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4. L’amyloïdogénèse au centre du processus physiopathologique

4.4. Fonction de l’APP et de ses métabolites

Les métabolites issus du gène de l’APP sont nombreux en raison des différents niveaux de modifications possibles à partir du gène et de la protéine correspondante : (i) un épissage alternatif complexe, (ii) de nombreuses modifications post-traductionnelles, et (iii) un catabolisme caractérisé par deux voies distinctes aboutissant à la formation de nombreux métabolites. Toutes ces observations suggèrent donc de nombreuses fonctions physiologiques correspondant à ces différents produits.

4.4.1. Fonctions biologiques de l’APP

L’APP présente différents domaines lui permettant d’interagir avec des ions (Cu++ ou Zn++ (Bush et al., 1994)), avec l’héparine et les héparines sulfates protéoglycanes (Schubert et al., 1989) ou encore des protéases (Miyazaki et al., 1993). Le domaine intracytoplasmique est capable d’interagir avec la protéine G0 ou encore la protéine FE65 (Nishimoto et al., 1993). Certains isoformes de l’APP sont des inhibiteurs de protéases à sérine (Godfroid et al., 1990). La présence de tous ces domaines au niveau de l'APP suggère des fonctions biologiques particulièrement polyvalentes.

4.4.1.1. Régulation du transport intracellulaire

L’APP a été décrite comme jouant un rôle dans le transport axonal antérograde des vésicules de transport (Gunawardena et al., 2001). Le domaine cytosolique de l’APP se lie aux chaînes de la kinésine 1 en agissant comme un lien entre la vésicule de transport et le complexe moteur kinésine qui est lié aux microtubules. Ces vésicules contiendraient notamment les présénilines (Kamal et al., 2000).

4.4.1.2. Récepteur de surface

L’APP pourrait également servir de récepteur de surface qui lierait un ligand pour transmettre un signal dans la cellule. En effet, le domaine extracellulaire de l’APP peut se lier à la F-spondine, une glycoprotéine de la matrice extracellulaire. Cette interaction régulerait la production d’Aβ (Ho et al., 2004). L’APP interagit également avec le peptide Aβ sous forme fibrillaire (Lorenzo et al., 2000).

Par ailleurs, l’extrémité cytoplasmique de l’APP contient une séquence de liaison aux protéines G0 (Brouillet et al., 1999; Nishimoto et al., 1993). L’APP pourrait donc avoir un rôle de récepteur transmembranaire couplé aux protéines G0.

4.4.1.3. Régulation de la coagulation et inhibiteur de protéases

Dans les plaquettes, l’APP est stockée dans les granules α (Li et al., 1994; Van Nostrand et al., 1990). L’activation des plaquettes par la thrombine entraîne une augmentation de l’expression de l’APP à la surface et la libération des APP solubles (Smith et al., 1990). La forme sécrétée contenant le domaine KPI a été identifiée comme étant la protéase nexine II impliquée dans la cicatrisation et la coagulation des plaquettes, l’activation des lymphocytes et l’induction de la réponse immunitaire (Godfroid et al., 1990). Elle présente également des homologies avec l’inhibiteur du facteur de coagulation XIa (Smith et al., 1990) et pourrait ainsi intervenir dans la régulation de la coagulation ou dans l’agrégation des plaquettes (Schmaier et al., 1995). Des études in vitro ont montré que la séquence (439-671) de l’APP sécrétée est inhibitrice des métalloprotéases.

4.4.2. Fonctions biologiques des APP solubles

4.4.2.1. Facteur neurotrophique

La protéine APP soluble α présente des propriétés neurotrophiques (Araki et al., 1991; Ohsawa et al., 1995). De nombreux travaux à la fois dans des modèles in vitro et in vivo démontrent que l’APP et la protéine APP soluble α sont impliquées dans la synaptogénèse, la croissance des neurites ainsi que dans l’excitabilité neuronale et la plasticité synaptique (Mattson et al., 1993; Turner et al., 2003). De plus, des études comportementales ont montré que la protéine APP soluble α est impliquée dans les processus d’apprentissage et de mémoire. En effet, l’administration intracérébroventriculaire de la protéine APP soluble α chez la souris améliore les performances mnésiques (Meziane et al., 1998).

4.4.2.2. Facteur neurotoxique

Contrairement au peptide APP soluble α, une toxicité de l’APP soluble β a été suggérée. En fait, il semblerait que cette neurotoxicité puisse s’expliquer par une diminution de la production de l’APP soluble α neurotrophique, accompagnant une augmentation de production de l'APP soluble β. En effet, les propriétés neuroprotectrices seraient portées par une séquence incluant les 16 aa présents au niveau de l'APP soluble α mais pas de l'APP soluble β (Barger et al., 1995; Furukawa et al., 1996). Dans ce contexte, la toxicité de l'APP soluble β résulterait également de leur capacité à induire une réponse inflammatoire, entraînant une activation microgliale, sans pour autant apporter une neuroprotection (Barger et al., 1997).

4.4.3. Fonctions biologiques des AICD

De nombreux travaux suggèrent que les AICD, provenant du clivage par les α, β, et γ

sécrétases, pourraient avoir une fonction dans la signalisation nucléaire (Annaert et al., 1999; DeGiorgio et al., 2000). Les AICD interagissent avec la protéine adaptatrice FE65. Cette interaction entraînerait une augmentation de la demi-vie des AICD (Kimberly et al., 2001) et serait nécessaire à leur localisation nucléaire (Kinoshita et al., 2002). Une fois dans le noyau, il a été montré que les AICD, associés avec FE65, l’histone acétyltransférase Tip60 ou le facteur de transcription CP2/LSF/LBP1, pouvaient entraîner une activation transcriptionnelle de gènes cibles tels que l’APP (Cao et al., 2001).

Par ailleurs, il a été rapporté que les AICD, les présénilines (PS1 et PS2) ainsi que la nicastrine, modulaient au niveau transcriptionnel l’expression et l’activité d’une enzyme impliquée dans la dégradation du peptide Aβ, la néprilysine (Hama et al., 2001; Pardossi-Piquard et al., 2006).

4.4.4. Fonctions biologiques de l’Aβ

Peu d'études ont cherché à caractériser un rôle physiologique potentiel du peptide amyloïde. L'Aβ soluble aurait une action biologique à des concentrations physiologiques (de picomolaire à nanomolaire). Pour des concentrations de l’ordre du picomolaire, ce peptide aurait des propriétés neurotrophiques portées par les résidus 25 à 35 (Yankner et al., 1990). Pour des concentrations de l’ordre du nanomolaire, les fragments de peptides Aβ40 et Aβ42 auraient une activité antioxydante croissante (Kontush et al., 2001a). Il a été démontré que l’Aβ40 inhibait l’oxydation des lipoprotéines dans le plasma et le liquide céphalo-rachidien et qu’à de fortes concentrations, cet effet protecteur du peptide disparaissait (Kontush et al., 2001b).

Par ailleurs, le peptide Aβ aurait un rôle au niveau de l’agrégation des plaquettes et donc de la coagulation (Li et al., 1998). Le peptide Aβ pourrait également limiter la capacité des cellules endothéliales vasculaires à produire des facteurs vasculaires de relaxation. Cependant, l’Aβ peut induire une vasoconstriction à de faibles doses (de l’ordre de 50 nanomolaire) et contrôler le flux sanguin cérébral (Iadecola et al., 2003; Rhodin et al., 2003). De plus, l’Aβ40 et l'Aβ42 sont capables d’induire une angiogénèse, in vitro et in vivo, à des concentrations de l’ordre de 1 à 100 nM (Boscolo et al., 2007).