V Données clefs sur les NPs de FePt issues de la synthèse nitrile
Figure 10 : Formule chimique de la cystéine
Le processus d’agitation, centrifugation et re‐dispersion est répété trois fois pour s’assurer de l’élimination complète NaCl. Les NPs en suspension dans la solution aqueuse de cystéine, sédimentent en quelques minutes (Figure 11‐a). Dans une seconde étape, le flacon fermé contenant la solution est mis aux ultrasons durant 3 minutes, puis maintenu une nuit à 100°C. Comme on le discutera juste après, cette dernière « étape de stabilisation » assure la dispersion du couple « NPs+cystéine » dans l’eau.
On obtient ainsi une solution colloïdale de NPs stable pendant plusieurs semaines, sans précipitation (Figure 11‐b). Au bout de 2 mois, des amas de NPs commencent à être visibles à l’œil nu. Après 4 à 6 mois, nous observons en solution un seul gros amas en forme d’oursin en suspension qui ne se disperse pas sous agitation manuelle (quelques petits amas sont encore visibles au fond du flacon). Nous pensons, qu’avec le temps, les interactions magnétiques entre les NPs de FePt engendrent cette superstructure. V.1.c. Caractérisation des solutions de NPs de FePt L10
Pour étudier la stabilité des solutions de NPs de FePt obtenues, avant et après « l’étape de stabilisation », la mesure des rayons hydrodynamiques des objets en solution a été effectuée par DLS (dynamic light scattering). Les mesures ont été effectuées sur l’appareil Zeta Sizer Nano ZS, Malvern Instrument avec l’aide de G. Beaune (LETI/LFCM) dans des cuvettes en quartz. Le diamètre des objets en solution avant l’étape de stabilisation (100 nm) est cohérent avec la sédimentation observée. Après le traitement à 100°C, les objets en solution (10 nm) ont un diamètre en accord avec la taille des NPs (4 nm) (Tableau 3). En effet, le rayon hydrodynamique correspond à la taille des NPs, plus la couche de ligands. Cette dernière peut comprendre, suivant le type de ligand/solvant, une ou plusieurs couches de ligand et des molécules d’eau appartenant à leur sphère de solvatation (NPs (3,5 nm) + 2 cystéines ≈ 7 nm, NPs + 3 cystéines ≈ 9 nm). Figure 11: Aspect et évolution des solutions colloïdales de NPs de FePt (a) avant et (b) après l’étape de stabilisation à 100°C pendant une nuit.
L’étape de chauffage à 100°C est essentielle pour assurer la stabilité colloïdale des NPs. En effet, il semble que les objets formés lors de la dissolution du sel soient des amas de « NP + cystéines ». Cette hypothèse est soutenue par les observations au microscope électronique en transmission (MET) réalisées sur le dépôt de NPs en solution avant et après stabilisation (Figure 12). Les amas observés avant stabilisation présentent des diamètres de 50 à 150 nm. Il semble cependant que les NPs ne soient pas en contact physique. Nous pouvons l’attribuer à la présence de ligands, probablement plusieurs sphères de cystéine. Après stabilisation, le dépôt de NPs correspond à une monocouche homogène et auto‐organisée ; résultant d’une bonne dispersion des NPs en solution avant le dépôt.
La répulsion stérique étant fortement réduite avec des petits ligands comme la cystéine, l’agglomération les NPs serait aisée en l’absence de répulsion électrostatique. Le potentiel zeta des NPs en solution confirme la bonne stabilité de la solution colloïdale car il est inférieur à ‐20 mV (Tableau 3). Le signe négatif de ce potentiel nous informe de la charge de surface. Cette information, corrélée au pH de la solution (pH=5) suggère que la cystéine présente la fonction COO‐ vers la solution. En effet, les fonctions de la cystéine à pH=5 sont COO‐, NH3+ et SH 19 (Tableau 4).
Echantillon Position du pic (nm) Aire
(%)
Potentiel Zeta (mV) Caractéristiques
NPs ‐ solvant
Ligand moyenne σ* moyenne σ*
NPs L10 ‐ eau Cystéine 104,3 11,4 100% NPs L10 ‐ eau Cystéine 10,8 1,9 99,6% ‐32,4 2,1 NPs A1 ‐Toluène HDT 12,4 0,8 100% Tableau 3 : mesures du diamètre hydrodynamique, du pH et du potentiel zéta des solutions colloïdales de NPs à différents stade de stabilisation. *déviation standard mesurée. Figure 12 : Images MET réalisées sur les dépôts des solutions (a) avant –image en champ sombre‐ et (b) après stabilisation à 100°C pendant une nuit. Echelle 20 nm.
Dès lors, comment expliquer la formation de ces amas de « NP+cystéine » en solution ? Sachant que la cystéine présente une fonction thiol, qui peut former un pont disulfure en présence d’oxygène, et que ses fonctions amine et acide peuvent interagir par liaisons hydrogènes, on suppose que ces interactions sont favorisées lors de l’étape de centrifugation. Ensuite, casser ces liaisons demande beaucoup d’énergie. On pense que le chauffage à 100°C de la solution permet de les rompre et de « libérer » progressivement les NPs ‐avec leur ligand‐ de l’amas. Nous ne sommes actuellement pas en mesure de justifier cette hypothèse ni de préciser la nature de ces interactions. Les caractérisations IR (§V.3.d) n’ont malheureusement pas donné les informations espérées à ce sujet.
V.2.
