Le tissu adipeux sécrète plus de 600 adipokines (Blüher 2013). Les adipokines sécrétées de façon autocrine, paracrine ou endocrine, peuvent agir soit localement sur le tissu adipeux lui-même soit à distance sur des tissus cibles dont le foie, le muscle, le pancréas mais aussi l’intestin. L’altération de la fonction sécrétoire du tissu adipeux en raison de l’obésité peut avoir un retentissement sur les organes métaboliques. Le tissu adipeux a acquis le statut d’organe endocrine à part entière, depuis la découverte de la leptine. Cette hormone, principalement sécrétée par l’adipocyte, et agissant au niveau hypothalamique, est impliquée dans le contrôle de la prise alimentaire et de la prise de poids (Y. Zhang et al. 1994). L’adiponectine, une autre hormone sécrétée par le tissu adipeux, joue un rôle insulino-sensibilisant. Cependant, 90 % des adipokines sécrétées par le tissu adipeux proviennent de la fraction stromale du tissu adipeux (SVF) (Fain et al. 2004). Parmi les cellules du SVF, les cellules immunitaires et les CSA, sécrètent la majeure partie des adipokines, dont des cytokines (TNFD, IL-6, IL-1E, IFNJ, IL-8, IL-17, IL-22, IL-18), des chémokines (MCP-1, CCL-20), des facteurs angiogéniques (ex. VEGFD), des métalloprotéinases (MMP-2 et MMP-9), des hormones (stéroïdes et glucocorticoïdes), amplifiées par le tissu adipeux dans l’obésité (Frayn et al. 2003). (Tableau 2) Des différences de niveau de sécrétion et de type d’adipokines ont été décrites dans les tissus adipeux humains sous-cutanés et viscéraux des sujets obèses avec une augmentation du VEGF-D, 40 PGE2, IL-6, TNFD, MCP-1 et CRP dans le TAv par rapport au TAsc (Fain et al. 2004; M. Mohsen Ibrahim 2010). L’obésité et le diabète de type 2 peuvent altérer l’homéostasie de cette fonction sécrétoire, entrainant des dysfonctionnements du métabolisme et une amplification de l’inflammation. Les cellules du système immunitaire présentes dans le SVF du tissu adipeux jouent un rôle majeur dans l’inflammation et l’insulino-résistance. La compréhension des mécanismes à l’origine de l’activation de ces cellules permettrait de proposer des outils réduisant l’incidence des maladies associées à l’obésité. III. INFLAMMATION DU TISSU ADIPEUX A l’état physiologique de non-obésité, l’expansion du tissu adipeux est accompagnée d’une adipogenèse appropriée par augmentation du nombre d’adipocytes (hyperplasie), une angiogenèse adéquate et un remodelage de la matrice extracellulaire (MEC). L’augmentation chronique de l’apport calorique conduisant à l’obésité est associée à une expansion pathologique du tissu adipeux impliquant deux mécanismes : i) un accroissement massif de la taille des adipocytes préexistants (hypertrophie) ; et ii) une augmentation de l’adipogenèse à partir de précurseurs générant de nouveaux adipocytes (hyperplasie) (Sun et al. 2011). Cleary et al. ont montré que les adipocytes se chargent en TG jusqu’à atteindre une taille limite, au-delà de laquelle, un signal sécrété par les adipocytes hypertrophiés, déclenche l’augmentation du nombre d’adipocytes dans le tissu adipeux (Cleary et al. 1979). L’analyse morphologique des adipocytes du tissu adipeux a révélé qu’en moyenne les adipocytes ont un diamètre de 90 μm chez les sujets minces ou en surpoids (20 < IMC < 30 kg/m2) et 100 à 120 μm chez les sujets obèses (IMC t30 kg/m2). Le nombre de très petites cellules (20 à 40 μm) augmente aussi de 3 fois par rapport à celui du tissu adipeux des sujets minces ou en surpoids (Maumus et al. 2008). La taille des adipocytes est corrélée au degré d’obésité (IMC croissant) chez l’Homme et la souris (Weisberg et al. 2003). L’accroissement rapide et massif du tissu adipeux restreint l’angiogenèse formant ainsi des zones faiblement oxygénées ou hypoxiques (Sun et al. 2011). L’hypoxie provoque la nécrose des adipocytes. L’hypertrophie et la mort des adipocytes sont deux phénomènes interdépendants. La nécrose des adipocytes du tissu adipeux épidydimal (= viscéral) chez la souris est progressive au cours du temps en passant de 0,1 %, à 16 % puis 80 % entre la 1ère, la 12ème et la 16ème semaines de régimes gras. A partir de 20 semaines, le nombre de cellules nécrosées est réduit à 16% et le pool d’adipocytes perdus est restauré par la production 41 d’adipocytes de petite taille (hyperplasie) (Strissel et al. 2007). Ce phénomène est nettement moins important dans le TAsc des souris. A partir du moment où les adipocytes ne peuvent plus stocker efficacement les lipides (inhibition de la lipogenèse, mais également augmentation de la lipolyse) et que le tissu adipeux ne peut plus s’expandre efficacement en raison de la fibrose, les lipides vont s’accumuler dans d’autres tissus de l’organisme non adaptés au stockage des graisses. On parle alors de dépôt ectopique. L’accumulation des lipides en périphérie du tissu adipeux engendre une résistance à l’insuline au niveau du foie et du muscle, du pancréas et d’autres organes, et conduit àl’inhibition de la sécrétion d’insuline par le pancréas (=lipotoxicité) (K. Sun et al. 2011; Suganami et al. 2012; Olefsky et Glass 2010; Alligier et al. 2013). Le déterminant majeur de la préservation de l’activité métabolique est la capacité du TAsc à stocker efficacement l’excès de lipides et empêcher le stockage ectopique dans des sites comme le foie, le muscle, le cœur ou le TAv (Castro et al. 2014). En effet, le stockage ectopique est à l’origine des complications du métabolisme associées à l’obésité (Smith et Kahn 2016). La capacité du TAsc à s’expandre dépend de la capacité des adipocytes du TAsc à s’hypertrophier et à former de nouveaux adipocytes (adipogenèse). Une étude menée par notre équipe sur 44 hommes volontaires, à qui il leur a été demandé de consommer 70 g de lipides supplémentaires par jour (équivalent à 760 kcal/jour) sur 56 jours consécutifs, a révélé que la prise de poids chez le sujet sain est associée dans un premier temps (à 14 jours) à une augmentation de l’expression des gènes du métabolisme lipidique (en faveur d’une augmentation du stockage des lipides dans le TAsc), puis à une augmentation de l’expression des gènes de l’angiogenèse et du remodelage tissulaire, en plus de ceux associés au métabolisme lipidique (à 56 jours) (M. Alligier et al. 2012). Dans le document Régulations fonctionnelles des lymphocytes T par les cellules souches adipocytaires : implication dans l’inflammation chronique et l’insulinorésistance du tissu adipeux du sujet obèse (Page 39-42)