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PREMIÈRE PARTIE : CONSTRUIRE UN OBJET

CHAPITRE 1 : UN OBJET RÉGLEMENTÉ

I. LA FORMATION DU COSTUME LITURGIQUE

Lorsque nous étudions le costume liturgique à partir du XIIIe siècle, celui-ci, au terme d’une longue construction, est pratiquement fixé. Entre transformations choisies et subies, nous allons retracer les principales étapes de cette évolution.

1-1. Genèse et émergence du vêtement liturgique

Le statut des vêtements sacrés dans la Bible est ambigu. Dans l’Ancien Testament, ils apparaissent au centre des cérémonies d’investiture (revêtus après la purification et avant l’onction). Le prêtre doit changer de vêtement avant de pénétrer dans le temple4. Le chapitre 28 du livre de l'Exode offre une description précise des huit vêtements d’Aaron, le Grand Prêtre de l’Ancien Testament : rational (tissu carré brodé d’or aux quatre coins), superhuméral

(large étole portée sur les épaules), tunique ornée de clochettes, chemise de lin, cydarim

(couvre-chef), baltheum (ceinture), lamina (ornement apposé sur le front) et feminalia (sorte de pantalon en lin)5. Précieux par leurs matières (pierres rares et or) et confectionnés avec la plus grande attention, ces habits se transmettent de père en fils6. Ils doivent en outre rester propres et purs.

Le Nouveau Testament marque une rupture puisque qu'aucun vêtement spécifique à l'action liturgique n'est mentionné. Avant la Cène, Jésus lave les pieds, les mains et le visage des Apôtres, mais ceux-ci conservent leurs vêtements quotidiens. Plus encore, ses disciples ne doivent pas se soucier de leurs vêtements (Mt 8, 28). Vouloir se démarquer par ses habits est signe de vanité, en témoigne le riche de la parabole (Lc 16, 19). « Jésus a dénoncé en outre

4 « Lorsqu’ils franchiront les portes du Parvis intérieur, ils revêtiront les habits de lin […] lorsqu’ils sortiront vers le Parvis extérieur, vers le peuple, ils ôteront les vêtements avec lesquels ils officient, ils les laisseront dans les salles saintes, ils revêtiront d’autres vêtements… » (Ez 44, 17-19) cité par E. Haulotte, Symbolique du vêtement selon la Bible, Paris, édition de Montaigne, 1966, p.168.

5 G. Lobrichon, « Le vêtement », op. cit., p.134. « Voici les habits qu'ils auront à confectionner: un pectoral, un éphod, une robe, une tunique brodée, un turban et une écharpe. Ils feront ces vêtements sacrés pour ton frère Aaron et pour ses fils, afin qu'ils me servent comme prêtres » (Exod. 28- 4).

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l’orgueil des pharisiens qui affichent leur fidélité à la Loi par de larges phylactères et de longues franges à leurs vêtements (Mt 23, 25) »7. En revanche, dans le prolongement de l’Ancien Testament, la symbolique de la couleur blanche demeure importante, notamment pour l'épisode de la Transfiguration du Christ8.

Si la Bible traite du vêtement des ministres sacrés, l’événement qui fonde la liturgie, la Cène, évite soigneusement la question. Alors que le corporal peut être assimilé à la nappe du dernier repas, le costume liturgique ne peut prétendre à une telle légitimité. Ce sont d’autres facteurs qui l’ont modelé.

