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Foldamères hélicoïdaux luminescents stimulables

CHAPITRE 1. FOLDAMÈRES AROMATIQUES HÉLICOÏDAUX : STRUCTURES, PROPRIÉTÉS ET

C. Foldamères hélicoïdaux luminescents stimulables

De multiples travaux ont montré la capacité des foldamères adoptant des structures secondaires hélicoïdales à s’associer à des invités cationiques, anioniques ou neutres. Ceux-ci ont d’ailleurs récemment fait l’objet de différentes revues.116,117 La chimie supramoléculaire associée à ces phénomènes de reconnaissance est le plus souvent caractérisée par spectroscopie RMN 1H ou d’absorption UV-visible, lorsque le foldamère comporte un chromophore. Les constantes d’association calculées pouvant s’avérer élevées, leur détermination rigoureuse a parfois nécessité des titrations en milieux extrêmement dilués, posant la question du seuil de détection. Dans ce contexte, l’introduction d’une unité luminescente à la périphérie ou au cœur-même du foldamère a constitué une solution pertinente, compte tenu des sensibilités atteintes en spectroscopie d’émission. Le principe de fonctionnement des sondes luminescentes correspondantes peut s’appuyer sur différents mécanismes discutés ci-après à travers une sélection d’exemples de la littérature.

Reconnaissance d’invités dans une hélice luminescente pré-formée Afin de sonder un processus de reconnaissance par spectroscopie d’émission, une première stratégie consiste à greffer simplement une unité luminescente à la périphérie d’un foldamère adoptant une conformation hélicoïdale stable ou à étudier la fluorescence du foldamère si son squelette est intrinsèquement luminescent. Dans ce contexte, la cavité est préformée en solution et la capture de l’invité provoque une modification de l’environnement

116 Juwarker, H.; Suk, J.-m.; Jeong, K.-S., Chem. Soc. Rev. 2009, 38, 3316.

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du fluorophore (e.g. champ électrique), qui se traduit par une modification de son spectre d’émission. Il s’agit notamment du principe de fonctionnement du foldamère I-44, décrit par Li, Wang et al., dont le rendement quantique de fluorescence augmente avec l’ajout d’hexose

I-45 (Figure 1-24).118

Figure 1-24. À gauche. Structure du foldamère I-44 et de l’invité I-45. À droite. Évolution du spectre d’émission du composé I-44 en présence de quantités croissantes de I-45 ([I-44] = 1.2 x 10-5 mol.L-1, CHCl3, 25°C, exc = 328

nm).118

Repliement et dépliement de foldamères luminescents induits par chimie hôte-invité

Un certain nombre d’unités luminescentes présente une émission de type « monomère » lorsque le fluorophore est isolé à l’état excité, et une autre de type « excimère » lorsqu’un fluorophore excité s’associe à un second à l’état fondamental. Ainsi, lorsque la conformation d’une espèce hôte comportant plusieurs de ces unités peut être modifiée par chimie hôte-invité, la détection de divers analytes peut être envisagée par spectroscopie d’émission.

S’agissant plus particulièrement des foldamères hélicoïdaux, il est parfois possible de provoquer le repliement d’un oligomère dépourvu de structure secondaire grâce à l’effet structurant d’un invité. C’est notamment le cas pour les foldamères I-46119 et I-47,120 qui adoptent une conformation hélicoïdale en présence d’anions benzène-1,3,5-tricarboxylate et chlorure, respectivement. Dans les deux cas, ce phénomène de reconnaissance s’accompagne du rapprochement des unités luminescentes, dontl’émission type monomère disparaît au profit de celle de type excimère.

118 Li, C.; Wang, G.-T.; Yi, H.-P.; Jiang, X.-K.; Li, Z.-T.; Wang, R.-X., Org. Lett. 2007, 9, 1797.

119 Xu, Y.-X.; Wang, G.-T.; Zhao, X.; Jiang, X.-K.; Li, Z.-T., J. Org. Chem. 2009, 74, 7267.

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Figure 1-25. a) Structure du complexe I-46•Ph(CO2)33- et évolution du spectre de fluorescence du composé I-46 en présence de quantités croissantes de benzène-1,3,5-tricarboxylate ([I-46] = 0.5 x 10-6 mol.L-1, DMSO, 25°C,

exc = 349 nm)119 b) Équilibre impliquant le foldamère I-47 et l’ion chlorure et évolution du spectre de fluorescence du composé I-47 en présence de quantités croissantes de chlorure de tétrabutylammonium ([I-47]

= 10-6 mol.L-1, THF).120

Comme l’ont montré Jeong et coll. avec le foldamère I-48,121 la reconnaissance d’un invité peut également provoquer le dépliement du foldamère et perturber le chemin de relaxation des fluorophores. En l’absence d’anions, I-48 présente une structure secondaire hélicoïdale dans laquelle les fluorophores indolocarbazole s’empilent, ce qui explique l’extinction de leur fluorescence. L’ajout d’anions (e.g. SO42-) rompt les interactions  correspondantes, en provoquant le déroulement de l’oligomère et permet par conséquent de restaurer la fluorescence attendue. Il s’agit donc d’un exemple intéressant de sonde fluorescente de type « turn on ».

