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I.2 Méthodes de capture de biomarqueurs

I.2.3 Fonctionnalisation de surfaces

Cette sous-partie vise à présenter les principales techniques permettant la fonctionnalisation de biocapteurs reposant sur l’exaltation plasmonique d’une part (la plasmonique est une branche de la nanophotonique qui traite des interactions sublongueur d‘onde d’une onde électromagnétique avec les électrons de conduction d’une interface métal / diélectrique ; les considérations relatives aux biocapteurs de type plasmonique seront explicitées dans la section I.3.1), et de dispositifs microfluidiques d’autre part.

a. Biocapteurs plasmoniques

Les biocapteurs reposant sur la plasmonique nécessitent souvent la fonctionnalisation de leur surface avec des éléments de reconnaissance biomoléculaire, afin de pouvoir réaliser la capture de molécules cibles. Le choix de l’immobilisation de ces récepteurs à la surface de la structure plasmonique est d’une importance capitale pour le bon fonctionnement du biocapteur, et définit ses performances en termes de sensibilité, spécificité et limite de détection [46].

Adsorption passive

La méthode de fonctionnalisation la plus simple pour l’obtention de récepteurs à la surface de biocapteurs plasmoniques métalliques est l’adsorption passive. Cependant, cette méthode par adsorption ne permet pas de contrôle sur le nombre de récepteurs et leur orientation, et peut entraîner une forte adsorption non spécifique sur la surface. En effet, dans le cas de l’analyse de milieux biologiques complexes (sérum, salive, urine), la possibilité d’adsorption non spécifique et de détection d’une large variété de molécules peut empêcher la détection de la molécule cible [47]. En outre,

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le champ plasmonique décroît rapidement en s’éloignant de la surface de la structure, ce qui rend très délicate la détection de molécules en solution à de très faibles concentrations. Il est donc souvent plus judicieux de fonctionnaliser la surface de façon spécifique afin de garantir le contrôle du greffage.

Formation de SAMs

La procédure la plus commune pour fonctionnaliser des substrats métalliques est la formation de monocouches auto-assemblées (SAMs pour Self-assembled monolayers) de molécules disposant du groupement chimique fonctionnel nécessaire à la réalisation du biocapteur. Les SAMs constituent des couches de liaison, permettant une surface stable diminuant l’adsorption non spécifique et introduisant des groupements réactifs pour l’immobilisation spécifique et contrôlée de récepteurs. Les SAMs sont compatibles avec une fonctionnalisation globale du substrat, ainsi qu’avec une fonctionnalisation sélective, permettant d’exploiter la géométrie spécifique de nanostructures pour s’intéresser à l’exaltation plasmonique importante ayant lieu au niveau des parties les plus réactives (hot spots). Il est important de noter que la formation d’une bonne SAM dépend à la fois de la technique de fonctionnalisation, mais également de la méthode de préparation du substrat (influence sur la rugosité de la surface du métal).

Dans leur article de revue de 2005, Love et al. se focalisent sur la préparation, la formation, la structure et les applications de SAMs formées à partir d’alkanethiols et de leurs dérivés sur l’or, l’argent, le cuivre, le palladium, le platine, le mercure et des alliages de ces métaux [48]. Les alkanethiols sont des composés de formule chimique (HS(CH2)nX)avec n le nombre de groupements méthylène CH3 et X le groupement

terminal de la chaîne alkyle (-CH3, -OH, -COOH). La Figure I.15 présente le schéma

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Figure I.15. Schéma d’une SAM d’alkanethiolates supportée par une surface d’or. Schéma extrait de la

référence [48].

Outre les SAMs constituées d’alkanethiolates, on trouve les monocouches de dérivés organiques du silicium sur des surfaces présentant des groupements hydroxyles [49]. Ces SAMs d’alkylchlorosilanes, alkylalkoxysilanes et alkylaminosilanes sont créées par la liaison de groupements siloxanes R2SiO aux

groupements silanols SiOH de la surface par des liaisons Si-O-Si [50]. Cette fonctionnalisation est adaptée entre autres aux surfaces de silice SiO2, d’alumine

Al2O3, de verre, de séléniure de zinc ZnSe ou encore d’or Au.

