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La force de travail rémunérée et le pouvoir de décision

POUVOIR Moi ns PI us Total

C. La force de travail rémunérée et le pouvoir de décision

Nous avons observé plus tôt que notre échantillon comprenait 62% de répondantes qui tiraient une rémunération de leur travail, alors que 38% n'en avaient pas.

Parmi celles dont la force de travail est rémunérée, 41% gagnent 50.000 CFA et moins et 59% gagnent plus de 50.000 CFA.

Notre hypothèse, au sujet de la relation initiale contrôlée par la force de travail rémunérée de la femme, s'énonçait ainsi: la relation entre la scolarisation et le pouvoir décisionnel de la femme sera plus forte si la femme possède une force de travail rémunérée.

Avant de vérifier ce lien, nous avons cherché à tester une autre de nos hypothèses selon laquelle, la force de travail rémunérée de la femme est reliée d'une façon positive à son pouvoir de décision dans le couple.

Dans cette section, nous avons aussi procédé par analyse de tableaux. Nous avons mis en relation la force de travail rémunérée ou

non avec le pouvoir de décision (tableau 30). Puis dans un deuxième temps, pour nuancer davantage la différence entre les femmes scolarisées ou non et leur pouvoir de décision, nous avons utilisé un tableau à trois entrées incluant la scolarisation, le pouvoir décisionnel et la force de travail rémunérée ou non comme variable de contrôle (tableau 32).

Pour ce qui est de la relation entre la force de travail rémunérée et le pouvoir de décision de la femme dans le couple, on s'aperçoit au tableau 30 que les femmes qui ont une force de travail rémunérée ont plus de pou­ voir que celles qui n'en ont pas. En effet, celles dont la force de travail n'est pas rémunérée détiennent un pouvoir limité dans le couple dans une proportion de 94%, comparativement à 71% chez celles qui bénéfi­ cient d'une force de travail rémunérée.

Tableau 30: Répartition des femmes selon leur force de travail rémunérée et leur pouvoir de décision

Force de travail

Pouvoir

moins plus Total force de travail rémunérée 71% (17) 29% (7) 100% (24) force de travail non rémunérée 94% (16) 6% (1) 100% (17)

Pas de réponses - 100% (3) 100% (3)

Total 75% (33) 25% (11) 100% (44)

Par ailleurs, le pourcentage des femmes qui ont un pouvoir plus élevé, passe de 6% chez celles qui sont sans force de travail rémunérée à 29% dans le groupe de celles qui possèdent une force de travail rémuné­ rée, soit cinq fois plus.

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Pour vérifier si la force de travail rémunérée ou non de la femme est en relation de façon significative avec son pouvoir de décision dans le couple, nous avons procédé à une analyse de la variance simple. Tableau 31: Analyse de la variance entre le pouvoir de décision

et la force de travail rémunérée de la femme

Source de variation Sommes des carrés D.L. Carré Moyen F Sign, de F. Effets principaux 273,008 1 273,008 39,081 0,000 Force de travail rémunérée 273,008 1 273,008 39,081 0,000 Variance expliquée 273,008 1 273,008 39,081 0,000 Termes d'erreurs 405,175 58 6 986 Total 678,183 59 11,495 N = 44 Données manquantes = 16

Le fait que les femmes aient une force de travail rémunérée c non le pouvoir décisionnel sont en relation de façon significative si l'on tient compte du F de 39,081 qui est significatif à 0,000. La femme qui a une force de travail rémunérée a plus de chance d'avoir un pouvoir de décision plus élevé.

En tenant compte de notre relation initiale entre le degré de scolarisation de la femme et son pouvoir de décision, nous allons mainte­ nant examiner ce qui s'y passe lorsqu'on fait intervenir la force de travail rémunérée.

Tableau 32: Relation entre la scolarisation de la femme et le

pouvoir de décision selon la force de travail rémunérée

Degré de scolari­ sation force de travail rémunérée Pouvoir

Moins Plus Total

force de travail non rémunérée

Pouvoi r

Moins Plus Total

Pas de réponse Total scolari­ sées non-sco- 1ari sées 72%(13) 28%(5) 100%(18) 100%(6 ) - 100%(6) 85%(11) 15%(3) 10 0%(13) 100%(4) - 100%(4) 100%(3) 100%(34) 100%(10) N = 44 Données manquantes = 16

Le tableau 32 montre que, parmi les femmes dont la force de travail est rémunérée, le pouvoir est associé à la scolarisation. En effet, parmi les femmes dont la force de travail est rémunérée, 28% des femmes scolarisées possèdent un pouvoir de décision plus élevé comparati­ vement à aucune chez celles qui sont non-scolarisées. Par contre, parmi les femmes dont la force de travail n'est pas rémunérée, 15% des femmes scolarisées détiennent un pouvoir de décision plus élevé par rapport à aucune parmi les femmes non- scolarisées.

