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2. Microenvironnement tumoral et cancer ovarien

2.4. Fibroblastes et fibroblastes associés au cancer (CAFs)

2.4.1. Fibroblastes « normaux » et sénescents

Les fibroblastes sont des cellules fusiformes constituant le principal composant cellulaire du tissu conjonctif. Ces cellules sont impliquées dans la régulation de l’homéostasie de la MEC en permettant sa synthèse (collagène, fibronectine et laminine) et sa dégradation (MMPs). Les fibroblastes sont également impliqués dans la régulation de la différenciation épithéliale, de l’inflammation et la guérison des blessures, notamment grâce à leurs fonctions contractiles et leurs effets sur la MEC. Le cancer étant souvent comparé à une blessure qui ne guérit pas, l’étude de l’importance des fibroblastes dans le microenvironnement tumoral se révèle primordiale (Figure 8).

Dans le contexte ovarien, les cellules tumorales stimulent directement l’expression d’uPA dans des lignées fibroblastiques LEP par la libération de facteurs paracrines (FGF-2, HB-EGF, HGF, IGF-1 et IL-1α) ou indirectement par l’induction d’une boucle autocrine de FGF-2 dans ces cellules (131). Comme nous l’avons décrit précédemment, la liaison de l’uPA à son récepteur entraîne des effets pro- inflammatoires et une augmentation de la perméabilité vasculaire dans les tumeurs ovariennes (54). De plus, les interactions entre les cellules tumorales et des fibroblastes entraînent une libération de proMMP-2 et de TIMP-2 par ces cellules. La MMP-2, forme active de la proMMP-2, permet une dégradation de molécules de la MEC et entraîne l’invasion des cellules tumorales ovariennes. Au contraire, la TIMP-2 produite par les fibroblastes inhibe l’activation de proMMP-2 en MMP-2, mettant ainsi en avant le rôle des fibroblastes dans le maintien de l’homéostasie matricielle (132, 133). Bien que ces fibroblastes n’aient pas été clairement définis dans cette étude, il est probable que leur phénotype corresponde à celui des fibroblastes associés au cancer (CAFs) que nous décrirons dans la partie suivante.

Le cancer ovarien est une maladie survenant dans la majorité des cas chez des femmes âgés avec un pic de fréquence de 70 ans. Ce vieillissement est caractérisé par une augmentation du nombre de fibroblastes sénescents capables de favoriser la prolifération cellulaire et la tumorigenèse de cellules épithéliales (134). Dans l’ovaire, la transformation des fibroblastes normaux en fibroblastes sénescents pourrait être initiée par le growth-regulated oncogene 1 (GRO-1) dont l’expression est activée dans les cellules épithéliales ovariennes transformées par Ras et les cellules tumorales ovariennes (135).

En retour, les fibroblastes sénescents sont capables de déclencher la transformation néoplasique de cellules épithéliales partiellement transformées (surexprimant la protéine C-myc) par un facteur sécrété. Bien que ce facteur n’ait pas encore été clairement identifié, des candidats potentiels tels que l’ostéopontine, SDF-1, VEGF, amphireguline, HGF et l’IL-6, tous impliqués dans la régulation des fibroblastes pré-sénescents et sénescents, sont à l’étude (136).

2.4.2. Myofibroblastes et fibroblastes associés au cancer (CAFs)

Parmi les cellules du microenvironnement tumoral, les myofibroblates ou fibroblastes associés au cancer (CAFs) sont les plus abondantes. Bien que ces deux appellations soient régulièrement associées au même type cellulaire, elles correspondent en réalité à deux situations différentes. Les myofibroblastes sont des cellules caractérisées par l’expression de l’α-smooth muscle actin (α-SMA) et initialement retrouvées transitoirement au niveau de blessures et dans des situations d’inflammation chronique. Au sein des tumeurs, les myofibroblastes ou CAFs sont connus pour leur large spectre de fonctions pro-tumorales dont l’activation de la croissance et des processus métastatiques. Malgré la forte hétérogénéité de ces cellules, ainsi qu’une origine et un phénotype discutés, elles sont parfois caractérisées par l’expression de protéines telles que la fibroblast-activation protein (FAP), la desmine et le platelet derived growth factor receptor β (PDGFR-β) (5, 137, 138).

