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Entre complémentarité et contrariété, la vision articulée et hiérarchisée des

aérien à l'égard de son passager.

1§ La structure hiérarchisée des sources

En droit français, les conventions internationales ont une force juridique supérieure aux lois. Le droit conventionnel applicable à la responsabilité du transporteur aérien n'est pas unifié, la question des conflits au sein même du droit conventionnel doit être abordée (A), avant de pour hiérarchiser les normes (B).

A. Un droit conventionnel à plusieurs vitesses

1.Les conflits entre les conventions applicables

Comme nous l'avons précédemment évoqué, il n'y pas de procédure de dénonciation de la Convention de Varsovie. La coexistence dans l'ordre juridique de deux conventions applicables en matière de responsabilité du transporteur aérien peut paraître assez déroutante. Mais nous allons voir que nous avons face à nous un droit conventionnel à plusieurs vitesses. Certains États ont signé la Convention de Varsovie originel de 1929 mais pas la version

amendée par le protocole de La Haye ni même la Convention de Montréal. D'autres ont signés les protocoles additionnels de Montréal mais pas la Convention de Montréal de 1999.

C'est pour cette raison qu'il convient de combattre l'idée que la Convention de Varsovie serait vouée à disparaître. Laurent Chassot dans son étude récente sur « Les sources de la

responsabilité du transporteur aérien international entre conflit et complémentarité, la Convention de Montréal et son interaction avec le droit européen et national » estime qu'à

moyen terme la Convention de Montréal devrait supplanter et rendre obsolète le système varsovien271. Il explique que la majorité des signataires de la Convention de Varsovie ont

également signé la Convention de Montréal. Certes, mais il existe un certains nombres de pays signataires de la Convention de Varsovie qui n'ont pas signé la Convention de Montréal. Voici la liste des pays concernés : Algérie, Afghanistan, Azerbaïdjan, Angola, Biélorussie, Bélize, Birmanie, Burundi, Les Comores Corée du Nord, Éthiopie, Guatemala, Grenade, Guinée Bissau, Guinée, Guinée Équatoriale, Honduras, Indonésie, Irak, Iran, Libye, Kazakhstan, Kirghizistan, Kiribati, Lesotho, Malawi, Libéria, Mauritanie, Népal, Ouganda, Ouzbékistan, Philippines, Rwanda, Le Salvador, Sierra Léone, Sri Lanka, Tunisie, Venezuela, Vietnam, Yémen, Zimbabwe. Parmi ces pays certains n'ont pas signé la version amendée de la Convention de Varsovie272.

Cyril-Igor Grigorieff rappelle que le régime d'indemnisation s'intéresse peu à la nationalité de la victime, ce qui n'est pas le cas du parcours géographique emprunté par le voyageur, qui risque en cas d'accident d'être indemnisé sur la base de montrant très faibles si son voyage est soumis aux règles de la Convention de Varsovie plutôt qu'à celle de la Convention de Montréal273.

Laurent Chassot rappelle à juste titre que lorsque la Convention de Montréal et la Convention de Varsovie sont simultanément applicables, la Convention de Montréal l'emporte selon l'article 55 de cette dernière274.

Quid d'une situation où les parties en présence ne sont pas signataires des mêmes conventions ?

Il convient de procéder à un petit rappel de droit international public afin de pouvoir mieux appréhender les situations qui peuvent se présenter en cas d'incident ou d'accident aérien. Un traité ou une convention internationale est définie par la Convention de Vienne comme un

271 Laurent CHASSOT, Les sources de la responsabilité du transporteur aérien international entre conflit et

complémentarité, la Convention de Montréal et son interaction avec le droit européen et national . op., cit, p.13

272 C'est le cas pour les pays suivants : Afghanistan, Les Comores, Éthiopie, Grenade, Guinée Équatoriale, Honduras, Ouganda, Sierra Léone.

273 Cyril-Igor GRIGORIEFF, Le régime d'indemnisation de la Convention de Montréal, REDC 2012, p.658. Ce sont les pays non signataires qui concentrent la majorité des accidents aériens.

accord écrit conclu par des États et qui produit des effets de droit international275. Le Traité se

forme par la manifestation des volontés convergentes des États parties. Le principe coutumier de « pacta sunt servanda », qui a également une assise conventionnelle dans la Convention de Vienne de 1969 à l'article 26, consacre que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. Donc, si les parties n'ont pas adhéré à la Convention, on ne peut lui opposer cette dernière.