A présent, nous allons observer au tableau 33 si le pouvoir de décision de la femme s'exerce différemment selon les types de dépenses dépendamment de sa force de travail rémunérée.

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Tableau 33: Pouvoir de décision de la femme à l'égard d'items

spécifiques: cas des femmes dont la force de travail est rémunérée Dépenses financières Décision prise par la femme (%) Déci sion prise c on­ jointement (%) Déci si on prise par 1'homme (%) Pas de réponse (%) Total N = 100% Vêtements 61 3 36 0 100 Mobilier 6 23 65 6 100

Education des enfants 32 6 55 8 100

Voyages 29 3 64 4 100 Cérémonies sociales 16 10 71 3 100 Emprunts 10 0 81 9 100 Affaires 10 10 74 6 100 Total N = 24 7 64 = 24 Données manquantes = 0 5 100

Chez les femmes qui obtiennent une rémunération de leur force de travail, on remarque au tableau 33 qu'elles ont un pouvoir plus élevé dans les décisions relatives aux vêtements, à l'éducation des enfants et aux voyages. En effet, c'est à l'égard de ces trois items que l'on re­ trouve les plus forts pourcentages de femmes qui prennent les décisions seules, bien qu'il s'agisse de décisions encore majoritairement prises par le mari dans le cas de l'éducation des enfants et des voyages, sauf pour les dépenses concernant l'achat des vêtements où les femmes dont la force de travail est rémunérée prennent des décisions seules de façon majoritaires (61%). Dans tous les autres cas, les décisions relèvent majoritairement du mari seulement.

Par contre, on retrouve au niveau des différents items peu de femmes dont la force de travail est rémunérée et qui prennent des déci­ sions conjointement avec le mari, sauf dans le cas des décisions relati­ ves au mobilier, où là encore, il ne s'agit que d'une femme sur quatre.

Pour ce qui est des femmes dont la force de travail n'est pas rémunérée, nous présentons les résultats au tableau 34.

Tableau 34: Pouvoir de décision de la femme à l'égard d'items spécifiques: cas des femmes dont la force de travail n'est pas rémunérée.

Dépenses financières Décision prise par la femme (*) Décision prise con­ jointement (%) Décision prise par 1'homme (%) Pas de réponse (%) Total N = 100% Vêtements 8 0 83 9 100 Mobilier 0 0 92 8 100

Education des enfants 4 4 88 4 100

Voyages 4 4 67 25 100 Cérémonies sociales 4 0 92 4 100 Emprunts 8 0 67 25 100 Affaires 0 0 92 8 100 Total 4 4 83 J = 17 Données manquantes = 0 12 100

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Pour l e groupe des femmes dont l a force de t r a v a i l n ' e s t pas rémunérée, l e tableau 34 nous apprend q u ' e l l e s sont encore moins autono­ mes dans l a p r i s e de décision sur l e s d i f f é r e n t s items. En e f f e t , on

re lè v e peu de cas où l a femme e s t seule à prendre l e s décisions e t pour ce qui e s t des déc isions r e l a t i v e s au mobilier e t à l a mise sur pied d'une a f f a i r e , l a présence des femmes e s t in e x i s t a n t e .

Le modèle de l a co-décision conjugale n ' e s t pas mentionné sauf dans l e s décisions r e l a t i v e s à l'é d u c a ti o n des enfants e t aux voyages.

Nous observons de plus que, dans toutes l e s d é c isio n s , l a ba­ lance du pouvoir penche en faveur des maris. Nous pouvons donc dire que l e pouvoir des femmes dont l a force de t r a v a i l de t r a v a i l n ' e s t pas rému­ nérée e s t nettement plus f a i b l e comparativement à celui des maris.

En ce qui a t r a i t aux décisions a f f e c t é e s par l a force de t r a ­ v ail rémunérée de l a femme dans l e s domaines appartenant aux r ô le s t r a d i ­ tio nnels masculins e t féminins, l e s r é s u l t a t s sont consignés dans le s tableaux 35 e t 36.

A i n s i , de façon g lo b a le , nous notons au tableau 35 que l e s femmes dont l a force de t r a v a i l e s t rémunérée ont plus de pouvoir que l e s femmes dont l a fo rce de t r a v a i l n ' e s t pas rémunérée pour ce qui e s t des items appartenant au r ô le trad itio n n e l de l a femme.

Tableau 3 5: Lien entre l e pouvoir de décision de l a femme pour des dépenses trad itionnellement r e l i é e s au r ô le de la femme selon sa force de t r a v a i l rémunérée ou non.