Bien que les CAFs ne soient pas présents dans le tissu ovarien normal, ils sont retrouvés dans les tumeurs bénignes, les cancers ovariens borderline et sont abondants dans les adénocarcinomes ovariens, notamment les tumeurs séreuses de bas et de haut grade (139, 140). Ainsi, quelques travaux se sont intéressés aux interactions entre les cellules tumorales ovariennes et les CAFs (Figure 8).

Les lignées tumorales ovariennes SKOV-3 et OVCAR-3 sont capables de sécréter des exosomes, vésicules membranaires riches en protéines, induisant l’expression d’α-SMA dans les cellules stromales dérivées du tissu adipeux (ADSCs). Ainsi, les cellules tumorales ovariennes seraient capables de modifier leur microenvironnement et d’induire la formation de CAFs à partir de cellules proches des cellules souches mésenchymateuses (MSCs) retrouvées dans le tissu adipeux (141). D’autres travaux montrent que le milieu conditionné par les cellules tumorales ovariennes augmente la quantité d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) dans les fibroblastes, induisant dans ces cellules une augmentation de l’expression de chloride intracellular channel 4 (CLIC4) et une transdifférenciation en myofibroblastes (142). Les cellules tumorales ovariennes sont également capables d’activer des fibroblastes « normaux » (isolés à partir d’omemtum normal) et entraînent leur prolifération et l’expression d’α-SMA par une voie de signalisation dépendant du transforming growth factor-β1 (TGF-β1) (143).

Les cellules tumorales ovariennes sont donc capables de créer un microenvironnement propice à la différenciation de cellules stromales, notamment les ADSCs et les fibroblastes, en CAFs.

En retour, les CAFs sont capables d’agir sur les tumeurs ovariennes et leur microenvironnement. Zhang et al. ont montré que dans les cancers épithéliaux de l’ovaire, une forte proportion de CAFs est corrélée à un stade avancé, une forte probabilité de métastases dans les ganglions lymphatiques et l’omentum, et une augmentation de l’angiogenèse et de la lymphangiogenèse (139). Comme nous l’avons décrit précédemment, des fibroblastes normaux provenant de l’omentum peuvent être activés

en CAFs par les cellules tumorales ovariennes. Ces cellules sécrètent alors du MMP-2 et activent l’expression de HGF dans les cellules tumorales entraînant une augmentation de leur adhésion et leur invasion dans l’omentum (143). Parmi les marqueurs spécifiques des CAFs, FAP semble être un régulateur important du microenvironnement tumoral ovarien et une cible thérapeutique potentiellement intéressante. En effet, sa mise en silence par des siRNA dans des CAFs entraîne une diminution de la prolifération des cellules et de l’expression de gènes marqueurs de cellules souches. Etonnamment, l’inhibition de l’expression de FAP dans les cellules tumorales ovariennes SKOV-3

Figure 8 : Rôles des fibroblastes et CAFs dans le microenvironnement tumoral ovarien

Schéma non exhaustif représentant les rôles connus des fibroblastes normaux, sénescents ou associés au cancer (CAFs) dans la progression tumorale ovarienne. La sénescence des fibroblastes pourrait être induite par la sécrétion de GRO-1 par les cellules tumorales ovariennes et les cellules épithéliales ovariennes partiellement transformées (mutation de Ras). En retour, les fibroblastes sénescents pourraient favoriser la transformation néoplasique de ces cellules transformées. Les cellules tumorales ovariennes sont capables d’induire la formation de CAFs à partir de fibroblastes normaux présents au niveau de l’omentum ou à partir d’ADSCs. Ces CAFs sont capables modifier la composition de la MEC par des régulations sur les MMPs.

n’exprimant pas ce gène entraîne une diminution de la croissance tumorale dans des modèles de xénogreffe chez la souris (144).

Bien que le rôle des CAFs dans le microenvironnement tumoral ovarien ait été peu étudié à ce jour, il semblerait que ces cellules agissent à de nombreux niveaux de la progression tumorale ovarienne.