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Chapitre I : Revue bibliographique

2. Quorum sensing

2.3. Les différents systèmes de QS

2.4.2. La formation du biofilm

La formation ou le développement du biofilm est un processus multifactoriel complexe qui est contrôlé par une combinaison de conditions environnementales et de fonctions cellulaires génétiquement contrôlés (Kjelleberg and Molin, 2002). Dans ce cadre, de nombreuses études montrent l’importance du rôle de la communication bactérienne dans ce processus. Certains auteurs ont démontré que le QS est impliqué dans différentes étapes du développent de biofilm telles que l’attachement, la maturation et la dispersion (Tableau 3) (Spoering and Gilmore, 2006; Solano et al., 2014), tandis que d’autres ont trouvé des diffucultés à éxploiter la rélation entre le QS et la formation du biofilm comme c’est mentionné dans le revue de Parsek et Greenberg (Parsek and Greenberg, 2005).

L’implication du QS dans la régulation de la formation de biofilm a été rapportée pour la première fois chez P. aeruginosa (Davies et al., 1998). Dans cette étude Davies et al ont montré que la souche mutée au niveau du gène lasI codant la synthase de la 3-oxo-C12-HSL, développe un biofilm plus fin et plus facile à décrocher que la souche sauvage et l’addition de 3-oxo-C12-HSL restaure le phénotype normal. En revanche, la mutation au niveau du rhlI codant la synthase de la C4-HSL n’a aucun effet sur la formation du biofilm. Cela a conduit les auteurs à suggérer que le système lasI-3-oxo-C12-HSL-lasR est indispensable pour le développement de l'architecture caractéristique du biofilm chez P. aeruginosa. Cet effet d’inhibition du développement ou de maturation du biofilm par inactivation du QS a été également montré chez plusieurs bactéries comme Serratia liquefaciens (Labbate et al., 2004), Bulkoldehria cepacia (Huber et al., 2001), Klebsiella pneumoniae (Balestrino et al., 2005).

Plus récemment, des études sur les effets d’inhibiteurs de QS sur la formation de biofilm montrent l’importance de ces systèmes de communication dans la régulation des gènes impliqués dans la formation du biofilm (Hirakawa and Tomita, 2013). L’étude réalisée par Ishida et al (Ishida et al., 2007) a permis de montrer que l’utilisation de molécules de synthèse inhibitrices de récepteurs LasR et RhlR chez P. aeruginosa entraine une inhibition de la formation du biofilm.

Tableau 3. Différentes implication du QS dans la formation de biofilm chez les bactéries (Aye, 2015).

Récepteur QS contrôlé par le QS Serratia liquefaciens MG1

C4-HSL swrI/swrR Attachement (Labbate et al., 2004)

Helicobacter Pylori

SD14

luxS Attachement (Cole et al., 2004)

Salmonella thyphimurium

luxS Attachement (Prouty et al., 2002)

P. aeruginosa PAO1 3-oxo-C12-HSL C4-HSL lasI/lasR rhlI/rhlR Maturation du biofilm (Davies et al., 1998; Waters and Bassler, 2005) S. liquefaciens MG1 C4-HSL bsmA et bsmB Maturation du biofilm (Labbate et al., 2004) Burkholderia cepacia H111 C8-HSL cepI/cepR Maturation du biofilm (Huber et al., 2001) Vibrio cholerae El Tor C6706str2 luxO Repression du biofilm (Hammer and Bassler, 2003) Bacillus subtilis NCIB3610 yveQ/yveR Maturation du biofilm /sporulation (Branda et al., 2001) Aeromonas hydrophila A1 C4-HSL ahyI/ahyR Maturation du biofilm (Swift et al., 1999) Streptococcus mutans 25172 et GS-5 AI-2 LuxS Maturation du biofilm (Merritt et al., 2003) (Yoshida et al., 2005)

Streptococcus sp. CSP ComC Maturation

du biofilm

(Cvitkovitch et

al., 2003)

Rhodobacter

sphaeroides 2.4.1 7,8-cis-C14-HSL cerI/cerR Dispersion

(Puskas et al., 1997)

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Pseudotuberculosis

90/54

al., 1999)

Xanthomonas.

campestris 8004 Facteur DSF rpfF Dispersion

(Dow et al., 2003)

Comme expliqué plus haut, la formation du biofilm est un processus hautement régulé au niveau génétique. Plusieurs systèmes souvent connectés peuvent agir sur ce processus. Un exemple détaillé de cette interconnexion peut être illustré par le cas de la bactérie pathogène

V. cholerae, responsable du choléra chez l’être humain. Cette bactérie existe principalement

dans l’environnement marin et l'infection des humains se produit habituellement par l'ingestion d’eaux contaminées contenant des bactéries appartenant aux sérogroupes O1 et O139 de l’espèce V. cholerae (Suckow et al., 2011). Après avoir traversé l'estomac, V.

cholerae exprime un ensemble de facteurs de virulence qui permettent la colonisation des

cellules épithéliales intestinales. Le principal facteur de colonisation est la toxine TCP (Toxin Coregulated Pilus). TCP favorise l'adhérence de V. cholerae à la muqueuse intestinale et la sécrétion ultérieure de la toxine cholérique, responsable de graves diarrhées, ce qui amène à une libération de la bactérie dans l'environnement (Li et al., 2008). Le point critique du cycle d’infection de V. cholerae est la capacité de cette bactérie à alterner entre l’expression des gènes de virulence, nécessaires pour sa survie à l’intérieur de l’hôte et l’expression des gènes impliqués dans la formation du biofilm, nécessaires pour sa survie dans son milieu marin (Faruque et al., 2006).

