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1.3.2- Flore lactobacillaire vaginale : rôle protecteur des lactobacilles

Les lactobacilles forment un biofilm tapissant la muqueuse vaginale et protègent ainsi le milieu contre l'agression de micro-organismes responsables d'infections diverses en déployant différents mécanismes (figure 4) [28].

1.3.2.1- Inhibition de la croissance du pathogène

 Par production d’acides organiques

La principale molécule responsable de l’acidification du vagin est l’acide lactique. Elle est synthétisée via la fermentation lactique du glycogène présent dans le fluide vaginal par les lactobacilles (produisant les formes D- et/ou L- lactate) et par l’épithélium (produisant seulement la forme L-lactate). Or, les sécrétions vaginales contiennent plus de 50 % de D-lactate. Ainsi, les lactobacilles sont la première source d’acide lactique dans le vagin [29].

D’autres acides organiques peuvent être produits par fermentation lactique comme l’acide acétique qui est dix fois moins concentré que l’acide lactique dans le milieu vaginal.

Les acides organiques produits peuvent diffuser passivement à travers la membrane sous leur forme non dissociée. Ils acidifient le cytoplasme après dissociation et inhibent l’activité enzymatique cellulaire des pathogènes acidosensibles (figure 5) [29].

Figure 5 : Mode d’action sur les pathogènes des acides organiques produits par les lactobacilles [29].

 Par production de peroxyde d’hydrogène

La production de peroxyde d’hydrogène par les lactobacilles vaginaux représente avec la production d’acide lactique, un des mécanismes de défense les plus importants pour lutter contre la colonisation de la cavité vaginale par des micro-organismes pathogènes.

Les lactobacilles producteurs de peroxyde d’hydrogène (H2O2) jouent un rôle essentiel dans l’équilibre de la flore vaginale. En effet 96 % des femmes saines possèdent ces lactobacilles producteurs de H2O2 (notamment L. crispatus et L. jensenii) alors que ces mêmes lactobacilles ne sont isolés que dans 3,5 % des femmes atteintes de vaginose bactérienne (Tableau II).

Le peroxyde d’hydrogène est produit par certains lactobacilles en aérobiose. Ces derniers ne possèdent pas d’hème et n’utilisent pas le système cytochrome pour l’oxydation terminale pendant le processus respiratoire mais une oxydase flavoprotéinique qui réduit l’oxygène en peroxyde d’hydrogène [28, 30].

Tableau II : Lactobacilles les plus fréquemment isolés à partir de vagins sains et production

de H2O2 [31].

Lactobacilles Fréquence d’isolement (%) Production de H2O2 L. crispatus L. jensenii L. gasseri L. iners L. vaginalis L. reuteri L. fermentum L. rhamnosus L. delbruckeii 48,3 25,3 23,5 20,5 11,6 1,4 1,1 0,9 0,7 +++ ++ ++ + ++ ++ + + ++

L’effet bactéricide de H2O2 est du à la molécule elle-même, mais également à la génération de métabolites oxydants, tels que les radicaux OH- (radical hydroxyle) et O2 -(anion superoxyde) qui entrainent des cassures au sein de l’ADN, provoquant la mort

Ces molécules peuvent agir sur les protéines (inactivation des enzymes cytoplasmiques), les lipides membranaires (augmentation de la perméabilité membranaire) et les acides nucléiques (induction de mutations de l’ADN). Par contre, l’autodestruction des lactobacilles est évitée pour ceux possédant une NADH peroxydase qui transforme le peroxyde d’hydrogène [28,32].

Figure 6 : Modes d’action sur les pathogènes du peroxyde d’hydrogène et de ses dérivés produits par

les lactobacilles [28, 32].

 Par production de bactériocines

Certains lactobacilles produisent des bactériocines et des bactériocines-like :

- Les bactériocines sont des substances protéiques antimicrobiennes à spectre d'action restreint.

- Les bactériocines-like ne sont pas clairement identifiées et ne correspondent pas complètement à la définition des bactériocines : ce sont des substances antibactériennes à spectre d'action plus large [33].

Le mécanisme d’action des bactériocines est décrit dans la (figure 7). Elles s’ancrent sur la paroi, forment des pores et induisent ainsi la fuite du contenu cytoplasmique [34].

Figure 7 : Mode d’action sur les pathogènes des bactériocines produites par les lactobacilles [34].

1-2-3 : Etapes d’action des bactériocines produites par les lactobacilles sur les pathogènes.

 Par production de l’enzyme arginine désaminase

Les lactobacilles peuvent inhiber la croissance et la prolifération de certains pathogènes par compétition nutritionnelle comme dans le cas des souches possédant l’activité arginine désaminase. Elle empêche l’action de l’arginine décarboxylase et donc la décarboxylation des acides aminés menant à la synthèse de polyamines possédant des propriétés néfastes sur l’écosystème vaginal. En effet, les polyamines entrainent l’alcalinisation du milieu vaginal, une mauvaise odeur (odeur de poisson) caractéristique de la présence de germes anaérobies au sein de la flore, la destruction de l’intégrité de la muqueuse vaginale, l’inhibition de la réponse immunitaire et inflammatoire et enfin l’altération du transport des antibiotiques [28].

L’arginine désaminase évite la production de ces polyamines et en remplacement conduit à la formation de citrulline et d’ammoniac qui empêchent la prolifération des bactéries anaérobies pathogènes en les privant d’arginine. De plus, la citrulline et l’ammoniac sont source de carbone, d’azote et d’énergie pour les lactobacilles et contribuent ainsi à maintenir un écosystème vaginal sain et en bonne santé (figure 8) [28].

