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Fonctions thêta classiques

Soit (X = Cg, H = H) la variété abélienne principalement polarisée correspondant à Ω ∈ Hg. On a que Λ = Λ1⊕ Λ2 avec Λ1 = ΩZg et Λ2 = Zg. Ceci induit la décomposition suivante Cg = V1⊕ V2 de Cg en deux espaces réels

V1= ΩRg et V2 = Rg. La forme hermitienne H est symétrique sur V2 car E l’est. Notons maintenant B l’extension C-bilinéaire de la forme symétrique H|V2× V2. Cette extension B est également symétrique.

On a vu que =(Ω)−1 est la matrice de la forme de Riemann H et donc on a

B(x, y) = tx(=(Ω))−1y. On en déduit que

(H − B)(x, y) = tx=(Ω)−1(y − y) = tx=(Ω)−1(Ω − Ω)y1 = −2ıtxy1,

2.6. FONCTIONS THÊTA CLASSIQUES 79 À partir de cette forme bilinéaire B, on définit ce que l’on appelle le facteur

d’automorphie classique

a: (λ, z) ∈ (ΛΩ, Cg) 7−→ χ(λ) exp (π(H − B)(z, λ) + π

2(H − B)(λ, λ)) ∈ C.

Les fonctions thêta associées au facteur d’automorphie classique sont appelées

fonctions thêta classiques. Une fonction thêta f avec un tel facteur d’automorphie

doit vérifier f (z + λ) = a(λ, z)f (z) pour λ ∈ Λ, ce qui donne pour m ∈ Zg :

f (z + m) = f (z),

f (z + Ωm) = exp (−2ıπtzm − ıπtmΩm)f (z). (2.4)

Soit la fonction sur Cg× Hg suivante, appelée fonction thêta classique

θ(z, Ω) := X

n∈Zg

exp (ıπtnΩn + 2ıπtnz). (2.5)

C’est une fonction holomorphe sur Cg× Hg ([68, Proposition II.1.1]) et elle vérifie l’équation (2.4). On peut également montrer que toute fonction f vérifiant cette même équation est de la forme f (z) = cst · θ(z, Ω) ([68, Pages 121-122]).

Définition 2.6.1. Soit Ω ∈ Hg. Une fonction entière f sur Cg est Λ -quasi-périodique de poids ` si

f (z + m) = f (z),

f (z + Ωm) = exp (−2ıπ`tzm − ıπ`tmΩm)f (z), pour tout m ∈ Zg. Notons R

` l’espace vectoriel de telles fonctions.

Pour a, b ∈ Qg, on appelle fonction thêta classique de caractéristique (a, b) la fonction :

θ [ab] (z, Ω) = P

n∈Zgexp (ıπt(n + a)Ω(n + a) + 2ıπt(n + a)(z + b))

= exp (ıπtaΩa + 2ıπta(z + b))θ(z + Ωa + b, Ω). (2.6)

Remarquons que l’on a θ [0

0] = θ. La quasi-périodicité de θ [ab] est donnée par

θ [ab] (z + m, Ω) = exp (2ıπtam)θ [ab] (z, Ω);

θ [ab] (z + Ωm, Ω) = exp (−2ıπtbm) exp (−ıπtmΩm − 2ıπtmz) θ [ab] (z, Ω).

(2.7)

En outre, pour n, m ∈ Zg, on a

θhb+ma+ni(z, Ω) = exp (2ıπtam)θ [ab] (z, Ω) (2.8) et

θ [ab] (−z, Ω) = θh−a−bi(z, Ω). (2.9) Proposition 2.6.2. Soit Ω ∈ Hg. On a comme bases de R` les ensembles :

1. fa(z) = θha/`

0

i

(`z, `Ω), pour 0 ≤ a < ` ;

2. gb(z) = θhb/`0 i(`z,`), pour 0 ≤ b < ` ;

3. Si ` = k2, une troisième base est donnée par ha,b(z) = θha/kb/ki(`z, Ω), pour 0 ≤ a, b < k.

Ces bases sont reliées par gb=X

a

exp (2ıπ`−1 tab)fa et ha,b= X

c≡a mod k

exp (2ıπk−1 tcb)fc.