Dans notre cas, un passager victime ne peut contraindre l’État dont il est ressortissant à appliquer la Convention s'il n'y est pas partie. Idem, si l’État n'a pas signé les protocoles additionnels, les accords successifs ou d'autres actes internationaux. Car dans la pratique, le traité connaît différentes variantes, d'un point de vue juridique, les protocoles ont la même valeur et force juridique qu'un traité276. Donc, il est nécessaire d'avoir le consentement d'un

État pour qu'on puisse lui opposer un protocole même si l’État en question avait signé la Convention originelle.

Les États, en général, au sein d'une conférence vont actualiser la Convention qui les lie. Mais nous avons vu qu'en matière de transport aérien, notamment quand il s'agit de clarifier les règles applicables à la responsabilité du transporteur aérien, les États freinent les initiatives. L'idéal aurait été d'insérer une clause permettant de faire adhérer les États présents lors de la Conférence initiale aux différentes modifications ultérieures, afin d'éviter que les actes améliorant la Convention initiale ne soient signés que par certains États, et créer des différences juridiques entre les passagers.

Les protocoles tentaient d'actualiser le montant de la réparation due aux passagers en cas d'accident. La Convention de Montréal de 1999 a prévu à l'article 24 une révision des limites afin réévaluer le montant des plafonds d'indemnisation, l'inflation est un élément qui varie dans le temps, cette clause de révision ne remet pas en cause la Convention, aucune renégociation des États n'est possible. Il s'agit de faire coïncider le montant des réparations avec le taux de l'inflation et éviter qu'à très long terme, les indemnités dues ne paraissent dérisoires, comme ce fut le cas avec la Convention de Varsovie.

La responsabilité du transporteur aérien est régie par une succession de traités, conventions protocoles, le passager n'est donc pas dans un système juridique uniformisé et actualisé. Dans l'hypothèse où les deux États sont signataires de la Convention de Varsovie mais l'un seulement de la Convention de Montréal, la Convention de Varsovie sera applicable entre les

275 Article 2§1 a) de la Convention de Vienne du 23 mai 1969. La Convention de Vienne est une convention internationale instaurant un droit coutumier des Traités. Elle unifie en partie les règles applicables en matière de conventions internationales. Néanmoins, elle permet à chaque Traité ou convention de pouvoir instaurer ses propres spécificités ou de se référer au droit coutumier international.

parties. En allant plus loin, si l'un des États n'a pas signé la Convention de Varsovie amendée par le Protocole de la Haye, la Convention de Varsovie originel de 1929 sera applicable entre les parties.

Christophe Paulin a mis en lumière cette inégalité des passagers face à la réparation.

Il prend l'exemple douloureux des accidents de juin 2009. Les ayants-droit des passagers d'Air France du vol Rio-Paris peuvent prétendre à une réparation intégrale au regard de la Convention de Montréal, avec le principe de responsabilité illimitée en cas de décès. Tandis que les ayants-droit des passagers de la compagnie Air Yemenia seront soumis à la Convention de Varsovie originelle, qui plafonne l'indemnisation à 125 000 francs or soit 7000 euros. Le plus aberrant est la possibilité pour le transporteur aérien de se libérer en prouvant son absence de faute277.

Il existe une multitude de combinaisons qui peuvent se présenter au passager aérien, dont celles d'un État qui n'a signé aucune convention en matière de responsabilité du transporteur aérien.

Quid des relations entre des États signataires de la Convention de Varsovie et des États non signataires ?

2. Lorsque le droit conventionnel est inexistant ou inapplicable

Il existe peu d'écrits sur ces États qui ont refusé d'être liés par la Convention de Varsovie de 1929 et les instruments suivants. Pourtant, un petit nombre d’États semble résister au droit conventionnel, c'est le cas des pays suivants ; le Burundi, Bélize278, Birmanie, Djibouti,

Érythrée, Haiti, Indonésie, Laos, Kiribati, Somalie, Tchad, Thaïlande. Parmi ses États, certains sont des destinations très prisés des ressortissants européens, comme la Thaïlande. Peut-on dire qu'en cas d'accident aérien à Phuket, le passager ou ses ayants droits ne seront pas soumis à la Convention de Varsovie au minimum ?

Il arrive que les opérateurs privées prennent des initiatives pour palier aux manquements des États en matière de conventions internationales. C'est le cas, pour les compagnies aériennes indonésiennes et thaïlandaises. La Convention de Varsovie ou de Montréal va se retrouver au sein du contrat de transport aérien de passager. En droit international des contrats, les parties peuvent choisir la loi applicable à leurs relations contractuelles. La Cour de Cassation le 5

277 Christophe. PAULIN, La discordance des régimes d’indemnisation des victimes d’accidents de transport , Rev. dr. des transports, septembre 2009, Repère 8.

décembre 1910 dans l'affaire American Trading Co a consacré la liberté totale des parties en matière contractuelle. En effet, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. En d'autres termes, les parties peuvent procéder au dépeçage du contrat entre différentes législations. Donc, les parties peuvent se référer à la Convention de Montréal en ce qui concerne la question de la responsabilité du transporteur aérien.

