• Aucun résultat trouvé

6. Identification d’autres facteurs de susceptibilité génétique de la MA

6.1. Méthodes d’identification des gènes de susceptibilité

6.1.3. Etudes d’association

L’utilisation des études d’association peut être très efficace pour mettre en évidence des effets restreints sur le risque de développer l’affection ou des interactions entre les facteurs étudiés (génétiques ou environnementaux). Ces études consistent à évaluer des associations statistiques entre les allèles d’un locus génique et un phénotype donné. Pour cela, on étudie la fréquence d’un polymorphisme génétique dans des échantillons de population composés de sujets non apparentés : un échantillon de sujets présentant le phénotype étudié (par exemple, une maladie) et un échantillon de sujets ne présentant pas le phénotype. Un test du χ² permet de tester la différence entre les effectifs génotypiques observés dans les deux groupes et ceux attendus sous l’hypothèse d’une indépendance entre la maladie et le polymorphisme étudié. On peut également rechercher une association entre le polymorphisme et des variables quantitatives comme, par exemple, la quantité d’Aβ présent dans le cerveau. L'association est alors recherchée par une analyse de variance comparant les moyennes du phénotype étudié entre groupes de génotypes.

La sur- ou sous-représentation statistiquement significative d’un allèle particulier dans l’un des deux groupes comparés suggère l’association de cet allèle avec la maladie. La force de l’association est alors estimée par le calcul de l’odds-ratio (OR) défini comme le rapport entre la proportion de sujets porteurs de l’allèle à risque chez les cas et la proportion de sujets porteurs de l’allèle à risque chez les témoins. Les calculs d’OR sont réalisés par des modèles de régression logistique ajustés sur les facteurs de risque conventionnels. Cet OR illustre l’augmentation (OR>1) ou la diminution (OR<1) du risque de survenue de la maladie chez les sujets porteurs de l’allèle rare par rapport aux sujets non porteurs.

6.1.3.1. Principes de base de génétique

Lors des études d’association, pour chaque polymorphisme testé, il est nécessaire de vérifier que celui-ci respecte l’équilibre d’Hardy-Weinberg dans la population témoin.

6.1.3.1.1. L’équilibre d’Hardy-Weinberg

C’est en 1908 que Hardy et Weinberg définirent la loi qui porte leur nom. Cette loi constitue la base de la génétique des populations. La loi de l’équilibre de Hardy-Weinberg

stipule que, dans une très grande population dans laquelle les mariages entre individus se font au hasard (panmixie), et qui ne connaît ni migration, ni sélection naturelle, les fréquences alléliques et génotypiques restent stables au fil des générations. Dans cette hypothèse, la loi de Hardy-Weinberg permet de calculer les fréquences alléliques à partir de la mesure des fréquences génotypiques et inversement. Selon cette loi, si A1 et A2 sont les allèles d’un locus autosomique bi-allélique, de fréquence respective p et q (avec q=1-p), les fréquences des trois génotypes possibles A1A1, A1A2 et A2A2, sont respectivement p², 2pq et q². Une population dans laquelle la distribution génotypique observée est statistiquement compatible avec cette distribution théorique est dite en équilibre de Hardy-Weinberg pour le locus considéré.

Pour vérifier qu’un polymorphisme respecte l’équilibre d’Hardy-Weinberg dans la population témoin, on utilise un test du χ² qui permet de calculer l’écart entre les fréquences observées et les fréquences théoriques respectives des différents génotypes. Si cet écart est significatif, la population n’est pas en équilibre d’Hardy-Weinberg. La raison la plus fréquente d’un déséquilibre correspond à des erreurs de génotypage. Il peut également s’agir d’un biais de sélection de la population étudiée. Plus particulièrement, dans le cadre de la construction de populations cas-témoins visant à étudier la MA, la sélection préférentielle de personnes âgées peut être à l’origine d’un biais de sélection de population. Ainsi, un polymorphisme potentiellement impliqué dans des maladies modifiant la survie d’un individu peut ne pas respecter l’équilibre d’Hardy-Weinberg dans les populations les plus âgées.

6.1.3.1.2. Le déséquilibre de liaison

Une dizaine d’années après la démonstration de la loi d’Hardy-Weinberg, Jennings (1917), puis Robbins (1918), modélisèrent l’évolution simultanée de deux loci à l’échelle d'une population. Ces auteurs ont montré que, si pour chaque locus considéré indépendamment l’équilibre d'Hardy-Weinberg est atteint en une génération, il n’en est pas de même si l’on considère les deux loci simultanément. Il faut, pour étudier l’évolution simultanée de deux loci, introduire un nouveau concept qui tienne compte de l’indépendance ou de la non-indépendance physique des deux loci lors de leur transmission aux gamètes, au cours de la méiose (voir encadré 1). Les polymorphismes non-indépendants entre eux sont dits en déséquilibre de liaison (DL).

