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C HAPITRE V : R ELIER LA DYNAMIQUE SPATIALE DES HABITATS A LA DIVERSIFICATION DES ESPECES : UNE APPROCHE MECANISTIQUE

Encart 3 Fonctionnement du modèle SPLIT :

Les simulations dépendent des grilles d’habitat en entrée. Chaque pas de temps du modèle correspond à une grille d’habitat avec trois types de cellules : Les cellules d’habitat qui peuvent être colonisées, les cellules qui peuvent être traversées mais pas colonisées et les cellules qui ne peuvent être ni colonisées, ni traversées. Chaque simulation débute au niveau du pas de temps le plus ancien avec une seule espèce à l’aire de distribution déterminée a priori, en général à l’aide de données fossiles. A chaque pas de temps, trois mécanismes entrent en action : l’extinction, la spéciation et la dispersion.

Figure 13 : Description des mécanismes du modèle SPLIT. L’illustration commence à la fin du pas de temps M*dans lequel l’habitat abrite deux espèces (bleue et orange). A M O ., les changements de l’habitat causent l’extinction locale de bleue dans quelques cellules et isolent des cellules de son aire de distribution. L’isolement de ces cellules cause l’apparition de nouvelle espèces (violette et rouge). Ensuite la dispersion des espèces est évaluée dans la nouvelle grille d’habitat pour mener à la fin du pas de temps M O .. A M O >, les changements de l’habitat causent l’extinction de violette qui n’est plus présente dans aucune cellule et l’extinction locale des autres espèces.

Extinction : L’extinction est une conséquence directe des changements d’habitats. Si aucune

cellule habitable n’est à portée de dispersion pendant le changement d’habitat, l’espèce s’éteint

Spéciation : Deux paramètres contrôlent la spéciation : Le paramètre %P est une distance seuil utilisée dans un algorithme identifiant les groupes de cellules isolés (dbscan). Si des groupes sont identifiés comme isolés, ils forment des espèces distinctes et l’évolution de leur aire de distribution est simulée indépendamment. Le paramètre QP est une probabilité de spéciation au sein de chaque cellule de la distribution d’une espèce. A chaque pas de temps, un tirage aléatoire détermine si une nouvelle espèce apparaît dans la cellule. Lors d’un événement de spéciation, l’arbre phylogénétique est mis à jour.

Dispersion : A chaque pas de temps, chaque espèce peut coloniser les cellules habitables du pas de

temps suivant qui sont à portée de dispersion. La portée de la dispersion est contrôlée par le paramètre % qui peut une distance brute (distance constante) ou le paramètre de forme d’une loi de Weibull (distance stochastique).

MODELE DE DIVERSIFICATION SPATIALE DES LIGNEES AU COURS DU TEMPS 35

V.2 Fidélité des prédictions du modèle SPLIT aux données empiriques

Les gradients de richesse simulés sous le modèle SPLIT présentent des hauts niveaux de corrélation avec les gradients de richesse observés pour chaque groupe étudié (Acroporidae et Labridae, AA1 ; Rhizophoraceae et Avicenia, A3). Par ailleurs, le modèle SPLIT prédit une

évolution des gradients de richesse dans le temps conforme aux données fossiles des Acroporidae (AA1, Fig. 14). De même, le modèle SPLIT a reproduit avec succès les

différences en composition entre les sites et en particulier la structure emboîtée de la +- diversité de l’Indo-Pacifique (Mouillot et al. 2013) et les différences de composition très importantes entre l’Atlantique et l’Indo-Pacifique (A3, AA1). La comparaison des taux de

diversifications simulés par le modèle SPLIT et les taux de diversification empiriques est plus compliquée car nous ne disposons pas de méthodes permettant d’estimer fidèlement les

Figure 14 : Richesse standardisée des Acroporidae au cours du temps. Les cartes de gauche représentent les gradients de richesse simulés sous le modèle SPLIT et les cartes de droite représentent les gradients de richesse estimés à partir des occurrences fossiles.

variations des taux de diversification dans le temps (Stadler 2011; Silvestro et al. 2014; Rabosky et al. 2014; Morlon et al. 2016). Cependant les taux de diversification simulés par SPLIT sont hautement dépendants de la fragmentation de l’habitat et présentent des maxima aux périodes précédemment identifiées comme favorables à la diversification des espèces marines côtières (A3, Fig. 15) : les débuts de l’Eocène et du Miocène (Renema et al. 2008; Cowman & Bellwood 2013). Enfin, la distribution fonctionnelle (traits de dispersion) observée des poissons récifaux montre des hauts niveaux de congruence avec la répartition des clades simulés avec différentes capacités de dispersion (AA2), avec des assemblages

d’espèces aux faibles capacités de dispersion au niveau de l’IAA et des Caraïbes.