Pouvoir déci -

sionnel fo rce de

t r a v a i l

Items budgétaires l i é s au r ô le traditionnel de l a femme

Education

Vêtements Mobilier enfants Voyages

1 . Co-Décision force de t r a v a i l non rémunérée 4% 4% force de t r a v a i l rémunérée 3%

23%

6%

3% 2. Prépondérance de la femme fo rce de t r a v a i l non rémunérée 8% 4% 4% force de t r a v a i l rémunérée

61%

65% 32% 29%

Ce tableau nous indique que sur l e plan des co-décisions e t des dé cisions où l a femme a prépondérance, l e s femmes dont l a force de t r a ­ v a il e s t rémunérée ont plus de pouvoir que c e l l e s qui n'ont aucune rému­ nération e t c e , pour l a presque t o t a l i t é des items re le van t du rôle t r a ­ ditionnel de l a femme.

Qu'en e s t - i l des décisions a f f e c t é e s par l a force de t r a v a i l rémunérée de l a femme dans l e s items appartenant au rôle traditionnel de 1 ' homme?

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Tableau 36: Lien entre l e pouvoir de décision de l a femme pour des dépenses trad it ionnell em ent r e l i é e s au r ô le de l'homme selon sa fo rc e de t r a v a i l rémunérée ou non.

Pouvoi r déci -

sionnel s c o l a r i ­ sation

Items budgétaires l i é s au r ô le traditio nnel de 1 ' homme Cérémoni es s o c i a l e s Emprunts A f f a i r e s 1 . Co-Décision force de t r a v a i l non rémunérée force de t r a v a i l rémunérée 10% - 10% 2. Prépondérance de la femme fo rce de t r a v a i l non rémunérée 4% 8% force de t r a v a i l rémunérée 16% 10% 10%

Selon l e tableau 36, on s ' a p e r ç o i t que l e s femmes qui t i r e n t une rémunération de le u r fo rce de t r a v a i l ont plus de pouvoir que l e s femmes dont l a fo rc e de t r a v a i l n ' e s t pas rémunérée, concernant l e s items r e lev an t du r ô le t radition n e l de l'homme, q u ' i l s ' a g i s s e de décisions p r i s e s conjointement avec le u r mari ou p r i s e s seulement par l e s femmes.

Il e s t à remarquer que l e s femmes dont l a force de t r a v a i l n ' e s t pas rémunérée ne prennent aucune décision conjointe avec le u r mari. Il fa u t t o u t e f o i s ajo u t e r que l e s pourcentages sont t r è s peu élevés dans 1 'ensemble.

Dans l e s pages qui su iv e n t, nous allo n s dans un premier temps résumer l e s r é s u l t a t s que nous allo n s ensuite i n t e r p r é t e r .

L ' o b j e c t i f général de notre recherche é t a i t de v o i r dans quelle mesure l a s c o l a r i s a t i o n des femmes influence de façon p o s i t i v e le u r pou­ v o i r décisionnel dans l e couple.

Pour c e l a , nous avons cherché à v o i r d'abord si l a s c o l a r i t é , l e s t a t u t professionnel e t l a force de t r a v a i l rémunérée des femmes pou­ v aie n t in flu e n c e r un à un, de façon p o s i t i v e l e pouvoir de décision de l a femme dans l e couple.

Nous avons en su it e cherché à examiner si l a r e la ti o n entre la s c o l a r i t é de l a femme e t son pouvoir décisionnel e s t plus f o r t e lorsque l ' o n contrôle son s t a t u t professionnel ou sa fo rc e de t r a v a i l rémunérée.

Nous a l lo n s résumer nos r é s u l t a t s en suivant l a même démarche que pour l a présentation des r é s u l t a t s , c ' e s t - à - d i r e en mettant l e pou­ v o i r décisionnel en rapport avec l e s t r o i s v a r i a b l e s suivantes:

- l a s c o l a r i t é

- l e s t a t u t professionnel

- la fo rc e de t r a v a i l rémunérée.

Pour l e s f i n s de notre étude, nous n'avons retenu que l e s as­ pects économiques e t f i n a n c i e r s de c e t t e notion.

1 . La s c o l a r i t é de l a femme e t son pouvoir de décision

Notre hypothèse é t a i t que l a s c o l a r i t é de l a femme a v a i t une in fluen ce sur son pouvoir de décision dans l e couple. Nos données vont- e l l e s dans l e sens de c e t t e hypothèse?

