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Fluctuation Induced Tunneling

6.4.1 Description du modèle

Comme nous l’avons vu ci-dessus la résistance des films de CNT est contrôlée par les jonctions entre les tubes, ce sont donc elles qui contrôlent le transport. Les porteurs doivent traverser ces jonctions en passant à travers les barrières de potentiel de largeurwconstituées par les espaces isolants (i.e. le vide) qui se trouvent entre les tubes considérés comme des conducteurs de travail de sortieV0. Nous allons étudier le transport à travers ces barrières en utilisant le modèle mis au point par Sheng11. Pour décrire la forme de ces barrières de potentiels, nous allons utiliser une barrière de forme parabolique, qui permet de prendre en compte l’effet de force image et a l’avantage de supprimer les champs infinis qui seraient impliqués par des barrières rectangulaires. Nous décrirons donc le profil d’énergie entre les deux conducteurs soumis à un champξpar :V(x, ξ) =V0[wx(1−wx)]−xeξ. (voir Fig. 6.6).

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(a) (b)

Figure 6.6 – (a) Schéma de la barrière de potentiel parabolique prenant en compte l’effet de force image pour une jonction de largeur w, de hauteur V0 soumise à un champ ξ. (b) Schéma de la jonction entre les deux tubes qui forme une capacité d’épaisseurwet d’aire effectiveA.

Dans le cadre du formalisme de Landauer-Büttiker, la densité de courant à travers une telle barrière, en considérant un unique canal de transmission, peut s’écrire :

j(ξ) =4πe

~ Z +∞

−∞

dE T(E, ξ)

Z d2kk (2π)2

f(E+Ek)−f(E+Ek+ξew)

(6.2) oùE est l’énergie dans la direction de la jonction (axex),kk est le vecteur d’onde parallèle à la surface de la jonction, Ek = ~2k2k/2m, m est la masse effective des porteurs, f(E) la fonction de Fermi etT(E, ξ) le facteur de transmission de la barrière. La hauteur de la barrière étant de l’ordre du travail de sortie du métal, c’est-à-dire de l’ordre de l’électronvolt, le processus de transmission est essentiellement tunnel. Or dans ce cas, la transmission tunnel dans la queue de la fonction de Fermi est négligeable. On peut donc considérer des fonctions de Fermi abruptes (de typeT = 0 K). L’équation 6.2 s’écrit alors :

11Sheng, « Fluctuation-induced tunneling conduction in disordered materials ».

6.4 Fluctuation Induced Tunneling 85

Pour aller plus loin, il faut maintenant exprimer le facteur de transmissionT(E, ξ). Dans le cadre de l’approximation WKB12 dite simplifiée (ou asymptotique), on peut l’écrire :

T(E, ξ) =

A ce stade, l’expression du courant obtenue ne dépend pas de la température puisqu’on a négligé l’activation thermique des porteurs. Afin d’introduire cette dépendance en tempéra-ture, nous allons prendre en compte l’activation thermique de champs électriques transitoires aux bornes de la jonction. En effet, le minuscule espace entre les tubes, représenté dans la figure 6.6, peut être modélisé comme un condensateur d’épaisseur w et de surface effec-tive A, car il est constitué d’un isolant pris en sandwich entre deux éléments conducteurs.

Grâce à l’agitation thermique, il peut y avoir un excès ou un déficit transitoire des charges aux surfaces de cette jonction induisant un champ électrique transitoireξt à ses bornes. La probabilité d’apparition de ces fluctuations est décrite par une distribution de Boltzmann :

Pt, T) = où C = A/w est la capacité de la jonction et est sa permittivité. Ces fluctuations de champ électrique, en modifiant la forme de la barrière, vont influencer sa conductivité. La conductivitéσ(T) à la températureT, est donc la somme sur toutes les fluctuations de champ ξt, de la conductivité sous un tel champ djt) pondérée par leur probabilité d’apparition Pt, T) :

Sheng a alors montré qu’au prix de quelques approximations, il est possible d’obtenir une expression analytique de la dépendance en température deRsh(T) :

Rsh(T)∝exp

86 Transport électronique

De telles expressions aident à comprendre la physique en jeu dans ce modèle. Lorsque T Ts, les fluctuations thermiques du champ électrique ne sont pas capables de moduler la barrière. En conséquence, le transport est contrôlé uniquement par effet tunnel :Rsheχw. Au contraire, quand T Ts, Rsh est proportionnelle à eC(wξ0)2/2kBT. Notons que cette expression ne représente pas l’activation thermique des porteurs au-dessus de la barrière, mais l’activation thermique de champ transitoire. En effet l’énergie kBTb = C(wξ0)2/2 permet de supprimer la barrière (c.-à-dmax[V(x, ξ0)] = 0). Il a été démontré13 que dans le cas d’un agencement complexe de tiges conductrices, les expressions des équations 6.6 et 6.7 restent encore valables siV0,w, etA sont remplacés par leurs valeurs moyennes sur le réseau.

6.4.2 Application aux jonctions inter-tubes

La figure 6.7 représente dans un espace approprié la résistance de couche normalisée de l’échantillon H-US en fonction de la température (cercles bleus) entre 20K et 300K, accom-pagnée de son fit avec l’équation 6.6 (ligne cyan). Leur accord montre que l’équation 6.6 peut être utilisée pour décrire phénoménologiquement le transport dans les films de nanotubes de carbone. Néanmoins, l’adéquation entre les valeurs mesurées deTbetTb/Ts(respectivement 232K, et 3.2 dans ce cas) avec les caractéristiques du matériau n’a jamais été étudiée.

Afin de vérifier qu’un mécanisme d’effet tunnel assisté par les fluctuations thermiques aux jonctions inter tubes peut effectivement décrire quantitativement le transport électrique dans des films de CNT, nous allons déterminer un jeu de paramètres, qui injecté dans les équations 6.6 et 6.7, permet de trouver le bon ordre de grandeur pourTb et Tb/Ts. Nous supposons que la hauteur de la barrière est de V0 = 4.5 eV, qui est le travail de sortie des nanotubes de carbone14, que la permitivité de la barrière est celle du vide, et que la masse effective est m = 0.1m0. Nous obtenons alors à partir des équations 6.7 et des valeurs expérimentales pour l’échantillon H-US deTb et Tb/Tsque la largeur et l’aire de la jonction doivent être w = 1.3 nm etA = (0.2)2 nm2. A titre de comparaison, les valeurs reportées pour des jonctions formées de deux tubes isolés régis uniquement par les forces de Van der Waals15,16,17 sont de l’ordre de 0.3 nm, ce qui doit être considéré comme une

13Sheng, « Fluctuation-induced tunneling conduction in disordered materials ».

14Jackson et al., « Evaluation of Transparent Carbon Nanotube Networks of Homogeneous Electronic Type ».

15Dumlich et al., « Nanotube bundles and tube-tube orientation: A van der Waals density functional study ».

16Havuet al., « Effect of gating and pressure on the electronic transport properties of crossed nanotube junctions: formation of a Schottky barrier ».

17Yoonet al., « Structural Deformation and Intertube Conductance of Crossed Carbon Nanotube Junc-tions ».