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L’analyse de la distribution des coquillages selon l’âge et le sexe des individus auxquels ils étaient associés ne montre aucune différence significative entre les individus, contredisant les observations précédemment publiées (Orschiedt 2005). Si les usures indiquent une intégration progressive des objets au sein du groupe, il aurait été intéressant de vérifier la distribution des pièces aux degrés d’usure différents en fonction des classes d’âge des individus. En effet, des coquillages usés graduellement au cours de la vie de l’individu depuis son plus jeune âge, signeraient une parure non héritée. Ce constat, additionné à l’absence de différence d’effectif entre les jeunes et les adultes d’une part, et les femmes et les hommes d’autre part, traduirait une transmission horizontale de ce type de matériel au sein du groupe (Clark et Neeley 1987). Cependant les données contextuelles sont trop lacunaires pour alimenter le raisonnement.

c) Accumulation

Le caractère exogène d’une partie des coquillages, dont l’origine est localisée à plus d’une centaine de kilomètres pour trois de ces espèces, plaide pour une accumulation des pièces à travers un réseau d’échange (Price 1987, Jochim 1998, Eriksen 2002, Whallon 2006). Au regard des sources de matières premières concernées, la circulation de ces objets s’est faite dans toutes les directions : le Sud (C.

rustica), le Nord (G. sulcatus), l’Est (L. naticoides) et l’Ouest (T. gregarius). Cette circulation s’est également déroulée à différentes échelles. Si l’on suit la définition de Zvelebil (2006), les acquisitions se sont opérées à l’échelle régionale (<100 km : G. sulcatus), interrégionale (100-300 km : T. gregarius) et sur de longues distances (>300 km : C. rustica, L. naticoides).

Il a été proposé que les G. sulcatus provenant du Bassin de Steinheim, situé à 40 km de Ofnet (Figure 70), aient été directement acquis par les chasseurs-cueilleurs qui se sont succédés dans cette région (Eriksen 2002). Cependant, les données archéologiques concernant les modalités d’occupation du Bassin de Steinheim sont trop ténues pour conclure définitivement (Eriksen 2002). Les données concernant la circulation des matières premières lithiques à la même période dans le sud-ouest de l’Allemagne montrent peu de connexions avec le Bassin de Mayence localisé à plus de 200 km de Ofnet (Figure 70), suggérant l’acquisition indirecte par échanges des supports lithiques provenant de cette région (Eriksen 2002). Les T. gregarius suivraient ce schéma de circulation. Pour ce qui est de la circulation des C. rustica, il est communément proposé que la vallée du Rhône constitue l’axe privilégié dans les relations sud-nord des différents groupes de chasseurs-cueilleurs (Alvarez-Fernandez 2001, 2008).

L’analyse technologique menée sur les coquillages montre que, malgré leur grande disparité morphologique, trois des espèces ont été perforées selon le même procédé (T. gregarius, des L. naticoides et G. sulcatus): une perforation unique, réalisée par percussion posée avec percuteur (sensu Leroi-Gourhan 1943) depuis l’intérieur de la coquille et localisée dorsalement sur la dernière spire dans le cas des T. gregarius et des L. naticoides. Cette homogénéité technique suggère que soit les objets ont été échangés avec des groupes partageant les mêmes traditions techniques, soit seules les matières premières brutes ont été acquises par échange et aménagées dans un second temps par les artisans du groupe.

Figure 70 : Localisation des sources d’approvisionnement des différents coquillages utilisés dans la parure de Groβe Ofnet.

E Conclusion

Les objets d’ornementation corporelle ou vestimentaire accumulés à Ofnet reflètent la diversité des stratégies d’approvisionnement mises en place par les sociétés du Mésolithique final du sud-ouest de l’Allemagne. Selon la classification proposée par Morrow et Jefferies (Morrow et Jefferies 1989, basé sur les travaux de Binford 1977, 1979) ces parures ont pu être accumulées à la fois par acquisition incorporée (récupération de craches de cerf parmi les reliefs de chasse), par acquisition directe au cours d’un déplacement spécialisé (potentiellement G. sulcatus), et par acquisition indirecte à travers un réseau d’échange (T. gregarius, C. rustica, L. naticoides) qui semble se ramifier dans toutes les directions. Les contacts établis par la population de Ofnet avec le sud de l’Europe transparaissent à la fois par la présence des C. rustica méditerranéennes, mais également à travers l’utilisation de canines de cerf perforées de petites dimensions probablement issues de population de cerfs localisées plus au sud. De plus, si des indices d’acquisition incorporée des canines ont été mis en

évidence dans notre étude, une circulation de ces objets dans le temps et l’espace est également proposée. Ainsi, si l’acquisition de ces objets est intégrée à des activités cynégétiques à but alimentaire, ils ont par la suite acquis leur propre statut d’objets de parure, voués à être portés, vus et échangés entre les individus et les groupes. Ces résultats illustrent la dimension complexe et les changements au cours du temps du statut des objets de parure utilisés par ces Mésolithiques. Concernant le dépôt funéraire, ces parures ne constituent pas un mobilier funéraire au sens strict puisque les usures indiquent qu’elles ont été portées du vivant des individus. L’origine exogène des matières premières utilisées pour la parure et la mise en évidence de l’acquisition d’une partie d’entre elles par réseau de circulation atteste des relations du groupe avec ses contemporains. Le maintien des réseaux sociaux peut être considéré comme essentiel pour la survie à long terme de beaucoup de groupes de chasseurs-cueilleurs (Whallon 2006). Dans ces conditions, ces réseaux se doivent d’être maintenus actifs en perpétuant les échanges et en actualisant les informations circulant à travers eux (ibid.). Aussi, dans l’hypothèse de relations conflictuelles inter-groupes pour expliquer les marques de violence identifiées sur les crânes (Frayer 1997, Orschiedt 2002, 2005), ces conflits devaient concerner des populations non impliquées dans ces réseaux de circulation.

II Hohlenstein-Stadel (Niederstotzingen, Bade-Wurtemberg,