V Données clefs sur les NPs de FePt issues de la synthèse nitrile
Figure 3: Intérieur d’un disque dur avec ses différents éléments
IV. Applications pour la biologie
La possibilité de greffer à la surface des NPs, synthétisées par voie chimique, des ligands assurant l'hydro‐solubilité et/ou possédant une fonction biologique a ouvert la voie aux applications des NPs dans les biotechnologies. En particulier, les NPs magnétiques ont su trouver leur place dans ce domaine d’application15,16:
les particules de taille nanométrique peuvent théoriquement pénétrer la quasi‐totalité des entités biologiques (cellule, virus, protéine, ...), grâce à leur taille.
La multi‐fonctionnalisation avec des molécules biologiques adaptées permet aux NPs d’être acceptées par l’organisme vivant, et éventuellement de combiner plusieurs fonctions biologiques sur une même particule. Des NPs magnétiques peuvent être manipulées à distance à l'aide d'un champ magnétique soit : pour les diriger dans le corps (la vectorisation de médicaments) ou en solution (la séparation magnétique) pour échauffer localement le milieu (l'hyperthermie) comme agents de contraste en imagerie par résonance magnétique (IRM).
Dans cette partie, les principales applications biologiques dans lesquelles les NPs de FePt sont ou pourraient être utilisées sont décrites brièvement.
IV.1.
Biocompatibilité
IV.1.a. Biocompatibilité L'utilisation en milieu biologique de NPs constituées de matériau magnétique métallique (alliage de fer ou de cobalt) nécessite qu'elles soient fonctionnalisées pour les rendre biocompatibles (compatible, en accord avec un organisme vivant). Les NPs doivent être stables en solution aqueuse/biologique et elles doivent être furtives, c'est‐à‐dire non reconnues comme étrangères par le système immunitaire, pour ne pas être détruites ou éliminées. Ainsi, des NPs magnétiques ont été rendues biocompatibles soit par un échange de ligands (polyéthylène glycol et dopamine)16 ; soit en les recouvrant par un polymère biocompatible (tel que le PVA, acétate de polyvinyle et le dextran) soit en les recouvrant d'une coquille de silice elle‐même fonctionnalisée par des thiols17. IV.1.b. Greffage spécifiqueAu‐delà de la biocompatibilité, il peut s’agir de reconnaitre spécifiquement un élément biologique d’un autre dans un milieu biologique : c’est le greffage spécifique. La très faible taille de certaines particules magnétiques (jusqu'à 3 nm de diamètre) en fait des objets particulièrement intéressants car elles offrent très peu de surface susceptible de permettre des phénomènes de greffage non spécifique, soit l’adsorption d'espèces biologiques non désirées. En effet une NP ne présente pas ou peu de sites de capture non spécifique à cause de son fort rayon de courbure.
Le premier exemple de capture spécifique de protéines par des NPs de FePt a été donné en 2004 par Xu et al.18. Il s'agissait dans ce cas de récupérer spécifiquement des protéines porteuses de la séquence 6xHis (hexamère d'histidine) parmi un mélange protéique complexe issu d'une lyse cellulaire.
IV.2.
Diriger les NPs avec un champ
IV.2.a. Séparation magnétique
Cette technique consiste à employer des NPs magnétiques dotées de sites de capture (fonctionnalisation de la NP par des ligands spécifiques) pour rechercher spécifiquement dans un mélange une entité biologique (une cellule, une macromolécule, un virus, un antigène…). A titre l’exemple, des NPs magnétiques ‐ d’oxyde de fer19 ou de FePt20 ont été employées pour capturer des bactéries. Le principe repose sur la précipitation, provoquée par le champ magnétique externe, du couple bactérie/NP magnétique. La solution contenant les autres espèces biologiques sans intérêt est évacuée et les bactéries sont ensuite redispersées dans la quantité de solution biologique voulue. Cette technique permet de séparer l’entité biologique d’intérêt et de la concentrer en vue d’analyses (Figure 8‐a).
IV.2.b. Vectorisation de médicaments (délivrance ciblée)
L'utilisation de particules magnétiques pour le transport de médicaments est motivée par la possibilité de les concentrer, à l'aide d'un champ magnétique, dans la seule zone à traiter21. Il serait alors possible de réduire la quantité de molécules actives à injecter et donc de minimiser les effets secondaires liés aux médicaments. En pratique, les molécules actives sont fixées à la surface de particules magnétiques biofonctionnalisées qui sont ensuite injectées au patient par voie intraveineuse. Un fort champ magnétique est utilisé pour concentrer le complexe particules/médicaments dans une zone spécifique (une tumeur par exemple) où les molécules actives sont alors libérées (Figure 8‐b).