Caractérisations magnétiques des NPs en solution et
déposées sur un substrat
Nous allons maintenant présenter les caractéristiques des NPs en solution ou déposées sur un substrat. Nous voulons ici examiner si les propriétés magnétiques des NPs ont été affectées par le traitement de re‐dispersion dans l’eau. Nous pourrions craindre par exemple une oxydation de la surface des métaux au contact de l’eau. V.2.a. Mesures magnétiques Nous avons adapté la préparation des échantillons à chaque cas : « L’oursin » (5 mm environ) est prélevé avec une pipette pasteur dans la solution et déposé sur un substrat de silicium maintenu à 90°C pour accélérer l’évaporation de l’eau restante. Pour s’assurer que celui‐ci ne soit pas décollé ou dégradé lors du montage du substrat sur la paille, le dépôt est maintenu sur le substrat par une colle diamagnétique.
La solution est placée dans un godet suivant le même principe que l’échantillon de NaCl. Avant l’introduction dans le SQUID (régulé à 250K) l’échantillon est plongé dans un bain d’azote liquide. Cette étape évite la démixtion les NPs et du solvant lors d’un gel instantané de la solution et permet de préserver la dispersion des NPs dans l’eau gelée.
Pour les deux échantillons, nous avons réalisé les mesures ZFC et les cycles d’hystérésis à différentes températures (Figure 13). L’échantillon correspondant à la solution de NPs doit être re‐dispersé et gelé à chaque nouvelle mesure pour travailler avec des NPs bien dispersées dans l’eau gelée.
Fonction Forme protonée
pKa Forme déprotonée
Acide ‐COOH 1.8 ‐COO‐
thiol ‐SH 8.35 ‐S‐
amine ‐NH3+ 10.35 ‐NH2
V.2.b. Analyse de la solution de NPs
L’analyse de la courbe ZFC est assez complexe car des phénomènes inhabituels se produisent en solution. Celle‐ci a été découpée en plusieurs zones pour faciliter l’analyse :
En dessous de 200K des NPs dans l’eau ont un comportement tout à fait comparable à celui des NPs dans le sel. La dispersion des NPs en solution gelée est comparable à celle des NPs dispersées dans NaCl. Les NPs sont donc bien isolées les une des autres.
Au‐delà de 200K, l’aimantation du système augmente plus vite que la courbe de référence. Nous pensons que le solvant, ou du moins la couche à l’interface des particules, devenant plus mobile, chaque NP a la capacité d’aligner progressivement son axe d’anisotropie magnétique sur le champ appliqué. Ceci affecte fortement l’aimantation mesurée : à titre d’exemple, la rotation de 5° d’une NP orientée à 80° (10°) par rapport à l’axe du champ, augmentera l’aimantation dans l’axe du champ de 50% (1%).
Ce phénomène s’accélère, comme attendu, à l’approche de la liquéfaction
Une fois que l’eau est liquide, les NPs sont libres de mouvement en solution. Dans cette limite du mouvement Brownien, elles peuvent aligner leurs axes magnétiques suivant le champ et former des structures complexes en solution (chaînes ou autres). Figure 13: ZFC des NPs L10 dispersées dans NaCl (carré rouge), dans l’eau (carré bleu) et déposé sur un substrat (triangle noir). Figure 14: Cycle d’hystérésis des NPs L10 dispersées (a) dans NaCl et (b) dans l’eau.
Les mesures des cycles d’hystérésis s’interprètent dans le même contexte (Figure 14). A 300K, les NPs s’orientent suivant le champ magnétique appliqué. La seule limitation est associée au mouvement brownien, lequel explique certainement la forme de la courbe autour du champ nul. A 200K, les NPs sont à des positions fixes, mais la rotation qu’elles peuvent effectuer sur elles‐mêmes, abaisse le champ coercitif observé.
V.2.c. Analyse du dépôt de NPs sur un substrat
L’allure des cycles d’hystérésis des NPs correctement dispersées dans le sel ou déposées sur un substrat (super‐structure en forme « d’oursin ») est globalement similaire (cycle ouvert). Cependant, les valeurs caractéristiques des courbes, et en particulier le champ coercitif (Hc), sont différentes
(Figure 15). A 200K, Hc des NPs sans interaction (dispersées dans le sel) est de 6000 Oe alors que les
mêmes NPs déposée sur un substrat présentent un Hc de 1000 Oe. Le champ coercitif n’est pas
directement représentatif du champ rémanent moyen de l’assemblée de NPs. Il dépend aussi des interactions entre les NPs qui vont modifier les processus de retournement de l’aimantation. Dans le cas d’une assemblée de macro‐spins comme celles‐ci, les interactions dipolaires sont généralement à l’origine des différences observées. Cependant, l’environnement des macro‐spins et leurs configurations magnétiques peuvent être très complexes et difficiles à interpréter.
De ce faite la formation d’un « oursin » observé en solution, on serait tenté de parler de chaine de NPs qui pourrait idéalement prendre les configurations (→→), (→←), (↑↑) et/ou (↑↓). Sans mesures et méthodes de caractérisation appropriées, nous ne pouvons pas conclure quant aux interactions entre les NPs de FePt L10. V.2.d. Conclusion Nous avons obtenu des NPs de FePt : ‐ stœchiométriques, d’un diamètre moyen de 3,9 nm ‐ chimiquement ordonnées dans la phase L10, et de ce fait avec une température de blocage bien supérieure à la température ambiante (TB=450 K) ‐ formant des solutions stables en milieu aqueux, en présence de cystéine. Ce dernier point constitue l’avancée majeure du travail décrit dans ce chapitre, car de nombreuses perspectives sont ainsi ouvertes, ces particules étant manipulables en vue d’autres étapes de synthèse chimique, ou de processus d’organisation.