• Aucun résultat trouvé

II.1.1 Intérêts et contraintes des surfaces d’aluminium

Ces dernières années ont vu émerger l’aluminium comme matériau de prédilection en plasmonique pour des applications de biodétection [80], [81], [82]. Alors que l’or et l’argent sont les principaux métaux utilisés dans ces applications, notamment du fait de leurs faibles pertes optiques dans les gammes de longueurs d’ondes du visible et du proche infra-rouge, leurs coûts élevés limitent une commercialisation à grande échelle [83]. L’aluminium, qui présente de fortes résonances plasmons dans le domaine du visible [84] et dans l’ultra-violet [85], ainsi qu’un coût faible, une grande abondance naturelle et une facilité de fabrication et de traitement, s’impose comme un matériau prometteur pour la commercialisation d’outils de biodétection [86].

Les principaux métaux utilisés en plasmonique sont l’or, l’argent et l’aluminium [47]. L’or et l’argent sont habituellement fonctionnalisés grâce à leur forte réactivité avec les groupements thiols sans modification de surface préalable [87], tandis que l’aluminium nécessite une fonctionnalisation bien plus sophistiquée [88], [89]. En outre, tout comme l’argent, l’aluminium présente une importante réactivité, nécessitant une protection vis-à-vis des pollutions chimiques présentes dans l’air environnant et pouvant induire des modifications de surfaces. Un autre aspect important pour la fonctionnalisation de surfaces plasmoniques réside dans l’épaisseur du revêtement, tant est mince la frontière entre augmentation et diminution de l’intensité de fluorescence. De très courtes distances entre les fluorophores et la surface peuvent en effet provoquer de fortes diminutions de l’intensité, tandis qu’une distance de quelques nanomètres pourra impliquer une augmentation significative [90], [91], [92].

50

En effet, le processus d’émission spontanée d’un fluorophore n’est pas totalement intrinsèque et peut être modifié par couplage résonant avec l’environnement électromagnétique extérieur. Ainsi, une première étape préliminaire à la fonctionnalisation a consisté à trouver le revêtement adapté à la protection des échantillons permettant de garder les propriétés plasmoniques du matériau dans le cadre des expériences de fluorescence.

II.1.2 Choix du revêtement de silice

Pour être silanisée, une surface doit présenter des groupements hydroxyles qui vont réagir avec l’atome de silicium du silane. Les composés permettant d’obtenir ces groupements sont principalement l’alumine Al2O3, le dioxyde de titane TiO2 et la silice

SiO2. En effet, la surface de ces matériaux présente une couche superficielle

comportant notamment des groupements méthyles CH3 et des molécules d’eau H2O

(issus de la contamination de l’environnement ambient), et le traitement des surfaces, par plasma oxygène par exemple, permet l’obtention des groupements hydroxyles OH nécessaires à la silanisation. La silice est le composé qui présente le plus grand nombre de groupements hydroxyles, et donc le plus grand nombre de sites de greffage [51], [93], ce qui en fait un revêtement adapté à la fonctionnalisation par silanisation. C’est pour cette raison que la silice a été choisie dans le cadre de la fonctionnalisation des substrats d’aluminium.

Afin de s’affranchir des effets d’extinction (quenching) de la fluorescence issue des fluorophores greffés à proximité du métal, il est indispensable de considérer une épaisseur contrôlée pour la couche de revêtement de l’aluminium [94], [95], [96]. Cette nécessité a justifié l’utilisation de la technique de dépôt de couche atomique (ALD pour « Atomic Layer Deposition »). L’ALD est un procédé qui consiste à exposer une surface à des flux successifs d’éléments gazeux, permettant l’obtention d’une couche mince d’une épaisseur de 1 à 100 nm. Cette méthode permet le contrôle précis de l’épaisseur et de l’homogénéité de la couche déposée, ainsi qu’un excellent recouvrement de surface, y compris sur des substrats structurés, autorisant ainsi un revêtement homogène sur des structures présentant des géométries choisies pour

51

leurs caractéristiques plasmoniques. Dans le cas de la technique de dépôt de couche atomique assistée par plasma (PEALD pour Plasma Enhanced Atomic Layer Deposition), la troisième des quatre étapes d’un cycle de dépôt consiste en l’exposition du substrat, non pas à des molécules d’eau comme dans l’ALD, mais à un plasma oxygène [97]. La réactivité des radicaux libres O• avec les précurseurs en présence permet notamment l’augmentation de la vitesse de croissance par cycle du matériau.