Le déséquilibre de liaison diminue au cours des générations successives à cause des recombinaisons génétiques (crossing-over), d’autant plus lentement que les deux loci sont très

proches sur le même chromosome : la force du déséquilibre de liaison exprime, sous certaines conditions, la proximité physique des deux loci.

6.1.3.2. Exemples de gènes identifiés par l’approche gène candidat

Une des stratégies habituellement utilisées consiste à sélectionner des gènes candidats dont certains variants pourraient être impliqués dans la susceptibilité génétique à la maladie étudiée. Actuellement, plus de 200 gènes différents ont été proposés comme impliqués dans la génétique des formes sporadiques de la MA. Mais, mis à part l’APOE, aucun consensus ne se dégage quant à l’implication réelle de ces gènes dans la MA.

Parmi ces gènes, nous nous sommes intéressés à des gènes reconnus comme impliqués dans le développement de lésions vasculaires et susceptibles d’intervenir dans la composante vasculaire de la MA. Les études d’association peuvent être également combinées aux études de liaison génétique. Auquel cas on choisira d’étudier, parmi les gènes susceptibles de modifier l’état du réseau vasculaire cérébral, ceux localisés sur des régions chromosomiques qui ont pu être associées à la MA. Cette approche a permis de proposer de nombreux gènes de susceptibilité pour la MA. Notre attention s’est portée plus particulièrement sur les gènes

VEGF et PON1.

6.1.3.2.1. Le gène VEGF

Le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) est un facteur de croissance de l’endothélium vasculaire permettant l’angiogénèse. Cette angiogénèse est particulièrement importante et indispensable au cours de nombreux processus physiologiques sains tels que le développement embryonnaire, l’implantation du placenta, ou pathologiques. En effet, une angiogénèse peut être induite après une ischémie cérébrale par une augmentation de l’expression du VEGF (Whitaker et al., 2007). De plus, le VEGF induirait une neuroprotection ainsi qu’une neurogénèse post-ischémique (Sun et al., 2003).

6.1.3.2.1.1. Rôle du VEGF dans la MA

Le gène VEGF est situé sur le chromosome 6 en position p21.3, dans une région chromosomique associée à la MA (Blacker et al., 2003), faisant de ce gène un candidat potentiel pour être impliqué dans la génétique de la maladie. De plus, il a été montré une augmentation de l’expression de facteurs pro-angiogéniques, dont VEGF, dans le cerveau (Pogue et al., 2004) et dans le sang (Chiappelli et al., 2006) de patients atteints de la MA (de

façon contradictoire une diminution du VEGF sérique chez les patients a également été décrite (Mateo et al., 2007)). Par ailleurs, une co-accumulation du VEGF avec le peptide Aβ a été rapportée (Yang et al., 2004). Ces observations souligneraient que le développement de la MA s’accompagne d’une angiogénèse (Vagnucci et al., 2003).

Au-delà de sa fonction pro-angiogénique, le VEGF pourrait également influencer le développement de la maladie par une action directe sur les neurones. En effet, via son récepteur VEGFR2, le VEGF est capable d’initier des voies de survie cellulaire (pour revue, (Zacchigna et al., 2008)). De plus, par sa capacité à inhiber les canaux K+, le VEGF modulerait la dépolarisation des neurones. La variation de l’excitabilité des neurones qui en découle est essentielle pour les mécanismes de potentialisation à long terme et de plasticité synaptique, à la base des processus mnésiques. Ainsi, un changement d’expression du VEGF peut altérer ces fonctions et participer à la survenue d’une fragilité neuronale.

6.1.3.2.1.2. Variabilité génétique

Quatre polymorphismes ont été décrits au niveau du promoteur du gène et 2 autres dans la séquence 3’UTR (Awata et al., 2002). Il a été recherché s’il existait un lien entre des polymorphismes du gène VEGF et le risque de développer la MA. Plus précisément, l’allèle A du polymorphisme –2578C/A, situé au niveau du promoteur, a pu être associé à un risque augmenté de développer la MA dans deux populations indépendantes (Chiappelli et al., 2006; Del Bo et al., 2005). De plus, dans une étude portant sur l’athérosclérose, cet allèle a été associé à une diminution du taux de VEGF présent dans le sang des individus porteurs de cet allèle et à une augmentation de l’athérosclérose (Howell et al., 2005). L’allèle A du polymorphisme –2578 favoriserait alors une diminution du niveau d’expression du VEGF, facilitant la mise en place de lésions vasculaires et par conséquent le développement de la MA. Cependant, cette hypothèse est en contradiction avec les précédentes études rapportant une augmentation de la concentration du VEGF dans le sang des patients. De plus, lors d’une étude plus récente, le polymorphisme –2578C/A n’a pu être associé ni au risque de développer la MA, ni à une différence du taux de VEGF sérique (Mateo et al., 2006). Ainsi, des études complémentaires sont nécessaires afin de mieux évaluer le rôle du polymorphisme –2578C/A du promoteur du gène VEGF dans la génétique de la composante vasculaire de la MA.