Dans les premiers temps, le clergé porte les mêmes vêtements que les laïcs de bonne condition. Cela s'explique, entre autres choses, par la position du Christianisme, religion minoritaire dont les fidèles sont persécutés. Le costume est alors composé des braies, des

indumenta (larges pièces de tissus avec des trous pour la tête et les bras) et des amcitus (pièces d’étoffes de forme et de dimensions variables, dont on se drapait le corps). Saint Augustin (354-430) célèbre la messe avec ses habits quotidiens, c’est à dire une tunique de lin et un

byrrhus, vêtement du dessus en laine9. À partir du IVe siècle, les clercs et une partie des laïcs adoptent la chasuble puis la chape, manteau long, sans manche, couvrant l’ensemble du corps (d’où son nom latin, pluviale). Tout comme les fidèles, le clergé arbore à la messe ses plus beaux habits. Ceux-ci sont certainement réservés à l’usage liturgique dès le IIe siècle (ce qui constitue la première étape de la formation du costume liturgique). La non-distinction du clergé est toutefois érigée en règle par certains pontifes. Célestin Ier (422-432), fidèle à l’enseignement du Christ, rappelle dans une lettre du 25 juillet 428, adressée aux évêques des provinces de Vienne et Narbonne : « Discernendi a plebe vel ceteris sumus doctrina, non veste » (« nous devons nous distinguer du peuple par notre doctrine, non par notre costume »)10.

7 L. Trichet, op. cit., p.26.

8 Marc 9,2-3 « […] il fut transfiguré devant eux et ses vêtements devinrent éclatant, si blancs qu’aucun foulon sur la terre ne peut en blanchir de la sorte » cité par M. Balmary « Vêtement » in DS, 16, col. 515.

9 A. Molien, « Ornements sacrés » in DTC, 11, col.1590.

10 P. Battifol, « Le costume liturgique romain » in Études de liturgie et d’archéologie chrétienne, Paris, Auguste Picard éditeur, 1919, 2, p.30. Célestin Ier fait certainement référence au comportement de certains évêques qui portent l’habit monacal sans être dans les ordres.

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Au VIe siècle, lorsque, sous l’influence des barbares, le costume court se généralise en Occident, le sagum (ou sayon ou saie, tunique courte) devient la pièce principale d'un costume plus coloré et plus recherché. L’Église, ne pouvant se résoudre à adopter un costume associé à un peuple guerrier, demeure fidèle aux anciens usages. « Le costume traditionnel devient clérical »11. Avec l’arrivée en cléricature de descendants des barbares, l’Église impose par écrit le respect du costume antique (concile de Mâcon 581)12. Le concile d'Agde de 506 se contente de demander un costume et des chaussures qui conviennent à la religion mais les règles gagnent vite en précision et ajoutent des sanctions13. On assiste donc à un renversement de situation : il est désormais obligatoire pour un membre du clergé de se démarquer des fidèles par son apparence. Cette rupture est moins brutale qu'il n’y paraît car, si nous suivons les propos de Pierre Battifol, « l’identité du costume ecclésiastique et du costume civil persiste encore au VIIIe siècle »14. Quoi qu’il en soit, cette distinction, fruit des circonstances, n’en témoigne pas moins de la conscience de soi d’une Église organisée, qui joue un rôle croissant dans la société15.

Comme le remarque Christine Aribaud, la rupture du VIe siècle annonce une phase plus active, celle de la construction proprement dite du costume liturgique16. L’apparence cléricale est d’abord marquée par la coiffure. On recommande de porter les cheveux courts dès le VIe siècle (par contraste avec la longue chevelure des barbares). Mais c’est seulement au VIIe siècle que la tonsure accompagnée de la couronne de cheveux, coiffure des moines, est fixée par le droit canonique (concile de Tolède 633, can.4). En se généralisant, elle change de signification : « la tonsure qui avait été marque d’humilité chez les premiers moines devient, avec une couronne de cheveux autour de la tête, la marque honorable de la dignité royale et sacerdotale »17. La couleur blanche demeure importante. Les habits restent longs et amples.

11 L. Trichet, op. cit, p.37.

12Ibid. p.41. Le concile de Mâcon a eu une grande influence sur l’ensemble des églises franques.