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Comme nous avons pu l e remarquer (tableau 1 2 ) , l e s fermes sco­ l a r i s é e s ont tendance à av o ir plus de pouvoir que l e s femmes non-s cola ri- sé e s. A i n s i , l a s c o l a r i s a t i o n s e r a i t un fa c t e u r qui po urra it in fluence r l e pouvoir de l a femme. En in troduisan t l a v a r i a b le niveau de s c o l a r i t é e t en l a c r o i s a n t avec l e pouvoir de d é c isio n , notre hypothèse semble toujours v é r i f i é e . En e f f e t , nous avons constaté que 20% des femmes de niveau primaire ont un pouvoir de décision plus é le v é , tandis que 39% des femmes de niveau secondaire e t plus se retrouvent dans c e tt e sit u a tio n (tableau 1 3 ) . On p o u rrait d i r e que plus l e niveau de s c o l a r i t é e s t é l e ­ vé, plus f o r t e s t le pouvoir de décision de l a femme dans le couple.

D'une manière gén érale , l e s r é s u l t a t s que nous avons obtenus tendent à montrer q u ' i l y a une d iff é r e n c e entre l e s femmes concernant le pouvoir de décision selon l e u r s c o l a r i s a t i o n e t selon le u r niveau de s c o l a r i t é . Cependant, statist iquem ent p a r l a n t, notre hypothèse de base ne se v é r i f i e qu'avec une des mesures de l a v a r i a b le indépendante. En e f f e t , notre observation de l ' a n a l y s e de l a variance au tableau 15 nous f a i t v o i r que l e niveau de s c o l a r i t é et l e pouvoir décisionnel ne sont pas r e l i é s de façon s i g n i f i c a t i v e . Par contre, l a s c o l a r i s a t i o n de l a femme e t son pouvoir décisionnel sont asso c ié s de façon s i g n i f i c a t i v e (tableau 1 4 ) .

D'autre p a r t , en comparant l e s tableaux 16 e t 1 7 , nous avons observé que l e s femmes s c o l a r i s é e s sont beaucoup plus impliquées dans le processus de p r i s e de décision aux niveaux de toutes l e s dépenses compa­ rativement aux femmes n on -s cola ris ées sauf en ce qui concerne l e mobi­ l i e r . En outre , l e s femmes s c o l a r i s é e s sont toujours plus représentées dans l e modèle de l a co-déc ision conjugale que l e s femmes non-s cola ri- s é e s . Dans aucun cas l e s femmes sont m a j o r i t a i r e s même chez l e s femmes s c o l a r i s é e s . Concernant l e pouvoir de décision des maris, i l demeure prépondérant au niveau de tous l e s items sauf dans l e cas de dépenses d'habillement où l e s femmes semblent av oir autant de pouvoir que leur m a r i .

Cela peut s ' e x p l i q u e r par l e f a i t que l a s c o l a r i s a t i o n peut permettre à l a femme de pa rt ag er avec son mari l e s d é c i s i o n s à prendre. On peut penser que son passage à l ' é c o l e p o u r r a i t l ' a v o i r amené à déve­ l o p p e r son e s p r i t c r i t i q u e , à remettre plus aisément en question l e s modèles t r a d i t i o n n e l s de partage des r ô l e s dans l e coup le. L ' é d u c a t i o n peut aussi donner l e s connaissances et l e s h a b i l e t é s permettant de pren­ dre des d é c i s i o n s .

En ce sens, nous observons que l a s c o l a r i s a t i o n joue également sur l e po uvoir des femmes dans l e s d é c i s i o n s appartenant au r ô l e t r a d i ­ t io n n e l de l a femme e t du m ari. En e f f e t , dans l e s d é c i s io n s qui sont r a tta c h é e s au r ô l e masculin t r a d i t i o n n e l (Cérémonies s o c i a l e s , Emprunts, A f f a i r e s ) , l a s c o l a r i s a t i o n de l a femme augmente son pouvoir de d é c i s i o n comparativement à c e l l e s qui ne sont pas s c o l a r i s é e s (tablea u 20). De même que pour l e s d é c i s i o n s appartenant au r ô l e t r a d i t i o n n e l de l a femme, l e pouvoir de l a femme augmente l o r s q u ' e l l e e s t s c o l a r i s é e (tableau 1S). Dans l ’ensemble cependant, les femmes sco lar isé es ont moins de p o u v o i r

s u r les items t r a d it i o n n e l s masculins. Elles n ’ont jamais un po u v o ir ma­ j o r i t a i r e même dans les champs féminins. Toutefois, l ’écar t est plus grand en tre les femmes scola ris ées et n o n - sco la ris ées dans les dépenses masculines.

