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5. La maladie d’Alzheimer, une maladie complexe

5.2. Importance de la composante vasculaire dans la MA

5.2.1. Arguments épidémiologiques

5.2.1.1. L’hypertension artérielle

Depuis de nombreuses années, l’hypertension artérielle est suspectée de favoriser le développement de la MA (St Clair et al., 1983). Le suivi prospectif de la cohorte HAAS (Honolulu-Asia Aging Study) a permis de mettre en évidence une association entre une augmentation de la pression artérielle systolique (PAS ≥ 160 mmHg) en milieu de vie et un plus faible poids cérébral et davantage de PS au niveau de l’hippocampe (Petrovitch et al., 2000). De même, dans cette région, une augmentation de la pression artérielle diastolique (PAD ≥ 95 mmHg) a été associée à un nombre plus important de DNF. D’autres études ont également décrit une association entre une augmentation de la pression artérielle et un déclin des fonctions cognitives ou de l’incidence de la démence (Tzourio et al., 1999). Cependant, l’impact de la pression artérielle sur le déclin cognitif semble être dépendant de l’âge auquel est mesuré cette pression artérielle (pour revue, (Qiu et al., 2005)). Une association entre pression artérielle élevée et un déclin cognitif ou l’apparition d’une démence est retrouvée pour une pression artérielle mesurée 20 à 30 ans avant l’évaluation des fonctions cognitives. Pour des pressions artérielles mesurées plus tardivement, des résultats contradictoires ou l’absence d’association avec le déclin cognitif ont été rapportés (Hanon et al., 2003).

D’autre part, il semblerait qu’une pression artérielle basse soit également associée à un déclin cognitif (Qiu et al., 2003; Verghese et al., 2003). De plus, une diminution de la pression artérielle dans les 3 ans précédant le diagnostic de démence a été décrite (Qiu et al., 2004). Ainsi,

des pressions artérielles extrêmes favoriseraient l’apparition de la MA selon des mécanismes différents : (i) rigidité artérielle et athérosclérose pour les pressions les plus fortes, (ii) hypoperfusion cérébrale pour les pressions les plus basses. Dans les deux cas, il apparaîtrait une hypoperfusion cérébrale, de façon directe dans le cas d’une pression artérielle basse, et de façon indirecte pour une pression artérielle haute par ses effets délétères sur le réseau vasculaire cérébral. En effet, une étude très récente a permis d’évaluer la perfusion du cerveau chez des individus hyper et normotendus, ne présentant pas de troubles cognitifs (Dai et al., 2008). Une diminution du flux sanguin a été observée chez les individus hypertendus dans différentes régions du cerveau, notamment au niveau de l’hippocampe droit.

Au vu de l’impact de la pression artérielle sur le risque de développer la MA, plusieurs études ont recherché s’il existait un effet bénéfique des traitements anti-hypertenseurs sur l’incidence de la maladie. Chez des sujets âgés hypertendus traités, les études SYST-EUR et PROGRESS ont respectivement montré une diminution de l’incidence des démences (Forette et al., 1998) ou du déclin cognitif (Tzourio et al., 2003). Un effet bénéfique d’un traitement anti-hypertenseur a également été décrit sur l’incidence de la MA, indépendamment du niveau de pression artérielle des individus, suggérant même un effet neuroprotecteur du traitement (Hanon et al., 2006). Cependant, l’étude SCOPE portant sur des patients âgés avec une hypertension modérée n’a pas retrouvé d’association entre un traitement hypertenseur et le score MMS ou son évolution (Lithell et al., 2003). Il est important de noter que pour la plupart de ces études, l’âge moyen des individus est inférieur à 80 ans. Aussi, l’impact bénéfique du traitement anti-hypertenseur après 80 ans reste discuté et de nouvelles études proposant un suivi plus long sont nécessaires.

5.2.1.2. Le diabète

Les complications vasculaires liées au diabète sont connues depuis longtemps. Plus récemment, l’association possible entre le diabète et la survenue d’un déclin cognitif ou d’une MA a été évoqué (Boyle et al., 2001). Plusieurs études longitudinales ont rapporté une association entre le diabète et le déclin cognitif ou la MA (pour revue (Biessels et al., 2006)). Sur 13 études concernant l’impact du diabète sur l’incidence de la MA, 8 ont retrouvé une association positive entre le diabète et la MA, avec des risques relatifs allant de 1,15 à 1,9. La vasculopathie, résultant des complications du diabète, favoriserait alors le développement de la MA. Cependant, une étude par IRM chez des sujets âgés de 60 à 90 ans a montré une association entre l’existence d’un diabète et une atrophie hippocampique, indépendamment de l’atteinte du réseau vasculaire (den Heijer et al., 2003). Il semblerait alors que le diabète puisse avoir un

impact sur la démence non seulement en favorisant l’altération du réseau vasculaire mais également, de façon plus spécifique, sur la neuropathologie de la MA. En effet, la glycation résultant d’un diabète génère la production de radicaux libres oxygénés. Dans ce contexte, il a été proposé que ces produits soient impliqués dans la pathogenèse de la MA (Sasaki et al., 1998; Smith et al., 1996). Egalement, l’enzyme de dégradation de l’insuline interviendrait dans la régulation du métabolisme de l’APP (Bian et al., 2004).

5.2.1.3. L’hypercholestérolémie

Les études portant sur l’association entre le niveau de cholestérol circulant et le déclin cognitif ou la démence ont abouti à des résultats contradictoires (Shobab et al., 2005). L’impact d’autres facteurs comme la nutrition, la période de la vie considérée, les traitements ou la susceptibilité génétique pourrait expliquer cette hétérogénéité. Cependant, il semblerait que, tout comme pour l’hypertension, un haut niveau de cholestérol constaté au milieu de la vie soit associé à une augmentation du risque de développer la MA (pour revue (Anstey et al., 2008)).

Dans ce contexte, plusieurs études longitudinales ou randomisées ont évalué l’effet des statines sur le risque de développer la MA (Arvanitakis et al., 2008; Zhou et al., 2007). Aujourd’hui, même s’il n’a pas été montré de façon claire un bénéfice des statines sur la prévention du déclin cognitif, leur impact chez les octogénaires reste discuté. Une administration trop tardive du traitement ou un suivi insuffisant des patients pourraient expliquer en partie cette absence d’association. Néanmoins, il existerait un effet des statines indépendant de leur action hypolipémiante. En effet, il est vraisemblable que les propriétés des statines, telles leur effet anti-inflammatoire, sur la stabilisation de la plaque d’athérome et sur la modulation de l’angiogénèse améliorent la perfusion cérébrale. De plus, une diminution de la quantité de DNF dans le cerveau de patients sous statines a été rapportée (Li et al., 2007). Egalement, une interaction entre les statines et le métabolisme de l’APP a été décrite (Hinerfeld et al., 2007; Ostrowski et al., 2007).

Finalement, des auteurs ont même proposé d’évaluer l’impact simultané de différents facteurs vasculaires afin d’établir un score de risque (Kivipelto et al., 2001; Kivipelto et al., 2006). Plusieurs facteurs ont été retenus comme l’hypertension, l’hypercholestérolémie, l’obésité. En association avec l’âge et le niveau d’éducation, ces facteurs définissent un score permettant de prédire à 20 ans la survenue d’une démence avec une sensibilité de 77% et une spécificité de 63%. Cependant, l’élaboration de ce type de score reste complexe (Mitnitski et al., 2006). En effet, ces facteurs évoluent avec l’âge et chaque évolution de ces facteurs peut alors moduler le risque qui lui est associé.