A- AVANTAGES ET LIMITES DE NOTRE ETUDE
4- LA FORMATION DES MEDECINS GENERALISTES
«C’est bien parce que la demande du toxicomane, adressée au médecin, est conjointe
à celle de la drogue que le praticien convoqué doit être à l’aise avec sa conception de
la toxicomanie et en particulier avec la place et l’apport du médecin généraliste dans les
attentes du toxicomane dans sa vie en général». (9)
A la faculté de médecine de Rouen, un séminaire de quatre heures sur la toxicomanie
est proposé aux internes de médecine générale avec comme objectifs :
• Apporter des connaissances de base minimales en toxicomanie.
• Faire le bilan de la situation globale d’un sujet usager de drogue.
• Etablir une stratégie de prise en charge.
• Apprendre à agir en multi partenariat en réseau ou hors réseau.
Tous ces objectifs étaient abordés, notamment la stratégie d’initiation et d’adaptation
des traitements substitutifs.
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Si pour certains futurs médecins, ce séminaire était formateur notamment sur le plan
thérapeutique, malheureusement, comme nous l’avons vu dans les résultats, pour
beaucoup d’autres ça reste très peu formateur ou insuffisant pour pouvoir prendre en
charge le patient toxicomane.
On peut se poser la question de savoir pourquoi cette ambiguïté ? Es ce que là encore
une sorte de volonté de justifier le refus de prendre en charge ?
Si la substitution a beaucoup apporté et apportera encore beaucoup, elle ne saurait être
en elle-même la solution à la problématique des toxicomanes. Envisager sous cet angle,
elle n’est qu’une illusion, dont soignants et soignés, chacun à leur niveau, doivent se
dégager.
« La possibilité pour un généraliste de prendre en charge un toxicomane ne fait pas
l’unanimité, et la grande majorité des médecins considèrent qu’ils ne sont pas formés à
la prise en charge des toxicomanes, même lorsqu’ils ont suivi des formations sur le sujet
». (10)
Ainsi que le relevait une présentation sur la formation en addictologie des médecins
généralistes, issue d’une thèse de 2006 de médecine générale:
«La principale barrière à la formation en addictologie des médecins semble être la
persistance de représentations négatives: (...) fausses représentations dans l’esprit des
médecins auquels n’ont pas été donnés les moyens de dépasser leurs préjugés et
craintes, et qui évitent donc de s’occuper des problèmes d’addictions aux substances
psycho actives et ne se forment pas sur le sujet.». (54)
« Une optimisation de la prise en charge des patients "addictes" passera par une
meilleure formation des professionnels de santé, elle-même induite par une
représentation plus juste et plus positive de l’addictologie et des patients relevant de
cette discipline.». (54)
Malgré ça, le sentiment de manque de compétence, nous l’avons vu, était présent chez
de nombreux internes interrogés.
Ce constat est loin d’être nouveau:
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«La prescription de MSO est en effet actuellement une pratique répandue mais une part
non négligeable de médecins ne disposent pour autant pas d’une grande expérience de
cette pratique et le déplorent. L’importance de la formation médicale (...) a d’ailleurs
plusieurs fois été démontrée dans diverses études et travaux». (55)
Pour l’HAS:
Une formation au service de la qualité des soins doit permettre aux professionnels de
santé de :
- Prendre en compte la souffrance et la détresse des usagers de drogues.
- Acquérir l’assurance et le recul nécessaire à la gestion d’une relation thérapeutique à
long terme, soumise à des enjeux forts : pressions, crises, ruptures, répétitions, etc.
- Prendre en compte les problématiques particulières, médicales, psychiques,
relationnelles ou culturelles qui sous-tendent les conduites addictives ou qui en
découlent, pour aider plus efficacement les patients.
- Proposer aux patients les soins les plus appropriés ou les adresser à des collègues
plus spécialisés.
Ces propositions concernent surtout la formation des médecins généralistes qui se
retrouvent « en première ligne » de la prescription des TSO.
Plusieurs internes parlaient de « formation/stage dépendante ». En effet sur les 17
internes interrogés, seulement trois ayant effectué un stage en addictologie. Il nous
semble que dans ce contexte, il reste difficile de se former par sa propre et seule
expérience, entre autre parce-que, ainsi que le signalaient certains interrogés,
l’exposition à ces patients reste minoritaire tout au long des stages de médecine
générale... De nombreux propos recueillis nourrissaient l’idée qu’appréhender une
personne souffrant de toxicomanie ne s’improvise pas.
L’avis était répandu qu’une formation spécifique par un stage supplémentaire serait
intéressant pour aider les internes de médecine générale dans la prise en charge, en
particulier sur la substitution et la gestion des crises, à la base de l’appréhension que
suscitent les patients toxicomanes. Mais pour autant, l’obstacle du temps pendant
l’internat reste difficile à contourner...
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Le patient toxicomane est difficile à prendre en charge, ces jeunes médecins se sentent
insuffisamment formés pour ça. Une prise en charge globale nécessite sans doute une
formation spécifique si le médecin ne veut pas se cantonner au rang de prescripteur.
D’où l’importance que revêt, à nos yeux, la formation initiale pour sensibiliser les futurs
médecins à la complexité de ce suivi, leur permettre de se sentir mieux armés pour faire
face à des situations aisément déstabilisantes susceptibles de réduire leur intérêt dans
ce domaine, conforter leur statut de médecin fort de son savoir médical mis à mal par
la relation inversée que peut induire le patient toxicomane.
« Les toxicomanes possèdent un certain savoir, celui de l’éprouvé, mais ce n’est pas un
savoir scientifique, et surtout pas le seul savoir». (18)
Il existe un item dédié à l’examen national classant (56) ; item n°76 : addiction au
cannabis, cocaïne, aux amphétamines, aux opiacés et aux drogues de synthèse, avec
comme objectifs :
Repérer, diagnostiquer, évaluer le retentissement d'une addiction au cannabis, à
la cocaïne, aux amphétamines, aux opiacés, aux drogues de synthèse.
Connaître les principes de prise en charge (sevrage thérapeutique, prévention
de la rechute, réduction des risques).