Deux systèmes de signalisation contrôlent la transition de V. cholerae entre la vie planctonique et la vie en biofilm. Il s’agit des systèmes de communication QS et du système de signalisation c-di-GMP (Waters et al., 2008).

Le CA1-1 et l’AI2 sont les deux molécules QS présentes chez V. cholerae. Elles sont synthétisées par CqsA et LuxS respectivement. La transduction de ces deux signaux est réalisée par les mêmes protéines régulatrices appelées LuxU et LuxO (Figure 30) (Duan et March, 2010). À faible densité cellulaire, les récepteurs de ces deux molécules signal (CqsS et LuxP/Q) fonctionnent comme des kinases, induisant la phosphorylation de la protéine LuxO. LuxO phosphorylée inhibe alors l’expression de HapR, régulateur majeur du mécanisme du QS, par l’augmentation de l’expression des petits ARN (sARN) qui inhibent la traduction des ARNm de hapR. Cela favorise l’expression de gènes spécifiques tels que les gènes requis

pour la formation de biofilm et la production des facteurs de virulence (Figure 25) (Waters et

al., 2008). Cependant, à forte densité cellulaire, les récepteurs CqsS et LuxP/Q fonctionnent comme des phosphatases, ce qui amène à une activation de l’expression de hapR par un mécanisme de transduction, entrainant la déphosphorylation de LuxO et par suite l’inhibition de la synthèse des sARN. HapR permet, en se liant à l’ADN, de réguler l’expression de gènes spécifiques des fortes densités cellulaires. Il inhibe l’expression des gènes impliqués dans la formation du biofilm et des gènes de virulence, ce qui favorise la dispersion de V. cholerae (figure 30) (Waters et al., 2008).

Figure 30. Présentation des systèmes QS chez V. cholerae (Duan and March, 2010).

V. cholerae possède deux systèmes QS. Il s’agit du système AI2 et du système CAI-1 composés de

LuxS/AI2/LuxPQ et CqsA/CAI-1/CqsS comme synthase/molécule signal/récepteur respectivement. Ces deux systèmes régulent à haute densité cellulaire l’expression génétique de V. cholerae dont les gènes impliqués dans la synthèse des facteurs de virulence.

Conformément à ce qui est connu chez d'autres bactéries, le c-di-GMP contrôle la transition entre l’état planctonique et sessile chez V. cholerae. Une concentration élevée de c-di-GMP stimule la formation du biofilm et inhibe la virulence. Une faible concentration inhibe la formation du biofilm et induit la mobilité et la virulence (Tischler and Camilli, 2005).

Waters et al, ont montré que l’expression de hapR chez V. cholerae à forte densité cellulaire inhibe la formation du biofilm par deux mécanismes. D’une part, HapR active l’expression des gènes codant pour des enzymes qui dégradent le c-di-GMP et d’autre part diminue l’expression du facteur transcriptionnel activateur du biofilm nommé VpsT. L’expression de vpsT est induite normalement par une forte concentration de c-di-GMP. Par conséquent, le QS contrôle la formation du biofilm chez V. cholerae via HapR d’une façon directe et indirecte en diminuant l’expression de VpsT et la concentration intracellulaire de c-di-GMP respectivement (Figure 31) (Waters et al., 2008). À noter que d’autres protéines

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kinases membranaires, CqsR et VpsS, ont été découvertes récemment. Celles-ci participent à la phosphorylation/déphosphorylation de LuxO en réponse à des molécules différentes de CAI-1 et AI2(Jung et al., 2015).

Figure 31. Modèle simplifié de l'interaction entre QS et c-di-GMP dans la régulation de l'expression génétique

chez V. cholerae (Waters et al., 2008).

À faible concentration d’Ais (faible concentration cellulaire) (à gauche), LuxO est phosphorylée, ce qui entraîne une inhibition de la traduction de hapR par synthèse des sARN qui modifient les ARNm de hapR. À forte concentration d’AIs (forte concentration cellulaire) (à droite), LuxO est déphosphorylé, ce qui entraine une stabilisation des ARNm de hapR. HapR réprime à la fois la formation du biofilm et l'expression des facteurs de virulence. HapR inhibe la formation du biofilm à la fois directement et indirectement en réduisant la quantité de c-di-GMP intracellulaire.