2. Le s t a t u t p r o f e s s i o n n e l e t l e po uv oir d é c is io n n e l de l a femme

Comme hypothèse s e c o n d a ir e , nous v o u li o n s s a v o i r si l e s t a t u t p r o f e s s io n n e l p o u v a it i n f l u e n c e r de façon p o s i t i v e l a r e l a t i o n qui e x i s t e e n tre l e p o u v o ir d é c i s io n n e l de l a femme e t sa s c o l a r i s a t i o n .

Nous avons, au p r é a l a b l e , examiné si l e s t a t u t pr o fe ssi o n n e l de l a femme a v a i t un e f f e t sur son p ouv oir de d é c i s i o n .

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Les données de notre étude ont montré (tableau 21) que, lorsque l e s t a t u t professionnel de l a femme e s t é le v é , c ' e s t - à - d i r e l o r s q u ' e l l e a l e contrôle de son m ét ier, son pouvoir de décision au sein du couple e st plus é le v é . Ce qui s i g n i f i e r a i t que l a femme qui a un s t a t u t profe ssion ­ nel plus éle vé a aussi un pouvoir de décision plus f o r t que l a femme qui n'a pas un s t a t u t professionnel supérieur.

Si l ' o n se r é f é r é à l ' a n a l y s e de l a variance au tableau 22, on s ' a p e r ç o i t q u ' i l y a une r e l a t i o n s i g n i f i c a t i v e entre l e pouvoir de d éci­ sion de l a femme e t son s t a t u t pro fe ssion n e l. Plus on a un s t a t u t pro­ fessionnel é l e v é , plus on d é tie n t un pouvoir de décision f o r t . Inverse ­ ment, moins l e s t a t u t professionnel e s t é le v é , moins f o r t e s t l e pouvoir de décision de l a femme dans l e couple.

Notre hypothèse étant que l e s t a t u t professionnel de l a femme pouvait in flu e n ce r de façon p o s i t i v e l a r e l a t i o n entre l e pouvoir de décision de l a femme e t sa s c o l a r i s a t i o n , c e tt e r e l a t i o n r i s q u a i t d ' ê t r e renforcée par l 'i n t r o d u c t i o n de l a v a r i a b l e s t a t u t profess ionnel.

En e f f e t au tableau 23, on s ' e s t rendu compte qu'effectivement parmi l e s femmes s c o l a r i s é e s , c e l l e s qui ont un s t a t u t professionnel é le vé ont un plus grand pouvoir que c e l l e s qui ont un s t a t u t profe ss ion­ nel moins é le v é .

Notre hypothèse s ' e s t trouvé v é r i f i é e , en ce sens que l a r e l a ­ tion entre l a s c o l a r i t é de l a femme e t son pouvoir de décision dans l e couple, e s t plus f o r t e si l e s t a t u t professionnel de l a femme e s t é lev é .

Concernant l e pouvoir de l a femme à l ' é g a r d d'items s p é c i f i ­ ques, on a supposé que l e s t a t u t professionnel de l a femme pouvait aug­ menter son pouvoir dans l e s décisions r e l a t i v e s aux items du budget asso­ c i é s traditionnellement au r ô le du mari. Et l ' o n a constaté que ces

c e l l e s - c i o n t un s t a t u t p r o f e s s i o n n e l p l u s élev é. E l l e s ne s o n t c e p e n ­ d a n t ja m a is m a j o r i t a i r e s même d a n s le s c h a m p s f é m i n i n s , s a u f p o u r les v ê t e m e n t s .

3. La fo r c e de t r a v a i l rémunérée e t l e po uvoir de d é c i s i o n de l a femme

Comme hypothèse s eco nd aire , nous v o u li o n s s a v o i r si l a r e l a t i o n e nt re l a s c o l a r i t é de l a femme e t son pou vo ir d é c is io n n e l e s t plus f o r t e si l a fo r c e de t r a v a i l de l a femme e s t rémunérée que si e l l e ne l ' e s t pas. Nous avons cherché aussi à mesurer s i l e pouvoir d é c is io n n e l de l a femme e s t p lu s f o r t si sa f o r c e de t r a v a i l e s t rémunérée.

Dans un premier temps, nous avons co n s ta té que c e t t e v a r i a b l e in f l u e n c e l e po uvoir de d é c i s i o n des femmes, en ce sens que, c e l l e s dont

l a fo rce de t r a v a i l e s t rémunérée, possèdent un pou vo ir de d é c i s i o n plus f o r t que c e l l e s qui ne r e t i r e n t aucune rémunération de l e u r fo rce de

t r a v a i l .

L ' a n a l y s e de l a v a r ia n c e a montré e f f e c t iv e m e n t au tableau 31 q u ' i l y a v a i t une d i f f é r e n c e s i g n i f i c a t i v e e n tre l a fo r c e de t r a v a i l rémunérée ou non et l e p ouv oir d é c i s io n n e l de l a femme dans l e couple.