V.3 Influence de la dynamique de l’habitat sur les gradients de diversité

Ces résultats montrent que la dynamique de la répartition spatiale des habitats côtiers dans le temps a eu une influence très importante sur la formation des gradients de diversité des organismes marins. Cela confirme l’hypothèse selon laquelle les gradients de biodiversité marine sont fortement contraints par des évènements géologiques très anciens ayant influencé les dynamiques de dispersion et de diversification des organismes côtiers. Premièrement, la fragmentation importante de la partie occidentale de Téthys pendant l’Eocène pourrait être à l’origine de nombreux évènements de spéciation déclenchés par des vagues de déconnexion et de reconnexion de récifs isolés (Ricklefs et al. 2006; Renema et al. 2008; Dornburg et al. 2015, A3, AA1). Dans le même temps,

des populations de poissons récifaux et de coraux constructeurs pourraient avoir colonisé la plaque Australienne et formé une faune endémique (Last & White 2011; Keith et al. 2013) à cette région. Entre l’Eocène et l’Oligocène, le passage entre Téthys et l’Indo-Pacifique était encore ouvert, permettant la colonisation des importants plateaux continentaux de cette région par les faunes Téthyennes. Dans le

même temps, les opportunités de

colonisation de l’Atlantique étaient moins nombreuses pouvant expliquer les plus faible richesses présentes en espèces récifales de l’Atlantique. Enfin, la collision des plaques Eurasienne et Australienne au début du Miocène pourrait avoir eu deux conséquences importantes. Nos simulations suggèrent que les fortes richesses de l’IAA viennent à la fois de la fusion des faunes Téthyennes et Australiennes (Fig. 16) et de la génération de nombreuses espèces suite à la fragmentation importante des archipels formés par la collision de ces plaques. Pris ensembles, ces résultats montrent l’importance de la prise en compte des contraintes à la dispersion, dues aux grands évènements tectoniques, pour expliquer la formation des gradients présents de diversité des organismes marins côtiers.

Figure 15 : Influence de la fragmentation de l'habitat sur la dynamique de la diversification simulée sous le modèle SLIT. La variation du nombre de patch d’habitat disponible est représentée en orange, le taux de diversification des Avicenia est représentée en turquoise et le taux de diversification des Rhizophoraceae est représentée en bleu marine.

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V.4 Perspectives

Le modèle SPLIT constitue un pas en avant dans la création de modèles mécanistiques de diversification spatialement explicites dans le sens où il permet la prise en compte de la dynamique de l’habitat sur de multiples variables décrivant la biodiversité (aires de distribution, Richesse, +-diversité, taux de diversification, richesse fonctionnelle, histoire évolutive). Il offre l’opportunité de tester l’influence de nombreuses hypothèses qui impliquent une hétérogénéité spatiale des processus de macroévolution (influence du climat, des interactions biotiques) sur les grandes tendances de la répartition de la biodiversité (courbe aire-espèce, gradient latitudinal de biodiversité, équilibre de la diversité). De plus, la construction de ce modèle limite les biais associés aux modèles mécanistiques. La possibilité de générer des prédictions de nombreuses variables, permet des comparaisons multiples indispensables à la vérification de sa validité (McGill 2003). Le modèle se base sur des formalismes simples d’hypothèses connues, ce qui rajoute à sa crédibilité, et il est robuste aux incertitudes liées à la reconstruction des habitats passés (AA1).

La simplicité de son formalisme rend la modification du modèle SPLIT assez simple. Cela permet de relaxer facilement les hypothèses faites par le modèle, afin de tester les hypothèses alternatives. L’article annexe 2 illustre par exemple comment l’hypothèse de neutralité des espèces (Hubbell 2001) peut être relaxée pour tester l’influence des différences de capacité de dispersion sur les assemblages de poissons récifaux. Dans l’article 4 que je présente dans le chapitre suivant, je relaxe les hypothèses de neutralité, de conservatisme de niche et de non- équilibre de la diversité pour tester plusieurs hypothèses alternatives proposées pour expliquer la formation du gradient latitudinal de biodiversité.

Figure 16 : Dynamique de la diversité de l’Archipel Indo-Australien au cours du temps. Les cartes de a à d représentent la diversité prédite par le modèle SPLIT et la carte e représente la diversité observée présente. Les lignées provenant de Téthys sont représentées en rouge, celles provenant de la plaque Australienne sont représentées en bleu, et le mélange des faunes est représenté en jaune.

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CHAPITRE VI :

LES PROCESSUS DE MACROEVOLUTION A L’ORIGINE DU