13 O. Pontal, « Recherches », op. cit., p.774.

14 P. Battifol, « Le costume », op. cit., p.47.

15 O. Pontal, « Recherches » ,op. cit., p.775.

16 C. Aribaud, Enquête, op. cit. p.8.

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Au VIe siècle, alors que s’opère la sacralisation du dimanche, certains textes énumèrent les habits d’autel. Des enjeux ecclésiologiques émergent. Le concile de Tolède (633) précise les ornements propres à chaque ordre : « pour l’évêque l’orarium (étole), l’anneau et la crosse, pour le prêtre l’orarium et la planeta (chasuble), pour le diacre l’orarium

et la tunique blanche (l’aube ?), le sous-diacre n’a que la tunique »18. Au début du VIIIe siècle, l’Ordo Romanus I19 décrit toutes les pièces du costume liturgique sauf l’étole (orarium puis

stola) qui apparaîtra dans les Ordines Romani un siècle plus tard, comme vêtement de sortie des clercs20. La singularisation des clercs devient un véritable leitmotiv. Au IXe siècle, l’auteur des Fausses Décrétales note : « De même que les clercs doivent se distinguer par leur comportement, ainsi doivent-ils apparaître différents par leur tonsure et par toute leur tenue vestimentaire »21. Le costume liturgique reste cependant identique au costume quotidien des clercs. Au début du IXe siècle, Amalaire de Metz rapporte que les clercs portent des aubes à l’église comme à l’extérieur22.

Ce n’est qu’au IXe siècle qu’un costume liturgique spécifique voit le jour23. Plusieurs auteurs évoquent, à l’instar d’Odette Pontal, une influence des évêques orientaux, très tôt désireux de donner une certaine solennité aux cérémonies24. Au sein du clergé l'on distingue désormais les prêtres des autres clercs : les acolytes ne portent plus la chasuble, l’étole et le manipule. Le vestiaire épiscopal s’enrichit : gants, mitre,…. Seuls quelques éléments disparaissent. Le peigne liturgique, pièce souvent réalisée en ivoire et utilisée avant la messe pour coiffer le prêtre, bien qu’encore en usage dans certains diocèses au XIIe siècle, ne figure plus dans les pontificaux et les sacramentaires25.

18Ibid., p.777.

19 Les OrdinesRomani sont « une description des rites sacrés, un directoire à l’usage du célébrant et de ses ministres, où sont […] exposées dans le détail l’ordonnance des différentes cérémonies cultuelles et la manière de les accomplir ». C. Vogel, Introduction aux sources de l’histoire du culte chrétien au Moyen Âge, Centre italien d’étude sur le haut Moyen Âge, Spolète, 1981, p.101.

20 A. Molien, « Ornements sacrés » in DTC, 11, col.1591. L’étole, auparavant en vigueur à Tolède, apparaît dans l’Ordo IX. Elle est portée sous la chasuble par le prêtre et l’évêque, et sous la dalmatique par le diacre.

21 Cité in L. Trichet, op. cit., p.47.

22 L. Trichet , op. cit., p.44.

23 J. Braun, op. cit., p.62.

24 Cf. O. Pontal, « Recherches », op. cit., p.776.

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Enfin, comme l'avait remarqué, déjà au IXe siècle, l'abbé de Reichenau, Wilfrid Strabon, l’ornementation joue un rôle majeur dans la singularisation du vêtement liturgique26. Au XIIe siècle, la préciosité devient un critère majeur de distinction entre costume liturgique et costume quotidien. Quand l’orarium, carré de tissu servant à essuyer le visage du prêtre, s’allonge et s’enrichit de broderies, le manipule vient le remplacer27.

Dressons un rapide bilan de l’origine des pièces du costume liturgique. Certaines dérivent complètement du vestiaire civil romain : chasuble, aube, dalmatique, tunique. D’autres, essentiellement des accessoires (manipule, étole,…), sont des pièces du costume romain quelque peu stylisées. Certains éléments s’inspirent du costume monastique (ceinture et amict). Enfin, le pallium semble avoir été emprunté à l’épiscopat de l’Orient grec voire à l'empereur28.

C’est seulement au XIIe siècle que le caractère liturgique de ces habits est acquis. Le costume est fixé, et n’évoluera plus sensiblement. Il est, pour l’essentiel, le résultat d’évolutions spontanées, entérinées par des règlements. Pour reprendre l’expression de Christine Aribaud, « le caractère liturgique du costume est assez contingent »29.

