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Filtrage des donn´ ees g´ eophysiques

La plupart des donn´ees g´eophysiques contiennent les contributions de diff´erents ph´enom`enes, chacun ayant une ´echelle de longueur caract´eristique. Par exemple, le champ de gravit´e terrestre inclut les variations de masse `a toutes les ´echelles de lon- gueur et toutes les profondeurs, et la bathym´etrie correspond de la mˆeme fa¸con `a la superposition de processus de longueurs caract´eristiques tr`es variables. La difficult´e intervient lorsque l’on d´esire ´etudier un ph´enom`ene bien particulier, et donc isoler sa composante propre dans les signaux observ´es. Un filtrage est alors n´ecessaire, mais iso- ler les diff´erentes composantes reste une ´etape d´elicate, car c’est toute l’interpr´etation g´eophysique qui en d´ecoule qui peut ˆetre affect´ee par une mauvaise s´eparation des signaux.

9.3.1

Les principales composantes

Nous avons pr´esent´e dans le chapitre 4 les diff´erents mod`eles de subsidence qui visent `a d´ecrire le comportement au premier ordre du plancher oc´eanique lorsque celui- ci s’´eloigne de la dorsale au niveau de laquelle il a ´et´e cr´e´e. Malgr´e la faiblesse de leur pr´ediction aux ˆages anciens, ils donnent une bonne id´ee du refroidissement de la li- thosph`ere, et estiment la variation de la bathym´etrie, du g´eo¨ıde et du flux de chaleur associ´es. En consid´erant un mod`ele empirique de subsidence pour calculer la profon- deur pr´edite dans une r´egion donn´ee (Menard, 1969; Sclater et al., 1971), les ´ecarts par rapport `a la valeur pr´edite sont d´esign´es sous le terme d’anomalies de profondeur (Menard, 1973). Dans le cas o`u la profondeur est pr´edite par un mod`ele de plaque, par exemple PS (Parsons & Sclater, 1977) ou GDH1 (Stein & Stein, 1992), l’anoma- lie de profondeur correspond alors `a tout processus diff´erent du refroidissement de la plaque. Ces processus peuvent inclure des changements dans la composition chimique de la plaque, des variations d’´epaisseur de la croˆute (Watts & Daly, 1981), les effets thermiques et dynamiques associ´es `a un point chaud (Crough, 1978; Detrick & Crough, 1978; Crough, 1979; Menard & McNutt, 1982; Von Herzen et al., 1982; Fischer et al.,

1986; McNutt, 1988) ou des processus convectifs dans le manteau (Menard, 1973; Co- chran & Talwani, 1977, 1978; Menard & Dorman, 1977; McKenzie et al., 1980; Watts & Daly, 1981; Watts et al., 1985; Cazenave et al., 1986; Cazenave & Dominh, 1987). Nous avons suppos´e dans un premier temps que les mod`eles de subsidence empi- riques les plus classiques, et en particulier les mod`eles de plaque de Parsons & Sclater (1977) et Stein & Stein (1992), permettent d’´eliminer du signal bathym´etrique la com- posante grande longueur d’onde due `a la subsidence thermique. Le signal correspondant `

a la bathym´etrie corrig´ee de la subsidence thermique, qui correspond `a l’amplitude de l’anomalie de profondeur, fait apparaˆıtre deux types d’anomalies :

1. des ´el´evations r´egionales (Parsons & Sclater, 1977; Cochran & Talwani, 1978),

correspondant `a des r´egions anormalement peu profondes, s’´etendant sur plusieurs centaines de kilom`etres (leur ´echelle de longueur caract´eristique est en g´en´eral de 1000 km∼).

2. les ˆıles et monts sous-marins, qui contrairement aux ´el´evations r´egionales n’oc- cupent qu’un faible pourcentage du plancher oc´eanique, par exemple 6% dans le bassin Est Pacifique (Smith & Jordan, 1988). On les d´esignera par la suite sous le terme de topographie r´esiduelle.