La Somalie n'est ni signataire de la convention de Varsovie ni de Montréal. Pourtant, la compagnie somalienne Jubba Airlines stipule que les relations avec les passagers sont régies par les Conventions de Varsovie, Guadalajara et Montréal279.

Cette méthode a également été empruntée par les opérateurs des États qui n'avaient pas signé la Convention de Montréal. C'est le cas par exemple de l'Ethiopie qui n'a pas signé la Convention de Montréal, mais dont la compagnie aérienne nationale Ethiopian Airlines a stipulé dans ses conditions générales de transport l'applicabilité de la convention de Varsovie et de la Convention de Montréal280.

Quid de la compagnie qui ne procède pas un renvoi au droit conventionnel et dans le cas où le droit conventionnel est inapplicable ?

Certes, cette situation peut s'avérer exceptionnelle, mais il convient de l'évoquer car le développement du transport aérien a conduit les individus à se déplacer au-delà ce qui était possible. L’immigration économique a permis à des ressortissants des pays du tiers monde de pouvoir s'installer en Europe ou en Amérique du Nord. Donc, ces personnes sont susceptibles d'emprunter des compagnies locales au travers des escales afin de rejoindre leurs pays d'origine. C'est pour cela qu'il convient de s'intéresser à ces situations certes atypiques mais qui risquent de se présenter lors de grands mouvements annuels. Ce fut le cas notamment dans l'accident de la compagnie Air Yemenia du 30 juin 20009 concernant des ressortissants français qui se rendaient en vacances dans leur pays d'origine, les Comores, après avoir fait escale à Sanaa au Yémen.

Prenons l'exemple de la compagnie aérienne somalienne et djiboutienne Daallo Airlines, inscrite dans la liste noire, elle ne dessert pas l'Union européenne. La Somalie et Djibouti ne sont pas signataires des Conventions de Varsovie et de Montréal. Dans les conditions

279 http://www.jubba-airways.com/terms-of-service.aspx

Jubba Airlines : Crée en 1998, cette compagnie assurait des vols domestiques uniquement, ensuite les entrepreneurs ont décidé d'étendre leurs liaisons régulières dans le même zone : Jubba Airways a son siège social à Mogadishou, avec des hubs à Djibouti, Kenya, Ouganda, Arabie Saoudite et aux Emirates.

générales de cette compagnies qui relient Djibouti à Dubai, Mogadiscio, Jeddha ou Nairobi, il n'y aucune mention quant au droit applicable au contrat de transport aérien de personnes. Aucune référence n'est faite aux conventions internationales, ni même au droit aérien somalien ou djiboutien. Mais ce qui se révèle le plus inquiétant pour tout passager prenant cette compagnie, c'est l'absence de responsabilité de cette dernière. En effet, elle se déclare irresponsable de la perte des bagages, ou de toute blessure du passager durant les transferts281.

En cas de retard ou d'annulation de vol dus à des circonstances exceptionnelles, la compagnie ne fournira pas de prestations d’hôtellerie ni de vol de remplacement282. Aucune précision sur

le cadre de la responsabilité du transporteur aérien à l'égard de ses passagers, c'est à dire de la loi applicable ou toute clause d'élection du for. Il y a une véritable insécurité juridique pour les usagers de cette compagnie. Les usagers de la Communauté européenne peuvent être amenés à prendre ses compagnies lors des escales hors de l'Union. Cet exemple montre que le droit conventionnel n'a pas atteint l'ensemble du transport aérien international.

Dans d'autres cas, les compagnies vont établir leurs propres corpus de règles applicables à leurs relations avec le passager. C'est le cas de la compagnie indonésienne Citilink airlines qui dans la partie « Conditions et termes » explique que la compagnie appliquera la Convention de Varsovie ou la Convention de Montréal dans le cas d'un transport aérien international. Cependant si elles ne s'appliquent pas, c'est à dire dans le cas d'un transport aérien international avec un État non signataire des conventions ou dans le cas d'un vol domestique, la compagnie a édicté son propre droit qui est présenté de la manière suivante:

« Where Warsaw Convention is not applicable: Where your carriage is not subject to the liability rules of the Warsaw Convention, the following rules shall apply:

1. Any liability we have for Damage will be reduced by any negligence on your part which causes or contributes to the Damage in accordance with applicable law.