6.1.3.2.2. Le gène PON1

PON1 (paraoxonase-1) est une glycoprotéine de 355 aa synthétisée par le foie et sécrétée dans le sang. Cette enzyme, associée aux HDL, est capable d’hydrolyser les composés organophosphorés provenant des LDL oxydés (Shih et al., 1998). Les LDL oxydés jouent un rôle important dans l’initiation de pathologies vasculaires comme l’athérosclérose. Ainsi, la capacité de PON1 à lutter contre l’accumulation des LDL oxydés suggère un effet protecteur de cette enzyme sur les risques vasculaires. En effet, les souris « Knock Out » pour ce gène présentent plus d’athérosclérose et une augmentation du stress oxydatif. Les souris double « Knock Out » ApoE-/-/PON1-/-, montrent une plus importante susceptibilité pour l’athérosclérose (Shih et al., 2000). Or, une surexpression de PON1 chez les souris ApoE -/-protège de la survenue de l’athérosclérose, soulignant le rôle de PON1 dans la prévention des maladies vasculaires. Chez l’homme, la concentration sérique de PON1 montre une grande variabilité inter-individuelle (Richter et al., 1999). De nombreux facteurs comme l’alimentation ou des polymorphismes génétiques seraient responsables de cette variation du niveau d’expression de PON1 et ainsi altéreraient le rôle protecteur de PON1 (Deakin et al., 2004).

6.1.3.2.2.1. Rôle de PON1 dans la MA

Une augmentation de la concentration sérique des LDL oxydés et une diminution de l’activité de PON1 ont pu être observées au cours du vieillissement (Cakatay et al., 2008). Il a donc été suggéré qu’une diminution de l’activité de PON1 pourrait favoriser le développement de la MA, en facilitant l’apparition de lésions vasculaires. Au-delà de son implication dans la composante vasculaire, PON1 aurait également un rôle protecteur sur le risque de développer la MA via son action anti-oxydante. En effet, l’oxydation a été proposée pour être un important facteur dans l’étiologie de la MA, induit par l’accumulation du peptide Aβ. Une augmentation des lipoprotéines oxydées a été retrouvée chez les patients atteints de MA (Schippling et al., 2000). Ainsi, une diminution du niveau d’expression de la PON1 pourrait favoriser le développement de la MA, par une lutte moins efficace contre la mise en place d’un stress oxydatif.

6.1.3.2.2.2. Variabilité génétique

Deux polymorphismes non synonymes ont été décrits sur PON1, R192Q et L55M. Le polymorphisme R192Q est capable de modifier l’activité enzymatique de PON1 et module sa capacité à protéger de la formation des LDL oxydés (Aviram et al., 1998; Mackness et al.,

1998). La forme Q, plus efficace dans la dégradation des LDL oxydés, joue un rôle protecteur par rapport à la forme R. Quant au L55M, l’isoforme 55M a été associé à une diminution du niveau d’expression de PON1 (Garin et al., 1997). Cette association serait due à un déséquilibre de liaison entre le polymorphisme L55M et un polymorphisme situé au niveau du promoteur, le –107G/A. Néanmoins, il a été suggéré que l’isoforme L55 serait plus stable que l’isoforme M55, expliquant son association avec une concentration sérique plus élevée de PON1 (Leviev et al., 2001). Au niveau du promoteur 5 polymorphismes ont été décrits – 909C/G, -823A/G, -161C/T, -126C/G et –107G/A. Parmi ces polymorphismes le –107G/A expliquerait à lui seul 23 à 24% de la variation de la concentration de PON1 sérique (Brophy et al., 2001; Deakin et al., 2003).

Malgré la fonctionnalité des polymorphismes –107G/A et R192Q, les études ayant recherché un lien entre ces polymorphismes et la MA ont abouti à des résultats contradictoires (Dantoine et al., 2002; Pola et al., 2003; Yamada et al., 2002). Sur 3 études portant sur l’analyse du polymorphisme R192Q dans des populations caucasiennes, une seule a décrit une diminution significative de l’allèle R chez les malades. Cependant, ces études portent sur des petites populations et ne disposent donc que d’une faible puissance statistique. De plus, une étude plus récente portant sur l’étude de familles a montré une association des 2 polymorphismes de PON1 avec le risque de développer la MA dans 2 populations d’origines ethniques différentes (Erlich et al., 2006).

Par ailleurs, il a été suggéré que PON1 modulerait la réponse aux inhibiteurs de cholinestérase. En effet, une fréquence plus élevée de l’allèle R a été retrouvée chez les patients répondant aux traitements inhibiteurs de cholinestérase (Pola et al., 2005). Plus récemment, les polymorphismes L55M et R192Q ont été associés à une variation de la quantité d’Aβ dans le cortex frontal, à une variation de l’activité choline acétyltransférase et à une densité différente des récepteurs nicotiniques dans le cortex frontal (Leduc et al., 2008). Ces résultats semblent suggérer un rôle plus spécifique de PON1 dans l’étiologie de la MA, en agissant directement sur le système cholinergique et le niveau d’Aβ dans le cerveau.