Démonstration. Voir [68, Proposition II.1.3].

D’autres bases sont explicitées dans [13, Proposition 3.1.6.]. Les changements de base sont fournis dans les pages qui suivent cette proposition.

Ainsi que nous l’avons vu dans la section 2.2, les fonctions thêta permettent d’obtenir un plongement de la variété abélienne vers un espace projectif. Soit Λ ⊆ Z2g d’indice s. Considérons la forme réelle antisymétrique sur R2g × R2g

définie par A(x, y) = tx1y2ty1x2 où x = (x1, x2) et y = (y1, y2). Le réseau

perpendiculaire à Λ est

Λ:= {x ∈ Q2g : exp (2ıπA(x, a)) = 1, ∀a ∈ Λ}.

Soient ai, bi ∈ Λ pour 1 ≤ i ≤ s un ensemble de représentants du quotient Λ/Z2g. Notons e l’identification de Rg × Rg avec Cg par (x, y) 7→ Ωx + y. L’ensemble des points de base B(Λ) du tore complexe Cg/eΩ(Λ) est l’ensemble des points de ce tore qui annulent toutes les fonctions thêta θai

bi  (z, Ω) : B(Λ) := {z ∈ Cg: θai bi  (z, Ω) = 0, 1 ≤ i ≤ s}/e(Λ). L’application holomorphe suivante est alors bien définie

φΛ: (Cg/e(Λ)) − B(Λ) −→ Ps−1 z 7−→ (θa1 b1  (z, Ω), . . . , θas bs  (z, Ω)).

Théorème 2.6.3 (Lefschetz). Soit Λ ⊆ Z2g un réseau d’indice s et supposons que Λ ⊆ rΛ pour un certain r ∈ N. Alors :

1. Si r ≥ 2, B(Λ) = ∅ ;

2. Si r ≥ 3, φΛest un plongement et son image est une sous-variété algébrique de Ps−1;

3. Un tore complexe Cg/Λ peut être plongé dans un espace projectif si et seulement si A(Λ) ⊆ ΩQg + Qg pour une certaine matrice A complexe g × g et un certain Ω ∈ Hg.

Démonstration. Voir [68, Théorème II.1.3 et Corollaire page 134].

2.6.2 Équation fonctionnelle des fonctions thêta

Soient Ω1 et Ω2 dans Hg. Nous avons vu que les tores Cg/(Zg+ ΩiZg) pour

i = 1, 2 sont isomorphes si et seulement s’il existe une matrice γ ∈ Sp2g(Z) telle que γ · Ω1= Ω2. L’isomorphisme entre les tores est donné par :

Cg/(Ω1Zg+ Zg) −→ Cg/(Ω2Zg+ Zg)

z 7−→ t(CΩ1+ D)−1z.

D’après [68, Proposition II.5.5], le groupe Sp2g(Z) agit sur Cg par

2.6. FONCTIONS THÊTA CLASSIQUES 81 pour γ = C DA B

. Cette même proposition affirme que ce groupe agit également sur la caractéristique des fonctions thêta. Les trois actions de Sp2g(Z) se retrouvent dans l’équation fonctionnelle sur les fonctions thêta qui suit.

Commençons par noter, pour une matrice M donnée, M0 le vecteur colonne composé des éléments diagonaux de M .

Proposition 2.6.4 (Équation fonctionnelle). Soient γ = A B C D



∈ Γg, e0 =

1

2(tAC)0 et e00 = 12(tDB)0. Alors pour tous vecteurs a, b dans Qg, z dans Cg et Ω dans Hg, on a θ [ab] (γz, γΩ) = ζγ p det(CΩ + D) exp ıπtz(CΩ + D)−1Cz · θhtγ (ab) +e0 e00 i (z, Ω) exp(−2ıπt(tAa + tCb + e0)e00) · exp(−ıπtaAtBa) exp(−ıπtbCtDb) exp(−2ıπtaBtCb), où ζγ est une racine huitième de l’unité qui ne dépend que de γ.

