• Aucun résultat trouvé

La formation et la matérialisation du contrat de transport aérien de personnes

Une enquête de la DGAC a relevé que 85% des passagers aériens avaient acheté leurs billets en ligne. Ces nouvelles technologies ont profondément modifié la formation du contrat de transport aérien de personnes (1§). Mais au-delà, il a mis fin à l'existence matérielle du billet

457 Koffi Mawunyo AGBENOTO, Le passager, un nouveau consommateur ? , Petites affiches, 16 mai 2011 n° 96, p.5

458 Philippe DELEBECQUE, L'évolution du transport de passagers, Mélanges Études offertes à Geneviève VINEY Liber amicorum, LGDJ 2008, p.309.

de passage, pour laisser place au E-billet (2§).

1§ La formation du contrat de transport aérien de personnes à l'épreuve des nouvelles technologies

Généralités : le contrat de transport aérien de personnes est consensuel

Cette phase de formation du contrat de transport aérien de personnes n'a pas été réglementé ni par la Convention de Varsovie, ni par la Convention de Montréal, ces dernières ont seulement posé quelques exigences concernant le titre de transport. Il convient également de relever que le droit communautaire dérivé n'est pas venu remplir ce vide juridique. On se trouve de nouveau face à une absence d'uniformisation. La formation du contrat de transport aérien est régie par la loi nationale qui est elle même désignée par la règle de conflit. En France la règle de rattachement en matière de formation du contrat est la loi du lieu de conclusion du contrat. Dès lors, la loi française sera compétente pour régir la formation de tous les contrats de transports aériens de personnes qui sont conclus en France. Il convient également d'ajouter que la règle de rattachement est fixe quelle que soit la nature du contrat de transport, c'est-à- dire, qu'elle couvre aussi bien les contrats de transports internes et internationaux460.

Le contrat de transport est « purement consensuel », c'est la première chose à mettre en avant pour cerner sa formation selon René Rodière461. Que faut-il entendre par « consensuel » ?

Les contrats consensuels se concluent par le seul accord des volontés des parties, il n'y a pas besoin de formaliser cet accord par un acte solennel462.

Marcel le Goff estime que c'est la remise du billet qui forme le contrat de transport entre la compagnie aérienne et le voyageur463. Cet analyse porte néanmoins une entorse au principe

de consensualisme avec l'exigence de remettre un billet de passage. L'article 46 de la loi du 31 mai 1924 prévoyait que le contrat de transport doit être constaté par la délivrance d'un billet464.

En effet, les conventions internationales ont accordé peu d’intérêt à la formalisation de l'accord des volontés entre le transporteur aérien et le passager.

Le contrat se forme instantanément par la simple rencontre de l'offre et d'une acceptation465.

460 Léopold PEYREFITTE, op., cit, n°7.

461 René RODIERE, Barthélémy MERCADAL, Droit des transports terrestres et aériens, Précis dalloz, 5ème éd., p.401.

462 Philippe MALAURIE, Laurent AYNES, Philippe Stofefel-Munck, Les obligations, droit civil, op., cit, p.216, n°424.

463 Marcel LE GOFF, Manuel de droit aérien, tome 2 droit aérien privé, Dalloz 1961 p.79 464 Ibid.

C'est la conception qui a été retenue par les rédacteurs des conventions.

Le transporteur aérien est en état d'offre permanente à l'égard du public, le contrat se forme au moment où le passager demande et obtient son billet au guichet de la compagnie466.

Aujourd'hui, la réalité est toute autre, la rencontre des volontés est virtualisée, l'offre permanente du transporteur aérien s'affiche et se renouvelle sur la toile. Le passager n'a plus qu'à faire une étude comparative des prix par le biais des comparateurs de recherche et il choisit la meilleure offre, au meilleur prix.

Les parties en présence sont bien évidemment le passager et le transporteur, mais sur internet, elles vont disposer d'une qualification supplémentaire. La virtualisation des parties lors de la formation du contrat de transport aérien de personnes donne au passager une autre étiquette, celle d'un cyberacheteur, et le transporteur aérien devient un cybervendeur (A). Le billet de passage formalise le contrat de transport, il est important de comprendre comment certains usages ont été affectés par les nouvelles technologies (B).

A. Les parties en présence : le passager un cyberacheteur, le transporteur un cybervendeur

Le contrat de transport aérien de personnes est conclu entre deux parties, contrairement au contrat de transport aérien de marchandises. Donc on se trouve dans un schéma contractuel classique.

