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II. Lacan : la forclusion du Nom-du-Père

4. Après la forclusion du Nom-du-Père

 

« On sait que ce n'est pas parce qu'il sort des grenouilles après la pluie, qu'on a le droit de dire qu'il a plu des grenouilles433. » Étienne Klein

Le père "réel", le père nommant

En 1960, deux ans après l’article "D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose", dans Subversion du sujet et dialectique du désir, Lacan remet en question la métaphore paternelle et le père symbolique434 en tant qu’agent de la castration. Cette cohérence de la doctrine de 1958 est mise à mal par la clinique, car, selon Philippe Julien, "Lacan relativise cette doctrine […]. Il constate cliniquement parlant […] que le psychotique la déborde et y échappe435." Effectivement, cette adéquation de la théorie à la clinique ne cesse de faire question. « En fait, dit Lacan, l’image du Père idéal est un fantasme de névrosé. Au-delà de la Mère […] se profile l’image d’un père qui fermerait les yeux sur les désirs. Par quoi est plus marquée encore que révélée la vraie fonction du Père qui foncièrement est d'unir (et non pas d'opposer) un désir à la loi. Le père souhaité du névrosé est clairement, le Père mort. Mais aussi bien un Père qui serait parfaitement le maître de son désir, ce qui vaudrait autant pour le sujet. On voit là un des écueils que doit éviter l’analyste, et le principe du transfert dans ce qu’il a d’interminable436. » En effet, qui ne connaît nombre d’analysants embarqués dans des analyses interminables dont l’analyste éternellement silencieux incarne sublimement ce "père idéal". Il suffit d’écouter un temps ces perpétuels analysants pour se rendre compte de la place quasi religieuse qu’occupe leur analyste et son re-nom. Cet impossible traitement par le symbolique de la question du désir amènera Lacan à introduire, neuf ans plus tard, dans L’envers de la psychanalyse, le "père réel" comme agent de la

       

433 Étienne Klein in La conversation scientifique France Culture, émission du 5 décembre 2015. 

434 Lacan, J., Écrits, op. cit. p. 469 : "Si l'on considère d'autre part la préférence que Freud a gardée pour son Totem et Tabou, et le refus obstiné qu'il a opposé à toute relativation du meurtre du père considéré comme drame inaugural de l'humanité, on conçoit que ce qu'il maintient par là, c'est la primordialité de ce signifiant que représente la paternité au-delà des attributs qu'elle agglutine et dont le lien de la génération n'est qu'une part. Cette portée de signifiant apparaît sans équivoque dans l'affirmation ainsi produite que le vrai père, le père symbolique, est le père mort. Et la connexion de la paternité à la mort, que Freud relève explicitement dans maintes relations cliniques, laisse voir d'où ce signifiant tient son rang primordial."

435 Julien, P., "Lacan et la psychose 1932-1976", Littoral no 21, p. 13.

castration. « Définir le père par la castration, c'est en effet le définir autrement que par l'Œdipe, c'est-à-dire par "le guignol de la rivalité sexuelle"437 » souligne Sidi Askofaré. Entre-temps, la vie de Jacques Lacan sera émaillée d’événements qui ne seront pas sans conséquences théoriques dans le cadre de son enseignement.

 Lors du Congrès de Stockholm de l’International Psychoanalytic Association (IPA) tenu en 1963, un ultimatum est donné à la Société française de psychanalyse (SFP) de rayer Lacan de la liste des didacticiens avant trois mois, c’est-à-dire avant le 31 octobre 1963. C’est lors de ce congrès, selon Vladimir Granoff et Élisabeth Roudinesco, que Lacan aurait connu un épisode qui pourrait être qualifié de "délirant"438. Peu avant ce congrès, selon Roudinesco439, le 27 juin 1963, Lacan écrit une longue lettre à Paula Heimann dans laquelle il conteste les conclusions de la Commission d’enquête et accuse Daniel Lagache de lui voler ses idées.