2. We will not be liable for Damage to Checked or Unchecked Baggage unless such Damage is caused by our negligence and such Baggage was within our control or custody.

3. Except in the case of an act or omission done with intent to cause Damage or recklessly and with knowledge that Damage would probably result, our liability in the case of Damage to Checked Baggage and Unchecked Baggage shall be limited to amount as provided for in the Fee Schedule. If the weight of the Baggage is not recorded on the Baggage Identification Tag, it is presumed that the total weight of the Checked Baggage does not exceed the applicable free baggage allowance for the class of carriage concerned. If in the case of Checked Baggage, a higher value is declared in writing pursuant to an excess valuation facility, our liability shall be limited to such higher declared value.

281 Trajet de point à point, c'est à dire que la compagnie n'assure pas les correspondances et n'effectue donc pas de transferts de bagages.

282 http://www.daallo.com, Termes & conditions, « Upon cancellation or delay of its flight due to any

unforeseen circumstances, DAALLO will not provide or compensate for accommodation nor it will provide for any alternate mode of travel »

4. We will not be liable for any Damage arising from our compliance with applicable laws or Government rules and regulations or from your failure to comply with the same.

5. Except where other specific provision is made in these Terms & Conditions, we shall be liable to you only for recoverable compensatory damages for proven losses and costs in accordance with applicable law.

6. We are not liable for any Damage caused by your Baggage. You shall be responsible for any Damage caused by your Baggage to other persons or property, include our property.

7. We shall have no liability whatsoever for Damage to articles or items not permitted to be contained in Checked and Unchecked Baggage including but not limited to fragile or perishable items, items having a special value, such as money, jewellery, precious metals, computers, personal electronic devices, negotiable papers, securities, or other valuables, business documents, passports and other identification documents, title deeds or samples.

8. We are not responsible for any illness, or disability, including death, attributable to your physical condition or for the aggravation of such condition.

9. The contract of carriage including these Terms & Conditions and exclusions or limits of liability, applies to our authorized agents, servants, employees and representatives to the same extent as they apply to us. The total amount recoverable from us and from such authorized agents, servants, employees and representatives shall not exceed the amount of our own liability if any.

10.Nothing in these Terms & Conditions of the Conditions of Contract shall waive any exclusion or limitation of our liability under the Warsaw Convention or any other applicable Convention or applicable laws unless otherwise expressly stated by us ».

Il convient de procéder à une glose de ces dispositions afin de comprendre les fondements empruntés au droit conventionnel.

La règle n°2 consacre le principe de la faute de la victime qui permet au transporteur aérien de réduire ou de se libérer de sa responsabilité en cas de perte ou de détérioration des bagages. La faute de la victime trouve sa source dans la convention de Varsovie, mais également dans le principe anglo-saxon, « to due mitigation » l'obligation de minimiser son propre dommage. La troisième règle s'intéresse à la responsabilité du transporteur aérien à l'égard des bagages, celle-ci ne pourra être engagée si et seulement s'il y a eu une négligence ou une faute de sa part. Donc s'il prouve qu'il a tout mis en œuvre pour éviter la réalisation du dommage, sa responsabilité ne pourra être engagée. On retrouve de nouveau, les survivances de la Convention de Varsovie en matière de responsabilité pour faute présumée.

La quatrième règle explique que la responsabilité du transporteur aérien pourra être retenu dans le cas « d'un acte ou d'une omission commis dans l'intention de causer un dommage, soit

témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement ». Cette

une limitation de responsabilité, un plafond d'indemnisation quelle que soit la valeur du bagage ou de son contenu. La compagnie indonésienne emprunte les mécanismes de la responsabilité limitée du transporteur aérien consacrée par la Convention de Varsovie et réaffirmée dans la Convention de Montréal concernant la responsabilité due aux bagages. La compagnie dégage sa responsabilité en matière d'atteinte aux passagers lorsqu'ils ont des prédispositions médicales. En effet, la règle n°8 exclut toute responsabilité de la compagnie en cas de maladie ou de handicap, y compris le décès, qui serait attribuable à à la condition physique ou de l'aggravation de cette condition. La responsabilité objective du transporteur aérien érigée par la Convention de Montréal ne trouve pas sa place dans les règles établies par la compagnie. Les malaises, ou autres altérations ne peuvent engager la responsabilité du transporteur si le passager en question était antérieurement au transport atteint d'une maladie chronique.

Selon l'article 9 du présent contrat de transport, les exclusions et limitations de responsabilité pourront être invoquées par les mandataires, les préposés, les sous-traitants de la compagnie aérienne. La compagnie explique qu'ils ne seront pas tenus des sommes au-delà desquelles la