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Dans son encadré du Français dans le monde n°339 intitulé « Quelle professionnalisation des acteurs de la formation », Sophie Etienne (2005) dresse le portrait des capacités dont doit être pourvu un formateur dans l’enseignement du français aux migrants. Celui-ci doit « avoir une formation solide » (Etienne, 2005 :28), il doit être « préparé à l’analyse des besoins » (Etienne, 2005 :28) et savoir évaluer, il doit connaître les référentiels ainsi que les certifications, il doit pouvoir effectuer un choix quant aux outils d’enseignement/apprentissage qu’il va utiliser et doit, au besoin, en créer lui-même. Noémie Gloaguen- Vernet (2009) estime qu’il a une fonction de tuteur, de conseiller et doit pouvoir justifier des compétences suivantes : des compétences d’encadrement, d’expertise, de conseil et de concepteur pédagogique. À cela nous ajouterons le fait que le formateur doit être polyvalent, doit savoir travailler dans l’urgence et en lien avec l’actualité. Le formateur doit également être en mesure de justifier les activités qu'il propose aux

44 apprenants. Par exemple, comme nous l'avons vu précédemment, organiser des sorties est un très bon moyen d'apprendre et d'appréhender l'environnement des apprenants. Il faut toutefois, avec un public peu ou non scolarisé, expliquer une telle démarche et le fait qu'une sortie peut être aussi bénéfique que deux heures de cours en classe. Ces explications éviteront que l'apprenant ne se montre réfractaire. Enfin le formateur doit être capable de se décentrer de son propre apprentissage. Il est courant, chez des bénévoles non professionnels, de voir des personnes enseigner la lecture telle qu'elles l'ont apprise (dans le primaire). Nous revenons alors au problème soulevé par Mariela De Ferrari (2008) que nous avons évoqué plus haut. Autant dire que l’on ne s’invente pas formateur.

Et pourtant c’est l’idée qu’on s’est faite pendant très longtemps de cette fonction. Rappelons qu’au début de l’enseignement du français aux migrants, les ateliers n’étaient basés que sur l’apprentissage de la lecture/graphie. On considérait alors que n’importe qui pouvait le faire. Or, comme nous venons de le voir et comme nous l’a montré le point précédent, ce n’est pas le cas. Il faut pour cela acquérir des compétences que seule une formation initiale peut apporter dans un premier temps. Alors, quels sont les parcours que peuvent emprunter les formateurs pour se professionnaliser ?

Et bien à vrai dire jusqu’au milieu des années 90 le problème était bien là : il n’y avait pas de formation. Les masters de FLE et les universités ne s’intéressaient pas à ce sujet et aucun autre organisme ne proposait autre chose que des réunions entre formateurs qui, au final, ne faisaient que soulever des questions sans vraiment avancer de réponses.

Sophie Etienne (2005) reconnaît que la formation FLE est une bonne base mais n’est pas suffisante. Pour elle, seule une formation pointue peut donner la maîtrise suffisante pour assurer pleinement la fonction de formateur. Or, à l’heure où elle écrivait son article (2005) seules deux formations existaient réellement : Le DIFLES (Didactique du français langue étrangère/seconde) depuis 1994/1995 et le DUDILA (Didactique : Illettrisme et alphabétisme) depuis 1999/2000. Toutes deux sont des formations composées de différents modules et mises en place par l’université de Lyon 2. Existait à ce moment là également, l’AEFTI (Association pour l’enseignement et la formation des travailleurs immigrés) qui proposait des rencontres entre formateurs pour travailler sur des sujets, des difficultés rencontrés ainsi que pour travailler sur la création de documents ensuite répertoriés dans la revue Savoirs et formation.

Où en sommes-nous donc aujourd’hui ? Que veut dire après tout se professionnaliser ? À quoi correspond ce poste ?

Il s’agit en vérité de devenir coordinateur et/ou formateur pédagogique. Cette personne a donc la responsabilité de coordonner les différents ateliers et d’être une ressource pédagogique pour les autres personnes travaillant sur la structure, toujours bénévoles. Aujourd’hui aucune formation universitaire ou diplôme ne permet de devenir coordinateur/formateur pédagogique. Seules des formations complémentaires peuvent apporter des bases solides. Les organismes offrant cette possibilité sont, entre autres : le CIEP de Sèvres, qui a crée dans son stage BELC une filière « FLE migrants ». Ce même organisme propose également en collaboration avec le ministère des affaires étrangères et l’OFII une

45 formation intitulée « Élaborer une offre de cours pour les candidats à l’immigration familiale vers la France ». À noter également que l’université de Lyon 2 propose toujours le DIFLES et le DUDILA. Or il est important de noter que ces formations sont encore difficilement accessibles financièrement.

Dans les associations et/ou organismes dispensant des ateliers de français à destination des migrants, ce sont donc toujours des bénévoles qui animent les cours encadrés par un coordinateur/formateur lorsque les moyens de la structure le permettent. Ces formateurs et bénévoles sont plus ou moins bien formés.

De son côté, Ghislain Deslandes (cité par Berchoud, 2011) observe deux catégories de formateurs dont les intitulés ne nous sont pas inconnus : les formateurs « alpha » de premières générations et les formateurs « FLE » qui sont là depuis peu.

Nous avons donc pu voir dans ce point l’évolution du métier de formateur. De plus, les points précédents nous ont montré l’évolution des représentations sur les migrants, l’évolution des méthodologies et l’émergence d’outils destinés spécialement aux migrants. Nous pouvons donc dire que c’est un domaine en plein essor qui gagne à être de plus en plus connu. Voyons où nous en sommes aujourd’hui, en 2012.