 Nombre d’analysants quittent alors Lacan, dont Jean Laplanche qui arrête son analyse avec lui le 1er novembre 1963. Lacan entre alors en fureur et l’accuse de profiter de lui. De plus, quand Daniel Widlöcher lui signifie sa radiation, Lacan se met en colère et relie le comportement de ses élèves qui le quittent à un complexe médical, juif et paternel : « Votre attitude à tous ne m’étonne pas : vous êtes presque tous médecins et l’on ne peut rien faire avec les médecins. De plus vous n’êtes pas juifs, et l’on ne peut rien faire avec les non-juifs. Vous avez tous des problèmes avec votre père et c’est pour cette raison que vous agissez ensemble contre moi440. »

 Dans la suite, Lacan sera obligé d’interrompre son premier et seul séminaire sur Les Noms du Père, la Clinique des maladies mentales de Sainte-Anne lui étant interdite. Il trouvera alors "refuge" dans la salle Dussane de l’École Normale Supérieure441 et, lors de la première leçon du 15 janvier 1964, il qualifiera la "proscription" de son enseignement comme "ce qu’on appelle, en d’autres lieux, l’excommunication majeure", faisant alors référence au

       

437 Askofaré, S., "L’insoutenable légèreté du père". Champ lacanien, vol. 15, n° 1, 2014, p. 124.

438 Wladimir Granoff ajoute : "Le climat était tellement pathogène que j'ai vraiment le sentiment de n'attenter aucunement à la mémoire de Lacan en disant que là, il s'est réellement payé un moment de délire. Nous en sommes tous capables, et je n'ai aucune raison de penser qu'à moi ce n'est jamais arrivé, ou ne m'arrivera jamais, dans d'autres coordonnées, mais tout aussi gravement peut-être." Granoff, W., Lacan, Ferenczi et Freud, Paris : NRF Gallimard, 2001, p. 27.

439 Roudinesco, É., Histoire de la psychanalyse en France, t. II, Paris : Fayard, 1994, pp 356-357.

440 Ibid.

hérem442 prononcé à l’encontre de Spinoza le 27 juillet 1656 par les autorités rabbiniques de la communauté juive d’Amsterdam.

 En 1964, Lacan obtiendra le droit de faire "substituer" son nom à celui de sa fille Judith qui portait le nom de Bataille depuis sa naissance. Judith Bataille devient Judith Lacan à l’âge de vingt-trois ans. Il est à noter que, peu après la naissance de Judith, Lacan avait écrit, dans son Discours de Rome : « Nous savons en effet quel ravage déjà allant jusqu'à la dissociation de la personnalité du sujet peut exercer une filiation falsifiée quand la contrainte de l'entourage s'emploie à en soutenir le mensonge443. » Michel Schneider, dans un ouvrage polémique444, sans dénier l'importance de l'apport théorique de Lacan, souligne que : « Non sans apparence de raison, Élisabeth Roudinesco voit dans la théorie du père symbolique une rationalisation de la propre position psychique de Lacan, "le Nom-du-Père" : s'il y a une famille où la place du père, "le Nom du père", furent problématiques, c'est bien la sienne445. » De fait, pour cet auteur, le "passage du Nom-du-Père" dans la théorie de Lacan correspond à une période difficile et mouvementée de sa biographie.

Après ce séminaire, Les Noms du père, interrompu en 1963, Lacan fera silence sur la question du père, et ce, jusqu’en 1969. Ce silence de six ans est interprété par Erik Porge, dans son ouvrage Les noms du père, comme une figure de rhétorique qu’il nomme "réticence"446. Pour Paul Verhaege, « le fait que Lacan dans son enseignement ultérieur ne cessa de référer à ce séminaire fantôme, sans pour autant le développer, nous livre en fait une magnifique

       

442 Le herem ou cherem est la forme la plus sévère d'exclusion de la communauté juive. Il s'agit d'une véritable mise au ban de la société juive, présentant de nombreuses similitudes avec l'anathème des Églises catholique et orthodoxe (source : Wikipédia).