D ' a u t r e p a r t , nous avons cherché à s a v o i r s i l a r e l a t i o n entr e l a s c o l a r i t é de l a femme e t son pouvoir d é c i s io n n e l e s t plus f o r t e si l a fo r c e de t r a v a i l de l a femme e s t rémunérée. Au ta blea u 32, nous avons pu observer q u ' e f f e c t i v e m e n t l e s femmes s c o l a r i s é e s dont l a fo rce de t r a v a i l e s t rémunérée sont plus nombreuses à posséder plus de pouvoir que c e l l e s dont l a f o r c e de t r a v a i l n ' e s t pas rémunérée.

On f a i t l ' h y p o t h è s e qu'au niveau des d é c i s i o n s , l a fo rce de t r a v a i l rémunérée de l a femme augmentera son pouvoir de d é c i s io n dans l e s

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d i f f é r e n t s items re le v an t du rôle traditionnel de l a femme ou de celui de l'homme. En e f f e t , l e s r é s u l t a t s obtenus au tableau 36 nous montrent que, dans l e s items appartenant au rô le t rad ition n e l de l'homme, l e pou­ v o ir de l a femme augmente si e l l e a une force de t r a v a i l rémunérée. Il fa u t t o u t e f o i s a j o u t e r que l a p a r t i c i p a t i o n dé c isio n n e lle sur ces d i f f é ­ rents items e s t f a i b l e même pour c e l l e s dont l a force de t r a v a i l e s t rémunérée.

3. Interprétation

Deux observations générales se dégagent des r é s u l t a t s qui ont été présentés dans l e s pages précédentes: a) l a s c o l a r i s a t i o n de l a femme a un e f f e t p o s i t i f sur son pouvoir de décision dans l e couple et b) l a re la ti o n entre l a s c o l a r i s a t i o n e t l e pouvoir de décision de l a femme dans l e couple e s t plus f o r t e lorsque l e s t a t u t professionnel de l a femme e s t élevé ou lorsque l a force de t r a v a i l de l a femme e s t rémunérée.

En e f f e t d'après nos r é s u l t a t s , nous pouvons penser que l e f a i t d ' ê t r e s c o l a r i s é e ou non s e r a i t plus important que l e niveau de s c o l a r i ­ t é . Cela peut se comprendre en référence avec l a s c o l a r i s a t i o n de l ' e n ­ semble des femmes, surtout qu'en Côte d ' i v o i r e , l e phénomène de l ' a n a l ­ phabétisme e s t t r è s répandu. En e f f e t , 78% des femmes âgées de 15 à 24 ans sont analphabètes e t ce pourcentage a t t e i n t 97% chez c e l l e s qui ont 35 ans e t plus (Unesco 19 8 2).

Il s e r a i t i n t é r e s s a n t de pouvoir comparer ces deux groupes d'âge dans notre é c h a n ti l lo n . Étant donné que nous n'avions pas considé­

ré l a v a r i a b l e âge dans notre questionna ire, i l nous e s t impossible de le f a i r e présentement.