IV.3.
L'hyperthermie magnétique
Figure 8: (a) Complexation des bactéries en solution avec des NPs magnétique fonctionnalisées par de la vancomycine (van), (b) Principe de la vectorisation de médicaments.Une application importante des particules magnétiques en biologie concerne le traitement de tumeurs par hyperthermie. Une élévation locale de température est obtenue par dissipation, sous forme de chaleur, de l'énergie dissipée par les particules magnétiques lorsqu'elles sont soumises à un champ magnétique alternatif22. Il est possible de détruire les cellules cancéreuses (l’effet de l’hyperthermie est létal pour la cellule au‐delà de 42°C) quand les NPs magnétiques sont spécifiquement greffées aux tumeurs.
Ce transfert d'énergie des particules magnétiques vers le milieu liquide peut avoir deux origines: la rotation du moment magnétique de la particule (relaxation de Néel) et la rotation de la particule elle‐ même (agitation brownienne)23,24.
Récemment, les avantages des NPs de FePt pour l'hyperthermie a été montré par Maenosono et al.25. En effet, ces auteurs ont montré, à l'aide d'un modèle théorique, que des particules de FePt superparamagnétiques, de tailles supérieures à 6 nm et dans la phase chimiquement désordonnée, possèdent des capacités de chauffage supérieures aux autres particules magnétiques.
IV.4.
Agent de contraste en IRM
L'imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) repose sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire qui correspond à l'absorption de rayonnements électromagnétiques d'une fréquence spécifique par des atomes de spin nucléaire non nul (comme l'hydrogène) en présence d'un fort champ magnétique. L'élément le plus abondant dans l'organisme humain étant l'hydrogène, notamment du fait de l’abondance de l'eau, on utilise en IRM le signal émis par les atomes d'hydrogène pour former l'image correspondant aux différents tissus biologiques. En pratique, l'utilisation d'un fort champ magnétique B0 permet d'aligner le spin des protons de façon parallèle ou antiparallèle à ce champ. L'application d'une onde électromagnétique transverse à B0 et de fréquence égale à la fréquence de Larmor (Ω0=γB0) des protons permet de modifier la direction de leurs spins par absorption résonante. Dès la fin de l'excitation par l'onde électromagnétique, les spins vont retourner à leur état d'équilibre : par un réalignement progressif des spins dans la direction du champ magnétique B0 (temps de relaxation T1) d'une part, et par une disparition rapide de
l'aimantation transversale (temps de relaxation T2) d'autre part. La détermination de ces deux temps
de relaxation, qui sont différents d'un tissu à un autre selon leur richesse en hydrogène, permet ensuite d'imager les différentes parties du corps26. L'utilisation d'agents de contraste magnétique permet de modifier les temps de relaxation T1 et T2, et donc d'augmenter le contraste du tissu où
sont localisés ces agents par rapport aux tissus environnants. La plupart des agents de contraste utilisés en IRM sont des matériaux paramagnétiques tels que des molécules à base de gadolinium(III). Les particules superparamagnétiques présentent une alternative intéressante27 car leur large moment magnétique en présence du champ magnétique B0 perturbe localement l'orientation du spin
des protons via l'interaction dipolaire, et modifie significativement les temps de relaxation T1 et T2.
L'efficacité d'un agent de contraste dépend de son moment magnétique, mais évidemment aussi de sa durée de séjour dans le corps humain. Le temps de présence des particules dans le système sanguin, avant leur accumulation dans le foie et la rate, ou leur élimination par les reins, augmente quand leur taille diminue. L'utilisation de matériaux de forte aimantation à saturation Ms tels que le FePt permettrait de fortement diminuer la taille des NPs tout en conservant un moment magnétique relativement important.
IV.5.
Conclusion
Les NPs de FePt présentent un intérêt certain pour de nombreuses applications dans le domaine de la biologie et de la biotechnologie. En effet, de nombreuses études montrent que les particules de FePt, grâce à leurs propriétés magnétiques particulièrement intéressantes, et à la possibilité de les fonctionnaliser, pourraient être utilisées pour la séparation magnétique, la vectorisation de médicaments, l'hyperthermie magnétique et les agents de contraste en IRM.