443 Lacan, J., Écrits, op. cit., p. 277.

444 Schneider, M., Lacan les années fauves, Paris : P.U.F., 2010, p. 188 : « En 1953 dans son discours de Rome, Lacan propose une théorie du sujet centré sur le dévoilement de la vérité. Au même moment, il mène une double vie amoureuse, a deux enfants de deux femmes et tente de maintenir chacune dans l'ignorance de l'existence de l'autre. Au même moment, il fait croire à l'Église qu'il est redevenu chrétien tout en se rapprochant du parti communiste. Au même moment, il fait semblant, devant l'Internationale analytique, d'être revenu à une durée normale de séances (il s'y engage formellement en janvier 1953). C'est d'ailleurs devant le risque de perdre sa légitimité vis-à-vis de cette dernière qu'il se rapproche des deux autres Internationales, la catholique et la communiste, intercédant alors auprès du pape, et convoquant Althusser dans une manœuvre où il tombera. Pense-t-on vraiment que ce triple mensonge soit sans effets sur la théorie de la vérité ? […] Peut-on être analyste, pratiquer la "cure par la parole", sans être homme de parole ? La théorie de Lacan ne saurait avoir été construite hors de sa clinique. Or, sur celle-ci, l'image d'ensemble donnée par divers témoins, à quelques exceptions près, n'est guère celle d'un thérapeute dédié à ses malades. Althusser parmi d'autres le vit lors du suicide de son patient, l'anthropologue Lucien Sebag, davantage préoccupé des conséquences sociales de cette mort que de quelque chagrin personnel. »

445 Ibid., p. 189.

446 En rhétorique, la réticence est une figure de construction qui consiste en un énoncé inachevé dont le sens reste clair. La réticence est employée pour atténuer le sens d'une expression en laissant le soin à l'interlocuteur d'en deviner la suite ou pour insinuer (figure d'insinuation comme l'euphémisme ou l'amplification). Dès lors, la réticence peut exploiter le caractère polysémique de l'énoncé.

illustration de son objet : le séminaire inexistant fonctionne comme un manque structurant447. » Qu’y avait-il donc de si dérangeant dans ce séminaire qui marqua l’exclusion de Lacan de l’IPA ?

Dans la seule séance de ce fameux séminaire, Lacan fait le pas du singulier au pluriel. Le "Nom du père" est égal au Dieu de l’ancien testament, donc indicible, et Lacan étudie différents noms par lesquels le Dieu d’Abraham est désigné – d’où le pluriel : les Noms du père – pour s’arrêter sur le nom imprononçable. Michel Bousseyroux note que « Les voyelles inconnaissables de Yhwh [le nom imprononçable] sont le refoulé originaire des quatre consonnes sacrées yod, hé, vav, hé ne faisant qu’en border le trou. Ce qui est originellement refoulé, […] c’est l’acoustique auquel se dérobe le nom écrit, et donc le signifiant du Nom-du-Père, puisque le signifiant, c’est ce qui s’entend. » Emmanuel Koerner indique que "ce signifiant du Nom-du-père [Lacan] le retrouve dans l'élohim caché, nommé dans le tétragramme imprononçable IHVH, qui peut s'écrire mais non se dire tout comme S(A barré)"448. Ainsi, précise Michel Bousseyroux se référant au séminaire R.S.I. : "Le Nom de

Dieu, c’est le refoulement449." Pierre Bruno ajoute que, dans le séminaire Les Noms du Père, Lacan, « En traduisant la formule hébraïque Ehyeh acher ehyeh par "Je suis ce que je suis" et non comme Augustin par "Je suis celui qui suis" […] remplace la question "qui ?", qui appelle une réponse en termes de nom, par la question "que ?" qui met Dieu au rang d’un sans-nom […] qui indique que Dieu ne peut dire son nom, ce qui est la marque d’un trou dans le nom450. » C'est pourquoi, selon Emmanuel Koerner, "il n'y a pas de question du père puisqu'il concerne le sujet avant toute question451." Notons qu’il existe de multiples versions de la traduction du Ehyeh acher ehyeh. Toutefois, Roland Meyer452 nous a fait remarquer que Lacan n'était pas sans connaître que la véritable traduction de l'hébreu est : "je serai ce que je serai", soit un futur et, a-t-il ajouté, "même pas un qui". Conséquemment, on peut aussi en déduire que Dieu n’est pas un sujet…

       

447 Verhaege, P., "Vers un nouvel Œdipe : pères en fuite", Revue française de psychanalyse, vol. 66, no 1, 2002, pp 145-158.