1-2.Vers une normalisation de l’apparence cléricale

Au bas Moyen Âge, plusieurs critères déterminent le costume liturgique : type de rite (messe, procession, pastorale au malade), moment de l’année liturgique, rang du célébrant ou de l’assistant, lieu du rituel,… L’apparence cléricale atteint un grand niveau de complexité. Nous ne chercherons pas ici à dresser un inventaire des différents costumes mais plutôt à comprendre les logiques qui sous-tendent la normalisation de l’apparence cléricale.

Les ornements requis pour le culte sont définis par le droit canon. La décrétale De sacra unctione de Grégoire IX (pape de 1227 à 1241) mentionne les ornements pontificaux :

26 Walfrid Strabon, De rebus ecclesiasticis, cap 24. Cité in J. W. Legg, Church ornaments and their civil antecedents, Cambridge, Cambridge University press, 1917, p.31.

27 Peu à peu, le manipule va également devenir un insigne. Le prêtre utilisera alors des manuterges pour s’essuyer.

28 P. Battifol, op. cit., p.81. G. Lobrichon, « Le costume », op. cit., p.136.

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« Mittimus autem tibi per cardinalem praedictum pontificalia ornamenta, caligas et sandalia, amictum et albam, cingulum et succinctorium, orarium et manipulum, tunicam et dalmaticam, chirothecas et annulum, planetam et mitram. Pallium vero per dilectum filium Io »30. Comme le note Gil Bartholeyns, « l’énumération est un mode normatif double »31 : il est « interne » en ce sens qu’il décrit précisément tous les vêtements mais également « externe », car toute autre pièce est exclue. Ces listes d’ornements sont amplement diffusées dans les ordines insérés dans les différents livres liturgiques : ordines romani mais aussi rituels, pontificaux, coutumiers, ordinaires, cérémoniaux et processionnaux32. Ainsi, le pontifical de la curie romaine au XIIIe siècle stipule, au début de l’ordo de consécration d’une église, que l’évêque doit porter « amict, aube, pluvial et mitre simple sans manipule »33.

Les traités de la messe ainsi que le Manipulus curatorum, manuel du XVe siècle destiné, comme son nom l’indique, à aider le curé dans l’exercice de ses fonctions, contribuent à « figer » ce vestiaire par la symbolique des nombres. Les sept ornements du prêtre figurent les sept vertus (Guillaume Durand de Mende) ou les sept dons du Saint-Esprit (Guy de Montrocher)34. Le septénaire s’appuie sur la Bible (le chiffre sept est présent dans l’Ancien Testament avec les sept jours de la semaine) et son importance est renforcée à partir du XIIe siècle (sept sacrements, sept œuvres de miséricorde, sept péchés capitaux,…).

Les statuts synodaux précisent le costume pour certains rites et notamment la liturgie des heures (ou office divin), qui rythme la journée. Dans certains diocèses, on prescrit la chape clause35 accompagnée ou remplacée par le surplis36. Pour la pastorale aux malades, infirmes, mais aussi pour le baptême et l’extrême onction ou la confession37, les évêques imposent

30 Decretal. Gregor IX. Lib. I, tit.XV, « De sacra unctione » in Corpus iuris canonici, 2, col.134.

31 G. Bartholeyns, Naissance, op. cit., p.89.

32 Pour une présentation détaillée de ces différents types d’ouvrages, se reporter à È. Palazzo, Histoire, op. cit., p.185 et seq.

33 M. Goullet, G. Lobrichon, É. Palazzo (éd.), Le pontifical de la curie romaine (XIIIe siècle), Paris, 2004, p.203.

34Rationale, p.215 et G. de Monterocherio, Manipulus curatorum, Num. BNF de l’éd. De Cambridge (Mass.), Omnisys [ca 1990]1491, f°47.