II.1.3 Procédé de fabrication des échantillons

Durant ma thèse, j’ai eu l’opportunité d’effectuer un séjour à l’Institut Italien de Technologie (IIT) de Gênes, ce qui m’a permis de me familiariser avec le procédé de fabrication des échantillons que j’ai ensuite fonctionnalisés.

Des substrats commerciaux de silicium de 1 cm2 et de 500 µm d’épaisseur

supportant une membrane de nitrure de silicium Si3N4 de 100 nm d’épaisseur et d’aire

centrale 500 x 500 µm2 (Figure II.1) sont rincés à l’éthanol avant dépôt de la couche

d’aluminium.

Figure II.1. Représentation schématique du substrat de silicium Si supportant la membrane de nitrure

de silicium Si3N4. L’épaisseur du substrat de Si est de 500 µm, celle de la membrane est de 100 nm.

Les dimensions sont 1 cm x 1 cm pour le substrat, et 500 µm x 500 µm pour la membrane. L’image n’est pas à l’échelle.

Une couche d’aluminium de 100 nm d’épaisseur est ensuite ajoutée par dépôt physique en phase vapeur assisté par un faisceau d’électrons (EB-PVD pour « Electron beam physical vapor deposition ») dans un bâti sous vide poussé (1x10-6

mbar) à un taux standard de dépôt de 0,3 Å/s. Après le dépôt de la couche d’aluminium, les échantillons sont immédiatement transférés dans un dispositif de PEALD (FlexAL – Oxford Instruments), comportant un système de plasma à couplage

52

inductif permettant de mesurer quantitativement la teneur en éléments d’un matériau. Le précurseur bis (tert-butylamino) silane (BTBAS), chauffé à 35°C pour fournir une pression de vapeur d’environ 3 torr, est délivré dans la chambre de réaction. La température du substrat est de 80°C. L’oxydant est un plasma oxygène généré à 300 W à un débit de 60 sccm. La dose du précurseur est de 1,0 s et celle du plasma de 5,0 s. Ce procédé a été développé par Oxford Instruments (https://www.oxinst.com/). Au total, 28 cycles de dépôt de SiO2 (0,145 nm/cycle, 80°C) permettent l’obtention

d’une couche de 4 nm. Cette épaisseur est caractérisée par ellipsométrie (WVASE – J.A. Woollam). Le procédé est résumé dans la Figure II.2.

Figure II.2. Schéma du procédé de fabrication des échantillons d’aluminium recouverts de silice. Les substrats commerciaux de Si supportant la membrane de Si3N4 sont tout d’abord nettoyés à l’éthanol,

avant le dépôt d’une couche de 100 nm d’Al par EB-PVD. Une couche de 4 nm de SiO2 est ensuite

53

Les échantillons ainsi fabriqués sont ensuite observés au microscope optique en transmission afin de vérifier la propreté et l’homogénéité du revêtement déposé (Figure II.3.a.), ainsi qu’au microscope électronique à balayage (MEB) pour vérifier la rugosité du dépôt (Figure II.3.b.).

Figure II.3. Images en microscopie optique (a.) et en microscopie électronique à balayage (b.) de la

membrane de Si3N4 recouverte d’une couche d’aluminium de 100 nm et d’une couche de silice de 4

nm. L’échelle en a. représente 100 µm. Images obtenues par l’équipe Plasmon Technology de l’IIT.

Une fois caractérisés par microscopie optique et électronique, les substrats d’aluminium recouverts de silice peuvent être fonctionnalisés par silanisation.