448 Koerner, E., "Du divin, du sacré et de la religion selon Lacan", Essaim, vol. 37, no. 2, 2016, pp. 29.

449 Bousseyroux, M., Au risque de la topologie et de la poésie élargir la psychanalyse, Toulouse : Érès, 2011, p. 160.

450 Bruno, P., "Le père et ses noms (6e partie)", Psychanalyse 3/2011 (n° 22), pp 111-124.

451 Koerner, E., "Le Nom du Père dans la considération scientifique : Lacan et saint Augustin", Essaim, vol. 30, no. 1, 2013, pp. 133. Il ajoute en note que "Avant Lacan, Spinoza représentait le signifiant comme trou". et se réfère à l'ouvrage de Spinoza, Compendium Grammatices linguae hebraeae. Édition française : Abrégé de grammaire hébraïque, Introduction de J. Askénazi, Paris, Vrin, 1968, p. 25-27. Au sujet de la différence entre lettres (consonnes écrites) et voyelles (non écrites en hébreu), Spinoza écrit : « À la vérité, pour que cette différence entre lettres et voyelles soit plus clairement comprise, on peut très bien l’expliquer en prenant l’exemple de la flûte que les doigts touchent pour jouer ; les voyelles, c’est le son de la musique ; les lettres, ce sont les trous touchés par les doigts », p. 36.

En 1969-1970, dans le séminaire L’envers de la psychanalyse, Lacan décrit la théorie freudienne de l’Œdipe comme un rêve de Freud. La seconde partie du séminaire est intitulée : Au-delà du complexe d’Œdipe. Lacan introduit la catégorie du "père réel" comme agent de la castration. Par le biais de ce nouveau concept, Lacan questionne le primat du symbolique sur l’imaginaire et sur le réel tel qu’il ressortait dans le résumé du séminaire Les psychoses, en 1957-1958, dans "D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose". Il s’agit là, à proprement parler, d’une "révolution" dans son "work in progress" et dans son enseignement.

La thèse de Lacan est la suivante. Ce qui caractérise le père, c’est d’être originairement castré. C’est, selon Lacan, cette castration originaire du père que Freud s’efforce de masquer avec le mythe453 du père de la horde. Il en déduit que si le mythe du père de la horde ne tient pas, l’Œdipe est "un rêve de Freud"454. Ce père dit "réel" n’est donc ni le père de la réalité ni le père œdipien ni le père de la horde. Le père réel est non directement le castrateur, mais l’agent de la castration, il "fait le travail de l’agence-maître"455. Le père réel s’impose donc comme un opérateur structural qui, dès l’entrée dans le langage, pose la castration comme constituante d’un sujet, que celui-ci la subjective ou non : « Nous reconnaissons bien là en effet, au-delà du mythe d’Œdipe, un opérateur, opérateur structural, celui dit du "père réel" […] il est aussi la promotion, au cœur du système freudien, de ce qui est le "père du réel" […] qui met au centre de l’énonciation de Freud un terme de l’impossible456. » Lacan poursuit : "le père réel n’a pas d'autre réel […] il n’est pas autre chose qu’un effet du langage457." Dans le fil de son axiome "l’inconscient est structuré comme un langage", cette définition du père réel est la conséquence non pas d’un "meurtre", mais du langage. On ne peut mieux dire et, contrairement à l’assertion de Françoise Dolto458, "Tout n’est pas langage." Pour rappel, si, pour Lacan, "le langage est la condition de l'inconscient"459 – et non l'inconscient la condition

       

453 Roland Meyer "La formule canonique du mythe, ou "Au-delà de la suture". Ce dernier fait référence à l'article de Jean Petitot "Approche morphodynamique de la formule canonique du mythe" in L'Homme, "Le Mythe et ses Métamorphoses", tome 28 no 106-107, pp 24-50. Pour Lévi-Strauss, rappelle Roland Meyer, "le mythe est l'ensemble de ses variantes. Le mythe se ferme dans l'ensemble en prenant un élément d'une culture étrangère. En quoi le trou, l'élément qui manque dans l'ensemble d'une ethnie qui va le chercher ailleurs. C'est le manque qui forme l'ensemble."