35 Statuts synodaux de Ferrare de 1332. G.D. Mansi, Sacrorum concilium nova et amplissima collectio, Paris, H. Welter, 1901-1927, v.25, col.905.

36 Ferrare 1332. Id., col. 906-907.

37 « Item praecipimus, ut Sacerdotes induti superpellicio, vel cappa, stola, superposita ad confessionem sedeant ». Concilium Monasteriense in Westphalia. Anno Christi MCCLXXIX in Concilia Germaniae, 3, p.645.

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généralement le port l’étole et du surplis38. Enfin, la tenue la plus fréquemment mentionnée dans les statuts synodaux est celle que les clercs doivent porter au synode, le plus souvent le surplis et l'étole, parfois l'aube ou une chape clause39.

L'omniprésence du surplis est saisissante. Selon Guillaume Durand de Mende, il s’agit d’: « […] une robe de lin, […] dont [les prêtres] doivent se servir par-dessus les habits communs, lorsqu’ils vaquent à quelques services de l’autel et des sacrés mystères »40. L’emploi du surplis remonte au moins au Xe siècle. Mais il n’est reconnu comme habit liturgique mineur par Rome qu’à partir du XIIIe siècle41. Le surplis est par excellence l’habit du prêtre assistant.

Pourquoi ces rites ont-ils particulièrement retenu l’attention des évêques ? Nous devons nous contenter ici d’hypothèses. La liturgie des heures est enchâssée dans le quotidien. Certains clercs n’éprouvent certainement pas le besoin de changer de costume42. Pour la pastorale aux malades, le risque majeur est de « désacraliser » l’eucharistie en la déplaçant hors de l’enceinte de l’église. Le costume est ici un élément parmi d’autres (le signe lumineux, le voile,...) marquant la révérence nécessaire vis-à-vis du Saint Sacrement43. Enfin, le synode diocésain, qui a lieu en théorie au moins une fois par an, est en lui-même un moyen de contrôle. On peut donc penser que l’évêque s’assurait, à cette occasion, que les vêtements des clercs de son diocèse étaient convenables.

Les renseignements plus précis sur les vêtements de l’officiant (ou de l’assistant) sont plutôt rares. Les matières ne sont indiquées que pour le corporal (qui doit être de lin car il

38 Cf. parmi bien d’autres exemples le concile de Constance de 1463 in Concilia germaniae, V, p.464. Statuts synodaux de Ferrare (1332), G.D. Mansis, op. cit., vol.25, col.904. Idem à Pise au XIIIe siècle : « Les statuts synodaux de 1258 » in N. Bériou, I. Le Masne de Chermont, Les sermons et la visite pastorale de Federico Visconti, archevêque de Pise, 1253-1277, Rome, École Française de Rome, Paris, de Broccard, 2001, p.1078-1083. D’après Charles Borromée, les termes « surplis » et « cotta » sont synonymes. C. Borromée, S. Della Torre (éd.), Instructionum fabbricae et supellectilis ecclesiasticae libri II, Città del Vaticano, Libreria editrice vaticana, Axios Group, 2000, p.221.

39 Cf. Pise 1258 (N. Bériou, I. Le Masne de Chermont, op. cit., p.335), Padoue 1339 (G.D. Mansi, op. cit., v.25, col. 1133), Concilium Trevirense Provinciale Celebratum. Anno Christi MCCXXVII (1227) Concilia Germaniae, op. cit., p.526. Statuts de Cologne de 1281 (Concilia Germaniae, 3, p.658),…

40Rational, p.219.

41 R. E. Reynolds, « Vestments, liturgical » in DMA, 12, p. 398.

42 Ceci semble se confirmer à la lecture des décrets du Concile de Constance (1414-1418) : « Du comportement et de l’honnêteté des clercs » in G. Alberigo, op. cit., 1994, p.925. Nous reviendrons plus bas sur les abus des clercs.