1. Le passager aérien, face au contrat conclu à distance

Nous avions vu précédemment que le passager a été mis au rang de consommateur par la Convention de Montréal, le droit communautaire ainsi que la doctrine. Maintenant, il s'agit de s’intéresser à la qualification effective du passager aérien comme un consommateur lors de la formation du contrat de transport sur internet. En effet, la question de la formation du contrat de transport est soumise au droit national.

Il convient dès lors de vérifier si le passager aérien est un consommateur effectif au regard des exigences nationales et communautaires en matière de droit de la consommation. Car il s'agit de savoir si nous sommes face à un contrat de consommation afin d'assurer la protection du consommateur lors de la formation du contrat de transport.

Le droit interne français n'a pas donné de définition du consommateur, il faut se référer aux directives communautaires. Selon la directive n°97/7/CE du Parlement européen et du conseil du 20 mai 1997, le consommateur est celui qui contracte avec le professionnel « à des fins qui

n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ». Le passager aérien utilise ce

moyen de transport à des fins multiples, il peut être amené à le prendre pour son activité professionnelle. Cette définition porte un coup à l'image du passager aérien consommateur consacré par la politique communautaire.

Il est difficile de séparer les passagers qui voyagent pour des raisons personnelles de ceux qui le font dans un cadre professionnel.

Si on suit ce raisonnement, le passager qui voyage pour des raisons professionnelles doit être considéré comme un professionnel. Cette analyse est beaucoup trop rigoureuse et ne convient pas en raison de la spécificité du transport aérien de personnes. Certes, les passagers sont des personnes physiques mais pour autant ils ne peuvent réclamer tous la protection du droit de la consommation en matière de formation du contrat de transport aérien.

Qu'en est-il pour le cas du contrat qui est formé par internet, le passager est-il en mesure de demander les protections relatives aux contrats conclus à distances ?

Aujourd'hui, les passagers aériens utilisent généralement internet pour acheter des billets en ligne. Une fois de plus nous constatons que le droit communautaire n'est pas intervenu pour intégrer cette nouvelle pratique. L'intégration d'internet dans la formation et la conclusion du contrat de transport est une cause de complexité supplémentaire pour les droits des passagers. Le passager aérien devient un cyberacheteur, mais devient-il un cyberconsommateur pour autant ?

C'est une des questions qu'il convient de résoudre, car si le passager aérien ne peut pas toujours bénéficier du droit de la consommation physique, peut-il disposer d'une protection du fait qu'il est sur internet ?

L'article L121-16 du code de la consommation définit le contrat conclu à distance comme « toute vente de bien ou toute fourniture d'une prestation de service conclue, sans la présence

physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel, qui par la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance ».

Au regard de cette disposition, le passager aérien français qui est une personne physique et qui achète un billet pour ses vacances personnelles, est en droit de revendiquer la protection du droit de la consommation en matière de formation du contrat électronique. Il convient de

s’intéresser au comportement du transporteur aérien sur la toile.

2. Le transporteur aérien face à son obligation d'information

a) L'obligation d'information pré-contractuelle du transporteur aérien au regard de sa position de cyberprofessionnel

Au regard de l'article 1369-1 du code civil : « Quiconque propose, à titre professionnel, par

voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction ».

Le transporteur aérien propose des prestations de services en ligne, il agit à titre professionnel et par voie électronique. Donc, il est tenu à une obligation d'information pré-contractuelle compte tenu de son activité numérique.

Elle trouve sa source au regard de la législation sur les contrats à distances, c'est-à-dire sur le fondement de la directive n°97/7/CE, mais également sur le fondement de la directive sur le commerce électronique, qui a été transposée en droit français avec la loi du 21 juin 2004 sur la confiance numérique.

Le transporteur doit fournir des informations générales sur son identification, ses coordonnées afin que les acheteurs éventuels puissent entrer en contact avec le prestataire de service. Le transporteur agissant sur internet a une obligation d'information quant au prix, en effet l'article 5-2 de la directive 200/31/CE exige que « les services de la société d'information

mentionnent les prix de manière claire et non ambiguë et doivent préciser notamment si les taxes et les frais de livraison sont inclus ».

Cette disposition est particulièrement intéressante du fait que les compagnies aériennes, les intermédiaires et les comparateurs de prix n'hésitent pas afficher les prix sans les taxes aéroportuaires. Idem concernant les billets d'avions sur les compagnies low-cost qui présentent un prix qui ne contient aucune information quant à la possibilité ou non d'avoir un bagage en soute.