454 Lacan, J., Le séminaire livre XVII L’envers de la psychanalyse, p. 230 dans la transcription de Valas.

455 Ibid., p. 146.

456 Lacan, J., Le séminaire livre XVII L’envers de la psychanalyse, p. 178 dans la transcription de Valas.

457 Ibid. (tr. Valas), p. 185 (p. 146-148 dans version officielle).

458 Dolto, F., Tout est langage, Paris : Gallimard, 1987.

du langage – "l'inconscient est la condition de la linguistique. Celle-ci n'en a pas pour autant sur lui la moindre prise"460, dit-il dans Radiophonie.

Cette mise en évidence du père réel est ce qui permettra à Lacan d’avancer que cet impossible (à dire) du père réel est du même coup ce par quoi la castration a lieu. Il n’est pas le père symbolique, celui qui pose la castration comme loi grâce à son Nom : le Nom-du-Père, c’est le père du nom, soit le père mort, c’est-à-dire le père symbolique qui est aussi un effet du langage, une métaphore. Le père réel n’a pas de nom, dit Pierre Bruno, "n’étant rien d’autre qu’agent, ce n’est que dans l’imaginaire qu’il peut être posé comme jouisseur"461. Il est ce à partir de quoi la limite de la castration est pensable puisque le père réel dessine la limite du symbolique.

Cet impossible du père réel est illustré par Bernard Brémond avec le second film de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol Marius, Fanny, César. Dans ce film, César a une vive altercation avec son fils Marius qui, de retour à Marseille après avoir assouvi son désir, son appel de la mer, apprend qu’en son absence Fanny a eu un fils de lui. Elle s’est mariée avec Panisse et ce dernier fait fonction de père pour ce fils (Césariot). Sous le coup de cette annonce transmise par son père, Marius souhaite reprendre la femme et l’enfant. César s’oppose fermement à la décision de Marius en lui signifiant qu’il a fait le choix des voyages et, de fait, n’a aucun droit à faire valoir sur cette femme et sur la "paternité" de cet enfant. Nous nous situons ici bien évidemment dans le registre symbolique. Toutefois, la parole ayant produit ses effets, Marius s’incline devant la détermination de son père. Puis, dans un geste de réconciliation et d’amour filial, ils se reconnaissent. Marius s’avance alors pour embrasser son père. César est emporté dans le même mouvement, mais au moment où Marius va l’enlacer, il le repousse et frappe de ses mains les épaules de son fils dans un geste qui témoigne bien évidemment de son affection mais interdit le corps à corps. Cet exemple de Marcel Pagnol illustre ce dont il s’agit en ce qui concerne le « père réel » dont Lacan tient pour exclu qu’on l’analyse462. De fait, il s’agit ici du père réel, agent de la castration, et de ce qu’un fils peut en attendre, dit Bernard Brémond qui ajoute : « ce qu’un fils peut attendre de mieux de ce père, c’est que la rencontre avec lui soit ratée. En effet, si l’impossible que constitue la relation père-fils est mis à mal, alors s’ouvre entre eux une complicité de jouissance, qui a pour effet

       

460 Ibid., p. 410.

461 Bruno, P., Le père et ses noms, Ramonville-Saint-Agne : Érès, 2012, p. 145.

462 « Or, je tiens pour exclu qu’on analyse le Père réel, et pour meilleur le manteau de Noé quand le Père est imaginaire » Lacan, J., Télévision, Paris : Seuil, 1974, p. 35. 

d’entamer le fonctionnement de la métaphore paternelle, la fonction symbolique du père et la portée du Nom du Père463. »

Dans la note préparatoire à la séance du 9 juin 1971 de son dix-huitième séminaire, D'un discours qui ne serait pas du semblant, Lacan ira jusqu’à dire : « La métaphore paternelle, comme je l'ai dénommée depuis longtemps, couvre le phallus, c'est-à-dire la jouissance en tant qu'elle est du semblant. C'est bien en cela qu'elle est vouée à l'échec. Il n'y a pas de père