Démonstration. Voir [48, Chapitre 5 Théorème 2] ou [13, Proposition 3.1.24].

Remarque 2.6.5. La racine huitième de l’unité et la racine carré ne dépendent

pas de la caractéristique. Comme dans la suite nous nous intéresserons qu’à des quotients de fonctions thêta, nous n’aurons pas besoin de connaître cette racine de l’unité ni la détermination de la racine carré.

Similairement au cas de la dimension 1, nous notons Γg le groupe Sp2g(Z). Définissons les groupes suivants qui sont les groupes que nous manipulerons le plus : Γg(N ) := A B C D ∈ Γg : A ≡ D ≡ Igmod N, B ≡ C ≡ 0 mod N , Γg(N, 2N ) :=n A BC D ∈ Γg(N ) : (tAC)0 ≡ (tDB)0≡ 0 mod 2No, Γg,0(N ) := A B C D ∈ Γg : C ≡ 0 mod N , et Γ0g(N ) := A B C D  ∈ Γg : B ≡ 0 mod N .

Pour ces deux derniers groupes, nous enlèverons l’indice g lorsque la dimension ambiante sera implicite.

Proposition 2.6.6. Le groupe Γg est engendré par la matrice J =  0 Ig

−Ig 0



et les g(g+1)2 matrices de la forme

Mi,j = Ig mi,j

0 Ig

!

,

où mi,j désigne la matrice de taille g × g dont toutes les entrées sont nulles sauf les entrées (i, j) et (j, i) qui valent 1.

Démonstration. Voir [50, Pages 41-42].

Les générateurs de quelques sous-groupes de Γg sont donnés dans l’annexe 5 de [68, Chapitre II]. Terminons avec les définitions de formes et fonctions modulaires de Siegel.

Définition 2.6.7. Soit g ≥ 2 et soit Γ ⊆ Γg un sous-groupe d’indice fini. Une forme modulaire de poids k pour le groupe Γ est une fonction holomorphe f définie sur Hg telle que f (γ · Ω) = det (CΩ + D)kf (Ω) pour tous γ = A B

C D

 ∈ Γ et Ω ∈ Hg.

Pour g = 1, on a vu qu’il faut une condition supplémentaire. Le principe de Koecher [50, Section 4] nous dit que cette condition est immédiatement vérifiée lorsque g ≥ 2. Par exemple, on a

Proposition 2.6.8. Soit N pair. Alors pour tous a1, a2, b1, b21

NZg, la fonction θ [a1 a2] (0, Ω) · θhb1 b2 i (0, Ω)

est modulaire de poids 1 pour le groupe Γg(N2, 2N2).

Démonstration. Voir [68, Corollaire II.5.11].

Définition 2.6.9. Soit Γ un sous-groupe d’indice fini de Γg. Une fonction f :

Hg → C est une fonction modulaire de Siegel lorsqu’il existe deux formes

mo-dulaires de Siegel f1 et f2 de même poids et pour le même groupe Γ telles que f = f1

f2.

On peut prendre des quotients de fonctions comme dans la proposition précé-dente pour former des fonctions modulaires.

2.6.3 Thêta constantes en caractéristique 12 et en dimension g On va étudier maintenant les fonctions thêta au point z = 0 en regardant ces fonctions comme des fonctions en Ω. Dans ce cas là, on parle de thêta constantes. De plus, on se place en caractéristique 12 car c’est la caractéristique la plus mal-léable. Soient donc a, b ∈ {0, 1}g, posons θa,b(Ω) := θha/2b/2i(0, Ω).