Nos c h o i x t h é o r i q u e s o n t p o r t é s u r l ’ a p p r o c h e c o n f l i c t u e l l e . No u s a v o n s c e p e n d a n t mis en é v i d e n c e non s e u l e m e n t la n o t io n de r e ­ p r o d u c t i o n s oc ia le , ma is a u s s i c e l l e de t r a n s f o r m a t i o n s o c i a l c . Nos d e u x o b s e r v a t i o n s g é n é r a l e s qu i se d é g a g e n t de n o s r é s u l t a t s i r a i e n t d a n s ce s e n s . A l e t t a Q r i s s a y (1984), d a n s u n e r e c h e r c h e e f f e c t u é e en Côte d ’ i v o i r e , m e n t i o n n e q u e l ’ i n s t r u c t i o n d e s j e u n e s i v o i r i e n n e s qui r e p r é s e n t e n t 40% de la p o p u l a t i o n s c o l a i r e et qu i s e r o n t le s m è r e s et les é d u c a t r i c e s de la g é n é r a t i o n s u i v a n t e d ’ é c o i i e r s et d ’ é c o l i è r e s e s t un e n j e u de t a i l l e p o u r le d é v e l o p p e m e n t du p a y s . S e lo n elle, l ’ école e x e r c e d é j à u n e i n f l u e n c e c o n s i d é r a b l e s u r l ’ é v o l u t i o n d e s m e n t a l i t é s et p e u t t r è s c e r t a i n e m e n t a m e n e r u n s m o d i f i c a t i o n p r o g r e s s i v e de l ’ image s o c i a l e d e s r ô l e s m a s c u l i n s / f é m i n i n s . C ’ e s t d a n s ce même o r d r e d ’ i d é e s q u e se s i t u e J e a n A n y o n (1983) l o r s q u ’ elle n o u s p a r l e du p o u v o i r de t r a n s f o r m a t i o n de l ’ école. S e lo n elle, le f a i t q u e les f i I i e s s o i e n t s c o l a r i s é e s p e u t le s e x p o s e r à p l u s i e u r s s c h è m e s de p e n s é e . L e s j e u n e s f i l l e s ou le s femmes p e u v e n t e n t r e r en c o n t a c t a v e c c e r t a i n s ( e s ) e n s a i g n a n t s ( e s ) et a v e c le s o e u v r e s de c e r t a i n s ( e s ) a u t e u r s ( e s ) qu i v o n t l e u r p r é s e n t e r d e s p o i n t s de v u e d i f f é r e n t s et d e s p o i n t s de v u e c r i t i q u e s de l ’o r d r e s o c ia l. C e s o u t i l s v o n t p e r m e t t r e a ux femmes de r e m e t t r e p l u s a i s é m e n t en q u e s t i o n l e u r p l a c e d a n s la s o c ié té . C ’ e s t c e t t e r e m is e en q u e s t i o n q u ’ A n y o n a p p e l l e " t r a n s f o r m a t i o n s o c i a l e " . Sel on A lz o n , c ’ e s t la s c o l a r i s a t i o n q u i, p a r s on p o u v o i r de t r a n s f o r m a t i o n , p o u r r a i t p e r m e t t r e à la femme de s o r t i r de c e t t e r e la t io n de d é p e n d a n c e f i n a n c i è r e v i s - à - v i s de s o n mari. L ’ A g e n c e c a n a d i e n n e de d é v e l o p p e m e n t , d a n s un a r t i c l e s u r le s femmes d a n s le d é v e l o p p e m e n t ( o c t o b r e 1985), p r é c i s e que, d a n s p r e s q u e t o u s les p a y s p o u r l e s q u e l s on d i s p o s e de c h i f f r e s , les j e u n e s f i l l e s d ’ a u j o u r d ’ hui a c q u i è r e n t un n i v e a u d ’ i n s t r u c t i o n s u p é r i e u r à c e lu i de l e u r mère. E t en même te m ps

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q u e les j e u n e s f i l l e s e t les femme s d e v i e n n e n t i n s t r u i t e s , l ’on note, t o u ­ j o u r s s e lo n l ’ ACDI, u n e b a i s s e de la m o r t a l i t é i n f a n t i l e , un p a r t a g e de p r i s e de d é c i s i o n d a n s le c o u p l e , u n e h a u s s e g é n é r a l e de la q u a l i t é de la v i e ( A g e n c e c a n a d i e n n e de d é v e l o p p e m e n t , 1985). N o t o n s a u s s i q u e d a n s un s e c o n d te mp s, n o s r é s u l t a t s n o u s o n t d é m o n t r é q u e la r e l a t i o n e n t r e la s c o l a r i s a t i o n et le p o u v o i r de d é ­ c i s i o n de ia femme d a n s le c o u p l e e s t p l u s f o r t e si le s t a t u t p r o f e s s i o n ­ nel de ia femme e s t é l e v é ou si s a f o r c e de t r a v a i l e s t r é m u n é r é e . En g é n é r a i , le s femme s q u i o n t la p o s s i b i l i t é de s ’ i n s t r u i r e s o n t en m e s u r e de m ie ux s ’ i m p l i q u e r d a n s le p r o c e s s u s de p r i s e de d é ­ c i s i o n au s e in du c o u p l e . A c e t e f f e t , n o u s p o u v o n s d i r e q u e n o u s n o u s a t t e n d i o n s à c e s r é s u i t a t s , en ce s e n s q u e le s t a t u t p r o f e s s i o n n e l et la r é m u n é r a t i o n s o n t d e u x v a r i a b l e s qu i s o n t en r e l a t i o n . C a r que l q u e s o i t l e u r s t a t u t p r o f e s s i o n n e l , c ’ e s t - à - d i r e q u ’ e l l e s c o n t r ô l e n t ou non l e u r m é ti e r, les fem me s de n o t r e é c h a n t i l l o n o n t l e u r f o r c e de t r a v a i l r é m u n é r é e . S e u l e s les p r o d u c t r i c e s d o m e s t i q u e s ne r e t i r e n t a u c u n e r é m u n é r a t i o n de l e u r a c t i v i t é . No us p e n s o n s d o n c q u e le s t a t u t p r o f e s s i o n n e l de la femme et s a f o r c e de t r a v a i l r é m u n é r é e lui p e r m e t t e n t de s ’ i m p l i q u e r d a n s le p r o c e s s u s de p r i s e de d é c i s i o n a v e c s o n mari. U n e t r o i s i è m e o b s e r v a t i o n g é n é r a l e se d é g a g e c e p e n d a n t de n o s r é s u l t a t s : L a s c o l a r i s a t i o n de la femme a un e f f e t p o s i t i f s u r son p o u v o i r de d é c i s i o n d a n s le c o u p l e p r i n c i p a l e m e n t d a n s les d é p e n s e s t r a d i t i o n n e l l e s f é m i n i n e s et b e a u c o u p m o in s d a n s les d é p e n s e s t r a d i t i o n ­ n e l l e s m a s c u l i n e s . C e t t e o b s e r v a t i o n i r a i t p l u s d a n s le s e n s d e s t h é o r i e s de ia r e p r o d u c t i o n s o c ia le .