Figure 1-26. a) Changement conformationnel du foldamère I-48 induit par reconnaissance d’anion ; b) évolution du spectre de fluorescence du foldamère I-48 en présence d’ions sulfate ([I-48] = 5 x 10-6 mol.L-1, 1%

CH3OH/saturé à l’eau CH2Cl2).121

121 Jeon, H.-G.; Jang, H. B.; Kang, P.; Choi, Y. R.; Kim, J.; Lee, J. H.; Choi, M.-G.; Jeong, K.-S., Org. Lett.

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Hybridation de foldamères luminescents et chimie hôte-invité

La capacité de certains foldamères à s’hybrider constitue également une piste intéressante pour le développement de nouvelles sondes luminescentes. En effet, on peut aisément imaginer qu’un foldamère disposera de propriétés spectroscopiques bien différentes selon qu’il est sous forme hybridée ou non. Dans cette optique, nous avons récemment décrit la synthèse et la caractérisation du foldamère I-49, qui comporte deux unités pyrène greffées aux extrémités.122

À travers cette étude, nous avons montré que 1) l’introduction de ces groupements luminescents électrodonneurs impactaient fortement la structure secondaire adoptée à l’état solide (la conformation observée n’est pas hélicoïdale), 2) qu’il était possible de moduler la concentration d’hélice hybridée par ajout d’accepteur I-50 et 3) que ce phénomène de reconnaissance était accompagné d’un changement de couleur observable à l’œil nu et d’une extinction progressive de la fluorescence du foldamère.

Figure 1-27. a) Structure du foldamère I-49, b) structure cristallographique du dimère I-492 et c) évolution du spectre d’émission lors d’ajouts d’accepteur I-50 ([I-49] = 1.5 x 10-3 mol.L-1, CHCl3, 25°C).122

C.2. Foldamères aromatiques hélicoïdaux comportant deux unités luminescentes distinctes

Les squelettes rigides et préorganisés des foldamères hélicoïdaux peuvent s’avérer intéressants pour l’étude des interactions entre unités luminescentes, puisque le nombre d’unités monomères composant l’oligomère contrôlent à la fois la distance séparant les deux chromophores et leur orientation relative. Si l’utilisation de nucléotides ou peptides a été

Chapitre 1. Foldamères Aromatiques Hélicoïdaux : Structures, Propriétés et Fonctions

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fréquente dans ce contexte,123 les foldamères aromatiques n’ont émergé quant à eux que récemment (Schéma 11).

Le composé I-51 (Schéma 1-11), décrit en 2004 par Janssen et al., constitue la première dyade de ce type.124 Son étude photophysique a montré qu’un transfert d’énergie du motif oligophénylène vinylène au chromophore pérylène diimide a lieu dans le chloroforme, solvant dans lequel l’oligomère est déroulé. Dans des solvants promouvant une conformation hélicoïdale, le chemin de relaxation diffère : l’oligomère adoptant une conformation hélicoïdale, la distance donneur-accepteur diminue et permet la relaxation via un état de charges séparées.

Des études similaires ont par la suite été menées en connectant ces fluorophores aux extrémités de foldamères de type oligoquinoline carboxamide, qui adoptent une conformation hélicoïdale stable (I-52-j ∈ [2-34], Schéma 1-11).125,126 La photoexcitation de ces dyades a également permis la caractérisation d’états de charges séparées, dont le temps de vie dépend du nombre d’unités composant l’espaceur. Un temps de vie exceptionnellement long a d’ailleurs été mesuré pour l’oligomère le plus long (34 unités ; 80 µs). Enfin, on notera qu’une évolution intéressante de ces recherches a été menée en série foldaxane, le pseudomacrocycle foldamère permettant la rigidification de l’axe et l’éloignement des bouchons luminescents.85

Schéma 1-11. Structures des foldamères I-51 et I-52-j.

Enfin, on notera que l’oligomère utilisé comme « espaceur » peut contribuer lui aussi aux transferts d’énergie ou d’électron photo-induit se produisant au sein de la molécule d’intérêt, comme cela a été montré pour les exemples précédents. À ce sujet, le foldamère I-53 (Figure 1-28), oligo(ortho-phénylène éthynylène) substitué par des groupements pérylène diimide

123 Giese, B., Bioorg. Med. Chem. 2006, 14, 6139.

124 Marcos Ramos, A.; Meskers, S. C. J.; Beckers, E. H. A.; Prince, R. B.; Brunsveld, L.; Janssen, R. A. J., J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 9630.

125 Wolffs, M.; Delsuc, N.; Veldman, D.; Anh, N. V.; Williams, R. M.; Meskers, S. C. J.; Janssen, R. A. J.; Huc, I.; Schenning, A. P. H. J., J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 4819.

126 Li, X.; Markandeya, N.; Jonusauskas, G.; McClenaghan, N. D.; Maurizot, V.; Denisov, S. A.; Huc, I., J. Am. Chem. Soc. 2016, 138, 13568.

Foldamères hélicoïdaux et matériaux

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(PDI), constitue un exemple remarquable.127,128,129 Dans une conformation dite d’aléatoire, le squelette hydrocarboné joue le rôle de donneur d’électron à l’état excité, tandis que les motifs PDI subissent une réaction de réduction. En revanche, la molécule adopte en présence d’un contre-solvant une conformation hélicoïdale, dans laquelle les unités PDI s’empilent, favorisant ainsi une désexcitation radiative via la formation d’excimères.

Figure 1-28. Structure du foldamère I-53 décrit par Würthner et coll. et représentation schématique de son comportement en solution (transfert d’électron symbolisé par une flèche verte et formation d’excimère par une

flèche jaune).127,130