Les équations (2.8) et (2.9) nous disent pour a, b ∈ {0, 1}g que

θha/2b/2i(0, Ω) = θh−a/2−b/2i(0, Ω) = exp (2ıπ(−ta/2)b)θha/2b/2i(0, Ω) et donc

θa,b(Ω) = exp (ıπtab)θa,b(Ω). Ceci conduit à la définition suivante.

Définition 2.6.10. Soient a, b ∈ {0, 1}g. On dit que la thêta constante θa,b est

paire lorsque tab ≡ 0 mod 2. Si ce n’est pas le cas, on dit que la thêta constante est impaire.

Lorsque la thêta constante est impaire, on a θa,b(Ω) = −θa,b(Ω) est donc cette thêta constante est identiquement nulle. On ne s’intéresse donc qu’aux thêta constantes paires. Une récurrence montre que sur les 4g thêta constantes, il y en a 2g−1(2g+ 1) qui sont paires et donc 2g−1(2g− 1) qui sont impaires.

L’équation fonctionnelle sur les carrés des thêta constantes et la définition du groupe symplectique nous donnent le résultat suivant, que nous réutiliserons.

2.6. FONCTIONS THÊTA CLASSIQUES 83 Corollaire 2.6.11. Pour tous γ = A BC D

∈ Γg(2, 4), a, b ∈ {0, 1}g et Ω ∈ Hg : θa,b2 (γ · Ω) = ζγ2det (CΩ + D)θ2a,b(Ω).

Ainsi, les quotients des carrés de fonctions thêta paires (en caractéristique 12) sont des fonctions modulaires pour le groupe Γg(2, 4).

Proposition 2.6.12 (Formules de duplication). Pour tous a, b ∈ {0, 1}g et Ω ∈

Hg, on a θa,b(2Ω) = 1 2g X b1+b2≡b mod 2 (−1)tab1θ0,b1(Ω)θ0,b2(Ω); θa,b Ω 2  = 1 2g X a1+a2≡a mod 2 (−1)ta1bθa1,0(Ω)θa2,0(Ω).

Démonstration. Voir [19, Propositions 5.5 et 5.6].

On note par λ(Ω) la plus petite valeur propre de la matrice =(Ω).

Lemme 2.6.13. Pour tous a, b ∈ {0, 1}g, si (Ωn)n∈N est une suite d’éléments de

Hg telle que limn→∞λ(Ωn) = +∞, alors lim

n→∞θa,b(Ωn) =

(

1 si a = 0;

0 si a 6= 0.

Démonstration. Nous reprenons la preuve de [19, Lemme 5.2]. Soient b ∈ {0, 1}g

et (Ωn)n∈N. Notons qn= exp (−πλ(Ωn)). Alors la définition des thêta constantes montre que pour tout n ≥ 0,

0,b(Ωn) − 1| ≤ X (m1,...,mg)∈Zg\{0} qm 2 1+...+m2g n ≤ 2g( X m∈Z\{0} qnm2)(X m∈Z qmn2)2g−1. On utilise la majoration X m≥1 qnm2X m≥1 qnmqn 1 − qn, pour obtenir 0,b(Ωn) − 1| ≤ 2g  1 + 2qn 1 − qn 2g−1 2qn 1 − qn.

Si λ(Ωn) tend vers l’infini, alors bien sûr qn tend vers 0 et l’inégalité ci-dessus permet de montrer le résultat puisque le côté droit tend vers zéro.

Si maintenant a 6= 0 et que (Ωn)n∈N est une suite de Hg telle que λ(Ωn) tend vers l’infini, alors ce qui précède montre que pour tout b ∈ {0, 1}g,

lim n→+∞θ0,b n 2  = 1, et en exprimant les θ2a,b(Ωn) en fonction des θ20,b(n

2 ) à l’aide de la formule de duplication, on voit facilement que si a 6= 0,

lim

n→+∞θa,b2 (Ωn) = 0, ce qui conclut la démonstration.