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Chapitre 1 : Aspects physiques du comportement des tôles

1.4 Formabilité des tôles métalliques

La caractérisation de la formabilité des tôles métalliques a fait l’objet de nombreuses études depuis plusieurs décennies maintenant (Marciniak et Kuczynski, 1967 ; Goodwin, 1968 ; Keeler, 1968 ; Nakazima et Kikuma, 1971 ; Hecker, 1972 ; Marciniak et al., 1973). Pour caractériser cette formabilité, Keeler (1965) a introduit la notion de courbe limite de formage (CLF). Cet auteur a constaté que l’allongement local maximal (ou déformation maximale) à lui seul n’est pas suffisant pour déterminer le taux d’allongement possible d’une tôle. En reportant sur les deux axes d’un même diagramme les valeurs de déformation principales à rupture dans le plan de la tôle, il constata que tous les points se situaient sur une même courbe, appelée courbe limite de formage. Cette courbe initialement limitée au quadrant défini par une déformation principale mineure positive a été complétée par Goodwin (1968) en considérant les cas où la déformation principale mineure est négative. La Figure 1.25 montre ces CLF. -60 -40 -20 0 20 40 60 0 20 40 60 80 100 120 140 D éf o rm at ion p ri nc ipal e m ax im al e

Défomation principale minimale Keeler Goodwin

Depuis ces premiers travaux, plusieurs études ont été menées, jusqu’à nos jours, au niveau expérimental et théorique, dans le but d’obtenir des CLF représentatives de la formabilité des tôles métalliques pour des trajets de déformation complexes (Gosh et Laukonis, 1976 ; Hutchinson et Neale, 1978 ; Cordebois et Ladevèze, 1982 ; Cordebois, 1983 ; Needleman et Tvergaard, 1983 ; Brunet et al., 1985 ; Arrieux et al., 1985 ; Arrieux, 1990 ; Haddad, 1997 ; Hiwatashi et al., 1998 ; Kuroda et Tvergaard, 2000 ; Stoughton, 2001 ; Chow et al., 2002 ; Butuc, 2004).

1.4.1 Application des CLF

Ce diagramme s’est révélé très pratique dans le domaine industriel, car il définit deux zones :

 celle située au-dessus de la CLF et qui correspond à la rupture de la pièce,

 et celle située en-dessous de la CLF et qui correspond à la réussite de la pièce.

Ces CLF sont initialement définies dans l’espace des déformations (Keeler, 1968), mais peuvent être tracées dans l’espace des contraintes principales (par exemple, Arrieux, 1990 ; Haddad, 1997 ; Stoughton, 2001 etc.).

Figure 1.26. Utilisation des CLF dans le cadre d’une simulation par éléments finis. Le nuage de points représente l’état de déformations dans une zone de la pièce, généralement là où les

déformations se localisent. D’après Rees et Power (1998).

En termes d’applications, d’une manière générale les CLF peuvent remplir deux fonctions différentes :

 d’une part, elles permettent de comparer la formabilité des tôles métalliques, soit entre

 d’autre part, elles peuvent être utilisées dans le cadre d’un calcul de structures par éléments finis. En reportant l’état de déformation prédit à la fin de la simulation sur le diagramme de la CLF, cette dernière permet d’indiquer la position des points calculés (déformations ou contraintes principales dans le plan de la tôle). Si tous les points se trouvent en dessous de la CLF la pièce peut être réalisée avec succès. La Figure 1.26 montre un exemple d’utilisation de la CLF lors d’une simulation par éléments finis. Bien que critiquable, cette utilisation est très répandue dans les milieux industriels. Cependant, la définition de la limite de formabilité n’est pas unique. On définit généralement deux principales limites :

 la limite de formage à rupture et qui correspond au moment d’apparition d’une fissure

macroscopique. La courbe obtenue constitue la limite supérieure admissible.

 la limite de formage à striction. Plusieurs courbes peuvent être définies, du fait que la

striction apparaît avant la rupture et son appréciation n’est pas tout à fait objective (plusieurs états de déformation peuvent être qualifiés de striction). Néanmoins, la striction localisée, qui correspond au début de l’apparition d’une bande où les déformations se concentrent, est celle prise comme critère pour définir une CLF. On parle alors de CLF à striction localisée.

La Figure 1.27 montre l’écart entre les deux types de CLF. Cet écart dépend notamment du matériau. En effet, un matériau ayant une bonne ductilité présentera un écart important entre les deux CLF. De plus, pour un matériau donné, l’épaisseur de la tôle a une influence sur cet écart ; une tôle de faible épaisseur est beaucoup plus sujette à une rupture prématurée après l’apparition d’une striction localisée.

Ce sont les CLF à striction localisée qui sont généralement retenues dans la pratique pour deux principales raisons :

 Ces courbes se situent en-dessous de la CLF à rupture et sont donc beaucoup plus

conservatives. Elles permettent de s’assurer de la bonne résistance mécanique en service des pièces, en évitant d’avoir de faibles épaisseurs localement sur la pièce finale.

 Egalement, pour des raisons esthétiques, en particulier dans le domaine de la

carrosserie automobile, de tels défauts peuvent constituer une raison de rejet de certaines pièces. L’utilisation donc d’une CLF à striction localisée permet de s’assurer de la quasi-homogénéité de l’épaisseur de la tôle à la fin de l’opération de mise en forme.

1.4.2 CLF expérimentales

La détermination expérimentale des CLF consiste à réaliser un ensemble d’essais rhéologiques jusqu’à striction localisée ou rupture et mesurer les deux déformations principales correspondantes dans le plan de la tôle. Les principaux chargements utilisés sont la traction uniaxiale, la traction plane et l’expansion équibiaxiale. Tous les points de la CLF se situent entre les points extrêmes obtenus par les essais de traction uniaxiale et de l’expansion équibiaxiale. Selon le trajet de chargement, deux types de CLF peuvent être définies :

 les CLF directes, obtenues à partir d’essais monotones. Ces courbes servent

notamment à classer les tôles métalliques (matériaux différents) selon leur ductilité.

 les CLF indirectes, obtenues à partir d’essais séquentiels. Leur utilité peut s’avérer

d’une grande importance, car lors de la mise en forme de géométries complexes la formabilité de la tôle peut être affectée considérablement par les changements du trajet de déformation. L’utilisation d’une CLF directe n’est alors pas suffisante.

D’une manière générale, les CLF ne sont pas intrinsèques, mais dépendent du trajet de déformation. Autrement dit, nous pouvons obtenir des CLF différentes pour des pré- déformations différentes. La Figure 1.28, par exemple, montre des CLF à trajets séquentiels, obtenues après des pré-déformations en expansion. L’effet de la pré-déformation en expansion est caractérisé par une translation de la CLF vers la droite et vers le bas.

La Figure 1.29 montre des CLF à trajets séquentiels, obtenues après des pré-déformations en traction uniaxiale. L’effet de la pré-déformation en traction est caractérisé par une translation de la CLF vers la gauche et vers le haut. La formabilité de la tôle se trouve nettement améliorée sur les trajets en expansion.

Figure 1.28. CLF obtenues pour différentes pré-déformations en expansion équibiaxiale d’un acier doux. D’après Stoughton (2000).

Figure 1.29. CLF obtenues pour différentes pré-déformations en traction uniaxiale selon la direction transverse (TD) d’un acier doux. D’après Stoughton (2000).