Le transporteur est donc tenu de décrire l'intégralité du billet en raison de son prix : c'est-à- dire avec ou sans les taxes aéroportuaires, avec ou sans les frais de cartes bancaires, avec ou sans les bagages en soute, avec ou sans option speeding-board ( c'est-à-dire que le passager n'attend pas après avoir accompli les formalités de police aux frontières ).

aériennes, qui ont multiplié les formules à l'infini. Nous pouvons néanmoins regretter qu'il n'y ait pas eu d'intervention de la Commission européenne dans cette phase pré-contractuelle en matière de vente de vols dit « secs » par les compagnies aériennes.

La Commission européenne va intervenir sur la vente des voyages à forfait qui sont toujours soumis à la directive de 1990 sur les voyages à forfait. Les dispositions sont obsolètes compte tenu des nouvelles exigences numériques, mais également des vacanciers. Le communiqué de la Commission européenne constate que ces consommateurs réservent un nombre croissant de forfaits personnalisés en ligne (que ce soit auprès d'un professionnel particulier ou de plusieurs professionnels liés par un partenariat commercial)467, ce qui a pour conséquence de

ne pas clarifier les obligations de chacune des parties. Cette situation laisse les acheteurs dans l'incertitude quant à la protection dont ils peuvent bénéficier et les professionnels dans le doute quant à leurs obligations.

Nous souhaitons une intervention similaire pour les ventes de vols « secs » par les transporteurs aériens eux-mêmes. Car l'abondance des offres et la spécificité du contrat de transport aérien de personnes et l'absence de disposition propre à sa formation sur internet, sont autant d'éléments qui doivent conduire la Commission européenne à remédier à ce vide juridique, comme elle semblerait le faire pour les voyages à forfait. Il convient de rappeler que la directive sur les voyages à forfait ont été un prélude à l'amélioration du droits des passagers.

Dans l'attente d'une obligation d'information adaptée à l’ère numérique, le transporteur reste soumis à une obligation d'information spécifique à son activité.

Le droit à l'information sur les conditions mêmes de transport est possible sur le fondement de l'article L.111-1 du code de la Consommation dans le cas d'un passager qui a acheté son billet au comptoir d'une compagnie aérienne ou d'une agence de voyage. En effet, l'article dispose que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit avant la conclusion

du contrat mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service »468. La notion de prestation de service est suffisamment large pour

pourvoir y intégrer le transporteur aérien. La jurisprudence française a appliqué cet article à une multitude de contrats tel que le contrat de location de voiture469. La doctrine française a

mis en avant que l'obligation d'information devait porter sur les caractéristiques essentielles du contrat de vente ou la description détaillée de la prestation de services470. De plus, c'est au

467 La Commission agit en faveur des droits des consommateurs de 120 millions de vacanciers, Commission européenne Communiqué de Presse, IP : /13/663 du 09 juillet 2013, http://europa.eu/rapid/press

468 Philippe DELEBECQUE, L'évolution du transport de passagers, op., cit.

469 Guy RAYMOND, Droit de la consommation, coll. Litec professionnels droit commercial, 2008, p.192, n°389.

professionnel de faire la preuve qu'il a bien rempli son obligation d'information et non au consommateur.

Nous constatons que le passager reste relativement bien protégé par le droit commun des contrats, notamment par le droit de la consommation en matière d'obligation d'information pré-contractuelle.

b) L'obligation d'information pré-contractuelle spécifique du transporteur aérien

Tous les transporteurs aériens proposant leurs services au sein de l'Union européenne ont une obligation d'information à l'égard de leurs passagers. L'article 6 du règlement n°2027/1997 modifié a instauré une obligation d'information spécifique aux passagers aériens de la communauté.

Il convient de signaler que cette obligation concernent tous les transporteurs aériens qui proposent leurs services sur le territoire de l'Union européenne sans exception.

Le contenu de l'obligation d'information est très détaillé par le règlement, elle consiste en la mise à disposition des passagers d'un résumé « des principales dispositions régissant la

responsabilité pour les passagers et leurs bagages, notamment les délais prévus pour intenter une action en indemnisation et la possibilité de faire une déclaration spéciale pour les bagages ».

Ce résumé doit pouvoir être disponible à l'intention des passagers à tous les points de vente, y compris la vente par téléphone ou par internet. Par ailleurs, ce résumé est très formalisé car le règlement a mis en annexe un modèle auquel les compagnies aériennes devront se conformer. La seconde partie de l'obligation d'information pré-contractuelle du transporteur aérien s’intéresse aux limitations de responsabilité. Chaque passager pour chaque vol doit connaître les limitations de responsabilité pour chacun des types de dommages, c'est-à-dire « la limite

applicable pour le vol concerné à la responsabilité du transporteur en cas de décès ou de blessure, si une telle limite existe, la limite applicable pour le vol concerné à la responsabilité du transporteur en cas de destruction, perte ou détérioration d'un bagage ainsi que l'avertissement que tout bagage dont la valeur est supérieure devrait être signalé à la compagnie aérienne au moment de l'enregistrement ou être assuré entièrement par le passager avant le voyage, la limite applicable pour le vol concerné à la responsabilité du transporteur en cas de dommage occasionné par un retard »471.