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représente le linceul du Christ), l’aube et le surplis44. Quant à la coupe du vêtement, elle n’intéresse que les évêques réformateurs. En 1300, l’évêque de Cambrai, reprenant le canon « In qualibus vestibus sacerdos ad altare accedat » de Guiard de Laon45, stipule que le prêtre doit avoir un manipule de deux pieds de long, l’étole, la chasuble, l’amict, la ceinture, le surplis doit être revêtu sous l’aube et le port des chaussures est obligatoire46.

Dans la plupart des cas, les évêques se contentent de formules évasives. Les vêtements doivent être décents et honnêtes. La décence concerne la coupe du vêtement. Il doit être fermé et d’une longueur convenable, « ni trop long ni trop court », peut-on lire dans les textes47. Il ne doit pas choquer, par des couleurs vives ou des ornements trop luxueux, et doit rester conforme à la dignité ecclésiastique. La notion d’honestas, héritée de Cicéron et transmise par Ambroise48, est souvent associée à l’honneur49. Au XIIe siècle, elle est synonyme de vertu50. Ces catégories, aussi floues soient-elle sont dotées d’un contenu juridique.

L’utilisation d’un vocabulaire propre au comportement, pour désigner le costume est un des indicateurs les plus sûrs de ce que Gil Bartholeyns désigne comme « la moralisation de l’apparence ». Si le costume peut être tenu pour quantité négligeable dans le corpus des textes du droit canon de l'Occident médiéval, il n’en reste pas moins important par sa signification. Les autorités ecclésiastiques associent très nettement apparence et intériorité : la première étant reflet de la seconde. La décrétale Quoniam stipule que « les clercs doivent, par la décence de l’habit extérieur, manifester l’honnêteté qu’ils ont en dedans »51. Pour les autorités ecclésiastiques, le costume est révélateur du bon ou du mauvais comportement des clercs. Nous retrouvons ici le double sens du terme latin habitus : disposition morale et vêtement.

44 Le concile de Latran IV (1215) prescrit ainsi aux évêques de porter dans l’église des « survêtements de lin » (cf. G. Alberigo, op. cit., p.521). Pour l’aube, voir, entre autres, les statuts synodaux de Cologne de 1281 in Concilia germaniae, III, p.662.

45 Statuts de Cambrai, Guiard de Laon, (1238 –1248), can. 54 in Les statuts IV, p.38.

46Statuta synodalia ecclesiae Cameracensis (1300) in Concilia germaniae, IV, p.70. Sur la question du port des chaussures à l'autel,se reporter au chapitre 4 p.245 et seq.

47 Cf. concile de Latran IV (1215) in G. Alberigo, op. cit., p.521.

48 G. Bartholeyns, Naissance, op. cit., p.108.

49 « L’honestas, sans se confondre avec l’honor, désigne la « rectitude intérieure », qui ne peut elle-même être apparente que par une conduite extérieure digne d’honneur ». A. Destemberg, « Le paraître universitaire médiéval, une question d’honneur (XIIIe – XVe siècle) » in I. Pareysis (dir.), Paraître et apparences en Europe occidentale du Moyen-Âge à nos jours, Villeneuve d’Ascq, Presse universitaire du Septentrion, 2008, p.134.

50 L. Trichet, Le costume,op. cit., p.106.

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Les Instructiones fabricae et supellectilis ecclesiasticae (1577) de l’archevêque de Milan, saint Charles Borromée (1538 – 1584), marquent un tournant par leur degré de précision52. Cet ouvrage comprend une définition rigoureuse du vestiaire en fonction du type d’église (cathédrale, collégiale, paroissiale,…) et une description minutieuse de chaque pièce avec parfois mention de la longueur du vêtement53. La décoration est précisée, à l’instar des croix sur le manipule ou des orfrois des chasubles. Les matières le sont plus rarement. Les anneaux épiscopaux doivent être en or, mais, pour la plupart des ornements, Borromée recommande simplement d’utiliser des matières précieuses54.

Les couleurs pénètrent dans le vestiaire liturgique spontanément et progressivement durant le haut Moyen Âge. Avant l’an mil, rares sont les textes abordant cette question et c’est

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