S e lo n D e s c a r ri e s - B é l an g e r (1980) et le s t e n a n t s de la t h é o r i e de la r e p r o d u c t i o n , le p r o c e s s u s de s o c i a l i s a t i o n s c o l a i r e i m p l i q u e la t r a n s m i s s i o n de v a l e u r s et de m o dè le s c u l t u r e l s t r a d i t i o n n e l s . L ’ éco le c o n s t i t u e d o n c un a g e n t de r e p r o d u c t i o n . Il e x i s t e t o u t un c o u r a n t f é m i n i s t e en é d u c a t i o n q u i s o u t i e n t q u e l ’ école, comme a p p a r e i l i d é o l o g i q u e d ’ é t a t ( c o u r a n t m a r x i s t e ) ou a g e n c e de s o c i a l i s a t i o n ( c o u r a n t l i b é r a l ) , r e p r o d u i t la d i v i s i o n s e x u e l l e d e s r ô le s , p a r le c o n t e n u d e s m a n u e i s s c o l a i r e s , p a r la p r a t i q u e e n ­ s e i g n a n t e , p a r le m i n i - m o d è l e de s o c i é t é c o n s t i t u é p a r le s y s t è m e s c o ­ l a i r e en l u i- m ê m e ( d i s t r i b u t i o n hom m es /fe m m es d a n s la h i é r a r c h i e s c o ­ la ir e ) . C e s t h é o r i e s de la r e p r o d u c t i o n s o c i a l e a i d e n t à c o m p r e n d r e c e r t a i n s de n o s r é s u l t a t s , à s a v o i r q u e le p o u v o i r d e s femmes même s ’ il s ’ a c c r o î t e s t m o i n d r e q u e c e lu i d e s hommes et m a j o r i t a i r e m e n t c o n f i n é aux d o m a in e s qu i l e u r s o n t t r a d i t i o n n e l l e m e n t r é s e r v é s .

Notre p r i n c i p a l e question de recherche v i s a i t à sav o ir si l ' é ­ ducation influence l e pouvoir décisionnel de l a femme dans l e couple. À c e t t e f i n , nous avons mené une étude auprès de 60 femmes fréquentant le Centre de Prévoyance Maternelle e t I n f a n t i l e de Marcory (P.M .I.) à Abid­ jan en Côte d ' i v o i r e .

A l ' i s s u e de c e t t e étude, l e s r é s u l t a t s que nous avons obtenus nous permettent d ' a t t e s t e r que l a s c o l a r i s a t i o n de l a femme peut in flu e n ­ cer son pouvoir de décision dans l e couple, e t que c e t t e influence e s t médiatisée par l e s t a t u t professionnel e t l a rémunération de l a force de t r a v a i l au sens où l e pouvoir augmente avec l e s t a t u t professionnel e t l a rémunération de l a fo r c e de t r a v a i l .

A l a s u i t e de ces obs erva tions, nous aimerions f a i r e quelques suggestions concernant l a s c o l a r i s a t i o n , non pas seulement des jeunes f i l l e s mais aussi des femmes.

En e f f e t , i l e s t non seulement t r è s important de s c o l a r i s e r l e s f i l l e s en grand nombre en Côte d ' i v o i r e , mais i l fa u d r a i t aussi améliorer l e rendement du système d'enseignement primaire en Côte d ' i v o i r e e t c e , en tenant compte plus particulièrem ent des f i l l e s . Une enquête e ffe ctu é e par l e Laboratoire de Pédagogie Expérimentale de l ' U n i v e r s i t é de Liège sur l e rendement de l'enseignement primaire rénové en Côte d ' i v o i r e

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