Pour les compagnies aériennes qui ont fixé des plafonds supérieurs à ce qui est prévu par les

textes, elles devront également le mentionner dans le cadre de cette obligation d'information pré-contractuelle.

Cet article est le seul à instaurer une obligation d'information pré-contractuelle du transporteur aérien, ce qui est très regrettable compte tenu du flux toujours croissant des passagers aériens. De plus, cette disposition reste très inaboutie dans la mesure où le règlement ne prévoit pas de sanction en cas de manquement à cette obligation pré-contractuelle d'information.472

Par ailleurs, il convient de relever que cette obligation d'information pré-contractuelle se trouve en réalité donnée au passager une fois le contrat conclu. Le contrat de transport aérien de personnes est matérialisé par le billet de passage, c'est-à-dire à la délivrance d'un titre de transport473.

B. La fonction du billet de passage ; la matérialisation du contrat de transport aérien

1. La conception traditionaliste du billet de passage :

a) La double fonction probatoire du billet de passage

Les auteurs de la Convention de Varsovie avaient mis en avant une conception originale du billet de transport. En effet, ce dernier était considéré comme un titre au porteur, c'est-à-dire qu'il appartient à celui qui le possède, il n'est pas nominatif, il peut être cessible et échangeable à l'infini.

Ce sont les conditions générales IATA qui ont modifié le billet de passage en un titre nominatif et incessible. Il est évident que cette pratique ne pouvait que générer de l'incertitude quant à l'établissement d'une liste des passagers474. Mais au-delà, les compagnies aériennes

étaient dans l'impossibilité de respecter les règles de police imposées par les droits nationaux, qui prévoient entre autres la communication de la liste des passagers avant l’embarquement à bord de l'aéronef475.

Cette liste ne peut dès lors être établie que si les billets de passage délivrés par la compagnie sont nominatifs et incessibles.

472 Christophe PAULIN, Droit des transports, op., cit, p. 207. 473 Ibid.

474 Léopold PEYREFITTE, op cit., n°65.

Sous l'empire de la Convention de Varsovie, les auteurs ont voulu donner une autre fonction au billet de passage, informer le passager du régime juridique sous lequel il voyagera. Mais au delà, l'avertir qu'en cas de dommage corporel, le passager ou ses ayants-droits ne percevront qu'une indemnisation plafonnée et limitée au regard de la Convention de Varsovie. Cette information permet au passager de prendre toutes les mesures nécessaires afin qu'il puisse souscrire une assurance complémentaire ou dans une moindre mesure renoncer à son voyage. Rappelons qu'à cette période, le passager contribue à l'essor de l'aéronautique il en supporte, la risque, donc c'est à lui de rechercher l'information quant au régime juridique applicable à son voyage476.

Le billet de passage garantit l'obligation d'information du transporteur aérien selon les rédacteurs de la Convention de Varsovie, sa remise au passager prouve que le transporteur aérien a rempli son obligation d'information.

L'autre fonction probatoire du billet de passage concerne l'existence même du contrat de transport. En effet la délivrance du billet prouve que le contrat entre le transporteur et le passager a été formé. Nous verrons ultérieurement que cette fonction est superficielle et a vocation à disparaître compte tenu de l'essor des nouvelles technologiques.

b) La disparition du billet de passage au profit du titre de transport

Le billet de transport aérien contient les conditions générales de transport, qui sont communes à tous les transporteurs aériens membres de l'IATA et les conditions de transport qui sont propres à chaque compagnie aérienne, qui sont au cœur de l'initiative contractuelle de la compagnie aérienne. S'ajoute à ceux conditions, les avis et les exigences imposés par les conventions internationales et le droit communautaire.

Dans la version initiale de la Convention de Varsovie, c'est-à-dire non modifié par le protocole de la Haye, l'article 3§1 exigeait un certain nombre de mentions obligatoires.

Le billet de transport doit contenir : le lieu et la date d'émission du billet de passage car ces éléments permettent de déterminer la compétence du tribunal et la loi applicable au contrat ; le point de départ et celui de destination du passager qui révèlent le caractère international du