Ces deux manifestations de surface sont souvent associ´ees `a la pr´esence d’un point chaud (bombement + alignement volcanique), et sont dans la plupart des cas ´etal´ees spatialement dans la direction du mouvement de la plaque (voir Figure 2.4, chapitre 2). Il existe cependant des anomalies de profondeur de plus grande longueur d’onde en- core que les ´el´evations r´egionales : les superbombements. Les deux superbombements connus, qui s’´etendent sur plusieurs milliers de kilom`etres, sont le Darwin Rise, dans le Pacifique nord-ouest (Menard, 1984) et le Superbombement du Pacifique central sud, ou South Pacific Superswell (McNutt & Fischer, 1987).

Il est crucial de s´eparer ces diff´erentes contributions dans l’anomalie de profondeur si l’on veut comprendre les processus g´eophysiques qui en sont responsables. D’une part, la d´etermination correcte du volume des ˆıles volcaniques (li´e au taux de production magmatique) n´ecessite une bonne connaissance de l’´el´evation r´egionale sur laquelle elles se sont le plus souvent mises en place. D’autre part, les composantes r´egionales associ´ees `a du volcanisme en surface peuvent donner des informations pr´ecises sur la dynamique des panaches mantelliques et les ph´enom`enes convectifs qui sont `a l’origine du volcanisme.

La morphologie du Superbombement est relativement bien connue (McNutt & Fischer, 1987; Sichoix, 1997; Sichoix, Bonneville, & McNutt, 1998; Adam, 2003; Adam & Bonneville, 2004). Cependant, la s´eparation des composantes r´egionales et r´esiduelles reste probl´ematique. Des approches spectrales sont le plus souvent employ´ees, mais on peut s’attendre intuitivement `a ce que ”grande longueur d’onde” ne soit pas une bonne traduction quantitative de ”r´egional” (Watts & Daly, 1981). Plusieurs m´ethodes alternatives ont par la suite ´et´e propos´ees, bas´ees sur l’ajustement g´eom´etrique `a des surfaces th´eoriques, ou sur un filtrage spatial, mais elles pr´esentent toutes des faiblesses, conduisant `a une mauvaise estimation des composantes r´egionales et r´esiduelles, et donc une interpr´etation erron´ee des ph´enom`enes sous-jacents.

9.3.2

MiFil : une nouvelle m´ethode de filtrage spatial

Nous avons choisi au cours de cette th`ese de d´evelopper notre propre m´ethode de filtrage, baptis´ee ”MiFil” (pour ”Minimisation et Filtrage”), pour caract´eriser les anomalies de profondeur r´egionales1. Cette m´ethode, contrairement `a de nombreuses m´ethodes existantes, ne s’appuie pas sur une analyse profil par profil le long de la trace d’un point chaud, mais est directement applicable sur des grilles 2D. De plus, elle ne requiert aucune hypoth`ese sur l’emplacement, l’amplitude ou l’´etendue spatiale de l’anomalie - si ce n’est sa longueur caract´eristique minimale. Ce travail a fait l’objet de l’article suivant, pr´esent´e dans l’annexe C :

C. Adam, V. Vidal and A. Bonneville, MiFil : A method to characterize hots- pot swells. Application to French Polynesia, to be submitted to Journal of Geophysical

Research (2004)

La premi`ere partie est essentiellement m´ethodologique : apr`es avoir pass´e en revue les diff´erentes m´ethodes existantes en montrant leurs limites, et introduit la m´ethode MiFil, nous pr´esentons une application `a la caract´erisation des bombements associ´es aux points chauds de Polyn´esie Fran¸caise, ce dernier point ayant ´et´e r´ealis´e dans le cadre de la th`ese de C. Adam (Adam, 2003). Nous concluons en montrant comment cette nouvelle m´ethode de filtrage conduit `a une meilleure compr´ehension de la zone ´etudi´ee. Ce travail n’est pas d´evelopp´e ici, et le lecteur int´eress´e pourra se reporter `a l’annexe C. Nous allons dans la fin de ce chapitre discuter des opportunit´es offertes par la m´ethode MiFil, ainsi que des limitations qui malgr´e tout lui sont associ´ees, avant de l’appliquer `a l’´etude du point chaud d’Hawai’i.