par Mohamed MEZIANE en 2008. Source journal de l’ENTP, n° 72, juillet 2008, p44.

277 Allocution de Chakib KHELIL, ancien ministre de l’énergie et des mines, lue par son Secrétaire général Fayçal ABBAS. Consulté sur www.mem-gov.org, juin 2016.

278 Université des sciences et de la technologie Houari BOUMEDIENE, d’Alger. Cette université a été créée par l’ordonnance 74-50 du 25 Avril 1974 et a porté le nom du défunt président algérien en 1980 par le décret présidentiel n° 80-04 du 05 janvier 1980. Pour plus de détails, on peut se référer au JORADP n° 02, 1980, p19.

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La formation continue constitue un sub-processus important de la gestion des ressources humaines, et un outil stratégique de la politique de management des entreprises industrielles. Elle représente un investissement et axe de

développement pour améliorer et faire acquérir les qualifications et les

compétences techniques aux travailleurs ; ces derniers sont considérés comme un capital précieux et une principale richesse de toute organisation dans le monde.

Selon les déclarations de M. Noureddine Cherouati, PDG du groupe Sonatrach, lors de la Conférence de presse animée au forum d’El Moudjahed, le 25 janvier 2011 :

« Les actions entreprises en matière de ressources humaines ont été poursuivies en 2010 par le renforcement de la formation et la préparation de la relève…en matière de formation 18000 agents ont été formés soit 37,5% du total effectif permanent avec 2800 actions de formation réalisées. 2100 agents ont reçu des formations qualifiantes des organismes et centres de recherche de Sonatrach. Les formations dans les fonctions cœur de métier représentent plus de 50% des réalisations 2010. Elles concernent principalement les perfectionnements dans la sécurité et la maintenance industrielle. Plus des 2/3 des formations ont été réalisées au niveau des organismes internes : IAP, CPE279 et NAFTOGAZ280 et les centres de

formation des activités »281.

Ces organismes internes ; instituts et centres constituent des lieux de capitalisation du savoir et du savoir-faire technologiques pour Sonatrach au vu des formations qui y sont développées, mises à jour et dispensées par des enseignants

279 Centre de perfectionnement de l’entreprise, structure de l’entreprise Sonatrach, créée en 1987 avec pour mission l’implémentation des stratégies RH dans les domaines de management des RH et de la communication, management industriel et HSE, management et gestion des SI, économie, finance, droit, fiscalité et langues. Le CPE est rattaché actuellement à la direction de l’institut algérien du pétrole.

280NAFTOGAZ fût le centre de développement et de l’application des techniques pétrolières et gazières, crée le 07 juillet 1990 sur le site du centre régional Hassi Messaoued de l’IAP dont il constitue la branche Sud depuis 1967. Il a débuté ses activités à compter du 1er janvier 1991 en tant que société SPA dépendant des actionnaires suivants : Sonatrach 45%, ENTP 20%, ENSP 15%, ENAFOR 15%, ENAGEO 5%...Après l’assemblée générale du 11 Avril 2005 Naftogaz devient une filiale 100% du groupe Sonatrach. En 2012, Naftogaz a connu une décision de sa dissolution, ainsi les activités de ce centre ont été rattachées à l’IAP- Corporate university.

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chercheurs, par des experts du secteur des hydrocarbures et des scientifiques des universités et du monde académique.

En s’intéressant, durant toute cette période de notre recherche, aux efforts consentis par l’entreprise industrielle Sonatrach, les chiffres montrent que le perfectionnement et la spécialisation du personnel est une préoccupation permanente et capitale de la Sonatrach. A titre d’exemple, durant l’exercice 2013, 34% de l’effectif permanent de l’entreprise Sonatrach a bénéficié des actions de formation, réalisées principalement au sein des instituts de formation de la Compagnie.282. Selon le Rapport annuel de Sonatrach, le volet Formation de l’année

2013 a fait ressortir que 79% des actions de formation ont été réalisées en interne ; donc au niveau des centres et instituts de la compagnie, recensant 25 895 participations dont 20 578 au niveau des centres rattachés à Sonatrach.283, soit 5317

qui ont été formés dans des organismes extra-Sonatrach.

Pour Mohamed Meziane284, Ancien PDG du groupe Sonatrach, la formation

est un volet capital qui permet à l’entreprise de s’inscrire dans une logique d’apprentissage et de perfectionnement continus. Cela s’affiche dans ses nombreux discours :

« Nous avons en effet besoin, dans l’industrie pétrolière, d’intégrer très vite

les méthodes, les outils et les modes d’organisation modernes qui favorisent et accélèrent l’acquisition des connaissances, leur capitalisation, leur partage et leur transmission. C’est l’une des voies cardinales pour assurer la maitrise

grandissante de nos métiers dans un contexte où la science et la technologie enregistrent des avancées fulgurantes. Nous constatons chaque jour qu’elles sont le fondement de la compétitivité des entreprises. Nous comptons beaucoup, par ailleurs, sur les capacités de notre groupe, de notre secteur et sur celles des autres

282 Consulté sur le sur le site de Sonatrach, www.sonatrach.dz, le 17 juin 2016. 283 Rapport annuel Sonatrach 2013, p41

284 Mohamed MEZIANE, ancien Président-Directeur Général du groupe Sonatrach, d’octobre 2003 à décembre 2009.

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domaines d’activité nationale pour que l’essentiel des formations soit assuré en Algérie par nos propres moyens ou en partenariat »285.