Figure 8 : Effets des lactobacilles possédant l’enzyme arginine désaminase [28].

1.3.2.2- Inhibition de l’adhésion du pathogène

 Par compétition directe avec les récepteurs membranaires des cellules

épithéliales vaginales

L'adhésion à la muqueuse est un facteur essentiel contrôlant la colonisation et l'équilibre de la flore de l'hôte. Deux types de mécanismes, décrits dans la (figure 9), sont impliqués dans l'adhérence des micro-organismes [35]:

Adhésion spécifique impliquant des structures externes des bactéries (les adhésines) et de l'épithélium (les sites récepteurs);

Adhésion non spécifique basée sur différentes interactions physico-chimiques (forces de Van Der Waals, forces électrostatiques, liaisons hydrogène…).

Différentes études ont montré que les adhésines peuvent être :

Des acides lipoteichoiques rattachés à la membrane cytoplasmique et dont les chaînes saccharidiques se retrouvent à la surface des lactobacilles;

Des polysaccharides correspondant à une structure plus ou moins organisée [36]. Les sites récepteurs cellulaires des adhésines peuvent se situer au niveau des cellules ou au niveau du mucus recouvrant la surface cellulaire. Ils appartiennent à deux groupes chimiques : les glycoprotéines (du mucus et de la membrane cellulaire) ou les glycolipides (de la membrane cellulaire) [37].

Les lactobacilles possèdent pour ces récepteurs une plus grande affinité que les bactéries pathogènes permettant de s’y fixer durablement et même d’exclure les pathogènes qui y sont déjà fixés. Cela aboutit à la création d’un biofilm protégeant la muqueuse vaginale et empêchant par encombrement stérique l’adhérence des bactéries pathogènes [38].

Figure 9 : Mécanisme d’inhibition de la fixation des pathogènes par un effet barrière dû à l’adhésion

 Par adhérence à la fibronectine humaine

La fibronectine, glycoprotéine de poids moléculaire élevé, est présente :

Sous forme fibrillaire dans la matrice extracellulaire qui recouvre les surfaces des cellules et des muqueuses;

Sous forme soluble dans les fluides physiologiques comme par exemple le fluide vaginal.

Elle constitue un mécanisme supplémentaire d’adhérence. En effet, les lactobacilles se fixent sélectivement à cette molécule et empêchent ainsi la fixation des pathogènes par encombrement stérique (figure 10). Cette adhérence est d’autant plus forte que le pH du milieu diminue jusqu'à pH 4 correspondant aux conditions vaginales normales [28, 39].

Figure 10 : Mécanisme d’inhibition de l’adhésion des pathogènes par adhésion des lactobacilles à la

 Par les biosurfactants [28, 38, 40]

Certains lactobacilles sont capables de synthétiser des molécules jouant un rôle de biosurfactant à la surface de la muqueuse en agissant sur les tensions de surface et en renforçant les interactions entre la flore et la muqueuse vaginale (figure 11).

Ces biosurfactants sont des molécules amphiphiles possédant à la fois un domaine hydrophile et un domaine hydrophobe. Ce sont surtout des glycolipides ou des lipopeptides. Ces composés possèdent différentes propriétés :

 Ils émulsionnent les sources carbonées hydrophobes et favorisent ainsi la croissance des lactobacilles;

 Ils participent à l’adhésion des bactéries qui les produisent et créent une barrière compétitive vis-à-vis de l’adhésion des pathogènes;

 Ils possèdent une activité antimicrobienne avec notamment des effets antibiotiques, antifongiques et antiviraux.

 Par induction de la production de mucine

La mucine est le composant principal du mucus. C’est une glycoprotéine qui forme un réseau de type gel sur les cellules épithéliales. Elle protège la muqueuse vaginale et permet ainsi d’optimiser le rôle de barrière de cette muqueuse vis-à-vis de la colonisation microbienne. Cette matrice est difficilement pénétrable par les micro-organismes.

On sait que la flore digestive présente au niveau du tractus intestinal est capable d’induire la production de mucine. Cela n’a pas encore été démontré pour les lactobacilles vaginaux mais il a été démontré que l’adhérence de C. albicans est réduite lorsque les mucines cervicales sont présentes [38].

1.3.2.3- Inhibition de l’expansion du pathogène : Co-agrégation

La Co-agrégation est une interaction entre deux micro-organismes de souches ou d'espèces différentes. Dans le milieu vaginal certains lactobacilles sont capables de s’autoagréger entre eux mais peuvent aussi coagréger avec des microorganismes pathogènes. Ils empêchent l’accès des pathogènes aux récepteurs des cellules épithéliales et leur adhérence à la muqueuse. Ils créent ainsi un microenvironnement particulier autour du pathogène avec une concentration plus importante des substances inhibitrices dirigées contre celui-ci. Les molécules impliquées dans l’agrégation sont soit localisées à la surface des cellules (acides lipotéichoïques, protéines ou glucides), soit sécrétées par celles-ci (peptides ou protéines solubles).

L. acidophilus, L. gasseri et L. jensenii sont capables de se co-agréger avec C. albicans, E. coli et G. vaginalis, empêchant ainsi l’expansion de ces pathogènes. Tous les lactobacilles

ne co-agrégent pas les pathogènes avec la même intensité, certains produisent un facteur promoteur de l’agrégation (APF) qui leur permet d’être plus efficace, notamment vis-à-vis de

E. coli [38, 39, 41, 42, 43].

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