On constate que certains métaux utilisés pour la réalisation de biocapteurs plasmoniques, comme l’argent Ag ou l’aluminium Al n’apparaissent pas comme des surfaces sur lesquelles des SAMs de silanes pourraient être greffées directement. Une solution consiste à déposer sur le métal une couche d’un matériau pouvant présenter, suite à une activation, des groupements hydroxyles OH, comme l’alumine Al2O3, le

dioxyde de titane TiO2 ou la silice SiO2 [51].

La Figure I.16 résume ces deux types de fonctionnalisation (greffage par groupements thiols et silanisation) dans le cas de l’or (matériau actuellement le plus utilisé dans la biodétection par effet plasmonique), et présente la possibilité d’une fonctionnalisation sélective des zones à forte exaltation plasmonique (hot spots) [52].

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Figure I.16. Schéma de différents types de greffage pour la fonctionnalisation sélective de surfaces

d’or. En a, l’or (en jaune) est inerte aux silanes utilisés pour fonctionnaliser la couche de silice (en bleu) ; l’or est fonctionnalisé par greffage par des groupements thiols. En b, la protéine BSA forme une couche auto-assemblée sur la zone inerte en se liant aux surfaces hydrophiles et hydrophobes de manière irréversible et prévient l’adhésion des anticorps, limitant ainsi l’adsorption non spécifique. En c, l’utilisation de polyéthylène glycol (PEG) prévient l’adsorption non spécifique par la formation de fortes liaisons hydrogène avec l’eau, résultant en l’inhibition de l’adhésion sur la couche de PEG des autres molécules solubles dans l’eau, comme par exemple les anticorps. Schéma extrait de la référence [47].

b. Dispositifs microfluidiques

Dans leur chapitre intitulé « Surface Functionalization of Microfluidic Devices » issu du livre Microsystems for Pharmatechnology, Eichler et al. détaillent différents procédés de revêtement ou de modifications de surfaces pour la fonctionnalisation de dispositifs microfluidiques. De même que pour les biocapteurs plasmoniques, cette fonctionnalisation peut être nécessaire pour prévenir l’adhésion de molécules autres que les molécules cibles, ou pour obtenir les groupements chimiques indispensables à la réalisation d’un biocapteur [53]. Les auteurs distinguent deux catégories de

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méthodes de fonctionnalisation : les méthodes de chimie par voie humide et les méthodes en phase gazeuse.

Parmi les méthodes de chimie par voie humide, on peut lister l’adsorption de surfactants, polymères et polyélectrolytes, le revêtement par procédé sol-gel, la silanisation, le greffage de polymères, les hydrogels et l’électrochimie. Parmi les méthodes en phase gazeuse, on trouve le revêtement par dépôt chimique en phase vapeur (CVD pour Chemical vapor deposition) et par dépôt de couches atomiques (ALD pour Atomic layer deposition), les technologies reposant sur l’utilisation de photons et le traitement par plasma. Certaines de ces techniques sont détaillées ci- après.

Procédé ALD

Comme établi précédemment dans le cas des biocapteurs plasmoniques, il peut y avoir nécessité de déposer sur la surface d’intérêt une couche d’un matériau pouvant présenter, suite à une activation, des groupements hydroxyles chimiques particuliers. Une méthode permettant cette opération est le dépôt de couches atomiques ALD. L’ALD est un procédé qui consiste en la répétition de cycles constitués de quatre étapes : exposition du substrat aux vapeurs d’un premier précurseur, purge par un gaz inerte, exposition du substrat aux vapeurs d’un deuxième précurseur et purge par un gaz inerte. La Figure I.17 montre le schéma de principe du procédé ALD pour l’exemple de l’alumine Al2O3.

