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Figures hôtes de style maya-teotihuacanais

Chapitre 4 : Interprétation des données

4.2 La chronologie des figures hôtes

4.3.2 Figures hôtes de style maya-teotihuacanais

Deux des figures hôtes classées dans le groupe B ont été retrouvées en territoire maya, BIIb2.8 (Figure 33) et BIIb1.10 (Figure 39). Elles possèdent toutes les deux une ouverture sur tout le corps et contiennent une multitude de petites figurines. On ne retrouve pas cette caractéristique dans le groupe A, dont j’ai classifié les figures comme étant de style teotihuacanais. Je ne remets pas en doute le fait que le concept de figure hôte comme il est vu ici ait été développé depuis Teotihuacan. Cependant, considérant les échanges culturels et les rencontres entre Teotihuacanais et Mayas, je pense que ces figures ont pu être adaptées à l’image que les Mayas se faisaient de Teotihuacan.

À l’intérieur des figures hôtes énoncées ci-dessus, il est à noter que les petites figurines semblent représenter des déités, ou des symboles de Teotihuacan, utilisés le plus souvent dans d’autres régions pour représenter cette cité (le dieu Papillon, les emblèmes guerriers). Bien que

117 les figures hôtes BIIb2.9 et BIIb1.11 (Figures 37 et 47) soient attribuées, par les chercheurs ou les musées, à la cité de Teotihuacan, il me semblerait plus juste de les ranger dans la catégorie des figures hôtes de style maya-teotihuacanais. Cette décision tient principalement au fait que l’ouverture de ces figures hôtes se trouve sur toute la longueur du corps, et qu’elles contiennent plusieurs figurines. Les figurines centrales sont d’ailleurs plus richement parées que celles se trouvant dans les membres inférieurs et supérieurs. Concernant la figure BIIb2.9 (Figure 37), celle-ci porte des ornements de cou, tout comme ceux qui sont présents sur la figure hôte BIIb2.8, de la région d’Escuintla. Il est intéressant de relever ici que le style de ce collier se trouve également sur l’encensoir de Montana, provenant de la région d’Escuintla (Figure 63). Toutefois, les points en relief décelés sur les épaules de cette figure ressemblent à ceux rencontrés sur la figure AIa1.3, provenant du Michoacán (Figure 24). La figurine intérieure, quant à elle, porte un costume de papillon. Le thème du dieu Papillon a été de nombreuse fois repris dans la région des Hautes Terres à travers différents médias (encensoirs, vases). Nous pouvons donc voir que ce thème, mettant en avant l’un des symboles de Teotihuacan, est présent principalement dans la figure BIIb2.8 (Figure 33) mais également dans BIIb2.9.

Notons que même à l’intérieur de ce style maya-teotihuacanais, il existe une grande variabilité. En effet, la figure hôte BIIb1.11 (Figure 47) est assez atypique puisqu’elle est la seule dont l’extérieur est totalement lisse et dont les figurines intérieures ne semblent représenter que des femmes. Cependant, si l’on tient compte de ses deux traits stylistiques principaux, soit l’ouverture sur toute la longueur du corps et la multitude de figurines internes, on pourrait affirmer qu’elle partage des traits avec les figures du groupe B. D’autres études (par exemple l’analyse chimique des pâtes) pourraient aider à confirmer si elles ont été produites avec les mêmes types d’argiles. Ce qui suggérerait qu’elles ont été produites dans la même région.

La figure BIIb2.8, qui provient de la région d’Escuintla dans les Hautes Terres mayas, est quant à elle la seule à posséder des cheveux. Elle porte de nombreux ornements et se trouve être la plus haute des figures de style maya-teotihuacanais (Tableau 3). La figure BIIb1.10 provenant de Becán dans les Basses Terres mayas, bien qu’elle ait des traits mayas, se rapproche plus des figures de style teotihuacanais en ce qui concerne la simplicité extérieure. Ces figures du groupe B pourraient donc être le reflet de l’adaptation d’un objet étranger à chacun des styles mayas. Ainsi les Basses Terres mayas semblent se rapprocher du style originel des figures hôtes,

118 tout en l’adaptant à leur vision de Teotihuacan. Les Hautes Terres quant à elles, semblent reprendre un support étranger tout en l’adaptant fortement à leurs critères stylistiques. Les différentes régions mayas semblent également être attirées par différents aspects du symbolisme de Teotihuacan. La figure hôte de Becán dans les Basses Terres, utilise principalement les images reliées à Tlaloc, avec les coiffes à pompons et serpents de guerre, tandis que pour les Hautes Terres celles-ci mettent l’accent sur le dieu Papillon.

Tout ceci m’amène à me poser la question suivante : pourquoi cette diversité des formes et des sujets? Il est possible d’utiliser les encensoirs retrouvés dans la région d’Escuintla pour formuler un début de réponse. Les encensoirs provenant de Teotihuacan et datant de la grande période d’utilisation (375-450 DNE) sont très standardisés puisqu’ils étaient le fruit d’une demande de plus en plus forte de la population grandissante (Berlo 1984:130). Cependant, dans la région d’Escuintla, la demande n’était pas aussi forte et la création d’encensoirs était donc unique. Il est possible que les potiers de cette région aient été plus sensibles aux besoins de la population et aient créé les encensoirs pour des besoins rituels locaux (Berlo 1984:132). Il est donc fortement possible que le même comportement se soit appliqué aux figures hôtes et que les potiers aient répondu à des demandes locales pour la création de chaque figure.

En ce qui concerne le contexte des figures hôtes de style maya-teotihuacanais, les deux figures hôtes possédant un contexte ont été retrouvées dans les dépôts civiques et cérémoniels, tels que des caches ou des dépôts de fondation. L’échantillon des figures hôtes retrouvées en contexte est extrêmement mince, malgré cela nous pouvons observer que les contextes dans lesquelles elles ont été découvertes sont différents entre Teotihuacan et les territoires mayas. Sans minimiser l’importance des figures hôtes à Teotihuacan, on peut dire que les étrangers leur accordaient une valeur plutôt politique, plus symbolique lors des cérémonies publiques, puisqu’ils les plaçaient intentionnellement dans des caches. Ces emplacements de choix nous permettent de réaliser à quel point Teotihuacan a frappé la mémoire et l’imaginaire des autres peuples de la Mésoamérique, qui attribuaient à ce centre urbain une place de choix dans leurs propres rituels.

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Conclusion

Je peux donc distinguer deux grands groupes dans les figures hôtes de cette étude. L’un serait de style teotihuacanais (groupe A), et l’autre serait de style maya-teotihuacanais (groupe B). Bien que les figures hôtes semblent être de création teotihuacanaise, nous pouvons voir ici l’adaptation stylistique que chaque culture effectuait sur un objet, lui assignant le rôle d’intermédiaire actif pour la communication et la construction de l’identité sociale et politique. Notons qu’à l’intérieur de chaque groupe une grande variabilité existe, surtout en ce qui concerne le groupe A. Nous retrouvons dans celui-ci des figures articulées, des figures dont les traits du visage sont différents ou dont la position des jambes diffère de l’une à l’autre. Enfin, si je compare le groupe A au groupe B, je remarque que ce dernier n’offre pas autant de variation en ce qui concerne la figure hôte. Au contraire, ce sont les figurines intérieures qui nous offrent une grande variabilité, puisqu’on y retrouve un large éventail de symboles teotihuacanais.

4.4 Que représentent les figures hôtes? Qu’elles ont pu être leurs