Dans ce discours, on comprend qu’à l’instar des entreprises multinationales, Sonatrach est très consciente de cet aspect du transfert de technologie, et que l’objectif est l’apprentissage et l’assimilation rapide à travers le transfert de savoirs faires dans le cadre des opérations de type formation-action. Toutes ces actions visent préparation de la relève des acteurs l’entreprise,

« (…) Les budgets consacrés à la formation des personnels sont en augmentation

régulière et le niveau des qualifications techniques et de gestion du plus grand nombre s’améliore. Des travailleurs et des cadres de plus en plus nombreux en bénéficient »286.

De par la lecture des différents discours du président-directeur général de Sonatrach, nous percevons que durant la conjoncture 2003-2009, la formation orientée vers l’action et la qualité a été le mot d’ordre de cette compagnie, et que la volonté de son top management a été explicitement traduite sur le terrain par des résultats concrets.

Pour Younes HEGUEHOUG287, Directeur Coordination Groupe Ressources

Humaines,

« Sonatrach doit aujourd’hui former dans des délais courts et avec la qualité requise comme le font certaines écoles de renom : un ingénieur peut être spécialisé en trois mois ou trois mois et demi »288.

285 Allocution de Mohamed MEZIANE lors de l’ouverture de la sixième édition de l’Inforum de Sonatrach sous le thème « les techniques et les technologies de la formation en entreprise », 09 et 10 Avril 2007, Hôtel Sheraton Oran, in Revue Aval-Sonatrach n° 04, p26

286 Allocution prononcée par Mohamed MEZIANE, lors de la cérémonie du 38ème anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février 2009.

287 Younes HEGUEHOUG, ancien directeur coordination groupe Ressources humaines et communication du groupe Sonatrach, entre 2011 et 2015.

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Cette pratique de spécialisation est très répandue chez les entreprises multinationales, à titre d’exemple la société « General Electric GE » assure des formations dans des domaines de spécialités pointues à ses nouvelles recrues dans ses écoles situées aux états unis. Ces employés bénéficient de ces acquis

nécessaires à leurs postes de travail, et ces acquis seront par la suite directement valorisés une fois l’employé affecté à son poste de travail, donc l’enjeu réside dans la capitalisation et la valorisation des acquis. La capitalisation au niveau de ces sociétés multinationales est valorisée même après le départ des travailleurs, et ce à travers des contrats « free-lance » pour les anciens travailleurs engagés par ce type de contrats.

A Sonatrach, la politique de formation adoptée par la direction générale se concrétise par des volumes de 120.000 semaines de formation au niveau du groupe (avec les filiales) et à 40 à 50.000 semaines pour Sonatrach en tant qu’entreprise (Données 2009)289. La politique de formation été déclinée au niveau des activités

et divisions de Sonatrach. Pour l’activité Aval, la formation est une mission qui a été dédiée à une structure créée en son sein à savoir le département « Formation » ; les données avancées reflètent l’importance du volume des budgets consacrés aux catégories socioprofessionnelles de Sonatrach.

Cet engagement au profit du développement de la ressource humaine n’est pas un phénomène nouveau dans la politique de Sonatrach. En effet, vingt-ans avant, pendant le processus de Modernisation de Sonatrach, Abdelhak Bouhafs, Ancien PDG de Sonatrach, s’exprimant à l’époque sur ce processus avançait :

« …Notre ambition est que Sonatrach soit demain un groupe pétrolier

international et c’est pour cela qu’on a conçu un programme ambitieux mais dont

289 In Extrait de la lettre du vice-président Aval Abdelhafid FEGHOULI, « un développement basé sur les ressources humaines », in Catalogue Formation 2009 de l’activité Aval, p4

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la principale ambition est d’être concrétisé et de viser à travers sa réalisation à : - Valoriser les Ressources humaines actuelles, les mettre à niveau et leur assurer des perspectives réelles de développement de carrières. J’insiste particulièrement sur l’audace et l’imagination dont on doit faire preuve en matière de formation des hommes »290.

Incontestablement, la volonté et l’ardeur du top management de cette compagnie à cette époque, avaient pour objectif de remédier au vieillissement des cadres et à la perte de l’expertise technique. Ces cadres commençaient à partir en retraite ou dans d’autres pays notamment dans les pays du Golf ; ce phénomène appelé « le transfert inverse de technologie » s’est trop développé durant la décennie 1990-2000 et a contribué à une dés-accumulation technologique à Sonatrach et dans d’autres secteurs industriels et académiques du pays. A cet époque, l’Algérie vivait un contexte d’instabilité politique caractérisée essentiellement par le terrorisme et la violence sur le plan de la sécurité du pays, et par les retombées de la crise du pétrole de 1986 ainsi que les effets des programmes d’ajustement structurels et de leur conditionnalités engagées suite à l’endettement auprès du fonds monétaire international.