Figure I.17. Schéma de principe du procédé ALD pour l’exemple de l’alumine Al2O3. Schéma extrait de

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Plasmas

L’utilisation de plasmas pour la fonctionnalisation de surfaces est particulièrement répandue [55]. Ce procédé repose sur l’utilisation d’un gaz ionisé, et présente des temps de traitement courts ainsi qu’une facilité de réalisation, ce qui en fait notamment une des techniques les plus efficaces pour la modification des surfaces de PDMS, matériau très utilisé dans la réalisation de biocapteurs microfluidiques [56]. Un substrat exposé à un plasma va réagir avec les entités réactives en présence (protons, espèces chargées, atomes, radicaux libres). Dans le cas d’un plasma oxygène (plasma O2), le traitement va pouvoir induire des groupements tels que les

groupes fonctionnels hydroxyles OH, carbonyles C=O ou carboxyles COOH à la surface du substrat. Dans le cas de matériaux inorganiques oxydés, comme la silice ou le verre, le traitement par plasma oxygène peut résulter en l’élimination de fins films de contaminants organiques. Le plasma oxygène est donc une méthode permettant à la fois le nettoyage et l’activation de surfaces pour leur fonctionnalisation ultérieure.

Silanisation

La silanisation consiste en la formation de monocouches d’organosilanes sur des substrats. Ces monocouches peuvent ensuite être modifiées pour présenter un groupement fonctionnel spécifique. La silanisation est une méthode particulièrement utilisée, dans des protocoles impliquant une grande variété de substrats (silice, verre, PDMS), organosilanes (APTES, MPTS, OTS), procédés d’activation (piranha, plasma O2, irradiation UV/Ozone), solvants (toluène, éthanol, acétone), concentrations et

temps de réaction [57]. La Figure I.18 présente le schéma du procédé de silanisation avec des organosilanes après prétraitement de la surface permettant d’introduire des groupements hydroxyles OH.

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Figure I.18. Schéma du procédé de silanisation avec des organosilanes (SiX3R) après prétraitement de

la surface permettant d’introduire des groupements hydroxyles OH. Schéma extrait de la référence [53].

Les méthodes exposées ci-dessus sont souvent combinées pour obtenir le dispositif microfluidique fonctionnalisé qui permettra la réalisation d’un biocapteur. Ainsi, Séguin et al. montrent que la silanisation d’échantillons oxydés par plasma permet l’obtention de motifs présentant des fonctions amines et thiols sur un substrat de PDMS [58]. Les groupements chimiques ainsi acquis sont disponibles pour des modifications chimiques supplémentaires destinées à la capture de biomolécules au sein d’une zone bien définie (Figure I.19).

Figure I.19. Images en microscopie de fluorescence de motifs fonctionnalisés de façon sélective. En a,

FITC greffée sur les groupements amines des silanes 3-APTMS. En b, 5-IAF greffée sur les fonctions thiols des silanes 3-MPTMS. En c, capture d’anticorps marqués au TRITC par la protéine A sur un réseau à motifs fonctionnalisé avec du 3-APTMS. Image issue de la référence [58].

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Sui et al. présentent également un exemple de modification de surface dans un canal microfluidique de PDMS [59]. Ils développent en effet une approche dont la première étape est une réaction d’oxydation en solution de substrats de PDMS. Les surfaces sont ensuite fonctionnalisées avec des aminosilanes, dont les groupements amines servent au greffage de biomolécules. Ceci assure la capture subséquente des anticorps. Cette expérience leur permet notamment de réaliser un immunodosage pour la détection et la quantification d’un biomarqueur du cancer de la prostate, l’anticorps anti-PSCA, avec une sensibilité de 1,0 nM (Figure I.20).

Figure I.20. Schéma du principe d’un immunodosage d’anticorps anti-PSCA dans un canal microfluidique de PDMS fonctionnalisé par silanisation. La première étape du procédé consiste en la silanisation et le greffage des biomolécules PSCA par les amines. Les anticorps spécifiques anti-PSCA viennent ensuite reconnaître les molécules PSCA, puis la détection optique du conjugué se fait par l’observation d’un anticorps secondaire fluorescent. Schéma issu de la référence [59].